Abstracts
Résumé
Une décision judiciaire se présente depuis longtemps comme un texte écrit comprenant deux parties essentielles, soit un exposé des motifs sur lequel se fonde le tribunal pour justifier sa décision et un dispositif qui énonce les conclusions du tribunal. La présentation matérielle des décisions judiciaires fait ressortir les particularités que comporte cet écrit rattaché à la littérature du droit. La forme donnée au texte met en évidence l’autorité qui découle de cet acte juridictionnel. Loin d’être statique, la matérialité du texte des décisions a connu des formes variables au fil du temps. Depuis quelques décennies, elle s’est transformée à la faveur des efforts faits pour faciliter la lecture et la compréhension de ces décisions et permettre le passage de l’imprimé au numérique comme format usuel de diffusion du corpus jurisprudentiel.
Abstract
Judicial decisions have long been presented as written texts comprising two essential parts : a statement of reasons on which the court bases its decision and a disposition that sets out the court’s findings. The way in which judicial decisions are presented highlights the particularities of these pieces of legal literature. The form given to the text highlights the authority deriving from this jurisdictional act. Far from being static, how decisions are drafted has varied in form over time. Over the last few decades, the form of decisions has changed as a result of efforts aimed at making them easier to read and understand and the transition from print to digital format, which has become the usual way of disseminating the body of case law.
Resumen
Desde hace mucho tiempo una decisión judicial se ha presentado como un texto escrito que comprende dos partes esenciales : una exposición de motivos sobre la cual se basa el tribunal para fundamentar su decisión, y una dispositiva en la cual se establecen las declaraciones del tribunal. La presentación material de las decisiones judiciales resalta las particularidades que presenta este escrito, el cual se asocia a la literatura del derecho. La forma que se le da al texto subraya la autoridad que deriva de este acto jurisdiccional. La materialidad del texto de las decisiones dista de ser estática, pues ha conocido formas variables a lo largo del tiempo. Desde hace algunas décadas la materialidad de las decisiones ha experimentado transformaciones, gracias a los esfuerzos realizados para facilitar su lectura y su comprensión, y para permitir la transición de la forma impresa a la digital como formato de difusión usual del corpus jurisprudencial.
Article body
1 Des traits distinctifs
Une décision judiciaire prend nécessairement la forme d’un texte écrit, selon l’article 321 du Code de procédure civile. Elle présente des traits distinctifs qui découlent de sa nature même et se reflètent dans sa matérialité[1], soit dans la forme spécifique lui est donnée.
Le jugement rendu par un tribunal est un texte qui entre dans la catégorie des actes d’institution, soit des actes fondés sur une parole autorisée, à caractère officiel, comme l’a formulé Pierre Bourdieu : « le verdict du juge […] appartient à la classe des actes de nomination ou d’institution et représente la forme par excellence de la parole autorisée, parole publique, officielle, qui s’énonce au nom de tous et à la face de tous : en tant que jugements d’attribution formulés publiquement par des agents agissant en mandataires autorisés d’une collectivité[2] ». Un jugement est, par ailleurs, rattaché à la catégorie des actes authentiques[3] (art. 324 C.p.c.). La forme même que prend l’acte officiel par lequel une personne accède à la magistrature atteste le statut accordé au juge et l’autorité qui lui est reconnue. La loi établit, par exemple, que la nomination est faite au terme d’un processus strict et officialisée par une commission ou par une lettre patente, le document étant revêtu d’un sceau[4].
Les jugements des tribunaux, par leur matérialité même, font ressortir leur rattachement aux actes d’institutions par les inscriptions[5] caractéristiques qui y figurent. Il suffit, pour s’en convaincre, de considérer l’en-tête d’une décision judiciaire dont la présentation en souligne le caractère officiel. S’y trouvent indiqués la désignation de la décision et sa référence, le nom de la cour qui a entendu l’affaire, le rattachement territorial du dossier — notamment la mention du district judiciaire où l’audition a été tenue — le numéro du dossier, la date où le jugement a été rendu, le nom du ou des juges qui signent la décision et le nom des parties, des mis en cause et des intervenants et, éventuellement, de leurs avocats. Ces inscriptions peuvent être qualifiées d’éléments paratextuels[6]. La présentation graphique de cet en-tête est standardisée et contribue à mettre en valeur l’autorité reconnue au juge dont le nom est précédé du prédicat « honorable[7] ».
À cette autorité instituée, il est essentiel d’ajouter l’effet performatif[8] inhérent aux décisions judiciaires. Si cet effet se devine à la lecture intégrale d’une décision judiciaire, il ressort nettement du dispositif, soit de la partie du jugement qui suit l’exposé des motifs et qui contient à proprement parler la décision rendue. En effet, les énoncés qui se trouvent dans le dispositif d’un jugement ne sont pas de simples propositions ou affirmations, mais sont susceptibles de produire un effet sur le monde social : « ces énoncés performatifs sont des actes magiques qui réussissent, parce qu’ils sont en mesure de se faire reconnaître universellement, donc d’obtenir que nul ne puisse refuser ou ignorer le point de vue, la vision, qu’ils imposent[9] ». La forme même des énoncés traduit le caractère performatif du dispositif qui est constitué d’une ou de plusieurs phrases, indépendantes les unes par rapport aux autres et formulées dans un style concis. Elles ont pour particularité de débuter par un verbe exprimé à la troisième personne du singulier de l’indicatif présent et à la voix active[10], par exemple : accueille, déclare, attribue, autorise, infirme, annule, rejette, fixe, ordonne, interdit, acquitte ou condamne. Il est habituel de mettre ce verbe en lettres majuscules et en caractères gras. Cette formulation et cette présentation viennent mettre l’accent visuellement sur l’effet performatif de la décision judiciaire.
Malgré l’impact que peut avoir le dispositif sur les esprits, il y a lieu de considérer les règles sur l’exécution des jugements pour mesurer davantage l’effet performatif qui s’en dégage. De fait, une fois rendue, une décision judiciaire doit être respectée et, à défaut, elle est susceptible de donner lieu à une exécution forcée (art. 656-777 C.p.c.).
Ces caractéristiques particulières, dont on peut avoir une connaissance plus ou moins approfondie, contribuent à façonner la représentation sociale du juge, et ce, tant dans la communauté juridique qu’à l’extérieur. Ce faisant, elles participent à la justification et à la consolidation du rôle qui lui est attribué.
Une décision judiciaire est inscrite dans un environnement contraignant qui s’impose au rédacteur. Des différents écrits à caractère juridique, c’est indéniablement celui qui est le plus marqué par diverses contraintes. Le rédacteur est, en effet, dépendant du recours intenté, des prétentions des parties, des arguments soulevés, des conclusions recherchées énoncées dans la requête introductive d’instance (art. 10 al. 2 et 99 C.p.c.) et des règles de droit applicables à une affaire donnée. Le jugement répond ainsi à un gabarit imposé en ce qu’il comprend nécessairement un énoncé des motifs justificatifs sur lesquels se fonde le tribunal (art. 321 C.p.c.) et un dispositif qui est la formulation de la décision rendue. L’existence des contraintes est révélée à la lecture du jugement, tenant compte des traits spécifiques qui singularisent la narration d’un tel texte, de même que par la présence des autorités citées à l’appui du texte. Une autre contrainte s’ajoute : elle découle du rattachement du jugement à la catégorie des actes d’institution, soit l’obligation du produire un jugement, et ce, dans un certain délai s’agissant des affaires entendues en première instance (art. 324 C.p.c.).
Certes, la rédaction d’autres écrits juridiques est assujettie à certaines contraintes. Le législateur doit, par exemple, adopter des lois conformes à la constitution ou en harmonie avec le corpus législatif existant. Il demeure qu’il jouit d’une marge de manoeuvre appréciable dans l’orientation du droit à venir. La formulation des textes législatifs est par ailleurs marquée par de nombreuses contraintes. L’auteur de doctrine évolue dans un contexte moins rigide, même s’il n’est pas à l’abri de contraintes. Celles-ci existent, mais relèvent davantage de canons partagés par les auteurs que de canons qui leur sont imposés. De faire fi, en pareil cas, de certaines contraintes pourrait avoir tout au plus pour effet d’atténuer la réception de tels écrits par la communauté juridique. En revanche, un juge qui mettrait de côté certaines contraintes qui lui sont imposées risquerait de voir sa décision cassée en appel.
2 Un regard sur le passé
Longtemps le jugement a été inséré dans un processus fortement marqué par l’oralité. Tout jugement à l’exception de quelques cas particuliers, était prononcé à l’audience[11]. La formulation même du dispositif d’un jugement est le reflet d’une propension marquée pour l’oralité. À partir des années 1950, les jugements peuvent être déposés au greffe des cours sans être lus[12]. Le Code de procédure civile de 1965 s’en tient à cette règle prévoyant le prononcé à l’audience ou le dépôt de la minute du jugement au greffe[13].
Le caractère oral des jugements a eu longtemps une incidence sur leur diffusion au sens où le prononcé oral ne donne pas alors nécessairement lieu à une transcription exacte de ce qui a été énoncé. D’ailleurs, dans des registres de la cour, leur forme est souvent succincte et peut se résumer à un en-tête (indication du nom des parties et du juge), à des considérants et au dispositif[14]. Les motifs peuvent être lus à l’audience par le juge à partir de notes. Cependant, ces dernières ne font pas obligatoirement l’objet d’un dépôt. De fait, elles ont rarement été conservées. Parfois, des notes ayant éventuellement été utilisées par un juge se trouvent dans des fonds d’archives. Il arrivait autrefois que les avocats transcrivent les motifs des juges lors du prononcé d’un jugement. Dans ce contexte, jusqu’au milieu du xixe siècle, le système est peu propice à une diffusion méthodique des jugements. La publication régulière des décisions sera tardive et parcellaire. Elle débutera au milieu du xixe siècle. À cette époque, la publication repose souvent sur la collaboration des juges qui transmettent leurs notes aux éditeurs de recueils judiciaires.
Il est difficile de parler de matérialité dans le cas du prononcé oral d’une décision[15]. Reste que le contexte de ce prononcé n’est pas sans présenter des traits qui permettent de faire ressortir l’appartenance du jugement à la catégorie des actes d’institution et à son caractère performatif. Le lieu où la justice est rendue et le rituel qui entoure le prononcé du jugement trahissent son rattachement à la catégorie des actes d’institution. Le palais de justice, la salle d’audience, la tribune sur laquelle prend place le juge, la présence d’un huissier qui annonce son arrivée ou encore l’auditoire tenue à distance ne font qu’affirmer ces traits[16]. Par ailleurs, le recours à l’oralité, loin d’atténuer cette qualité, est plutôt de nature à la renforcer, surtout que les juges, anciens membres du barreau et pour certains anciens politiciens, ont souvent des habiletés oratoires. Ils sont donc à même de ponctuer l’énoncé du jugement afin d’en souligner les passages les plus marquants, notamment le dispositif. Il y a même, dans les affaires criminelles, une part du rituel propre à faire connaître la condamnation à la peine capitale avant même le prononcé de la sentence. Dans un tel cas, le juge se présente dans la salle d’audience, coiffé d’un tricorne et portant des gants noirs : il révèle ainsi la sentence avant de l’avoir rendue précisément[17].
La communication de la forme écrite des décisions judiciaires a connu au Québec une lente évolution qui sera rapidement esquissée[18]. L’obligation de motiver les jugements de première instance et d’appel est inscrite dans deux lois de 1843[19]. Dès lors, la forme des jugements répond à un gabarit imposé qui est généralement respecté, mais peut présenter des lacunes. Les jugements ont longtemps été relativement courts quoiqu’il y ait des exceptions notables et, jusqu’à assez récemment, ont adopté la forme d’un texte suivi, sans subdivision. Le lecteur est donc incité à prendre connaissance de la totalité de la décision. Les arrêts de la Cour d’appel donnant souvent lieu à des opinions concurrentes, il en découle que plusieurs, sinon l’ensemble des juges qui avaient entendu un appel rédigent des motifs. Les autorités citées à l’appui des motifs sont diversifiées, avec une prédilection marquée pour les auteurs français en droit civil.
La responsabilité des recueils dans lesquels sont publiées les décisions a comme caractéristique de relever de membres de la communauté juridique et de ses organes, soit la magistrature et le barreau. La supervision de la publication est confiée à des juristes jouissant d’emblée d’un prestige reconnu. Il leur revient de choisir les décisions retenues pour figurer dans les recueils. À noter qu’une part relativement limitée des jugements rendus est publiée. Le travail d’édition des décisions est sommaire en ce qu’il se limite à proposer un en-tête standardisé et un bref résumé de la décision. La consultation des recueils, sans être complexe, demeure restreinte à l’époque, leur distribution étant limitée en dehors des lieux associés à la communauté juridique.
Longtemps le lectorat des décisions judiciaires a été circonscrit aux membres de la communauté juridique. Les avocats, dans bien des cas, étaient appelés à expliquer la teneur des décisions à leurs clients. De son côté, la presse rendait compte de l’activité des tribunaux, allant même jusqu’à donner des extraits ou le texte complet d’une décision, dans des affaires propres à passionner le lectorat[20].
3 Une ère de transformations
La présentation des décisions judiciaires connaît une transformation perceptible à partir des dernières décennies du xxe siècle. Plusieurs raisons permettent d’expliquer cette évolution. Un changement générationnel dans la composition de la communauté juridique et dans la magistrature favorise une telle évolution. Il y a lieu de considérer également l’effet du discours portant sur l’accès à la justice qui prend diverses formes et traite notamment de la rédaction de textes à portée juridique, y compris les jugements. Le dynamisme de l’édition qui voit apparaître de nouveaux acteurs contribue au renouvellement du travail éditorial. Finalement, la mutation qui marque les modes de diffusion des décisions judiciaires provoque des effets sur leur présentation.
Le dépôt possible d’un jugement au greffe du tribunal sans prononcé oral pouvait laisser croire, au milieu du xxe siècle, que l’écrit deviendrait rapidement l’unique façon de rendre une décision judiciaire. La réalité est plus nuancée. Une part des décisions continue d’être rendue séance tenante[21], notamment en première instance, tout en donnant lieu à une transcription du jugement au procès-verbal de l’audience (art. 334 al. 2 C.p.c.)[22] ou à un dépôt subséquent des motifs écrits[23]. La communication orale est de nature à s’inscrire dans un effort d’explication d’une décision aux parties[24], particulièrement de décisions rendues en matière de petites créances par la Cour du Québec. Elle est aussi fréquente dans le cas des matières marquées par l’urgence de rendre une décision, tels le droit des personnes ou le droit criminel.
À partir des années 1980, le processus d’édition des jugements connaît une transformation. Une initiative remarquable est celle de la publication de recueils thématiques[25], notamment sous l’égide de la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ). Malgré l’ajout de recueils, une part non négligeable des décisions rendues ne connaît pas de diffusion systématique. Elles sont reçues par un nombre limité de bibliothèques juridiques. Les jugements retenus pour publication donnent alors lieu à un processus d’édition plus rigoureux que par le passé. Des efforts sont déployés pour faciliter le repérage des jugements par les personnes qui consultent les recueils en développant un appareil de présentation des jugements, notamment par l’usage de mots clés en en-tête, la mention du recours intenté, un résumé de la décision rendue et la liste des autorités citées (législation, jurisprudence et doctrine). Ces transformations déjà importantes sont suivies, au tournant du xxie siècle, par un changement d’une grande ampleur avec la diffusion généralisée des décisions judiciaires, sous forme numérique. Le corpus des décisions des diverses instances est ainsi logé dans une bibliothèque délocalisée, sans cesse alimentée. L’effet de ce changement est de donner libre accès à l’ensemble des décisions rendues par les tribunaux judiciaires ou administratifs, sans compter un volet de diffusion rétrospective. Avant le dépôt généralisé des décisions, les parties ou les tribunaux pouvaient référer à des « jugements inédits[26] », soit des jugements qui n’avaient pas été retenus pour publication dans les recueils imprimés. Malgré l’autorité qui leur était éventuellement reconnue, ils demeuraient difficiles à repérer.
La constitution d’une immense masse documentaire en version numérique est venue transformer sensiblement le rapport au corpus jurisprudentiel. De prime abord, une constatation s’impose, soit la disparition d’à peu près l’entièreté des recueils judiciaires imprimés. La diffusion de l’ensemble des décisions judiciaires donne à toute personne intéressée la liberté de consulter le corpus, généralement par interrogation de cette banque, en faisant une recherche par mots clés, qu’il s’agisse de concepts juridiques ou de mots courants[27]. Il revient à chacun d’évaluer la portée d’une décision repérée[28]. Il est essentiel d’ajouter que, malgré cet accès direct au corpus jurisprudentiel, la SOQUIJ a conservé le mandat d’examiner l’ensemble des décisions rendues afin de sélectionner celles qui présentent un intérêt particulier, en vue de les soumettre à un processus éditorial plus ou moins élaboré suivant l’intérêt de chaque décision[29]. Des éditeurs juridiques privés et des cabinets d’avocats sont engagés également, à plus petite échelle, dans un travail de ce type. Il y a donc toujours un travail d’indexation des décisions et de sélection des jugements qui, suivant leur importance, donnent lieu à une présentation à peu près analogue à celle qui se trouvait dans les recueils imprimés. De plus, la chronique de décisions judiciaires, même si elle n’est pas nouvelle, est devenue plus populaire en prenant la forme d’un commentaire d’une décision[30].
À remarquer que la numérisation du corpus jurisprudentiel n’a pas entraîné pour autant la disparition de la production d’un jugement en format papier. Celui-ci existe toujours. Il est signé par la personne qui le rend et est déposé au greffe du tribunal de rattachement (art. 334 C.p.c.). Ce document constitue un acte authentique. Il reste que la numérisation a amené le remplacement du format « légal » — associé étroitement au monde du droit et précisément à la décision judiciaire — par le format « lettre », plus usuel. La numérisation a donc provoqué la diffusion de la décision judiciaire dans sa forme première, soit celle qui est conforme à l’original, sans le passage par un processus d’édition qui découlait de la publication dans un recueil imprimé. Cette forme était jusque-là peu diffusée. De nos jours, la consultation de ce format met le lectorat en contact avec une version du texte qui laisse davantage ressortir l’autorité du tribunal que ne le faisait le format imprimé.
D’autres transformations qui marquent le monde judiciaire — sans lien par ailleurs avec les modes de diffusion des jugements — sont à considérer. Le lectorat des jugements ne se cantonne plus comme autrefois à peu près aux seuls membres de la communauté juridique, mais il est susceptible de déborder bien au-delà de cette dernière. Ce constat a certainement été accompagné d’une prise de conscience qu’une partie du lectorat n’a pas nécessairement de formation en droit. Ainsi, avec la création de la division des petites créances à la Cour provinciale (devenue la Cour du Québec), en 1971, les justiciables se représentent seuls. Dès lors, une décision est transmise aux parties sans passer par la médiation des avocats. Il est vraisemblable que, lors de la rédaction des décisions de cette instance, cette particularité est prise en considération[31]. Il en découle une incitation à rédiger un texte qui sera aisément compris sans l’intervention d’une tierce personne. Par ailleurs, l’introduction des instruments juridiques que sont les chartes des droits et libertés viendra accorder un pouvoir accru aux tribunaux qui se reflétera dans la portée reconnue à certaines de leurs décisions, susceptibles de dépasser largement l’intérêt immédiat des parties à une affaire judiciaire. Il s’ensuivra la nécessité de tenir davantage compte des divers auditoires susceptibles de lire les décisions.
À peu près au même moment s’engage une réflexion sur la rédaction des textes juridiques, y compris les décisions des tribunaux. Dans ce contexte, les juges sentent le besoin de se pencher sur cet exercice bien particulier qu’est la rédaction d’un jugement. Dès le début des années 80, des cours de formation sont offerts à la magistrature par l’Institut canadien d’administration de la justice. Cet enseignement est suivi de la publication de guides de rédaction[32]. L’influence de ce courant s’avère indéniable. À cela, il faut mentionner l’établissement de normes de présentation des jugements établies pour faciliter leur diffusion en format numérique[33].
Au cours des dernières décennies du xxe siècle, les jugements connaissent une certaine transformation. D’abord, ils sont vraisemblablement plus longs que par le passé, tant en première instance qu’en appel. Il est essentiel d’ajouter que, en ce qui concerne la Cour d’appel, elle manifeste un intérêt plus marqué que par le passé pour la collégialité. Ce trait n’a pas pour effet d’éliminer toute dissidence, mais il restreint la formulation de motifs concurrents. Enfin, le caractère collégial de la cour favorise une meilleure réception des arrêts rendus par la communauté juridique, contribue à une cohésion accrue du corpus jurisprudentiel et, par ricochet, assure une sécurité juridique plus affirmée.
La forme des décisions évolue. Les motifs sont parfois l’objet des subdivisions par l’insertion d’intertitres qui permettent de segmenter le texte[34]. Les subdivisions semblent faire leur apparition dans les jugements de la Cour suprême à la fin des années 1970, et ce, timidement. Il y a, par exemple, l’emploi d’intertitres non numérotés[35], le recours à des chiffres romains sans texte[36] et des intertitres précédés de numéros[37]. La Cour d’appel[38] et la Cour supérieure[39] font également usage d’intertitres, d’abord de façon limitée. L’intertitre permet de repérer les grandes subdivisions des motifs : le contexte (rappel des faits pertinents et du jugement entrepris dans le cas d’un appel), les questions en litige et l’analyse. Ces subdivisions sont à leur tour segmentées par l’insertion d’intertitres qui tiennent compte des particularités de chacune des affaires. L’adaptation du plan à chaque cas d’espèce évite la standardisation des motifs. La présence d’intertitres offre ainsi l’avantage de dévoiler au lecteur le sens de la démonstration et de faciliter la transition entre les différents segments du texte[40]. Il reste que le recours aux intertitres n’est pas pertinent en toute circonstance.
La longueur de certains jugements — par exemple, les décisions portant sur des actions collectives — incite parfois les juges à fournir le plan de leur texte. Il peut être donné à la fin de la décision[41]. Cette manière de faire n’altère pas la présentation habituelle des décisions. Elle présente toutefois le désavantage de laisser le lecteur dans l’ignorance de l’existence du plan qu’il découvrira une fois le jugement lu. De manière à contrer cet effet, il est de plus en plus courant de placer le plan au début du jugement[42]. La présence d’intertitres et d’un plan peut certes se concevoir dans le contexte d’une diffusion en format imprimé, mais elle devient davantage pertinente pour maintenir l’attention du lecteur à l’écran.
Un élément paratextuel a été ajouté dans le texte des décisions, soit la numérotation des paragraphes. L’introduction de cet élément coïncide avec les débuts de la numérisation des jugements, quoique cet usage soit déjà attesté auparavant dans l’édition privée[43]. La Cour d’appel commence à numéroter les paragraphes de ses décisions en 2000, suivie rapidement par les tribunaux de première instance. Il y a probablement une conscience chez le rédacteur et le lecteur que le paragraphe est devenu un segment plus autonome que par le passé dans la trame narrative. La numérotation des paragraphes permet une structuration apparente du texte. Elle vise à faciliter le repérage d’un passage précis et la désignation d’un segment donné. Un autre ajout doit être mentionné en relation avec la numérisation : la présence de liens hypertextes qui permettent de renvoyer directement à la législation et à la jurisprudence citées, ce qui facilite grandement la consultation des sources sur lesquelles se fonde un tribunal.
Certes, la présence des éléments paratextuels présentés était déjà attestée dans les décisions diffusées en format imprimé. Il demeure qu’ils ont gagné en importance à la suite de la diffusion des jugements dans des banques de données et que de nouveaux éléments paratextuels ont été ajoutés. Cet appareil d’accompagnement a pour fonction de faciliter l’accès au texte[44] et, partant, de favoriser l’intertextualité[45], trait caractéristique de la jurisprudence. Il est en effet inhérent au travail des avocats et des juges de fonder leurs raisonnements sur les sources que sont la législation et la jurisprudence. Il reste le défi d’analyser correctement la pertinence et la portée d’une décision sans bénéficier du travail des arrêtistes[46], sauf pour une frange limitée des décisions contenues dans l’imposant corpus jurisprudentiel numérisé.
Au-delà de la structuration du texte, il y a manifestement un effort de rédaction en vue de privilégier la clarté de l’expression et la cohérence du propos. Il reste qu’un jugement propose souvent un exposé détaillé des faits propres à une affaire et une analyse fine des sources du droit qui lui sont applicables, au détriment d’une approche synthétique qui rendrait le texte plus facile à saisir. On ne peut reprocher aux juges une telle démarche qui découle de la spécificité du droit et de sa mise en oeuvre. Le style de rédaction a pour objet de faciliter la compréhension du texte : usage de la voix active, longueur raisonnable des phrases et recours à un vocabulaire courant. Il demeure souvent nécessaire de faire usage d’un vocabulaire technique, ne serait-ce que par l’obligation de recourir à la qualification. Les techniques de rédaction promues et utilisées peuvent laisser croire à une standardisation des jugements, mais cette affirmation peut difficilement être soutenue : les juges continuent de s’exprimer suivant le style qui leur est propre.
Il est prévisible sinon inévitable que la numérisation, accompagnée d’un effet de changement générationnel, entraîne à moyen terme une transformation des pratiques d’écriture dans le monde juridique. Il est intéressant de constater l’insertion récente d’illustrations[47] dans les jugements. Le recours à l’image n’est pas sans étonner en ce qu’il semble reconnaître les limites de la trame narrative traditionnelle en certaines circonstances. Cet ajout peut poursuivre deux fins distinctes. La première est de présenter des éléments de la preuve sur lesquels se fonde le tribunal pour rendre sa décision. Si la présence d’un plan ou d’un croquis permettant de visualiser la configuration d’un immeuble remonte à une date lointaine[48] et est toujours attestée[49], la reproduction d’une facture, d’un texte écrit ou d’une photographie s’avère plus récente[50]. La seconde fin recherchée est de produire une illustration qui cherche à mieux faire comprendre le contexte d’une affaire ; elle peut être fondée sur l’insertion d’un dessin confectionné par le tribunal à une finalité didactique : « Ce dessin est inclus pour faciliter la compréhension du lecteur et ne prétend pas être exact[51]. » Cependant, ce type d’initiative demeure rare et peut susciter l’étonnement[52]. Longtemps associé à des questions de droit des biens, le recours au croquis est désormais susceptible d’être utilisé dans d’autres situations[53]. L’ajout d’illustrations se trouve justifié par l’élargissement du lectorat des décisions et par la volonté des juges d’être mieux compris.
La forme donnée à une décision n’est pas sans lien avec la lecture qui en est faite. Deux grands modes de lecture d’un texte sont possibles : une lecture intensive et une lecture extensive. La première est une lecture attentive qui permet une appropriation du texte dans son ensemble par le lecteur[54]. La seconde est une lecture fragmentaire ou segmentaire qui vient atténuer ou peut même faire perdre l’idée d’ensemble d’un texte[55].
Les juristes s’adonnent, à n’en pas douter, à une lecture intensive de la jurisprudence. Un jugement est un texte qui a été écrit pour donner lieu à un tel mode de lecture puisqu’il vise à convaincre le lecteur de la justesse d’une démonstration qui conduit à imposer une décision. Le travail des membres de la communauté juridique les oblige, par ailleurs, à lire attentivement des décisions, à les analyser et à les comparer entre elles. Il s’ensuit une nécessité de s’adonner à une lecture continue du texte d’un jugement. Cet attrait pour une forme de travail exégétique ne les amène pas à rejeter la lecture segmentaire des textes, loin de là. La lecture extensive est, depuis longtemps, liée à la culture juridique. Ce mode de lecture est tourné vers l’action, soit vers la production de textes, tels des avis juridiques, des mémoires ou des décisions[56]. Il est d’autant plus justifié que les juristes ont une familiarité avec la littérature juridique. Autrement dit, la connaissance préalable d’un certain nombre de textes législatifs, jurisprudentiels ou doctrinaux explique une prédilection pour un tel mode de lecture. S’agissant de la doctrine, ce type de lecture est depuis longtemps attesté. Il est favorisé par un lourd appareil de hiérarchisation du texte (le plan à indentation) et de repérage de passages pertinents (la présentation du plan entier de l’ouvrage, la numérotation des paragraphes et la présence d’index détaillés).
La présentation matérielle des jugements et la numérisation du corpus ont inévitablement un effet sur les pratiques de lecture. Ainsi, la subdivision du texte par l’insertion d’intertitres favorise un mode de lecture fragmentaire. Par ailleurs, la numérisation entraîne, soutient-on généralement, une mise à distance de la lecture intensive pour lui préférer une lecture par segments[57]. De plus, elle facilite la lecture en cascade par la présence d’hyperliens qui permettent aisément la sortie du texte[58].
Des efforts sont faits aujourd’hui pour faciliter la compréhension des jugements et ainsi mieux assurer leur réception. Ces efforts sont louables, il est difficile d’être en désaccord avec le discours en soutien des initiatives en ce sens qui participent d’une volonté de promotion de l’accès à la justice. Il faut reconnaître cependant qu’existent des limites aux efforts qui peuvent être faits pour faciliter la compréhension des décisions. Un obstacle découle des contraintes qui s’imposent à la Cour au moment de la rédaction d’une décision (situation factuelle propre à une affaire, règles de droit à appliquer, état de la jurisprudence à considérer, conclusions recherchées, etc.) et de la composition diversifiée du lectorat.
La réception d’une décision judiciaire varie suivant l’auditoire susceptible d’en prendre connaissance. Un jugement a comme premiers destinataires et lecteurs les parties à un recours, il constitue le cercle initial, soit celui qui est formé des personnes ayant un intérêt immédiat dans l’affaire. Cependant, le jugement est aussi destiné à rejoindre un lectorat plus étendu qui forme un cercle secondaire. Chaque composante du lectorat apprécie le texte suivant ses attentes et sa connaissance de la matière traitée. Une partie à une affaire judiciaire risque de s’attacher à la réception qui est faite de sa version d’une situation factuelle, des arguments avancés au soutien de ses prétentions et de l’accueil réservé aux conclusions recherchées. Au-delà des efforts fournis pour faciliter la réception d’une décision, sa spécificité est de nature à générer une certaine insatisfaction. Pour une partie à un recours, la narration donnée par le tribunal d’une situation factuelle donnée pourrait fort bien être perçue comme incomplète, sinon inexacte. L’appareil conceptuel propre au droit[59] et le processus de qualification peuvent également être vus comme une perte de contrôle sur son récit par une partie à un recours. En somme, le processus de transposition[60] auquel est tenu un tribunal appelé à trancher une affaire est parfois de nature à générer de l’incompréhension. De surcroît, les affaires entendues en appel ont souvent comme caractéristique d’accorder préséance à des questions de droit sur des questions de fait[61]. Il en découle une difficulté accrue pour les non-juristes de pouvoir suivre le propos et d’en saisir les nuances surtout lorsqu’un juge fait allusion aux lieux communs du droit. Les membres de la communauté juridique lisent un jugement en ayant surtout à l’esprit son influence sur le droit. Pour leur part, les médias et la population en général considèrent plutôt, dans bien des cas, son impact sur la société. L’éventail des types de lecture possible est donc étendu. Il va de l’exégèse jusqu’au survol, chaque personne — qu’elle appartienne ou non à la communauté juridique — pouvant adopter le mode de lecture qui convient à une situation donnée.
La réception diversifiée d’un jugement n’est pas propre au droit. Un roman peut être lu, et sa trame narrative sera comprise par une personne qui se dira tout à fait satisfaite de sa lecture. Il se peut toutefois que cette personne n’ait pas perçu les allusions à d’autres oeuvres qui parsemaient le texte. Cela n’entame pas l’appréciation de ce dernier, mais la plénitude de l’oeuvre ne pourra être vraiment estimée faute d’une connaissance et, partant, d’une identification des oeuvres évoquées. La lecture d’un jugement est de nature à conduire à pareille constatation.
À ces considérations fondées sur les types de lectorat, il faut ajouter l’importante proportion de personnes éprouvant des difficultés à lire un texte long et complexe[62]. Cette situation constitue une limite notable aux efforts déployés pour faciliter la lecture et la compréhension d’une décision.
Conclusion
Les décisions judiciaires présentent une matérialité qui trahit une perspective contradictoire en ce qu’elle semble valoriser la stabilité du texte et, en même temps, manifester une ouverture à sa transformation.
L’attrait pour la stabilité dans la présentation matérielle des décisions est justifié par la volonté de mettre en valeur les caractéristiques fondamentales du texte, soit affirmer que c’est un acte d’institution, produisant un effet performatif, et qu’il se trouve assujetti à de nombreuses contraintes rédactionnelles. L’ensemble de ces caractéristiques permettent de confirmer l’autorité qui se dégage d’un tel texte. De toute évidence, le jugement, par des inscriptions liminaires, fournit des informations qui concourent à indiquer précisément sa source et son contexte d’élaboration. De surcroît, la forme du texte et certains traits propres à sa rédaction confirment les caractères distinctifs d’une décision judiciaire. Le recours à la numérisation, loin d’atténuer cet aspect, contribue à l’accentuer davantage en permettant la diffusion des décisions dans leur forme première qui met mieux en évidence leur autorité intrinsèque que ne le faisait auparavant la publication en format imprimé.
L’attachement à la stabilité de la présentation matérielle des décisions est contrebalancé par une ouverture à la transformation, en bonne part liée à la diffusion des décisions judiciaires en format numérique. Jusqu’à tout récemment, la jurisprudence rejoignait un public limité. L’imprimé demeurait le format usuel de diffusion de la décision judiciaire. Une sélection des décisions permettait de retenir les plus significatives et de les inclure dans des recueils, destinés à un public alors constitué à peu près uniquement de juristes. La diffusion en format numérique a changé la donne, car elle rend aisément accessible la totalité des décisions rendues par les tribunaux. Par ailleurs, la volonté de permettre au plus grand nombre possible de personnes de pouvoir lire et comprendre les décisions a donné lieu à des efforts soutenus. Dans ce contexte, le jugement a connu des transformations. Aux éléments moins perceptibles qui portent sur les techniques de rédaction s’ajoutent des éléments paratextuels qui modifient, sans la dénaturer, la présentation matérielle traditionnelle des décisions judiciaires par la numérotation des paragraphes et par l’ajout éventuel d’intertitres, d’un plan ou d’illustrations. Cette transformation timidement engagée au cours des dernières décennies du xxe siècle, est devenue plus affirmée depuis le tournant du millénaire. Nul doute qu’elle est loin d’être achevée.
La décision judiciaire, contrairement à d’autres textes dont la présentation matérielle a été sensiblement bouleversée par le format numérique, est restée pour l’essentiel fidèle à sa forme traditionnelle. De fait, les aménagements apportés au texte en rapport avec la numérisation ont cherché à conforter la fonction de communication du texte, sans porter atteinte aux éléments qui lui confèrent une autorité.
Appendices
Notes
-
[1]
Sur la matérialité des textes, voir Roger Chartier, « Préface. Textes, formes, interprétations », dans Donald Francis McKenzie, La bibliographie et la sociologie des textes, trad. de l’anglais par Marc Amfreville, Paris, Éditions du Cercle de la librairie, 1991, p. 5, aux pages 6-7.
-
[2]
Pierre Bourdieu, « La force du droit : éléments pour une sociologie du champ juridique », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 64, n° 1, 1986, p. 3, à la page 13. Voir aussi : Gérard Cornu, Linguistique juridique, 3e éd., Paris, Montchrestien, 2005, p. 333-334.
-
[3]
G. Cornu, préc., note 2, p. 353.
-
[4]
Ainsi, les juges de la Cour suprême et des cours fédérales sont nommés « par lettres patentes du gouverneur en conseil revêtues du grand sceau » (Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, c. S-26, art. 4 (2) ; Loi sur les cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, art. 5.2), tandis que les juges de la Cour du Québec le sont « par commission sous le grand sceau » (Loi sur les tribunaux judiciaires, RLRQ, c. T-16, art. 86).
-
[5]
G. Cornu, préc., note 2, p. 353, désigne ces inscriptions sous l’appellation de « marques d’authenticité ».
-
[6]
Le paratexte est constitué d’éléments divers qui se situent à la périphérie du texte (titre, intertitres, notes, etc.) et qui servent à le mettre en valeur ce dernier et à assurer sa réception. Voir Gérard Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, coll. « Points », Paris, Éditions du Seuil, 1982, p. 10.
-
[7]
Au-delà du texte de la décision judiciaire, l’usage du prédicat est parfois utilisé par la doctrine pour désigner un membre de la magistrature en cas de renvoi à un jugement. Le maintien de cet usage dans la communauté juridique est intéressant, car il a été complètement abandonné au Québec pour désigner les membres du Conseil exécutif et le président de l’Assemblée nationale.
-
[8]
Algirdas Julien Greimas et Joseph Courtés (dir.), Sémiotique : dictionnaire raisonné de la théorie du langage, t. 1, Paris, Hachette, 1979, s.v. « performatif », p. 272 : « les verbes performatifs seraient ceux qui non seulement décrivent l’action de celui qui les utilise, mais aussi, et en même temps, qui impliqueraient cette action elle-même ». Voir aussi Beatrice Fraenkel, « Actes écrits, actes oraux : la performativité à l’épreuve de l’écriture », Études de communication, no 29, 2006, p. 69.
-
[9]
P. Bourdieu, préc., note 2, à la page 13. Voir également G. Cornu, préc., note 2, p. 350.
-
[10]
G. Cornu, préc., note 2, p. 348.
-
[11]
Code de procédure civile du Bas Canada, 1867, art. 469 ; Code de procédure civile de la province de Québec, 1897, art. 537.
-
[12]
Loi modifiant le Code de procédure civile, S.Q. 2-3 Eliz. II (1953-1954), c. 27, art. 16, « Le jugement était bien valide », L’Action catholique, 18 juin 1954, p. 16.
-
[13]
Code de procédure civile, S.Q. 1965, c. 80, art. 472.
-
[14]
Raymonde Crête, « Aspects méthodologiques de la jurisprudence québécoise en droit commercial à la fin du xixe siècle », (1993) 34 C. de D. 219, 229-230.
-
[15]
La recherche en sociologie du texte considère parfois comme texte tout ce qui est porteur d’une information, ce qui inclut une prestation orale ou même une illustration : D.Fr. McKenzie, préc., note 1, p. 31-32.
-
[16]
Voir notamment : Antoine Garapon, Bien juger. Essai sur le rituel judiciaire, Paris, Odile Jacob, 2010 ; Arnaud Lucien, La justice mise en scène. Approche communicationnelle de l’institution judiciaire, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 70-71 ; Fabien Gélinas, Clément Camion et Karine Bates, « Forme et légitimité de la justice – Regard sur le rôle de l’architecture et des rituels judiciaires », (2014) 73-2 R.I.E.J. 37.
-
[17]
« P. Pelletier condamné à être pendu », L’Action catholique, 16 octobre 1933, p. 1 ; « Peter Metenko, coupable de meurtre, pendu le 2 février », Le Canada, 26 octobre 1950, p. 7.
-
[18]
R. Crête, préc., note 14 ; Raymonde Crête, Sylvio Normand et Thomas Copeland, « Law Reporting in Nineteenth Century Quebec », (1995) 16-2 J.L.H. 147 ; Michel Morin, « Entre l’oralité et l’écriture : les opinions des juges et la jurisprudence publiée au Québec, 1764-1867 », dans J. Michel Doyon (dir.), L’information et la documentation juridiques au Québec, du manuscrit à l’intelligence artificielle. Colloque du lieutenant-gouverneur du Québec, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2021, p. 69.
-
[19]
Cour d’appel : Acte pour établir une meilleure Cour d’Appel dans le Bas-Canada, S.P.C. 7 Vict. (1843), c. 18, art. xv ; Première instance : Acte pour abroger certains Actes et Ordonnances y mentionnés, et pour mieux pourvoir à l’administration de la Justice dans le Bas-Canada, S.P.C. 7 Vict. (1843), c. 16, art. vii.
-
[20]
À titre d’exemples, les affaires en contestation d’élection donnent généralement lieu à une couverture de presse conséquente au cours des dernières décennies du xixe siècle. Voir le jugement Dubuc et al. c. R. P. Vallée reproduit dans, « Contestation de Portneuf », L’Événement, 28 janvier 1879, p. 4 et 29 janvier 1879, p. 4.
-
[21]
À titre d’exemples : Lorrain c. Rodrigue, 2023 QCCQ 3116 ; Côté c. Pyrogenesis Canada inc., 2023 QCCS 1682 ; Droit de la famille — 23691, 2023 QCCS 1659.
-
[22]
Au moment de la transcription, la décision rendue oralement peut être l’objet de modifications, notamment par l’ajout de motifs additionnels permettant de justifier le dispositif : Kellogg’s Company of Canada c. P. G. du Québec, [1978] C.A. 258, 259-260. Voir aussi : Québec, Commentaires de la ministre de la Justice : Code de procédure civile, Chapitre C-25.01, Montréal, SOQUIJ, Wilson & Lafleur, 2015, p. 265.
-
[23]
À titre d’exemples : Émond c. Chicoine, 2015 QCCQ 6061 ; R. c. Dorion, 2020 QCCQ 15125 ; R. c. Charron, 2017 QCCS 2547 ; R. c. Ste-Marie, 2021 QCCS 2358 ; CIUSSS de l’Est-de-l’Île de Montréal c. C. L., 2022 QCCS 4960 ; Commission d’accès à l’information c. Conseil de presse du Québec, 2006 QCCA 1282.
-
[24]
Jean-Louis Baudouin, « L’illisible : la lecture contemporaine de la loi et du jugement », dans Ysolde Gendreau (dir.), Le lisible et l’illisible. The Legible and the Illegible, Montréal, Les Éditions Thémis, 2003, p. 1, aux pages 15-16 ; Edward Berry, La rédaction des motifs, 5e éd., traduit de l’anglais par Jean-Claude Gémar, Montréal, Les Éditions Thémis, 2022, p. 169-170.
-
[25]
Les recueils thématiques publiés par la SOQUIJ portent notamment sur le droit de la famille, le droit immobilier, la responsabilité et l’assurance, le droit fiscal et la protection du territoire agricole.
-
[26]
À titre d’exemples de référence à des jugements inédits, voir : Mérineau c. Montréal (Ville), [1998] A.Q. no 4257,1998 CanLII 9319, par. 11 (QC CS) ; Bégin c. Vaillancourt, 2006 QCCQ 14694 (CanLII), par. 24 et note 2 ; 139670 Canada ltée c. Gatineau (Ville de), 2009 QCCS 5326 (CanLII), par. 11 et note 2.
-
[27]
Sabine Mas et autres, « Apports d’une indexation à facettes pour la représentation et le repérage des décisions de justice », dans J.M. Doyon, préc., note 18, p. 209.
-
[28]
J.-L. Baudouin, préc., note 24, aux pages 13-14.
-
[29]
Règlement sur la cueillette et la sélection des décisions judiciaires, RLRQ, c. S-20, r. 1.
-
[30]
Les deux exemples les plus pertinents de ce type de publication sont les produits diffusés par SOQUIJ et la chronique « Repères » sur le site Web « La référence », de l’éditeur Yvon Blais.
-
[31]
E. Berry, préc., note 24, p. 163-170. Voir un témoignage de l’époque : Robert Cliche, « Les petites créances », (1973) 14-2 C. de D. 291, 294.
-
[32]
Louise Mailhot, Écrire la décision. Guide pratique de rédaction judiciaire, 2e éd., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 2004. Voir aussi : E. Berry, préc., note 24 ; Nicole Fernbach, La lisibilité dans la rédaction juridique au Québec, Ottawa, Centre de promotion de la lisibilité et Centre canadien d’information juridique, 1990.
-
[33]
Comité canadien de la référence, Guide canadien pour la préparation uniforme des jugements, Montréal, Université de Montréal – Lexum, 2002, [En ligne], [www.lexum.com/ccc-ccr/guide/guide.prep_fr.html] (4 juillet 2023).
-
[34]
E. Berry, préc., note 24, p. 42-44 ; L. Mailhot, préc., note 32, p. 62.
-
[35]
À titre d’exemple : P. G. du Québec et Keable c. P. G. du Canada et autres, [1979] 1 R.C.S. 218, 1978 CanLII 23 (CSC).
-
[36]
À titre d’exemple : Martineau c. Comité de discipline de l’Institution de Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602, 1979 CanLII 184 (CSC).
-
[37]
À titre d’exemple : Radio-Canada c. Commission de police du Québec, [1979] 2 R.C.S. 618, 1979 CanLII 24 (CSC).
-
[38]
À titre d’exemple : Sous-ministre du Revenu de la province de Québec c. Barnes Security Services Ltd., [1977] C.A. 82.
-
[39]
Procureur général du Québec c. Healey, [1979] C.S. 286.
-
[40]
E. Berry, préc., note 24, p. 42-44.
-
[41]
Ferme avicole Héva inc. c. Boréal Assurances agricoles inc., 2006 QCCS 1392 (CanLII) ; Brochu c. Société des loteries du Québec (Loto-Québec), 2009 QCCS 5678 (CanLII) ; Maltais c. Procureure générale du Québec, 2018 QCCS 527 (CanLII).
-
[42]
Barrette c. Ciment du Saint-Laurent inc., [2003] J.Q. no 5273, 2003 CanLII 36856 (QC CS) ; SNC-Lavalin inc. (Terratech inc. et SNC-Lavalin Environnement inc.) c. Deguise, 2020 QCCA 495 (CanLII) ; Luamba c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 3866 (CanLII).
-
[43]
Le recueil Quebec Appeal Cases / Causes en appel du Québec, dont la parution débute en 1987, utilise en effet la numérotation des paragraphes de l’ensemble des jugements. C’est là en somme un ajout éditorial.
-
[44]
Christian Vandendorpe, Du papyrus à l’hypertexte : essai sur les mutations du texte et de la lecture, Montréal, Boréal, 1999, p. 65, qualifie de « tabularité fonctionnelle » les éléments paratextuels (table des matières, index, intertitres, paragraphes, etc.) qui permettent la structuration du texte et ont pour effet de faciliter l’accès à ce dernier et sa lecture.
-
[45]
G. Genette, préc., note 6, p. 8 ; Nathalie Piégay-Gros, Introduction à l’intertextualité, Paris, Dunod, 2001.
-
[46]
J.-L. Baudouin, préc., note 24, aux pages 12-14.
-
[47]
Sur l’illustration comme paratexte, voir Gérard Genette, Seuils, Paris, Éditions du Seuil, 1987 p. 7.
-
[48]
City of Quebec c. North Shore Railway Company, (1897) 27 S.C.R. 102, 116 (j. Girouard) ; Couture c. Couture, (1904) 34 S.C.R. 716, 718 (j. Girouard), 1904 CanLII 32 (SCC).
-
[49]
Jacques c. Ville de Thetford Mines, 2023 QCCS 1936 (CanLII), par. 9 ; Latour c. Millette, 2023 QCCS 745 (CanLII), par. 79.
-
[50]
Riccio c. Mangiola, 2002 CanLII 46595 (QC CQ) ; Lachance c. 146190 Canada inc., 2003 CanLII 42894 (QC CQ) ; Bélanger c. Poulin, 2005 CanLII 34520 (QC CQ). Voir aussi l’affaire Bouillon c. Paysagiste et pelouse Côté inc., 2018 QCCQ 11547 (CanLII).
-
[51]
Dagenais c. Ville de Laval, 2021 QCCS 1079 (CanLII), note 5. Ce jugement a été maintenu par la Cour d’appel : Dagenais c. Ville de Laval, 2022 QCCA 1363 (CanLII).
-
[52]
« Par un jugement dont la facture étonne quelque peu, notamment en raison des dessins de son cru qu’elle a choisi d’y incorporer, la juge de première instance rejette le recours de l’appelante estimant que l’intimée ne peut être tenue responsable du préjudice causé par sa chute survenue le 12 décembre 2016 » : Dagenais c. Ville de Laval, 2022 QCCA 1363 (CanLII), par. 1.
-
[53]
Parisien c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 4483 (CanLII), par. 29 ; Hone-Bellemare c. Elkem Métal Canada inc., 2022 QCCS 3313 (CanLII).
-
[54]
Roger Chartier, « Du livre au lire », dans Roger Chartier (dir.), Pratiques de la lecture, Paris, Payot, 1985, p. 89-90.
-
[55]
Robert Darnton, Apologie du livre. Demain, aujourd’hui, hier, traduit de l’anglais par Jean-François Sené, Paris, Gallimard, 2012, p. 41 et C. Vandendorpe, préc., note 44, p. 169-174.
-
[56]
Christian Vandendorpe, « Quelques questions clés que pose la lecture sur écran », dans Claire Bélisle (dir.), Lire dans un monde numérique, Villeurbanne, Presses de l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Presses de l’enssib) 2011, p. 49, à la page 55.
-
[57]
Rémy Rieffel, Révolution numérique, révolution culturelle ?, Paris, Gallimard, 2014, p. 161-172.
-
[58]
Id., p. 170.
-
[59]
J.-L. Baudouin, préc., note 24, à la page 15.
-
[60]
G. Cornu, préc., note 2, p. 340.
-
[61]
J.-L. Baudouin, préc., note 24, aux pages 14-15.
-
[62]
Dans son étude récente, Pierre Langlois, Projection de l’indice de littératie au Québec en 2022 : un progrès qui met en lumière un enjeu important, Fondation pour l’alphabétisation, septembre 2022, [En ligne], [www.fondationalphabetisation.org/wp-content/uploads/2022/09/FPAL31_AlphaReussite5_Fiche_20220907.pdf]. (4 juillet 2023), expose les résultats suivants : 85,0 p. 100 des personnes qui n’ont pas de diplôme éprouvant des difficultés à lire un texte long et complexe ; c’est aussi le cas de 63,1 p. 100 des diplômés du secondaire, de 40,6 p. 100 des diplômés du collégial et de 26,7 p. 100 des diplômés d’une université.