Comptes rendus bibliographiques

DI MÉO, Guy (2017) Le désarroi identitaire. Une géographie sociale. Paris, L’Harmattan, 224 p. (ISBN 978-2-34-310866-7)[Record]

  • André JOYAL

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  • André JOYAL
    CRDT, Université du Québec à Trois-Rivières, Trois-Rivières (Canada)

L’identitaire se porte bien en librairie. En France, les Finkielkraut, Houellebecq et autres Zemmour ne manquent pas de lecteurs. Au Québec, Mathieu Bock-Coté ne laisse pas sa place pour défendre l’identité québécoise aux prises avec le multiculturalisme pancanadien. Les débats ne manquent pas de part et d’autre de l’Atlantique. J’en veux pour preuve la polémique entourant la question des signes religieux qui se font parfois, au goût du commun des mortels, trop ostentatoires. Évoquer un certain désarroi dans la quête d’un possible « vivre-ensemble » s’avère alors pertinent. C’est pourquoi l’auteur, en cherchant à mesurer toute la contingence, toute l’hybridité, toute la fluidité des identités territoriales, estime que « les sciences humaines et sociales doivent contribuer à désamorcer les interprétations essentialistes erronées du phénomène identitaire » (p. 200). Guy Di Méo, professeur émérite à l’Université de Bordeaux et l’un des fondateurs du courant de la géographie sociale française, met à profit une grande érudition pour répondre à une gamme de questions, dont celle-ci : comment être « Français » dans le contexte des inégalités ambiantes et des communautarismes religieux et culturels ? En fait, traiter d’identité, selon l’auteur, c’est aborder une question qui soulève débats et controverse, le tout étant susceptible de dresser les uns contre les autres, comme si le sujet était tabou. En effet, on ne peut que lui donner raison. C’est ce qui justifie le titre de l’ouvrage, lequel contient dix chapitres dont cinq, à mon avis, se rapportent directement à ce qui fait l’objet du questionnement signalé. Ces chapitres, avec des titres tels que Spatialités et territorialités des identités collectives (ch. III) ou encore Le territoire de la nation : une échelle identitaire (ch. IV) intéresseront les géographes et autres spécialistes des questions territoriales. Chacun des chapitres se termine par une forme de synthèse visant à bien mettre en évidence la nature du désarroi qui s’y rattache, le terme désarroi étant pris ici dans le sens d’une confusion susceptible de conduire à un état de détresse. À une époque où les médias traitent quotidiennement de faits reliés aux flux migratoires, surtout de la part de victimes de pays en situation de conflits armés, le lecteur trouvera intéressantes les allusions à la remise en cause de l’idée, grandement répandue, que la mobilité favoriserait l’éclatement de la cohésion sociospatiale, contrairement à l’attachement qui la stimulerait. Or, des travaux récents « envisagent la mobilité comme une forme de subordination à l’identité sociale et spatiale d’un individu ; son révélateur en quelque sorte. La mobilité traduirait une forme d’insertion et d’inscription, tant sociale que spatiale des individus » (p. 37). Dans le chapitre II, Di Méo appuie les résultats de ses propres travaux dans les Pyrénées-Atlantiques sur les écrits de Lévi-Strauss pour dégager que la territorialité se combine au sentiment identitaire éprouvé par les individus et que ceux-ci partagent entre eux. C’est ce qui permettrait l’équivalence entre la territorialité et le rapport identitaire à l’espace. Le chapitre suivant plonge le lecteur en plein conflit Israël-Palestine, en passant par des allusions aux peuples catalan et sahraoui. En ce qui regarde Israël, l’obsession territoriale et identitaire affichée tant par les organisations politiques que religieuses conduit l’auteur à aborder l’État autoproclamé de Daesh (acronyme arabe pour l’État islamique). Ce dernier, comme on le sait, s’efforce de se doter d’un territoire lui permettant d’asseoir les bases de son identité et de sa reconnaissance. Quant à la Palestine, en conséquence de la Nakba (catastrophe) de 1948-49, les bases urbaines de son identité ont fait place à une appartenance rurale, connaissant ainsi une véritable inversion. Dans la synthèse de la fin de ce chapitre, on peut …

Appendices