Thème 8 - La géographie des dynamiques urbaines

Statistiques, économie, espace et le resteChiffres à l’appui[Record]

  • Richard Shearmur

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Il est rare, dans un contexte scientifique, d’être invité à décrire son champ de recherche et ses projets sans être affublé de contraintes mesquines telle une revue de la littérature, des hypothèses bien construites, des objets de recherche rendus opérationnels et une méthodologie bien étayée. En tant que géographe économiste qui passe une grande partie de son temps à contempler les horizons (presque) infinis qu’offrent les bases de données spatialisées et les raisonnements économiques, cette occasion est particulièrement opportune. Enfin une raison de lever mon nez et de contempler des horizons qui ne sont pas chiffrés ! Il est malheureux que l’économie géographique, et en particulier l’approche statistique à cette sous-discipline, se prête si facilement à la caricature, caricature d’autant plus commune que le vent de postmodernisme, d’études culturelles et de recherche engagée qui a traversé la géographie a laissé derrière elle soupçons et bruits de couloir concernant tout ce qui ressemble de près ou de loin au positivisme. La rigueur, la logique et même l’hypothèse que certains éléments du monde qui nous entoure sont effectivement mesurables et (en partie au moins) modélisables sont toutes maintenant suspectes. À force de tout réduire aux symboles et aux significations, on oublie que le monde matériel existe, qu’il détermine beaucoup de choses et qu’il est un support essentiel pour ces symboles et ces significations. Il s’agit donc ici de rapidement présenter le type de recherche que j’effectue et les avenues que je pense explorer dans l’avenir, mais aussi de montrer qu’à travers l’approche que je privilégie (approche suspecte comme vous allez le voir) des questions intéressantes et importantes peuvent être abordées. À la base, je m’intéresse au monde qui m’entoure (comme la plupart des géographes), et en particulier aux jeux de pouvoir et aux forces politiques et économiques qui façonnent ce monde. Je suis, cependant, moins concerné par les détails du calcul du prix d’une option boursière d’une compagnie minière (par exemple) que par l’impact que le prix de cette option pourrait avoir sur la communauté qui dépend de la mine que cette compagnie opère. De même, le montage financier qui mènerait à la construction d’un pont m’est moins intéressant que l’impact que le pont aurait sur l’accessibilité des personnes à leur travail. Mes questionnements partent donc de l’observation de phénomènes spatiaux, et non de l’économie cachée (mais bien sûr très importante) de la finance, de la formation de prix ou de la gestion des entreprises. Pour moi, les éléments de ce type seraient plutôt des facteurs explicatifs possibles de phénomènes spatiaux que j’étudie. Ce type d’intérêt m’amène à travailler à deux échelles géographiques qui sont parfois perçues comme distinctes. D’une part, l’échelle intra-métropolitaine, échelle à laquelle les forces et les effets économiques interagissent avec les plans d’occupation du sol, les communautés socio-économiques et ethniques diverses, et – surtout – échelle à laquelle on peut supposer que tout est capable d’interagir au quotidien. D’autre part, il y a l’échelle régionale et nationale. À cette échelle ce sont les grandes tendances de localisation, les effets des marchés mondiaux et le sort de communautés particulières (surtout, récemment, celles des régions éloignées) qui peuvent être influencés par, et qui peuvent aussi façonner, les tendances économiques. À cette échelle on ne peut supposer que les interactions quotidiennes sont possibles, et la distance entre lieux et agents économiques (que l’on peut définir de façons diverses) joue un rôle fondamental. De plus en plus, il m’est évident que, d’un point de vue économique au moins, cette séparation des échelles est artificielle, sinon carrément problématique. L’étalement urbain, les migrations pendulaires de plus en plus longues et le télé-travail …

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