Comptes rendus bibliographiques

BARLOW, Matthew (2017) Griffintown. Identity and memory in an Irish diaspora neighborhood. Vancouver, University of British Columbia Press, 249 p. (ISBN 978-0-77-483433-9)[Record]

  • Claire POITRAS

…more information

  • Claire POITRAS
    INRS, Centre Urbanisation Culture Société, Québec (Canada)

Ce livre est tiré d’une thèse de doctorat réalisée au Département d’histoire de l’Université Concordia. Spécifiquement, il est publié dans la collection portant sur l’histoire orale et publique de University of British Columbia (UBC) Press. Il y a une dizaine d’années, le quartier Griffintown, à Montréal, est redevenu un sujet d’actualité alors qu’un important promoteur immobilier de la région de Montréal – ayant notamment aménagé précédemment le secteur commercial de Brossard nommé Dix-30 – avait l’intention de redévelopper le quartier en y construisant de nombreuses unités de logement en copropriété et des commerces à grande surface. Proposant un réamagement urbain tournant le dos à l’histoire du quartier et à sa mise en valeur patrimoniale, les artisans de ce redéveloppement ont été confrontés à une vive opposition de la part des défenseurs du quartier et de son patrimoine social et bâti. Habitant à proximité du secteur, au milieu des années 1990, j’avais l’habitude de m’y promener le soir pour profiter de son caractère paisible et singulier. Alors que certains l’auraient sans doute qualifié de no man’s land j’y voyais au contraire un milieu riche de lieux inusités et de bâtiments industriels étonnants. Aujourd’hui, le secteur, situé à l’ouest du Vieux-Montréal et au sud du centre-ville, est totalement méconnaissable. L’auteur du livre inclut dans le périmètre de Griffintown le secteur nommé faubourg des Récollets. En 1991, environ 1000 personnes y habitaient. Dix ans plus tard, au-delà de 6400 citoyens y avaient une adresse résidentielle. De 2006 à 2011, le taux d’accroissement démographique a été de 206 % et des centaines de logements en copropriété ont été construits. Le patrimoine bâti y a été particulièrement malmené et quelques vestiges y ont été intégrés, comme ceux de l’église Sainte-Anne dans un parc aménagé sur le site de l’ancien lieu de culte. Dans ce contexte de métamorphose du quartier, l’ouvrage propose d’examiner la mémoire – y inclus la manière dont elle a été utilisée – pour élaborer une identité culturelle spécifique, à savoir celle des hommes et des femmes issus de la diaspora irlandaise. Le géographe Matthew Barlow souhaite ainsi réhabiliter le caractère spécifique de Griffintown à partir des nombreux récits ayant défini son identité depuis le début du XIXe siècle. Le secteur a été considéré au cours des XIXe et XXe siècles comme un slum. La vision de l’élite sur le quartier a contribué à soutenir cette représentation. L’hypothèse principale proposée par Barlow est que le quartier constitue non pas un seul espace, mais plusieurs. L’analyse des récits ayant porté sur Griffintown et l’interprétation de son histoire lui permettent de formuler cette hypothèse. L’auteur a également recours à la notion de communauté imaginée pour comprendre la manière dont les événements historiques et leur interprétation ont contribué à définir l’identité du quartier. Divisé en cinq chapitres, l’ouvrage aborde, d’une manière chronologique, comment le quartier a été mis en mémoire depuis 1900. Cinq périodes sont établies : les années 1900-1914 sont celles qui définissent les enjeux nationaux et nationalistes en Irlande et qui influencent l’identité des ménages habitant le quartier. Les années 1914-1922 correspondent à la Première Guerre mondiale et à la guerre civile irlandaise faisant suite à l’indépendance de l’Irlande. Dès les années 1920, le quartier traverse une phase difficile. L’aménagement d’infrastructures majeures, dont un imposant viaduc ferroviaire, contribue au déclin démographique et économique du secteur se trouvant à l’ouest du Vieux-Montréal. Les années 1929 à 1945 marquent le début du déclin de la communauté d’origine irlandaise de Griffintown. Des interventions menées par les différents pouvoirs publics, comme les expropriations pour l’aménagement du site de l’Expo 67 et la modification …