Au Québec, l’école rurale fait la manchette des médias quand il est question… de la fermer. Les citoyens prennent alors conscience de son rôle majeur dans l’organisation de l’espace rural. En tant que chercheur, géographe et acteur engagé depuis près de 20 ans dans la valorisation de l’école rurale, Yves Jean a un parti pris. L’école rurale est une école d’avenir qui intéresse l’ensemble du système éducatif, ainsi que tous les chercheurs qui ont pour objet d’étude le territoire et son aménagement. Avec ses collaborateurs, Yves Jean adopte donc une posture à la fois intellectuelle et politique qui fait la force de ce collectif. L’intention générale du livre est de « présenter un regard qui articule les enjeux liés à la scolarisation avec ceux des dynamiques locales dans la transformation des systèmes scolaires ». Bien que le contexte français soit nettement dominant, la Catalogne, le Portugal et le Québec font chacun l’objet d’un chapitre. Dans cet ouvrage, 14 auteurs principalement rattachés à des universités, mais parmi lesquels se trouvent aussi des intervenants de l’école rurale, abordent trois grands types de question. Pour comprendre l’école rurale, Jean a recours au concept d’école périphérique tel que défini par Van Zanten, c’est-à-dire « une configuration scolaire spécifique du fait des caractéristiques de son public, de certains traits de son fonctionnement interne et des relations qu’elle entretient avec le centre » . Par exemple, l’école rurale se caractérise par une organisation scolaire atypique, une hétérogénéité d’âge dans une même classe, des liens étroits avec les sociétés locales et l’environnement, un éloignement des centres de décision du ministère de l’Éducation (p. 8). La spécificité de son public est toutefois questionnée dans le chapitre de Rémi Rouault. L’école rurale étant de plus en plus fréquentée par des urbains, les différences entre scolarités urbaines et rurales témoigneraient davantage des écarts sociaux que des écarts spatiaux. L’école rurale est-elle pire ou meilleure que l’école urbaine ? Quels sont les impacts des mesures de centralisation et de décentralisation ? Comment aménager les nouveaux territoires ruraux pour prendre en compte notamment le nombre et les déplacements des élèves, l’insertion professionnelle des enseignants, le comportement sociospatial des familles, les interventions des collectivités territoriales ? Quels sont les atouts et les limites de la mise en réseau des écoles rurales ? La problématisation de ces questions montre que l’école rurale se pense certes à l’échelle locale, mais toujours en lien étroit avec les évolutions tant des organisations territoriales que des systèmes éducatifs. Mentionnons cependant que le lecteur étranger aux contextes socioéducatifs qui sont présentés se bute souvent à une écriture un peu alourdie par des références techniques ou administratives. Il faut souligner l’intérêt de la troisième partie du livre Écoles, innovations pédagogiques et territoires. La résistance aux risques de fermeture et la nécessité de composer avec les contraintes d’échelle ont conduit l’école rurale à des pratiques innovantes, tant sur le plan organisationnel que pédagogique. Il importe en effet d’en rendre compte. En conclusion, déplorant l’absence de recherche pluridisciplinaire qui permettrait de livrer une analyse plus globale des logiques d’action à l’oeuvre pour l’école rurale, Yves Jean invite à créer un programme de recherche en géographie sociale, ce qui semble tout à fait pertinent.
JEAN, Yves (dir.) (2007) Géographies de l’école rurale. Acteurs, réseaux, territoires. Paris, Orphys, 303 p. (ISBN 978-2-7080-1160-1)[Record]
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Suzanne Laurin
Université du Québec à Montréal