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Cet ouvrage illustre de manière très détaillée la manière dont, du XVIIIe à la fin du XIXe siècle, les communautés autochtones des Plaines ont subi l’assaut des épidémies, la raréfaction de leurs ressources alimentaires et une perte progressive d’autonomie. Or, l’auteur montre que ces phénomènes ne sont pas que « naturels », mais bien le fruit de la colonisation continue de l’Ouest canadien et des méthodes utilisées par les colons puis le gouvernement canadien pour dompter le territoire et ses ressources.
L’introduction positionne cet essai par rapport à l’historiographie existante sur les relations entre Autochtones et colons et souligne la nécessité d’un travail scientifique entremêlant problématiques sanitaires, (ré)actions des communautés autochtones et comportements des colons, des institutions (par exemple, la compagnie de la Baie d’Hudson dont le règne sans partage a engendré un certain nombre de difficultés pour les Autochtones, mais qui a également cherché à les protéger par des campagnes de vaccination) et du Dominion.
Suivent neuf chapitres qui, selon un découpage chronologique, montrent comment l’étau s’est progressivement resserré sur les Autochtones en raison à la fois des maladies qui se sont abattues sur eux et de la progression de la maîtrise des territoires des Plaines par les colons puis par le Dominion. D’où leur effondrement démographique et la recomposition des nations.
Avant l’arrivée des Européens, la santé des Autochtones n’était vraisemblablement pas exempte d’épisodes épidémiques, mais les populations autochtones avaient construit, en lien avec les spécificités de leur environnement, un système socioéconomique stable et mis en place des pratiques adaptées de chasse (du bison notamment), de mobilisation de la ressource hydrique (le castor jouant un rôle-clé)… Avec la colonisation, l’émergence de la traite des fourrures a provoqué des contagions (variole) ainsi qu’une dislocation territoriale au regard des pertes humaines importantes subies par les Premières Nations (disparition d’entités culturelles entières) et de leur réorganisation spatiale (établissement de certaines communautés dans l’Ouest) et sociale (ethnogénèse).
Quand peu à peu s’est étendu et intensifié le commerce des fourrures (de 1783 à 1821), aux maux biologiques (zoonoses, coqueluche, rougeole…) se sont ajoutés des maux sociaux : intensification des conflits entre communautés autochtones pour faire main basse sur la ressource, alcoolisme… L’accroissement des colonies européennes, les modalités du commerce, l’effondrement des hardes de bisons, conséquence forte d’une concurrence alimentaire, n’ont cessé de déstabiliser toujours plus les modalités d’existence et d’occupation de l’espace par les Autochtones.
Pourtant, l’implication des Autochtones dans le commerce – à cette époque non régulée et donc faisant l’objet d’une féroce concurrence – montre leur capacité d’adaptation à des nouveaux schémas économiques imposés par l’arrivée des colons et, plus tard, leur capacité d’anticipation puisque les Autochtones, conscients de la limitation des ressources et donc de leur vulnérabilité, introduiront dans les traités des clauses permettant a priori leur protection. Cependant, le gouvernement canadien ne remplira pas sa fonction tutélaire, refusant de livrer en quantité et en qualité suffisantes les communautés en ressources, entraînant malnutrition et famine et renforçant la vulnérabilité des communautés face aux maladies. Les traités constituent ainsi pour le gouvernement une stratégie pour assurer le développement de la région selon ses conceptions de l’exploitation des richesses du territoire et pour jouir d’une liberté d’action exigeant des Autochtones l’abandon de leurs revendications territoriales.
L’instauration du système de réserves et les obligations de se lancer dans l’agriculture selon le principe du « travail contre nourriture » sans donner les moyens aux Autochtones de la développer créent une dépendance forte aux approvisionnements extérieurs. Ces derniers deviennent un outil d’assujettissement des « Sauvages » dans la mesure où les communautés qui se montrent réfractaires et se révoltent contre leurs conditions sont volontairement affamées.
Très richement documenté, ce livre perd parfois son lecteur par le foisonnement des descriptions et le manque de cartographie pour illustrer les phénomènes de recompositions spatiales de l’occupation autochtone sous l’effet des maladies et de la maîtrise territoriale, économique et politique des colons. Mais la richesse du travail donne très bien à voir comment la colonisation (de manière directe et indirecte) et plus tard la Loi sur les Indiens, qui affirmait une vision assimilationniste et discriminante à l’encontre des communautés autochtones, ont entraîné l’inexorable appauvrissement économique et culturel de ces communautés. Ce sont ainsi des forces écologiques, économiques et politiques qui contribuent à expliquer l’histoire sanitaire des Premières Nations de l’Ouest du Canada et non une prétendue fragilité génétique telle qu’elle fut avancée à la fin du XIXe siècle.