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Les atlas contiennent en général une somme impressionnante d’informations. L’Atlas du Monde diplomatique ne déroge pas à la règle, tout en se distinguant par la qualité des analyses qui accompagnent chacune des planches ou chacun des groupes de planches. Au total, une centaine de thèmes sont abordés et à chacun sont consacrées deux pages de cartes, graphiques et textes. Chaque doublé, en quelque sorte, est enrichi d’une courte liste de références sur Internet.
L’ensemble est rassemblé dans cinq grands chapitres. Dans le premier, intitulé La planète en danger, dix-sept sujets sont traités, dont plusieurs de nature environnementale, alors que d’autres concernent des enjeux économiques, démographiques, sociaux, voire sanitaires. Ainsi, sous le titre de Maladies d’une économie folle, est évoquée la question des maladies mondialisées, dont celle de la vache folle ainsi que l’épizootie de grippe aviaire. Cela permet aux auteurs, dans leur commentaire des cartes et graphiques qui illustrent ce thème, de critiquer vertement l’usage agricole des organismes génétiquement modifiés, les OGM. D’ailleurs, un peu plus loin dans ce même chapitre, dans une planche entièrement consacrée aux OGM, lesquels sont qualifiés de pari à trois inconnues, est poursuivie la critique de cet usage, au plan non seulement environnemental, mais aussi alimentaire et économique.
Vingt-sept thèmes y étant développés, le second chapitre, intitulé Une nouvelle géopolitique, est le plus substantiel. Il faut dire que dans la presse française, fût-elle de la qualité du mensuel Le Monde diplomatique, le terme de géopolitique est un peu devenu un fourre-tout. Peu importe, le lecteur ne devrait pas bouder son plaisir et poursuivre sa lecture des planches consacrées à des sujets à la fois aussi divers et percutants que les conflits inter et intra-étatiques, l’accroissement des inégalités dans le monde, la puissance de Wal-Mart, la construction de l’Europe, l’instrumentalisation des religions, les revendications identitaires au Canada, la concentration du contrôle des médias d’information au sein de véritables empires mondiaux, tel celui de Rupert Murdoch. Il va sans dire qu’ici, comme tout au long de l’atlas, Monde diplomatique oblige, le lecteur est exposé à une vision du monde particulièrement pessimiste, où apparaissent tout de même quelques lueurs d’espoir, dont celle représentée par les organisations non gouvernementales, ou ONG, présentées dans une double planche intitulée ONG : vers une société civile globale.
À ce chapitre consacré à des thèmes dits géopolitiques, en succède tout naturellement un troisième intitulé Mondialisation, gagnants et perdants. La vingtaine de thèmes qui y sont abordés sont tout aussi riches en analyses critiques que ceux des chapitres précédents, alors qu’il est notamment question de développement sans croissance, des mythes du libre-échange, de l’exclusion qui s’aggrave en Europe (on pourrait ajouter : et presque partout ailleurs), du chômage, des droits des femmes. Parmi les planches les plus saisissantes, on peut citer celles titrées Guerre à la pauvreté ou guerre aux pauvres ? et La sphèreimpénétrable du monde financier.
Le quatrième chapitre, intitulé Ces conflits qui persistent, apparaît tout aussi essentiel à la compréhension du monde, encore que son contenu soit moins surprenant. Parmi la vingtaine de thèmes, on trouve bien sûr la question palestinienne, les guerres en Irak et en Afghanistan, les tensions persistantes dans les Balkans ainsi que les conflits au Darfour et dans l’Afrique des Grands Lacs. De façon saisissante, le chapitre se clôt sur une double planche consacrée aux poussières d’empires, ces dépendances des grands pays industriels qui servent souvent de bases militaires et de paradis fiscaux.
Dans le cinquième et dernier chapitre les auteurs reviennent sur L’irrésistible ascension de l’Asie, un sujet cher au Monde diplomatique. Y sont évoqués, à travers un peu moins de vingt thèmes, tant les succès fulgurants des économies asiatiques – qualifiés ici de Grand retour de l’Orient – que les nombreux problèmes géopolitiques auxquels la Chine, le Japon, l’Inde, l’Indonésie et autres tigres et dragons doivent faire face. Trois planches particulièrement originales sont consacrées au Monde vu de Pékin, au Monde vu de New Delhi et au Monde vu de Tokyo, alors que l’Indonésie est examinée à travers le thème de sa progression à petits pas vers la démocratie.
Parmi les qualités essentielles de L’Atlas du Monde diplomatique, il faut en signaler trois : le formidable éventail des sujets traités, la grande richesse et la grande originalité des données rassemblées et enfin la clarté des analyses. Il en résulte un véritable traité de l’état du monde, accessible à tout citoyen éclairé.