Souvent considérée à juste titre comme une Asie en miniature, la Malaysia témoigne des grandes transformations socio-spatiales qui se déroulent aussi ailleurs en Asie du Sud-Est. Les différentes politiques de développement élaborées par l’État malaysien depuis son accession à l’indépendance en 1957 ont été à la source d’un intense remodelage territorial qui met en cause la question du développement durable (Bernard, 2005). L’étude de ces transformations, spécialement celles qui modifient le substrat foncier, permet de dégager des éléments importants pour la compréhension des processus spatiaux aussi à l’oeuvre dans les autres pays du sud-est asiatique. Après l’indépendance, les politiques de développement économique de la Malaysia n’avaient plus à servir les intérêts coloniaux et encore moins ceux des investisseurs étrangers et du capital privé. La New Economic Policy 1971-1990 (NEP), entrée en vigueur en 1971, visait l’élimination de la pauvreté et une répartition plus équitable du pouvoir économique entre les principaux groupes ethniques, plus particulièrement entre les Malais, qui dominaient la scène politique depuis la période coloniale, et les Chinois qui, eux, détenaient le pouvoir économique . En fait, depuis l’indépendance, la quasi-totalité des politiques de l’État malaysien ont été conditionnées par la volonté de modifier ces répartitions, un préalable jugé essentiel au maintien de la stabilité politique nationale. La répartition du contrôle du capital des compagnies privées constitue l’indicateur le plus communément utilisé localement pour évaluer le degré d’avancement du rééquilibrage des répartitions entreprises. L’objectif initialement fixé prévoyait élever à 30 % la part des Malais du contrôle du capital des entreprises privées. Cela devait être réalisé dans un contexte où les autres groupes ethniques ne devaient pas être laissés pour compte. La part du contrôle des entreprises privées par les Malais s’est effectivement accrue (figure 1) . En effet, elle passa de 2 % en 1970 à près de 19 % en 2002 alors que, parallèlement, la part détenue par les Chinois malaysiens augmentait elle aussi considérablement, passant de 26 % à 39 % durant la même période dans un contexte où la richesse globale du pays évoluait à la hausse. La croissance de l’économie en chiffres absolus a effectivement généré des occasions d’affaires importantes et les autres communautés n’ont visiblement pas souffert des politiques de l’État visant à forcer le rattrapage économique des Malais (figure 1). Cet accroissement du contrôle de l’économie nationale par les trois grands groupes ethniques qui composent la population malaysienne (les Indiens ayant également augmenté leur part de 1 % à 2 %) a été réalisé aux dépens du capital privé étranger passant de 71 % du total à 30 % entre 1970 et 2002. Il faut ajouter que ces changements ont pu être obtenus sans trop recourir à la nationalisation de l’avoir étranger, grâce à des acquisitions boursières effectuées par une multitude de compagnies d’investissements contrôlées par le gouvernement (Terence Gomez et Jomo, 1999). Cette restructuration qui cherchait à modifier la répartition de la propriété des entreprises s’appuyait sur une série de politiques qui ont aussi influencé directement la dynamique de mise en valeur du territoire. À cet égard, mentionnons le rôle de l’expansion territoriale de l’agriculture commerciale, réalisée sous l’égide de l’État et plus spécifiquement, de 1957 jusqu’à la fin des années 1980, par l’agence FELDA . Cette expansion a causé un recul important des forêts et représente le processus géographiquement le plus marquant dans la péninsule malaise (figure 2). Cette expansion a soutenu le programme d’industrialisation du pays en procurant des intrants pour certains secteurs industriels clés en plus de fournir des devises étrangères grâce aux taxes à l’exportation. De plus, depuis l’indépendance, la Malaysia a réalisé des progrès notables dans …
Appendices
Bibliographie
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