Article body
Il faut tout d’abord souligner que cette introduction à l’étude de la ville est l’ouvrage d’une géographe. On comprendra que ses principales références proviennent de cette discipline. Mais elles sont aussi historiques, ce qui rend l’ouvrage intéressant. Avouons d’emblée que définir la ville ou écrire une introduction à l’étude de la ville relève d’un exploit. Le défi est courageux. Pourquoi ? Parce que l’étude de la ville est multidisciplinaire et que la géographie seule est incapable d’en saisir les multiples dimensions.
La section historique d’étude de la ville se termine avec la période dite d’industrialisation. Il aurait fallu poursuivre en faisant référence à la tertiarisation de l’économie. Toute la ville en fut profondément modifiée. Le capitalisme change, il évolue, la mondialisation est en train de modifier substantiellement l’organisation spatiale des villes. Malheureusement, l’ouvrage n’en fait pas mention.
La question constamment posée est « qu’est-ce que la ville ? ». Après un long rappel d’ouvrages savants qui ont abordé la ville, force est de conclure à la fin du livre que l’auteure ne parvient pas à y répondre. La démarche est rigoureuse et les questions soulevées sont fort pertinentes. On a l’impression que l’auteure cherche chez les géographes ce qu’ils ne possèdent pas. Les meilleurs spécialistes et ceux qui sont les plus fédérateurs de l’ensemble des disciplines qui étudient la ville sont les sociologues (à noter que je ne suis pas sociologue). Ce sont eux qui, au moment de la création de l’École de Chicago, ont établi les fondements de l’étude multidisciplinaire de la ville.
De plus, cette introduction passe complètement sous silence un moment capital dans l’étude de la ville, soit ce qui fut appelé « la nouvelle sociologie urbaine française », d’inspiration néomarxiste, principalement centrée autour des travaux de Manuel Castells. Ce moment déterminant a marqué une rupture définitive avec l’École de Chicago. Aujourd’hui, rares sont ceux qui se réclament encore du courant néomarxiste, mais une introduction à l’étude de la ville ne peut faire l’économie d’une référence à ce courant qui, au cours des années 1970, a marqué de façon déterminante l’étude de la ville, tant au plan théorique qu’empirique.
Enfin, on sera surpris que la bibliographie ne contienne aucun ouvrage en langue anglaise. Pourtant, nombre de sociologues, de politologues, d’urbanistes et de géographes anglophones ont contribué, par leurs nombreux travaux, à définir la ville et à en comprendre l’évolution.
Certes, Odette Louiset a effectué un lourd travail et on doit la féliciter pour l’effort qu’elle a consacré à ce livre. Pour avoir une définition plus rigoureuse de la ville, il faudra toutefois élargir le domaine de la géographie pour intégrer des ouvrages de sociologie urbaine, de science politique et d’urbanisme. La ville est complexe, son étude l’est tout autant.