L’analyse de l’organisation des aires sociales en milieu urbain possède une longue tradition. Ainsi, les travaux de pionniers tels Booth sur la condition sociale à Londres vers la fin du XIXe siècle, ceux de l’École de sociologie de Chicago durant les années 1910 à 1930 et les premières analyses des aires sociales proposées par Shevky, Williams et Bell, au milieu du XXe siècle, sont des références essentielles et des jalons importants dans cette quête de compréhension de la mosaïque sociale qui structure nos espaces résidentiels urbains. Vers la fin des années 1950, l’introduction en géographie de l’analyse factorielle a procuré aux chercheurs les outils quantitatifs nécessaires à l’obtention d’une interprétation plus fine et détaillée de cette structure. Appelée écologie factorielle lorsque appliquée à l’étude spatiale de variables tirées du recensement, cette méthode d’analyse permet le regroupement des variables qui possèdent des caractéristiques communes. Chaque regroupement ainsi constitué est considéré comme une des multiples expressions des ségrégations socioécologique propres aux espaces dans lesquels nous habitons. Jusqu’à la fin des années 1970, des études portant sur les grandes villes nord-américaines ont permis de confirmer l’existence d’un modèle de ségrégation spatiale à trois dimensions. Selon ces études, les espaces sociaux des villes s’organisent en fonction du statut socioéconomique, du statut familial et du statut ethnique des habitants. À cause de sa simplicité, et aussi parce qu’il confirme les résultats obtenus antérieurement par les premières analyses des aires sociales de Skevky, Williams et Bell (Bell, 1953), ce modèle a marqué notre compréhension de la mosaïque urbaine et c’est pourquoi on y réfère encore fréquemment dans la littérature scientifique. Cette popularité ne s’est jamais démentie en dépit des travaux plus récents de Davies (1984), de Davies et Murdie (1991a, 1991b, 1994), de Randall et Viaud (1994) et de Viaud (1995) qui démontrent pourtant que ce modèle à trois pôles ne rend pas compte de l’intensification de la fragmentation démographique, sociale et économique qui s’observe depuis la fin des années 1970 sous l’effet de la mondialisation. Ces recherches ont montré la très grande complexité des nouvelles formes de ségrégation sociospatiales et ajoutent à notre connaissance en y intégrant les statuts migratoire et occupationnel des individus, le mode de tenure, l’appauvrissement et la structure des ménages. Malgré son utilité, l’écologie factorielle est fortement critiquée (Randall et Viaud, 1994). Il n’en demeure pas moins que cette méthode est toujours considérée comme l’approche multivariée la plus versatile et la mieux apte à rendre compte de toute la complexité de la structure des aires sociales (Davies, 1984 ; Davies et Murdie, 1991a, 1991b, 1994 ; Johnston, 1978 ; Le Bourdais et Beaudry, 1988 ; Randall et Viaud 1994 ; Viaud, 1995). L’objectif de ce texte est de contribuer à alimenter la discussion portant sur l’utilisation de l’écologie factorielle en recherche. Il ne s’agit pas de mettre en cause l’utilité de la méthode, mais plutôt de souligner deux faiblesses qui lui dont inhérentes. La première se traduit par un débat entre la recherche de généralité et de complexité en science, et la seconde concerne la notion d’échelle en géographie. Par exemple, les résultats des travaux dans le domaine de l’écologie factorielle font sourciller par leur manque de sensibilité au genre, les dimensions sociales prises en compte ne reflétant, d’après plusieurs, que la structure des variables masculines. On dit aussi de la méthode qu’elle est mal adaptée pour expliquer à la fois la complexité de la mosaïque sociorésidentielle et les changements qui sont responsables de la transformation des relations entre les lieux de résidence et les lieux de travail (Pratt et Hanson 1988 ; Randall et Viaud, 1994 ; Townshend, …
Appendices
Bibliographie
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