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Cet ouvrage collectif, qui réunit plus de 20 auteurs francophones d’institutions et d’horizons disciplinaires très divers, rassemble les contributions aux 20e Entretiens Jacques-Cartier, tenus à Lyon en 2007 sous le titre Savoir habiter la Terre. Le paysage, un projet fédérateur. Par la simple juxtaposition des titres de ces entretiens et de l’ouvrage, le propos est clairement affiché. Il s’agit d’explorer la difficile question de la place du paysage dans les projets et de son rôle dans la négociation, ainsi que le débat politique et citoyen sur le devenir des territoires, cela au nom d’une ambition qui dépasse largement la simple intervention : l’habiter.
Bien des promesses, donc, à l’ouverture de cet ouvrage.
Et ces promesses, l’ouvrage les tient.
J’évoquerai rapidement le premier intérêt que recèle cette publication : les regards croisés. Y sont représentés non seulement la plupart des sciences humaines et sociales, mais aussi des artistes et historiens de l’art ainsi que des représentants des administrations chargées du paysage. Les situations de référence jouent de toutes les échelles, du lieu à l’ensemble de la planète, entre France, Québec et Suisse, avec une place particulière faite à la question européenne, en lien avec la Convention de Florence sur le paysage qui paraît en arrière-fond des débats. Ces approches font plus que se succéder, elles dialoguent dans un échange souvent fructueux. En outre, ce dialogue est ordonné grâce à un cheminement clair et pertinent.
Le coeur du débat porte donc sur la place du paysage dans le projet politique, un paysage dynamique, évolutif, qui peut être aussi bien remarquable que banal, naturel qu’urbain, qui est en tout cas la préoccupation de tous et sur lequel tout citoyen a droit de regard. Plusieurs auteurs dans l’ouvrage s’interrogent sur le rôle que peut tenir cet objet si particulier : est-il fédérateur, comme le proposait le titre des entretiens (Bédard) ? Peut-il amorcer le projet, lui donner sens ? Walter pose notamment la question à propos de l’Europe. Cela conduit plusieurs auteurs à s’interroger sur la dimension identitaire (Ricard, Walter, Bravard, Marcel) : le paysage en est-il la source, un matériau ou une manifestation ? Permet-il de se donner des règles éthiques (Bédard) ? Cela implique de discuter la nature de cette éthique du sensible vis-à-vis de l’éthique environnementale (Charles et Kalaora), une éthique qui se déclinerait en termes de participation, d’outil de l’action démocratique (Marcel). Garde-t-il aujourd’hui une dimension heuristique ? demande Bédard, ce à quoi Bertrand et Lelli répondent par un ensemble de propositions de recherche.
L’ensemble de l’ouvrage plaide donc en faveur d’une adéquation de la thématique paysagère à la réflexion sur les enjeux actuels, qu’il s’agisse des enjeux planétaires (« Que mangeront-ils ? » demande Bethemont), des enjeux européens, on l’a dit, ou plus souvent d’une analyse à l’échelle des territoires de projet. Une bonne part des contributions posent la question de la place du paysage dans le projet, à propos d’expériences de terrain (Paradis) ou de réflexions plus globales sur les cadres, les outils et les modalités de montage du projet (Paquette, Gagnion et Poullaouec-Gonidec, Billet, Lagier). On peut regretter à ce propos que peu de textes abordent la question des pratiques citoyennes, des démarches participatives si souvent prônées, et dès lors les jeux d’acteurs, les controverses et conflits éventuels, les détournements et instrumentalisations du paysage.
Cet ouvrage intervient fort opportunément dans un contexte où les modalités de négociation des projets de territoire sont relues à l’aune du développement durable et des exigences de participation, et qui examine la place du sensible et de l’esthétique dans l’habiter. Par son questionnement centré sur la dimension politique, il intéressera tous ceux qui, déjà, explorent le paysage et il constituera une remarquable introduction à la thématique pour ceux qui découvrent cette face encore peu étudiée du paysage.