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Avec ce titre ambitieux, la question métropolitaine est étudiée de façon assez complète, par un praticien qui a accompagné les décideurs politiques et techniques de diverses manières : Paul Vermeylen a l’avantage d’avoir plusieurs vies professionnelles et donc une richesse de prises de vue tout à fait intéressantes, ce qui rend la lecture fluide, le propos maîtrisé et basé sur son expérience, avec une mission à peine cachée, qui est de convaincre le lectorat des bienfaits de la métropole et, par là, de la métropolisation, en faveur du développement du territoire.
La performance d’une vingtaine de métropoles européennes (hors Paris et Londres), à travers plus de 100 pratiques différentes, y est décrite dans l’objectif de saisir ce qu’est la « métropole exemplaire ». Le livre recense des villes françaises, en plus d’autres villes de pays concentrés sur l’Europe de la CECA, illustrées par un benchmark qui, à défaut de comparer, montre ce qui existe de-ci de-là, avec des aboutissements considérés comme réussis, mais pas démontrés comme tels, tant sur les plans économique et social que durable.
L’ouvrage est actuel puisque, d’emblée, le développement par la société de la connaissance, encore aujourd’hui prôné par les plus grandes instances nationales et mondiales, est annoncé comme obsolète : d’une part, à cause de l’explosion des coûts du soutien à l’innovation technologique qui, de surcroît, est un secteur concurrencé aujourd’hui par les métropoles émergentes ; d’autre part, parce que la relocalisation tend à montrer la nécessité de baser le développement économique sur les socles historiques de l’économie productive, en accordant de l’importance à la part qualitative, possible par la proximité, sous de nombreuses formes. Puis, la mise en cause de la croissance continue amène à penser davantage qualitativement le développement de la société, en privilégiant l’approche systémique, fil conducteur de la pensée de l’auteur. Dès lors, celui-ci observe un paradoxe puisque, au sein du champ d’une économie du savoir dépassée, la créativité serait la source du renouveau, en tant que phénomène particulièrement urbain. Enfin, l’auteur revient à plusieurs reprises sur la voie de la spécialisation du territoire pour appartenir à l’échiquier mondial, ce qu’il considère comme une fragilité pour les métropoles.
Entre les expressions « chauffer la marmite métropolitaine », le « frottement métropolitain » et les « solidarités chaudes », c’est un discours à rebours des chercheurs critiques de l’inertie de l’action publique et des résistances au changement qui est proposé. La quête du livre est de dégager des bonnes pratiques, au sein de villes, qui ont chacune leur adaptation locale nécessaire, refusant ainsi des modèles uniques.
Basés sur une empirie d’accompagnement de projets publics divers, jamais explicités mais qui ont donné à voir à l’auteur plusieurs dynamiques métropolitaines, les exemples multiples reposent entre autres sur la coopération entre pôles urbains, l’équilibre centre-périphérie, les solidarités intergénérationnelles ou encore les politiques de verdure des villes. Les quatre chapitres reprennent chacun une qualité métropolitaine du titre de l’ouvrage, quatre mots-clés qui conduisent les métropoles à mettre en place de nouvelles actions publiques, grâce à la capacité d’auto-organisation dont elles bénéficient. L’auteur s’oppose à la vision déterministe de Patrick Le Galès à propos de « la ville marchandisée, la ville ghettoïsée, l’archipel péri-urbanisé » en considérant que les flux urbains peuvent offrir un équilibre des richesses et du développement sur l’ensemble du bassin métropolitain. Une posture de croisement à la fois des échelles urbaines et des quatre mots-clés permettrait la fertilisation. De là à ce que cette fertilisation soit un argument en faveur d’une promotion de l’activité professionnelle de l’auteur, il n’y a qu’un pas, mais cela ne ressort pas ouvertement, l’auteur privilégiant la voie de la rassurance et une forme de bienveillance quant à ce qu’il croit. On peut alors regretter l’absence de démonstration étayée au profit de multiples exemples déjà bien connus dans les discussions hâtives (Copenhague-Malmö, Glasgow-Edimbourg, Eindhoven, Nantes, Hambourg). Mais le défi de couvrir autant de grandes villes européennes dans un livre concis condamne à ce survol. Ces exemples sont organisés autour de ce que Vermeylen nomme les quatre vertus des métropoles exemplaires, recouvrant très bien l’éventail de l’action publique métropolitaine.
L’agilité est la qualité métropolitaine traitée dans le premier chapitre sous le prisme de l’échelle pertinente et, plus largement, de la coopération territoriale, conduisant vers des modèles multiscalaires défendus par l’auteur. On peut regretter l’absence des travaux de Martin Vanier sur ce thème qui reste bien expliqué et accompagné d’une succession d’exemples.
La créativité est la deuxième qualité, dès lors que la dimension qualitative est soutenue dans l’action publique. Il faut y voir les vertus du « rhizome métropolitain », au nombre de cinq : la solidarité permise par l’échelon métropolitain, la capacité de mobiliser les forces humaines mais aussi de les mettre en lien et, enfin, l’intégration dans l’économie mondialisée, d’une part, via les flux et, d’autre part, via l’innovation. Le postulat de l’impérieux regroupement d’acteurs constitué par l’économie résidentielle, encore mal structuré, est une idée intéressante, mais les exemples les plus importants que sont Eidhoven et Birmingham sont peu probants.
La solidarité est présentée dans le troisième chapitre comme une réaction des métropoles dans le cadre de l’individualisme, conjugué à la proximité, tandis que la durabilité est traitée en quatrième partie dans le cadre des systèmes territoriaux. Ces deux dernières valeurs, plus classiques, bénéficient d’exemples peu approfondis pour former les deux derniers chapitres assez bien reliés entre eux.
Dans l’ensemble, les exemples sont trop superficiels même si, mis bout à bout, ils montrent une bonne maîtrise de ce qui se fait en matière de créativité par le soutien des politiques publiques en Europe, actuellement. Basé sur des discours promotionnels ou des intentions stratégiques, le traitement superficiel des villes citées laisse dubitatif et ne garantit pas le développement territorial. Par contre, on est sûr de l’action politique menée, ce qui, plus largement, met en exergue un questionnement bien délicat dans la sphère scientifique : comment démontrer le développement des territoires par l’action publique ? Ici, point de réponse, mais des actions publiques nombreuses.
Ainsi, la double caractéristique de cet ouvrage (le manque de vision critique et le manque d’approfondissement des exemples pour répondre au format) invite à le circonscrire en tant que document pertinent pour les néophytes du champ de l’urbain, qui ont tout à découvrir sur les compétences des métropoles et de leur potentiel champ d’action. Les étudiants de premier cycle et les directeurs de services métropolitains issus de la sphère professionnelle privée auront tout intérêt à démarrer par cet ouvrage complet en matière de politiques métropolitaines, qui est un travail de benchmark fastidieux à construire et enthousiasmant à la lecture. La conclusion invite à « penser latéral » et propose une série de verbes d’action optimiste qui donne envie d’agir pour le bon développement territorial ; mais en réalité, aucune démonstration n’a été faite à la lecture de ce livre.