Questions, opinions, débats

Mondialisation et diversité culturelleLe témoignage du Québec et du Canada[Record]

  • Guy Mercier

…more information

  • Guy Mercier
    Département de géographie, Université Laval
    Centre interuniversitaire d’études sur les lettres, les arts et les traditions
    Guy.Mercier@ggr.ulaval.ca

On s’inquiète beaucoup ces temps-ci de l’impact de la mondialisation sur la diversité culturelle. Voisins immédiats et intimes partenaires économiques des États-Unis, le Québec et le Canada n’y échappent évidemment pas et, là comme ailleurs, chacun se demande comment protéger sa spécificité culturelle sans se tenir à l’écart d’un mouvement qui, aux yeux de plusieurs, paraît inexorable. Dans ce débat, deux enjeux semblent particulièrement significatifs. D’une part, il importe – et il s’agit là d’un problème universel – de ne pas ériger la dite spécificité culturelle en piège idéologique. D’autre part, il faut trouver le moyen de sortir du dilemme Québec-Canada sans occulter sa réalité et sa prégnance. Le présent commentaire ne prétend pas résorber ces difficultés. Partant d’un questionnement sur les conditions actuelles de l’expression culturelle, l’intention, plus modestement, est d’explorer quelques pistes qui pourraient guider la réflexion en ce sens . Nous assisterions aujourd’hui à l’émergence d’une culture mondiale. En chantier depuis les Lumières, cette culture s’imposerait à la faveur d’une véritable révolution (Claval, 2004: 17-18). En effet, son matériau sociologique ne serait plus la communauté, mais les individus qui, additionnés, forment une masse. Il y aurait ainsi déplacement du lieu de ce que l’on peut appeler l’authenticité culturelle. L’authenticité en question ne renvoyant pas à une quelconque transcendance ontologique à laquelle les individus et les groupes devraient obéir au risque de se perdre, mais au sens propre du mot authentique qui indique qu’une culture – aussi changeante soit-elle – puisse, comme une parole, un geste ou une oeuvre, émaner ou non de l’individu ou du groupe auquel on l’attribue. Posons d’abord que les cultures, disons, traditionnelles auraient pris corps à travers des grands récits donnant signification aux actions et aux discours des personnes et des institutions. Si tel était le cas, on pourrait avancer que la communauté énonciatrice d’un grand récit était alors le générateur d’une culture authentique qui se transmettait, par la tradition, au fil des générations. Qu’en est-il aujourd’hui? La tradition n’a pas nécessairement disparu, mais elle ne semble plus être la source principale de la culture. Elle ne serait plus qu’un objet ou un produit parmi d’autres qui s’offrent à la conscience ou à la consommation individuelle. C’est pourquoi une tradition peut, dans les circonstances, trouver une nouvelle vigueur si elle sait, passez-moi l’expression, conquérir un segment de marché. Elle ne serait alors qu’une mémoire qui s’incorpore ou s’amalgame à d’autres traits de la culture. Mais l’emprise générale de la tradition serait en déclin, en Occident du moins, puisque l’instance privilégiée de la culture ne serait plus la communauté, mais l’individu (Legendre, 1999: 63 et suiv.). Dans ces conditions, il faut espérer que les individus puissent vraiment jouir d’une nouvelle authenticité culturelle. Or chaque individu, dans cette perspective, se voit condamné à l’innovation, faute de quoi il est livré, seul ou presque, à l’aliénation dans la masse. Pour que la mondialisation débouche sur une nouvelle et authentique diversité culturelle, l’individu doit être capable de faire face à la multitude des expressions culturelles. Il doit être capable de négocier son identité culturelle en faisant la part des grands récits collectifs qui se perpétuent tant bien que mal, de la culture institutionnalisée qui résiste encore aux assauts de la privatisation, et de la culture de masse, où il est souvent difficile de faire la distinction entre profit et valeur. Or, pour que cette élection personnelle de la culture soit pleinement réalisable, il faut reconnaître à l’individu le plein droit d’être ce qu’il est, c’est-à-dire le droit entier de constituer ses propres espérances en patrimoine. Cette visiondonnerait raison à ceux qui, comme Michael Ignatieff …

Appendices