Madame la ministre responsable de l’application des lois professionnelles, Madame la présidente du Conseil interprofessionnel du Québec, Mesdames et Messieurs, Il me fait plaisir ce matin de partager avec vous certains moments qui ont marqué le cheminement menant à la naissance du système professionnel québécois, une des réformes les plus importantes du Québec, dont nous célébrons, aujourd’hui et demain, le 50e anniversaire. Un bref retour aux sources du professionnalisme nous apprend que les corporations professionnelles constituées au Québec au cours de la seconde moitié du xixe siècle et au début du xxe siècle s’inscrivaient dans un contexte économique fondé sur la libre entreprise. Traditionnellement, la plupart des membres de ces corporations exerçaient en cabinet privé, seuls, autonomes et isolés. Le plus souvent, ces membres occupaient des champs de connaissance étendus et généraux correspondant, dans chaque cas, à un champ d’exercice dans le cadre duquel chaque professionnel pouvait offrir des services couvrant la totalité de ce champ. Dans ce contexte, les corporations professionnelles répondaient à des besoins précis : De plus, ces corporations constituaient le seul mécanisme de contrôle des professions en cause. Il paraissait difficile de régir autrement des producteurs autonomes, exerçant individuellement. Ainsi, fut délégué aux seuls producteurs de services le soin de veiller aux intérêts des usagers de ces services. L’idéologie professionnelle, fondée sur l’autodiscipline et le sens de l’éthique des membres, s’intégrait fort bien à une philosophie humanisme et élitiste très répandue à l’époque. L’industrialisation rapide de la société québécoise et la révolution technologique provoquées par la Seconde Guerre mondiale sont venues changer la donne. Dans une société québécoise en mutation, trois phénomènes en particulier ont retenu l’attention : Tous ces phénomènes rendaient plus difficile de fonder sur la seule autogestion des producteurs, fussent-ils membres de corporations professionnelles, la protection du public. Il faut dire que les corporations professionnelles détenaient des pouvoirs remarquables pouvant être exercés de façon autonome : La table était donc mise pour qu’à compter du milieu des années 1960 et de la première partie des années 1970 un examen complet du système professionnel québécois soit entrepris et une réforme proposée. Cet examen menant à la publication du rapport de la Commission d’enquête sur la santé et le bien-être social (aussi appelée « commission Castonguay-Nepveu »), dont je fus le conseiller juridique, intitulé Les professions et la société, a conduit à l’adoption par l’Assemblée nationale du Québec du Code des professions le 6 juillet 1973. Dans la préparation de ce code, le gouvernement de l’époque avait à l’esprit de bien cerner le rôle des corporations professionnelles : si cela devait être la défense de leurs membres, il en faisait des syndicats professionnels qui fonctionneraient à leur façon dans le cadre de la législation sur les syndicats. L’autre avenue était de faire assumer ce besoin de protection du public par l’État. Ayant examiné ce qui se faisait ailleurs, cela ne lui est pas apparu une bonne façon. Il a donc privilégié de confier aux corporations professionnelles le mandat de protection du public, tout en créant une structure qui veillerait à l’accomplissement de ce mandat : l’Office des professions. Cette décision paraissait concilier l’intérêt du public et la protection de ce dernier avec les avantages incontournables d’une certaine autonomie des professions à l’égard du pouvoir politique. L’organisation et la réglementation des professions ne devaient jamais perdre de vue la protection du public. D’où des mesures comme l’approbation des règlements et la présence de membres du public au conseil d’administration des corporations professionnelles, d’une représentation au comité exécutif de celles-ci, et la publication de rapports annuels. Le choix a été fait cependant de …
La naissance du système professionnel québécois[Record]
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René Dussault
Juge à la retraite
Allocution prononcée au Congrès du Conseil interprofessionnel du Québec, Hôtel Hilton Québec, le 2 novembre 2023.