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Le dixième titre de la collection «Géographie contemporaine» rassemble des textes inspirés par «Le rendez-vous de Montréal», colloque s’étant tenu en mai 2002 pour prendre la mesure du «défi posé aux territoires par la situation de reconversion continue de leurs activités économiques» (p. 2). Plusieurs des textes ont été présentés à cette rencontre; ils sont complétés par des textes sollicités pour élargir la réflexion. Les directeurs de la publication, Jean-Marc Fontan, Juan-Luis Klein et Benoît Lévesque souhaitent que les contributions présentées contribuent non seulement à une meilleure connaissance des initiatives de reconversion d’activités économiques dans le monde, mais aussi à «élaborer des stratégies novatrices, respectueuses des citoyens, en ce qui concerne l’adaptation des économies locales au nouveau contexte créé par la mondialisation» (p. 3).
L’ouvrage compte un total de 16 chapitres, additionnés d’une introduction présentant l’organisation du recueil et un épilogue permettant de présenter les principaux constats se dégageant des discussions ayant culminé avec «Le message de Montréal». Les textes, d’inégale qualité – ce qui arrive souvent dans les compilations du genre –, ont été regroupés en trois parties, présentant la question à différentes échelles. Trois de ces textes ont été traduits de l’anglais.
Le contexte global de reconversion est présenté dans la première partie où il est question de la crise du fordisme. Un des objectifs de Klein et Fontan (premier texte) est de mettre en évidence le rôle joué par le territoire comme facteur d’identité collective. Ils utilisent comme étude de cas le technopôle Angus, à Montréal, où l’action locale s’est révélée efficace parce qu’elle a su mobiliser des ressources endogènes et exogènes (p. 28). Pecqueur observe ensuite la mutation des rapports entreprise-territoire. Pour lui, l’industrie des pays industrialisés peut se dégager de la concurrence des pays à bas salaires en s’orientant vers la qualité des produits, ce qui implique une dépendance plus forte à l’égard des marchés locaux, et donc un risque d’ancrage territorial (p. 39). Le texte de Kresl traite de la revitalisation des quartiers centraux aux États-Unis, en comparant Harrisburg, Philadelphie et Pittsburgh. Malheureusement, on y trouve plusieurs confusions et des raisonnements qui manquent de clarté, comme lorsqu’il présente les «bonnes raisons qui justifient [la] préoccupation» envers des villes en crise; parmi ces raisons, un «taux d’ethnicité plus élevé» (p. 53). Ce n’est pas l’appartenance à un groupe ethnique minoritaire ou différent qui cause la crise; il faudrait plutôt parler de leur exclusion, de leur pauvreté, etc. Dans le texte suivant, Benko examine les mutations de l’emploi en le distinguant du travail, les nouvelles possibilités du rapport salarial et la structuration du marché du travail. Parmi les mutations, la mondialisation contribue «à faire passer au salariat des formes de travail agricole ou d’artisanat traditionnel» (p. 82). Lévesque discute des reconversions industrielles en lien avec la société civile. Pour lui, ces reconversions font face à deux défis spécifiques: 1) obtenir un appui public approprié, en risquant de surpolitiser les initiatives, ce qui apparaît toutefois difficile en raison de la non reconnaissance de la spécificité de leur démarche par les pouvoirs publics; 2) défi de la coordination et de la gouvernance dans une démarche qui compte une multiplicité d’acteurs (p. 114).
La deuxième partie, qui porte davantage sur les stratégies mises en oeuvre, débute par un texte de Stöhr, qui propose une relecture d’un ouvrage publié par lui-même et Taylor en 1981: Development from Above or Below? Laville et Gardin analysent ensuite les «initiatives locales», nouvelle appellation générique présentée en 1998 dans un livre blanc de la Commission des communautés européennes. La discussion au sujet du partenariat est particulièrement éclairante: malgré des efforts soutenus, les résultats escomptés n’apparaissent pas toujours. Les auteurs émettent l’hypothèse qu’il existe «une tendance à autonomiser la question du partenariat qui, de simple moyen, devient une fin en soi» (p. 150). Là réside le paradoxe du partenariat: pour se rapprocher du «terrain», il contribue à ce que les problèmes soient abordés sous des formes techniciennes et à ce que les discussions soient accaparées par les spécialistes (p. 150). Le texte de Grosetti sur le développement urbain technoscientifique s’appuie sur de solides enquêtes, en particulier dans la région de Toulouse. Il contribue, entre autres, à faire tomber certains mythes, par exemple celui des technopoles, qui génèreraient un surcroît d’efficacité en raison de la proximité des entreprises. Ses recherches révèlent plutôt que cela s’explique par la présence de réseaux sociaux locaux: «Il n’y a aucun cas dans lequel le lien résulterait d’une rencontre au sein d’un lieu de convivialité interne à un parc d’activité» (p. 169). Pour Grosetti, il est clair, d’une part, que des investissements dans l’éducation et la recherche peuvent avoir des retombées économiques; d’autre part, que c’est sur le long terme qu’il faut juger les politiques publiques (p. 180). Jouve parle ensuite de régulation politique et de la transformation des États en Europe, posant la question: que gouvernent les métropoles? (p. 182). Guillaume aborde les systèmes productifs locaux en étudiant le cas de la région Midi-Pyrénées (p. 209) et Sénécal la métropole postindustrielle, en particulier par le biais du champ culturel. Le texte se termine par une comparaison un peu rapide entre Bilbao et Marseille, puis avec Montréal, partie qui s’insère maladroitement au reste (pp. 236-237).
Dans la troisième partie, des cas plus concrets sont présentés. Les friches culturelles sont abordées dans le texte de Greffe, qui reprend quelques éléments (introduction) de son ouvrage paru en 2002, Le développement local. Il contribue, entre autres, à mieux connaître ce qu’est un district culturel (pp. 259-264). Bélanger, dans son chapitre, aborde les liens entre les reconversions industrielles (le cas du Bas-Richelieu) et le développement durable; texte plutôt factuel et prospectif. Pike analyse ensuite la question des syndicats dans le nord-est de l’Angleterre, plus spécifiquement «l’influence nouvelle ou retrouvée des syndicats dans les champs économiques, sociaux et politiques aux plans local et régional» (p. 279). Le texte de Jalabert et Zuliani est plus factuel mais présente beaucoup de détails intéressants sur la mise en oeuvre du projet Aéroconstellation (montage de l’Airbus A380 à Toulouse). Enfin, Favreau et Fréchette témoignent de l’expérience de développement local d’un bidonville (Villa El Salvador) de Lima au Pérou, sur une période de 30 ans.
Sur le plan de la forme, l’ouvrage manque de cartes, ce qui peut s’expliquer, mais ne se justifie pas à mon humble avis, par le fait que seuls cinq des vingt et un auteurs sont géographes. De plus, dans plusieurs des textes, on ne sait pas trop où va l’auteur, les objectifs n’étant pas clairement précisés, quelques-uns se contentant de discourir entre le fait objectif et les voeux pieux pour un meilleur avenir. Au total, l’ouvrage présente un intérêt certain pour ceux qui s’intéressent au développement local, en particulier en zone urbaine. Les contributions de Benko, Stöhr, Grosseti et Pike s’avèrent les mieux présentées, fournissent d’intéressantes réflexions et concourent à la qualité de l’ensemble. Ceux qui travaillent concrètement au développement local, même dans les zones rurales, pourront y trouver des réflexions judicieuses et utiles.