Abstracts
Résumé
Au cours des 15 dernières années, l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) a organisé une vingtaine d’exercices d’amont ou d’aval sur des projets de planification détaillée, notamment des programmes particuliers d’urbanisme (PPU) ou des plans de développement urbain, économique, et social (PDUES). Ce type de consultation a donné lieu à de nombreuses initiatives innovantes visant à mobiliser le public et l’inciter à participer au débat. Cet article fait le point sur les pratiques de l’OCPM en ce qui a trait à l’engagement citoyen dans la planification du territoire et présente les leçons tirées du passé tant en ce qui concerne l’évolution des méthodes de participation citoyenne que les effets de cette participation sur les projets. En cette période d’explosion des méthodes d’engagement numérique, les auteurs désirent aussi faire ressortir des expérimentations, mises de l’avant à l’Office, jugées porteuses pour la participation et évaluer l’évolution de la participation depuis l’avènement de ces méthodes.
Mots-clés :
- OCPM,
- participation citoyenne,
- délibération,
- consultation numérique,
- urbanisme participatif
Abstract
During the last 15 years, the Office de consultation publique de Montréal (OCPM) has organized over 20 upstream and downstream exercises for detailed planning projects, like special urban planning programs (PPU) or urban, economic and social development planning programs (PDUES). This kind of consultation led to many groundbreaking initiatives to engage in public action and debate. This article assesses the OCPM’s practices related to civic engagement in land-use planning, and presents the lessons learned about the evolution of public participation methods, as well as its effect on the projects. As we are facing an outbreak in numeric involvement methods, the authors wanted to highlight the OCPM’s experimentations which stimulate participation, and evaluate the evolution of public participation since the methods came into use.
Keywords:
- OCPM,
- public participation,
- deliberation,
- numeric consultation,
- participative urban planning
Resumen
Durante los últimos quince años, la Oficina de Consultación Pública de Montreal (OCPM) organizó una veintena de ejercicios precediendo o prosiguiendo proyectos de planificación detallada, especialmente programas particulares de urbanismo (PPU) o planes de planificación urbana, económica y social (PDUES). Tales consultaciones produjeron varias iniciativas innovadoras para movilizar el público incitándole a participar en la discusión. En este artículo se precisan las prácticas del OCPM respecto al compromiso ciudadano en la planificación del territorio y se presenta lo aprendido de la experiencia pasada, tanto en lo concerniente a la evolución de los métodos de participación ciudadana que en los efectos de esta participación sobre los proyectos. En este periodo de explosión de métodos de compromiso digital, los autores desean hacer resaltar las experimentaciones, propuestas por la Oficina, consideradas propicias a la participación y evaluar la evolución de la participación post utilización de esos métodos.
Palabras clave:
- OCPM,
- participación ciudadana,
- deliberación,
- consultación digital,
- urbanismo participativo
Article body
Introduction
La participation citoyenne est un des moyens dont dispose la société civile pour s’impliquer dans la prise de décisions politiques à divers stades de planification et de mise en oeuvre d’un projet. C’est en quelque sorte une forme de redistribution du pouvoir qui permet aux citoyens d’être résolument inclus dans le futur civique, social, économique ou écologique de leur société. À Montréal, plusieurs de ces exercices de planification du territoire ont fait appel à l’expertise de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), une structure permanente de consultation, tiers neutre, chargée de tenir des consultations à la demande du conseil municipal ou du comité exécutif sur tout projet ou règlement modifiant le Plan d’urbanisme de Montréal.
Au fil de ses 15 ans d’existence, l’OCPM a ainsi mené une vingtaine d’exercices d’amont ou d’aval sur des projets de planification détaillée, notamment des programmes particuliers d’urbanisme (PPU) ou des plans de développement urbain, économique, et social (PDUES). Se sont également ajoutés de grands exercices de coconstruction mêlant l’aménagement du territoire et la recherche de la cohérence politique, comme le Plan de développement de la Métropole ou la Stratégie centre-ville. Tous ces dossiers de consultation ont mené à l’élaboration de démarches plus ou moins complexes qui ont fait évoluer les processus de consultation à l’Office ainsi que la participation des publics joints.
Dans les trois parties de cet article, les auteurs, dans un premier temps, présentent l’OCPM et son action, puis jettent un regard transversal sur les éléments communs qui ressortent des consultations concernant des aménagements urbains et sur le suivi fait par l’administration des recommandations qui en ont découlé. Finalement, ils explorent des pistes pour accroître la part d’engagement des citoyens et des acteurs sociaux dans la gestion de la chose publique.
Présentation de l’ocpm
Historique
C’est à l’occasion de la fusion municipale de 2002 que le législateur a mis sur pied, à Montréal, une structure permanente de consultation publique qui traite principalement des mandats en matière d’urbanisme. Cette décision se voulait une réponse à un malaise qui persistait dans la métropole depuis le milieu des années 1990. À cette époque, l’administration municipale avait décidé d’abolir le Bureau de consultation de Montréal (BCM), un organisme créé en 1989 qui menait des consultations publiques ponctuelles présidées par des commissaires désignés par le conseil municipal. À la suite de cette décision, la totalité des consultations sur les modifications en matière d’urbanisme fut confiée à une commission du conseil, la Commission sur le développement urbain de Montréal (CDUM).
Les travaux de la CDUM suscitaient un certain mécontentement au sein de la population. En effet, la Commission ne siégeait qu’à l’hôtel de ville et pouvait examiner, dans la même séance, un grand nombre de modifications au Plan ou à la réglementation d’urbanisme, sans qu’il y ait ni place ni temps pour un exercice authentique de prise en compte de l’opinion citoyenne (Ville de Montréal, 2000 : 33-36).
Pour répondre aux pressions exercées par des citoyens et par le gouvernement du Québec, une commission portant sur l’élaboration d’une politique de consultation en matière d’urbanisme vit le jour, présidée par Gérald Tremblay. En novembre 2000, cette commission remit un rapport dont l’une des recommandations portait sur la création d’un organisme indépendant de consultation qui serait appelé OCPM. Le législateur reprit donc cette suggestion pour l’inscrire dans la Charte de la nouvelle Ville de Montréal lors de l’adoption du projet de loi 170, en décembre 2000, assurant ainsi une certaine indépendance de cette structure par rapport aux élus municipaux, ainsi que la pérennité de l’organisme par rapport à une volonté de l’abolir ou d’en modifier le mandat.
La mission et le mandat de l’Office
Créé par l’article 75 de la Charte de la Ville de Montréal, l’OCPM a pour mission de réaliser des mandats de consultation publique relativement aux différentes compétences municipales en urbanisme et en aménagement du territoire, et à tout projet désigné par le conseil municipal ou le comité exécutif. Ainsi, la Charte de la Ville de Montréal définit comme suit le mandat de l’OCPM :
proposer des règles visant à encadrer la consultation publique faite par une instance de la Ville responsable de cette consultation en vertu de toute disposition applicable afin d’assurer la mise en place de mécanismes de consultation crédibles, transparents et efficaces ;
tenir une consultation publique sur tout projet de règlement révisant le Plan d’urbanisme de la Ville, à l’exception de ceux adoptés par un conseil d’arrondissement ;
tenir, sur tout projet désigné par le conseil ou le comité exécutif de la Ville et à la demande de l’un ou de l’autre, des audiences publiques sur le territoire de la Ville.
Les articles 89 et 89.1 prévoient également que l’OCPM pourra tenir une consultation publique sur tout règlement que le conseil de la Ville pourrait adopter concernant la réalisation d’un projet relatif à :
un équipement collectif ou institutionnel (équipement culturel, hôpital, université, collège, centre de congrès, établissement de détention, cimetière, parc régional ou jardin botanique) ;
de grandes infrastructures (aéroport, port, gare, cour ou gare de triage, établissement d’assainissement, de filtration ou d’épuration des eaux) ;
un établissement résidentiel, commercial ou industriel situé dans le centre des affaires ou, s’il est situé hors du centre des affaires, dont la superficie de plancher est supérieure à 25 000 m2 ;
un bien culturel reconnu ou classé, un monument historique cité conformément à la Loi sur les biens culturels (LQ, c. B-4, 2011) ou dont le site envisagé est situé dans un arrondissement historique ou naturel ou dans un site du patrimoine au sens de la Loi.
La notion de tiers neutre et la construction d’une crédibilité
Largement inspiré par le processus du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), le premier président de l’OCPM, Jean-François Viau, a voulu que, dès sa création, l’organisme soit un cadre neutre dans lequel se fait la consultation publique. Cela signifiait mettre en place un certain nombre de valeurs, de principes et de mécanismes sur lesquels s’est construite la crédibilité de l’institution.
Fondamentalement, l’Office n’a pas d’intérêt dans les questions qui font l’objet des consultations publiques pour lesquelles il est mandaté. Sa présidence est déterminée à la suite d’un concours et d’un vote aux deux tiers du conseil municipal pour un mandat renouvelable de quatre ans. Les commissaires ne sont ni des employés de la Ville ni des élus. Ils sont recrutés sur la base de leur expertise et expérience, mais aussi en fonction des besoins institutionnels. Parmi les critères de sélection des commissaires, en plus de leur formation scolaire ou universitaire, entrent en ligne de compte leur expérience en animation de groupe, en identification et résolution de conflits, leur connaissance des problématiques urbaines, de la Ville et de son fonctionnement, leur capacité d’écoute et leur curiosité d’esprit. Ensuite, sont considérés les besoins institutionnels qui visent à assurer, autant que faire se peut, que la cohorte de commissaires soit elle aussi un microcosme de la société. Parité homme-femme, représentation des diversités (ethnique, linguistique, générationnelle, etc.), complémentarité des expertises sont quelques exemples de ces considérants. Ainsi, une fois par année, à partir d’une liste proposée par la présidence de l’Office, les élus choisissent les commissaires aptes à siéger aux deux tiers des votes du conseil municipal, tout comme pour la présidence. Le mandat des commissaires est généralement d’une durée de trois ans avec possibilité de renouvellement. Les domaines d’expertise des commissaires sont très variés : urbanisme, architecture, sciences sociales, communication, droit, environnement, action communautaire, etc. Toute personne qui agit comme commissaire de l’Office s’engage à remplir son rôle dans l’intérêt public, avec équité, intégrité, dignité, honneur et impartialité, et est soumise au code de déontologie qui couvre, entre autres, la question de l’indépendance des commissaires et de leur devoir de réserve. Les commissaires sont appuyés par un secrétariat composé de huit employés permanents et de ressources ponctuelles selon les mandats. Un budget avoisinant 2 millions de dollars est attribué par la Ville pour son fonctionnement.
Mais, au-delà des personnes, ce sont aussi les processus et leur transparence qui renforcent l’application de la notion de tiers neutre et ajoutent à la crédibilité des consultations menées par l’institution. Le fait d’avoir un mécanisme en deux temps distincts, qui prévoit une séance d’information, un temps de pause durant lequel les participants peuvent se faire une opinion éclairée et ensuite une audition des opinions, constitue le socle de la pratique de l’Office. Toutes les personnes demandant à être entendues le sont, et ce, sans réserve du nombre de journées d’audience. Le processus est prévisible et les règles du jeu connues dès l’annonce de la consultation (figure 1).
Il faut noter que l’OCPM est entièrement maître de ses processus lorsqu’un mandat lui est accordé. Du design des méthodes de consultation à la remise du rapport, qui est automatiquement rendu public dans son intégralité, la commission nommée pour exécuter le mandat est totalement indépendante. Il n’y a aucune communication occulte entre les promoteurs, la Ville et la commission. Toutes les rencontres font l’objet de comptes rendus publics. Toutes les séances publiques sont transcrites et rendues disponibles. Tous les documents versés aux commissaires pour leur permettre d’élaborer leurs recommandations (mémoires, études, etc.) sont publics et accessibles. Le fait que l’Office ne produise pas de rapports minoritaires ou dissidents force un second lieu de délibération au sein même de la commission. La façon dont les rapports sont rédigés, avec une partie distincte qui rend compte des opinions entendues, et une partie d’analyse de la commission qui doit absolument se baser sur les propos entendus puis argumenter les raisons menant à ses recommandations, facilite pour les participants, la compréhension du cheminement du raisonnement des commissaires. C’est cette combinaison de transparence, de prévisibilité des méthodes et d’indépendance qui devient en quelque sorte, pour les participants, le garant de la neutralité de l’institution.
Typologie de la participation citoyenne à l’OCPM
Rappelons ici certaines bases théoriques qui guident les choix méthodologiques de l’OCPM. Sherry R. Arnstein (1969) fut l’une des premières à proposer une typologie de la participation citoyenne se déployant sur une échelle à huit niveaux selon le pouvoir que les citoyens exercent sur la décision, allant du pouvoir passif (manipulation, thérapie) jusqu’au pouvoir réel (partenariat, pouvoir délègué, contrôle citoyen) (Arnstein, 1969, dans Blondiaux et Fourniau, 2011).
Cette typologie a été maintes fois actualisée au fil des ans par plusieurs auteurs qui ont tenté d’y inclure des éléments de gouvernance débordant le cadre institutionnel de la décision gouvernementale. Gene Rowe et Lynn J. Frewer en 2005 ont introduit des dimensions plus interactives dans leur modèle, distinguant trois types de participation selon l’engagement des citoyens et l’intensité des interactions entre ceux-ci et les mandataires de la consultation, à savoir la communication publique, la consultation publique et la participation publique (Rowe et Frewer, 2000). La communication publique se résume à rendre disponibles les informations à la population concernée. Il s’agit d’une communication univoque de type top-down vers les citoyens. L’engagement de ces derniers se résume à s’approprier les informations qui leur sont destinées.
Toujours selon le modèle de Rowe et Frewer (2005), la consultation publique, quant à elle, cherche à recueillir les opinions de la population sur un projet donné. Considéré aussi comme une communication univoque, ce mode de participation permet aux citoyens de faire part de leur opinion et d’être entendus, sans forcément avoir à confronter leurs idées à celles des autres et sans réelle obligation pour l’administration de rendre compte des liens entre ses décisions et les opinions recueillies.
La notion de participation publique, aussi appelée participation délibérative, renvoie à la conversation et, plus largement, au dialogue en vue d’établir des consensus. En plus des phases d’information, point de départ de la participation citoyenne puisque sans elle le citoyen pourrait difficilement émettre une opinion éclairée, les participants sont aussi invités, à différents moments, à discuter et à argumenter diverses positions, à proposer des consensus ou des arrangements en vue de faire émerger des solutions socialement acceptables et des politiques plus légitimes. Divers mécanismes, tels les conférences de consensus, les jurys ou panels citoyens ou les communautés de pratique, s’appuient sur ces notions pour passer d’une démocratie marquée par les droits individuels et les opinions polarisées (I want) à une démocratie plus forte où les opinions et les décisions seraient davantage orientées vers le bien commun (We will) (Barber, 2003 : 200).
Aux trois modes de participation proposés par Rowe et Frewer (2005), Christian Boudreau et Daniel J. Caron (2016) proposent d’en ajouter un quatrième, qu’ils nomment la participation collaborative, notion développée par Beth Noveck (2004 ; 2009) (Boudreau et Caron, 2016 : 160). Il s’agit du processus selon lequel les autorités cherchent à mettre à contribution des citoyens et autres acteurs de la société sur la base de leurs compétences ou expériences, en vue de l’amélioration des politiques et des services :
Bien qu’ayant des points communs avec la participation délibérative (par exemple, la réciprocité et la confiance entre les participants), la participation collaborative s’en distingue par sa mécanique et sa finalité. […] On ne cherche pas tant à amener des citoyens à dialoguer et à trouver des terrains d’entente, qu’à solliciter les connaissances spécialisées de certains d’entre eux en vue de trouver des solutions originales et concrètes à des problèmes complexes
Idem : 160-161
La pratique de l’OCPM dans les dossiers d’aménagement du territoire fait appel tour à tour à plusieurs de ces types de participation selon l’état de la décision et le pouvoir d’influence réel des citoyens sur le projet (figure 2). Au fil de ces expériences, le choix des processus préconisés s’appuie sur l’arbre de décision suivant.
Soutenus par divers mécanismes et techniques de participation citoyenne, ces choix doivent refléter l’évolution de la société montréalaise quant à la qualité de la contribution citoyenne et concilier l’exigence toujours plus grande d’accroître l’engagement tout en maintenant des règles internes de transparence et de rigueur qui habilitent et justifient les recommandations de l’Office.
En observant la figure 2, on remarque que la première colonne à gauche décrit dans la réalité un processus en amont, dans lequel sont possibles des activités de réflexion sur l’éventuelle décision à prendre. En d’autres mots, pour l’OCPM, les processus d’amont sont ceux où il n’y a pas de projet concret sur la table. Ces consultations publiques arrivent avant l’élaboration d’un projet par le promoteur ou l’administration municipale. Les autres colonnes correspondent plutôt à des processus en aval de l’élaboration d’un projet, qu’il s’agisse d’un projet immobilier, d’un projet de programme particulier d’urbanisme (PPU), ou encore d’un projet de stratégie de développement économique.
Les différentes activités de consultation dans les démarches d’amont et de bonification
Les démarches de consultation sur les projets de planification et d’aménagement du territoire sont généralement plus élaborées et comprennent plus d’activités que les processus de consultation traditionnels portant sur des projets bien définis et circonscrits. Comme le montre bien la figure 2, dans l’élaboration des processus, chacune des activités menées par les commissions de l’OCPM alimente le contenu de la suivante afin de bien intégrer l’information et les suggestions fournies par les participants.
La démarche débute généralement avec une tournée de préconsultation qui consiste à rencontrer des acteurs-clés du milieu afin de présenter la démarche élaborée, de valider les enjeux définis et d’alimenter les étapes subséquentes de la démarche en utilisant les réseaux de contact des groupes, organismes et institutions rencontrés. Les acteurs choisis pour ces rencontres dépendent des enjeux de chacun des mandats (groupes environnementaux, table de concertation, société d’histoire, ministère, agence gouvernementale, entreprises et sociétés de développement commercial du secteur, etc.). Cette première étape est parfois accompagnée d’un questionnaire en ligne qui permet de compléter la validation des enjeux en réalisant un portrait de la situation actuelle. Les questionnaires en ligne sont aussi utilisés plus tard dans les démarches afin de prioriser des actions ou de tester des scénarios.
Les ateliers créatifs ont été mis sur pied pour la première fois à l’OCPM dans le cadre de la consultation publique en amont de la rédaction du PPU du secteur d’emploi du Plateau Est (2014-2015). Ils sont l’occasion pour les participants de discuter, entre eux, des éléments à améliorer dans leur quartier. À l’aide d’une carte et d’objets de maquette comme des vélos, des voitures, des camions, des autobus, des arbres, des bâtiments résidentiels, institutionnels, commerciaux et industriels, les participants proposent des solutions pratiques aux enjeux soulevés. Dans le but de joindre le plus grand nombre de résidents, les ateliers ont lieu, dans la mesure du possible, dans les milieux de vie concernés, comme des résidences pour personnes âgées, des maisons de jeunes, des centres de loisirs. Une version utilisant des « marqueurs » de réalité augmentée a été utilisée dans le cadre de la consultation sur l’avenir du secteur d’emploi du Plateau Est. Une synthèse des résultats des ateliers est généralement présentée par l’OCPM au moment de la séance d’information afin d’alimenter la réflexion des participants pour la suite du processus.
Des tables rondes thématiques sont aussi organisées dans le cadre des consultations sur des projets de planification du territoire afin de mettre à niveau les connaissances des participants sur la démarche de consultation, de creuser les enjeux du territoire définis aux étapes précédentes et de faire émerger des éléments de vision ainsi que des défis à relever. Une synthèse de ces rencontres est aussi généralement présentée par l’OCPM au moment de la séance d’information.
Les activités de type ateliers créatifs et tables rondes thématiques constituent en quelque sorte une étape intermédiaire entre la préconsultation et les séances d’information. Ces activités permettent aux participants de rendre plus concret pour leurs concitoyens l’objet de la consultation, qui consiste généralement en l’élaboration d’une vision et de grandes orientations, éléments difficilement tangibles pour la plupart des publics visés. Une synthèse de ces rencontres est généralement présentée par l’OCPM au moment de la séance d’information afin de donner un point de départ à la réflexion de ceux qui n’y auraient pas participé.
Les séances d’information des processus de consultation sur les dossiers de planification du territoire se transforment en activités publiques de rencontre et de discussion. Elles prennent différents noms : colloque, forum public, portes ouvertes, grand rendez-vous. En plus des présentations faites par les services de la Ville et la période de questions, ces activités comprennent des panels d’experts, des miniconférences, des stands d’information, des expositions. Ces activités sont organisées avec l’objectif d’outiller les participants sur les différents thèmes liés à la consultation, de nourrir leur réflexion et de stimuler les échanges afin de permettre des prises de position éclairées de leur part.
L’audition des opinions a lieu au minimum trois semaines après la première séance d’information. Elle est l’occasion pour ceux qui le désirent de donner leur avis sur l’objet de la consultation et de faire des propositions d’aménagement. Par exemple, en plus de l’option en ligne mise en place pour la consultation sur la Stratégie centre-ville, les participants ont eu trois possibilités pour donner leur opinion. Ils pouvaient le faire par écrit en envoyant un texte à la commission, en personne oralement en venant expliquer leur point de vue à la commission au moment des séances publiques, ou combiner les deux en envoyant un document écrit et en venant le présenter devant la commission. Les deux dernières façons de faire permettent à la commission d’échanger avec les participants et d’approfondir certaines idées ou propositions émises par eux.
La figure 3 montre bien que les processus de consultation de l’OCPM ont évolué et se complexifient. À la consultation publique traditionnelle en trois étapes (en vert sur la figure) se sont ajoutées des activités comme les ateliers créatifs ou les questionnaires en ligne, selon les mandats. La rétroaction des décideurs sur les recommandations émanant de consultations n’est pas encore une pratique répandue ou systématisée pour toutes les consultations. C’est néanmoins un enjeu important pour assurer que la participation soit utile et influence le résultat final, le projet.
Retour bilan sur l’expérience
L’expérience de l’OCPM couvre plus de 140 exercices divers de consultation publique entre 2002 et 2017. Près de 60 % d’entre eux ont porté sur des changements à des règlements municipaux pour permettre la réalisation de projets immobiliers. De la politique culturelle à l’opération Carte Blanche, qui visait à sonder les désirs des Montréalais pour le 375e anniversaire de leur ville, plusieurs projets de politique ou exercices de vision ont aussi été soumis en amont ou en aval de décisions politiques à la contribution citoyenne. Finalement, 16 % des mandats effectués portaient sur des projets d’aménagement ou de planification du territoire. La variété des dispositifs développés a permis la participation de plusieurs dizaines de milliers de citoyens et suscité 3943 contributions sous forme de mémoires écrits ou de présentations orales lors des séances d’audition des opinions (OCPM, 2017).
Les prochaines sections visent à dégager les grandes tendances eu égard à l’importance et aux effets de la contribution citoyenne en matière de planification et aménagement du territoire.
Présentation synthèse des exercices de consultation
Aux fins de la présente analyse, nous avons retenu 14 dossiers de consultation pour lesquels des données ont été compilées sur des projets de planification du territoire réalisés à Montréal entre 2008 et 2016. D’abord, les consultations menées en aval par l’OCPM sur cinq PPU [1] et un PDUES : [2]
PPU des Grands jardins
PPU Sainte-Marie
PPU Quartier latin
PPU Griffintown 2
PPU Quartier des gares
PDUES Marconi-Alexandra
Dans tous les cas, il s’agissait d’exercices de planification portant sur un territoire donné, avec un document de consultation qui émanait de l’administration municipale et visait, notamment mais pas exclusivement, des modifications au Plan d’urbanisme de Montréal.
Nous avons également retenu les sept consultations d’amont dont l’objectif était de proposer à l’administration municipale les bases d’un PPU, d’une proposition de planification particulière ou d’un PDUES :
Le secteur des ateliers du Canadian National (CN)
Namur–Jean-Talon
Griffintown 1
Quartier Bonaventure
Saint-Raymond
Plateau Est
Quartiers avoisinant Turcot
Dans ces cas, les consultations étaient effectuées avant même que des orientations précises pour l’utilisation ou la requalification du territoire n’interviennent, et le document accompagnant la consultation consistait davantage en une description sommaire des caractéristiques et enjeux propres aux quartiers visés. Il revenait ensuite à des citoyens et aux parties prenantes de proposer au grand public un certain nombre de scénarios lors de diverses activités prospectives ou créatives.
Finalement, nous avons retenu le projet de la Stratégie centre-ville à cause de son caractère englobant, qui réalise en un certain nombre de chantiers et d’axes de développement, une synthèse de plusieurs exercices de planification menés précédemment, enrichie d’un énoncé de vision pour l’avenir du territoire. Le tableau 1 démontre clairement l’évolution de la participation grâce à la diversification des méthodes et de l’introduction de dispositifs en ligne.
Le tableau 1 ne traduit toutefois pas toute la richesse des débats et des contributions. Chaque consultation s’inscrit dans un contexte particulier et comporte ses propres spécificités. Néanmoins, on peut tout de même dégager certaines constances à travers les messages reçus des citoyens depuis une dizaine d’années, non seulement en ce qui a trait aux dossiers à l’étude, mais également pour les principaux dossiers qui ont fait l’objet de consultations publiques menées par l’OCPM. Ces messages reflètent certaines valeurs renvoyant à la vision que ces Montréalais ont de leur ville. Trois principales valeurs en ressortent : la convivialité, la solidarité et la cohérence.
Appliqué à la ville, le concept de convivialité décrit les rapports positifs recherchés entre le milieu bâti et les personnes qui y vivent. Il traduit, au moins en bonne partie, la vision du quartier auquel les citoyens aspirent. Mixité des fonctions, convivialité des déplacements, disponibilité d’équipements collectifs et respect des principes de développement durable sont largement réclamés. De plus, à la lecture des opinions exprimées dans les divers rapports de consultation, il ressort assez clairement que, pour les participants, un quartier convivial est aussi un quartier solidaire. On veut qu’il y ait de la place pour toutes les couches sociales. Outre la mixité des fonctions évoquée plus haut, on y préconise la mixité sociale, particulièrement dans le domaine du logement.
Déjà en 2009, dans une analyse effectuée par l’Office, sur 32 dossiers de consultation de la période 2006-2009, la cohérence était une valeur phare des contributions citoyennes (OCPM, 2010) Cette recherche de cohérence passait principalement par la volonté de s’assurer que les projets s’intègrent le mieux possible dans leur environnement bâti. Dans le cas des dossiers de PPU étudiés dans le présent cadre, on constate que la cohérence est toujours bien présente, mais sous d’autres formes. Pour les procédures d’amont, elle se traduit par la volonté de se doter d’une vision intégratrice qui guiderait l’aménagement d’un milieu, l’élaboration de principes clairs à la base de cette vision et l’effort de concordance avec les politiques municipales en vigueur. Pour les procédures d’aval, la cohérence évoque plutôt l’examen des arrimages jugés souhaitables entre, d’une part, les orientations proposées par le PPU, et de l’autre, les objectifs et les mesures censées en découler. Dans les deux cas, la planification locale est considérée par les acteurs du débat public comme un moyen de rechercher une meilleure cohérence entre l’ensemble des composantes présentes non seulement à l’échelle du quartier, mais également avec les territoires limitrophes.
Les suivis : tout ça pour quoi ? Analyse des suivis des recommandations et facteurs qui influencent les résultats
Pour les chercheurs Janssen et Kies (2005), le sentiment de ne pas avoir d’effet sur la décision finale tend à freiner les ardeurs des citoyens dans leurs engagements futurs. Si on regarde les courbes générales de participation aux consultations menées par l’OCPM, on constate que le nombre de personnes qui s’expriment a nettement tendance à croître. Toutefois, l’introduction systématique de la rétroaction dans la boucle de consultation publique n’est pas encore un réflexe pour l’ensemble de l’administration, à Montréal. L’OCPM met toutefois systématiquement en ligne les suivis donnés à ses rapports lorsqu’ils existent.
Le suivi fait par l’administration municipale consiste généralement en une grille compilant les recommandations du rapport de l’OCPM et les actions prises ou à prendre par un ou des services de la Ville. Si la décision est de ne pas suivre la recommandation, dans la majorité des cas, une justification est incluse (tableau 2).
Le pouvoir d’influence du citoyen, une caractéristique de l’action de l’OCPM
Comme le montre le tableau 2, des 14 projets analysés, on se rend compte que seulement 6 ont fait l’objet d’une rétroaction formelle, alors qu’un projet d’amont, l’avenir du secteur d’emploi du Plateau Est, en est encore à la phase de rédaction de la prochaine étape du projet. Cette version permettra aux citoyens de mesurer leur pouvoir d’influence sur le projet final. Les grilles de suivi réalisées par l’administration municipale qui font office de rétroaction pour les sept dossiers présentés dans le tableau montrent que la majorité des recommandations de l’OCPM sont suivies. Entre 65 % et 92 % des recommandations de ces dossiers ont été appliquées, soit en modifiant le projet présenté après la sortie du rapport de consultation, soit en intégrant les recommandations au projet à venir dans le cas des consultations d’amont.
Dans les dossiers qui ont fait l’objet d’une grille de suivi, les recommandations qui ne sont pas retenues touchent généralement des enjeux qui s’évaluent ou devraient être traités de manière plus large que dans le cadre d’un document de planification du territoire. Trois principales raisons de ne pas donner suite aux recommandations sont alors évoquées par l’administration.
Il peut arriver que certaines recommandations nécessitent des bilans ou des études de faisabilité plus approfondies ou que l’objet de la recommandation soit déjà en élaboration avec une orientation autre, sans que la commission ou l’Office en ait été informé (ex. : révision d’une politique ou élaboration d’un plan local de déplacement).
L’application de la recommandation échappe au champ de responsabilité de la Ville et est du ressort, par exemple, des gouvernements provincial ou fédéral ou d’autres organisations comme la Société de transport de Montréal.
Il arrive aussi que le manque de ressources humaines ou monétaires, ou encore des divergences d’opinions, justifient que certaines recommandations des rapports de l’OCPM ne soient pas mises en oeuvre.
Aucun retour de l’administration : pourquoi ?
L’analyse des dossiers qui ne font pas, de la part de l’administration, l’objet d’un retour sur les recommandations est aussi une précieuse source de renseignements pour mieux comprendre où se situe le pouvoir d’influence du citoyen. Des huit dossiers n’ayant pas fait l’objet d’une grille de suivi des recommandations, six étaient des consultations d’amont. On pourrait arguer que les étapes subséquentes du projet déjà soumis ou à soumettre à de nouvelles consultations publiques, comme Griffintown 2 ou le Plateau Est, font l’objet de suivi puisque les citoyens peuvent retrouver dans la mouture du projet de PPU les suites données aux opinions émises. Une telle analyse est satisfaisante lorsque la volonté citoyenne s’est incarnée dans le projet final. Dans d’autres cas, comme Namur–Jean-Talon, il peut être plutôt démobilisant pour le citoyen de ne pas constater de corrélation entre le projet adopté par l’administration municipale et le résultat de l’exercice de consultation en amont.
Une autre explication du manque de rétroaction se trouve aussi dans la temporalité des exercices de consultation. Par exemple, la consultation d’amont sur le quartier Saint-Raymond, en 2012, a été demandée par un élu et pilotée par des fonctionnaires qui n’étaient plus en place en 2013. Ce changement d’équipe politique et administrative pourrait-il expliquer l’abandon du projet qui avait mobilisé beaucoup d’énergie et suscité beaucoup d’espoir au niveau local ? On ne peut pas statuer de façon claire. Toutefois, une chose demeure certaine : la rétroaction doit constituer une partie intégrante du processus de consultation si une administration veut vraiment mettre à contribution l’intelligence collective dans l’élaboration de ses cycles de planification ou de ses politiques publiques.
Regard sur l’accroissement de la participation
La citoyenneté urbaine d’aujourd’hui, à l’image de la ville moderne, se décline sur plusieurs registres : culturel, environnemental, religieux, de classe sociale, etc. Cet état de fait influence radicalement la construction des consensus sociaux. Leur élaboration demande de constants arbitrages et des solidarités fortes qui ne sont pas toujours faciles à réaliser dans une société de moins en moins homogène. Dans ce contexte, la consultation publique, lorsqu’elle suscite une large participation, permet la mise en présence d’une pluralité de points de vue. Elle facilite le débat, contribue à établir les convergences et les consentements.
Pour penser une ville inclusive, il faut que les processus soient inclusifs et non seulement qu’ils favorisent la prise en compte des réalités multiples, mais assurent que ces réalités soient présentes et exprimées à toutes les étapes de la chaîne de décision : de la conception des projets à la prise en compte de la contribution citoyenne. Les mandats de consultation publique deviennent donc aussi, en partie, des opérations de mobilisation de la population qui demandent des analyses fines pour déceler les groupes potentiellement sous-représentés et trouver des façons de les joindre.
Dans un souci d’optimisation de ses pratiques, la direction de l’OCPM compile donc de plus en plus d’information sur la participation aux consultations publiques et se réinterroge constamment sur l’accessibilité de ses processus. Par exemple, en analysant la participation aux séances d’audition des opinions des principales consultations ayant eu lieu à l’OCPM durant les années 2011 à 2015, on s’aperçoit que 43 % des opinions individuelles sont exprimées par des femmes et que seulement 36 % des mémoires présentés par des organisations ou des groupes le sont par des femmes. On remarque également que certains sujets attirent plus les femmes. Quasi absentes dans les consultations sur les projets immobiliers, celles-ci participent en grand nombre (50 % à 67 %) à tout ce qui est en lien avec l’éducation (construction et conversion d’écoles, nouvelle utilisation de terrains scolaires), aux consultations ayant des impacts sur la santé et la qualité de vie (traitement des matières organiques, agriculture urbaine…) et à celles qui concernent des revitalisations de quartiers démunis. Une des solutions explorées par l’Office pour accroître la participation des femmes a été d’offrir un service de garde en marge des séances d’information. Certaines consultations ont également permis d’expérimenter des méthodes « alternatives » de participation, comme des ateliers ou des débats citoyens où l’on intervient en petits groupes plutôt que selon la formule traditionnelle, très formelle. Ces expérimentations, qui n’en sont qu’à leur balbutiement, permettent déjà de constater des résultats tangibles.
Les facteurs influençant la participation, dans les mandats de consultation de l’OCPM
Appliquée à l’ensemble du corpus d’expériences de l’OCPM (environ 140 consultations), cette analyse fait émerger, de façon empirique, 6 facteurs qui semblent avoir un effet sur les niveaux de participation.
Le rayonnement du projet proposé et son niveau de controverse
Certains sujets sont plus porteurs de participation que d’autres, soit à cause du nombre de personnes directement touchées par le projet, soit parce qu’ils suscitent des controverses, donc génèrent des points de vue tranchés entre divers groupes. Pareillement, un projet métropolitain générera, en nombre absolu, une plus grande participation qu’un projet local pour lequel la population potentiellement concernée est plus réduite. Une consultation comme celle de la Stratégie centre-ville a suscité une plus grande participation qu’une consultation sur un PPU comme celui du quartier Sainte-Marie, par exemple, en raison du nombre de personnes qu’elle interpelle et de son effet structurant sur le devenir métropolitain.
Niveau de mobilisation des groupes concernés
Pour certains thèmes de consultation, il existe des groupes actifs qui ont la possibilité de joindre de grands nombres de personnes. Les questions environnementales ou de transport, par exemple, incitent plusieurs réseaux bien organisés à faire entendre leurs positions. De même, les quartiers dotés de longs historiques de revendications sociales et où le mouvement communautaire est très structuré sont généralement des milieux propices à la mobilisation sur les enjeux locaux.
La nature réglementaire du mandat
De l’expérience de l’OCPM, pour accepter de consacrer une partie de leur temps à une démarche de consultation, les gens doivent avoir la conviction que leurs efforts seront utiles et que le projet est encore modifiable. Le degré d’influence que les citoyens perçoivent avoir sur le projet est donc un incitatif à la participation. Les mandats qui découlent d’un projet précis ont souvent des démarches dont certaines étapes sont balisées par des lois ou règlements. En chiffres absolus, ces mandats génèrent une participation moindre que les mandats en amont qui cherchent plutôt à générer des idées. Ces derniers sont souvent plus créatifs et les modes de participation plus flexibles. Par conséquent, ces processus sont souvent perçus comme plus accessibles.
La diversité des possibilités de participer
En multipliant les moments et les lieux de participation, l’OCPM souhaite offrir un accès plus facile aux démarches de consultation. Ainsi, des séances d’information en plusieurs lieux et dates sont parfois organisées pour permettre la participation de différents segments de la population. Le recours à des plateformes numériques, à des activités contributives autogérées ou à des ateliers dans les milieux de vie, parce qu’il permet aux citoyens d’émettre leur opinion à des moments divers du processus, a tendance à favoriser l’augmentation et la diversification de la participation.
Les efforts de communication de l’OCPM
Les moyens traditionnels de communication de l’OCPM sont l’avis public publié dans les médias, les communiqués de presse, la publicité dans les journaux locaux et les dépliants distribués de porte en porte. Avec l’éclosion des médias numériques, se sont ajoutés une page web, le recours aux réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram) et une liste de diffusion par courriel.
Empruntant aux techniques de marketing social, l’Office réalise également de plus en plus systématiquement une cartographie des parties prenantes, qui cible de façon précise des groupes de citoyens à joindre pour considérer que la consultation est une réussite. Ensuite, de façon variable et selon les mandats, des exercices de relations de presse et des efforts particuliers de contacts directs avec des têtes de réseaux sont réalisés pour tenter d’atteindre ces groupes. Bien qu’une analyse de la performance de chaque médium reste encore à faire, la publication sur les réseaux sociaux est l’opération qui semble donner le plus de résultats, mobiliser le plus de participants, et ce, à coût très faible.
Au-delà des moyens techniques, l’OCPM a également déployé des efforts pour utiliser un vocabulaire accessible et vulgariser la description des mandats et des démarches. Des polices de caractères aux présentations graphiques, ces efforts de communication accessible visent à permettre de retrouver rapidement l’information pertinente et à démystifier le niveau d’effort à consentir pour apporter une contribution signifiante.
Les outils de participation
La démarche traditionnelle formelle de l’OCPM a souvent été comparée à un tribunal avec une commission qui siège en avant de la salle d’audience, le citoyen présentant son opinion, placé au centre et le public à l’arrière. Cette approche favorise les personnes qui sont plus habiles à intervenir oralement en public et intimide souvent ceux qui manifestent plus de réserve ou ont moins d’expérience. Il est aussi possible de déposer une opinion écrite sans avoir à la présenter, mais cet exercice est perçu, lui aussi, comme demandant des capacités particulières (de rédaction) et de la disponibilité. C’est pourquoi, dans ce contexte, ce sont des groupes organisés, des universitaires et, de façon générale, des personnes ayant un niveau d’instruction supérieur à la moyenne qui transmettent près des deux tiers des opinions reçues.
Divers types d’animation ont également été expérimentés au cours des trois dernières années. Ainsi, l’Office a pu constater que des méthodes qui favorisent les interactions en petits groupes (cafés de conversation ou world cafés, jeux de rôles, débats citoyens, marathons créatifs, etc.) permettent d’accroître la participation et touchent des personnes qu’on ne verrait pas dans les démarches traditionnelles.
Les outils numériques aussi rejoignent un plus large groupe de citoyens. Ils sont utilisables sur une diversité de plateformes (ordinateurs, tablettes, téléphones) et permettent des interventions plus courtes sans qu’il y ait besoin de se déplacer. L’obligation de devoir s’identifier ou de se créer un profil pour contribuer en ligne permet aussi d’explorer des méthodes de relance des débats par les commissaires pour favoriser une communication bidirectionnelle, similaire, dans son essence, à la participation en présentiel.
L’évolution de la participation pour les dossiers de planification du territoire
À cause du très petit nombre de dossiers qui font l’objet de cet article, il est difficile de transposer ces observations empiriques sur les seuls processus de planification du territoire et d’évaluer l’influence relative de ces six facteurs sur la participation aux exercices. Comme le démontre le graphique ci-dessous, la participation est variable et il est difficile d’en dégager des constantes (figure 4). Chaque cas étant unique, il apparaît risqué d’effectuer une comparaison entre les dossiers pour tenter de tirer des conclusions signifiantes. Néanmoins, on peut faire quelques constats et poser quelques questions.
Il est clair que, depuis 2015, les processus numériques ont eu un effet catalyseur sur la participation. La publicité sur les réseaux sociaux et les questionnaires en ligne aident aussi de façon manifeste la consolidation de la participation en présentiel.
Qu’en est-il de la diversité des participants ? Les données nous indiquent deux choses : les dossiers de planification du territoire représentent 16 % des mandats de l’Office, mais produisent 23 % des opinions / mémoires reçus. En moyenne, près des trois quarts des mémoires acheminés pour ces mandats ont été élaborés par des organisations communautaires, des tables locales de concertation, des organismes qui militent dans le domaine du logement, des promoteurs, des firmes de consultants, des experts universitaires ou des spécialistes de diverses disciplines.
Toutefois, comme on peut le voir dans le tableau 3, la multiplication des outils et des occasions de participation semble augmenter nettement la proportion des citoyens et des groupes ad hoc de citoyens qui expriment leur opinion. On peut le constater, par exemple, pour la Stratégie centre-ville et les quartiers avoisinant Turcot. Le cas de la Stratégie centre-ville est particulièrement parlant, puisque ce mandat marque l’introduction des mini-mémoires, qui sont en fait des invitations en ligne aux citoyens à répondre en une page à des questions précises de la commission sur des objets de la consultation. Les règles d’identification des participants et des sources des contenus sont les mêmes que pour les autres types de participation. Le nombre de réponses obtenues suggère une piste intéressante de développement pour stimuler la participation et favoriser l’expression des citoyens.
Avec la diversification des modes de participation, le processus traditionnel de dépôt et d’audition des mémoires voit son poids numérique réduit. C’est donc dire que, par-delà les dépôts de mémoires, les participants ont l’impression d’avoir d’autres moyens valides pour exprimer leur point de vue.
Renverser la responsabilité de la représentativité : le nouveau paradigme de l’OCPM
On constate aujourd’hui que des citoyens divers se regroupent de plus en plus dans des forums sur le Web pour partager toutes sortes d’expériences et de connaissances : découvrir les ressources d’un quartier, aménager un coin de verdure, résoudre des problèmes de circulation… On fait appel à l’intelligence collective pour que des marchands installent leurs commerces en se basant sur les notions de commerce de proximité et de quartiers complets, vivants et conviviaux. Certains promoteurs immobiliers conçoivent des immeubles sur la base des résultats d’un exercice de concertation avec les populations riveraines. Avec l’avènement de la ville intelligente, on pense pouvoir rapprocher les lieux de consultation des milieux de vie des gens.
Pour ce faire, les méthodes de mobilisation des participants doivent s’adapter aux nouvelles réalités de nos citoyens. La question de la représentativité des participants à un processus de consultation revient souvent. La perpétuelle tension entre la valeur à accorder à l’opinion du citoyen expert, du groupe de pression ou de l’association, versus celle du citoyen lambda est aussi une préoccupation récurrente.
L’un des meilleurs moyens de contrer le scepticisme par rapport au processus de consultation publique est de s’assurer que l’ensemble des parties prenantes, des personnes et des groupes touchés par un projet aient l’occasion de s’exprimer. De plus en plus, l’OCPM ajoute une cartographie des participants potentiels, dans son design de consultation. Qui sont les gens ou les groupes qu’on souhaite absolument joindre ? Où sont-ils sur le territoire ? Quelles sont leurs habitudes ? Quelles sont leurs contraintes de temps, d’horaire, d’accès ? Ont-ils un travail ? Ont-ils des enfants ? Ont-ils des problèmes de littératie, de compréhension de la langue ?
Ce sont là quelques exemples de préoccupations qui entrent en jeu lors de la conception de démarches participatives. Une fois ces questions abordées, il faut ensuite s’assurer que les processus de participation suggérés permettent au plus grand nombre de s’intéresser à la question ou au projet soumis à la consultation en participant au moins à une activité.
Réfléchir sur la participation des populations aux processus de consultation ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les obstacles à la participation qui sont, selon l’expérience de l’OCPM, de trois ordres : des obstacles informationnels, pratiques et systémiques. On peut certainement faciliter la participation en choisissant une pluralité d’horaires et en offrant des services complémentaires de traduction, d’accompagnement, de médiation, de transport et de garde d’enfants.
Dans toutes ses consultations, l’équipe de l’OCPM tente maintenant d’inclure des éléments de numérique (questionnaires en ligne, plateforme de consultation) comme des pistes pour accroître la participation. Toute la réflexion moderne sur les pratiques de consultation tend aussi à suggérer de renverser le paradigme. Au lieu de demander à ceux qui veulent être consultés de se déplacer, des méthodes de consultation dans les lieux de travail, dans les centres communautaires ou dans les lieux de formation et de loisirs sont des formules qui suscitent, par leur flexibilité et leur côté informel, une plus grande participation.
Participation sans exclusion : un objectif incontournable
La pratique nous démontre que, souvent, les membres des groupes sous-représentés mettent fin à leur participation à des processus démocratiques parce que leur apport n’est pas valorisé ou ne se reflète pas dans les décisions. Pour tenter de contrer ce phénomène et accroître la participation citoyenne, en plus de ses efforts d’accessibilité, l’OCPM s’est doté des lignes directrices suivantes.
La préoccupation d’intégrer les groupes sous-représentés doit être présente dès la conception des processus de consultation, et les obstacles à la participation pris en compte et, dans la mesure du possible, levés dès le début du processus.
Un effort particulier est fait pour que les voix à risque de marginalisation soient présentes dans toute leur diversité et entendues.
La diversité de la participation est bien documentée.
La contribution de toutes les parties est utilisée et transparaît nommément, chaque fois que c’est possible, dans le processus de recommandations.
Conclusion
Au cours des récentes années, l’OCPM a été mandaté à diverses reprises pour mener des consultations publiques sur divers exercices de planification détaillée, notamment des PPU, de même que des démarches en amont menant à des projets de PPU.
Les suivis donnés par l’administration aux recommandations demeurent la grande faiblesse des processus. Bien que les analyses internes des intervenants concernés sur les recommandations de l’Office deviennent de plus en plus disponibles et permettent de voir ce que retient l’administration, la portée de cette information demeure limitée. Elle permet de voir en quoi le projet de PPU est modifié à la lumière de la consultation, mais l’effet qualitatif des consultations est difficile à évaluer. Par définition, une consultation portant sur une démarche de planification locale mobilise les collectivités, les amène à réfléchir sur leur milieu, à définir des enjeux jugés prioritaires et à proposer des avenues permettant d’améliorer les choses. Mais l’effet d’un PPU s’étale sur plusieurs années ; les contextes changent et les mécanismes de reddition de compte sont rarement mis en place. Ces exercices contribuent-ils vraiment à consolider la société civile locale dans ses rapports avec l’administration municipale ? Que retirent les citoyens, à court et à long termes, de leur participation ? Pour mesurer ces phénomènes, il faudrait disposer d’analyses plus poussées qui n’existent pas vraiment et qui pourraient faire l’objet de recherches. Une chose est certaine, les attentes créées par un processus réussi de consultation sont grandes et, sans mécanismes de suivi adéquats, il y a un grand danger que l’exercice ne contribue qu’à alimenter le cynisme à l’égard du système démocratique.
Les consultations menées par l’Office sur les dossiers d’aménagement du territoire ont également donné lieu à de nombreuses initiatives visant à mobiliser le public et à l’inciter à participer aux débats pour faire émerger un ensemble possible de solutions et ensuite suggérer aux élus les meilleures pistes d’action, qui tiennent compte de l’opinion de la population.
Plusieurs facteurs influencent, non seulement la participation du public, mais aussi le discours véhiculé et la diversité des points de vue exprimés lors d’une consultation. Certains facteurs, tels que le rayonnement du projet proposé à la consultation ou le type de mandat, échappent au contrôle de l’OCPM. Toutefois, les effets d’autres facteurs qui limitent la participation peuvent être atténués par les outils de consultation et les mécanismes de soutien à la participation qui sont choisis dans des contextes donnés.
L’expérience de l’OCPM démontre que les citoyens deviennent des catalyseurs de la consultation publique quand on les outille adéquatement. En ce sens, le numérique stimule la participation et offre un complément de lecture sur l’état de l’opinion publique. Néanmoins, il ne peut pas remplacer la consultation en présentiel, les échanges avec les commissaires et la rédaction d’opinions éclairées.
Appendices
Notes
Bibliographie
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