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Le Massif central est une région tradi-tionnellement agropastorale qui a longtemps été considérée comme « la tête chauve de la France ». Cependant, depuis la fin du XIXe siècle, ces hautes terres agricoles se font progressivement envahir par une végétation de broussailles, de landes ou de boisés. L’enfrichement du Massif est perçu comme une calamité par ceux qui le croient être symptomatique d’une inexorable déprise agricole. Mais qu’en est-il réellement de ce phénomène? De quoi s’agit-il? Où l’observe-t-on? Quels sont les facteurs qui contribuent à son apparition? De quoi est-ce que cela témoigne? Et vers où cela évoluera-t-il?
Cet ouvrage répond à ces questions grâce aux travaux de terrain et aux analyses socio-économiques réalisés par les géographes du Centre d’Études et de Recherches Appliquées au Massif central, à la moyenne montagne et aux espaces fragiles (CERAMAC). Loin de n’être qu’un recueil de textes disparates, il se divise en trois chapitres complémentaires : la recherche qui s’y déploie est tout simplement exemplaire. La démarche adoptée est éminemment scientifique. La méthodologie élaborée est rigoureuse et son application est systématique. La friche est mise en relation avec les conditions physiques, historiques et socio-économiques des parcelles échantillonnées. Les résultats sont présentés dans des tableaux clairs ou illustrés par des cartes dans l’ensemble facilement interprétables. Les conclusions sont très nuancées et prudentes, ce qui les rend davantage crédibles. Les références sont toutes données. Bref, l’étude est exhaustive.
La première partie est une réflexion sur les concepts de friche et de déprise agricole, l’une étant le corollaire de l’autre, mais sans que la corrélation entre ces deux phénomènes soit forcément positive. On parvient ensuite à mieux définir la friche agricole, étape essentielle avant d’aller sur le terrain. Dans le processus de déprise agricole, on distingue le « mouvement de contraction » du « niveau de dégradation » de l’espace agricole, ces deux réalités agissant de façon concomitante, séparément ou pas du tout dans l’apparition de la friche. On présente aussi la grille d’interprétation utilisée sur le terrain pour évaluer les caractéristiques des parcelles. Douze facteurs-clés auxquels les auteurs ont attribué « un coefficient de 1 à 6 selon leur importance présumée » se regroupent sous trois catégories : milieu naturel, conditions foncières et conditions socio-économiques. En tout, treize communes sont ainsi analysées. En regroupant les variables et en les observant à l’échelle des communes, le même exercice est réalisé pour l’ensemble du Massif central.
La deuxième partie présente cinq études de cas judicieusement choisies de façon à montrer les particularités régionales et les distinctions locales du phénomène de l’évolution de la friche agricole dans le Massif central.
La troisième partie explique pourquoi il est difficile de se prononcer sur l’évolution future de la friche dans le Massif central. En Auvergne, par exemple, les dynamiques d’évolution sont fort complexes et contradictoires. L’existence d’un système agraire archaïque, les sectionaux (terres collectives infra-communales au statut mal défini et au fonctionnement assez flou), complique singulièrement la gestion des terres par les co-propriétaires. L’abandon de l’estive, pâturage d’altitude saisonnier, favorise le recul de la terre agricole, sauf en cas de reconversion de la parcelle, qui souvent tarde.
En définitive, ce livre est une référence sérieuse et inspirante qui va bien au-delà des préjugés et du tâtonnement dans sa quête pour comprendre le phénomène d’enfrichement des terres agricoles dans le Massif central.