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Cet ouvrage est le douzième à paraître depuis 2006 dans la collection Profession, dirigée par Benoît Melançon, professeur au Département des littératures de langue française et directeur scientifique des Presses de l’Université de Montréal.
L’objectif de la collection est de présenter le rôle des chercheurs, des universitaires ou des professeurs, soit des intellectuels de façon générale dans la Cité : qui sont-ils et que font-ils ? Cet objectif clair n’est cependant pas atteint de prime abord, car la majorité des lecteurs penseront consulter un ouvrage qui embrasse l’ensemble de la profession de géographe. Or, on n’y trouve que la carrière d’un universitaire, spécialisé en géographie sociale, alors qu’on s’attendait à ce que soit aussi abordé le travail de consultation universitaire, des pratiques gouvernementale et privée et aussi des spécialistes en géographie physique. De l’aveu même du directeur de la collection, on laisse le champ libre aux auteurs de traiter de l’ensemble d’une profession ou bien de rédiger une autobiographie. C’est cette dernière forme qu’a choisie Rodolphe De Koninck. Le titre de l’ouvrage peut donc paraître trompeur pour plusieurs.
Ceci étant dit, le parcours d’un géographe chevronné n’est pas dépourvu d’intérêt même s’il peut parfois paraître anecdotique. En effet, la structure du livre est fondée sur son cheminement plus ou moins chronologique, mais avec des enseignements à caractère général qu’on peut découvrir au fur et à mesure de la lecture.
L’ouvrage comprend huit petits chapitres, complétés par une liste de lectures complémentaires : chacun va révéler, au travers d’anecdotes de la vie de l’auteur, des facettes de la profession. Les enseignements qu’il nous offre peuvent se regrouper en trois parties. Dans la première partie, l’auteur précise ce que sont la géographie et un bon géographe. La géographie consiste à explorer, analyser, déchiffrer et expliquer, surtout au plan spatial, les paysages et leur adaptation, principalement dans le cadre des relations homme-nature. En effet, l’analyse des paysages, qui est un legs de la géographie classique, est l’une des pratiques essentielles fondatrices de la géographie. Un bon géographe doit maîtriser autant les sciences physiques (naturelles) que sociales, dont l’histoire, dans son désir d’interrogation et d’explication du monde. Une de ses habiletés doit être la maîtrise de la notion d’échelles spatiale et temporelle, permettant de saisir l’importance et l’évolution des phénomènes et des enjeux territoriaux. Pour ce faire, il faut être conscient que le savoir du géographe ne doit pas être uniquement scolaire, mais utilitaire.
La seconde partie s’attarde à l’enseignement et à l’évolution de la géographie. Il est évident que Rodolphe De Koninck craint le pire avec l’érosion récente de l’enseignement de la géographie dans nos écoles. D’après lui, la géographie devrait s’enseigner du primaire à l’université, comme outil universel de compréhension du monde qui nous entoure et des relations entre les humains et le milieu naturel. En effet, c’est la géographie qui permet d’obtenir les outils nécessaires pour critiquer notre façon d’habiter la planète et c’est cette critique qui permettrait d’assurer la survie de l’humanité à partir des enjeux mondiaux. Le géographe peut ainsi aider à développer un « indice de consommation de la Terre » et développer le « savoir géographique citoyen » qui est en danger quand la géographie n’est pas enseignée à tous les niveaux.
Le recours à la carte, comme instrument de représentation et d’analyse, demeure fondamental pour le géographe. La carte aide à comprendre les phénomènes, la géographie s’enrichit à mesure que les cartes se perfectionnent. Surtout depuis la fin des années 1970, les systèmes d’information géographique (SIG) ont décuplé la productivité des géographes en intégrant par exemple les photographies aériennes et les images satellitaires, accentuant ainsi les perceptions multiéchelles et multidates. L’auteur semble cependant avoir oublié que les règles de l’art en cartographie sont de moins en moins respectées, car de moins en moins enseignées, de sorte que certaines cartes perdent de leur crédibilité. À ce titre, il est curieux que l’auteur ait accepté que les cinq cartes qu’il présente dans son livre soient quasi illisibles.
Rodolphe De Koninck souligne que la géographie s’est toujours adaptée à son temps en prenant le virage quantitatif depuis les années 1960 et en mettant l’accent sur les études urbaines à partir des mêmes années parce que le tiers de la population mondiale habitait dans les villes. Par contre, il déplore le problème de fragmentation de la géographie qui tend à lui faire perdre sa vision d’ensemble des paysages et des phénomènes, ce qui est un handicap pour l’étude des trois domaines à prioriser : notre empreinte écologique, la géopolitique et la géographie des religions. Il conclut ainsi « Pour parvenir à composer avec d’une part la sagesse de la Terre, mais aussi avec son impatience croissante, et d’autre part avec l’inconscience des hommes, ceux et celles qui partagent ma profession ont du pain sur la planche ».
Dans la troisième partie, Rodolphe de Koninck donne un aperçu de la profession de géographe universitaire. Il fait ressortir qu’un bon professeur universitaire doit constamment associer la recherche et l’enseignement, ce qui représente un défi mais aussi une immense source de motivation et d’inspiration. La bonne formation des étudiants est indissociable de la recherche, laquelle est l’une des tâches les plus satisfaisantes de l’universitaire, au point de parfois négliger l’enseignement. Même s’il est convaincu que la géographie s’apprend surtout sur le terrain, elle s’apprend aussi en préparant des cours ou en rédigeant des articles ou des livres. La préparation de l’un ou l’autre contraint à approfondir la matière en essayant de la clarifier pour l’étudiant ou le lecteur. Pour terminer, il déplore que les géographes ne collaborent pas davantage avec les médias afin de vulgariser les notions, les données et les travaux géographiques.