L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la pandémie comme « la propagation mondiale d’une nouvelle maladie ». Depuis le début du xxie siècle, l’OMS a recensé huit menaces infectieuses graves dont deux, le virus de la grippe A (H1N1) et le virus de la COVID-19, ont donné lieu à des pandémies. Pour protéger la santé publique, la pandémie de COVID-19 justifie l’introduction de mesures exceptionnelles. Dans le présent numéro des Cahiers de droit consacré aux répercussions de la pandémie sur le droit, il est notamment question de la modification des règles de gouvernance tant publiques que privées, de la suspension de certains services publics, de la fermeture des commerces, du confinement et des restrictions de mouvement, du déploiement des forces de l’ordre, de la modification par l’État des conventions collectives et des conditions de travail des salariés, des formes de soutien étatique pour les entreprises, les travailleurs et les ménages. Au lendemain d’une sorte de stupeur devant l’ampleur des bouleversements dont nous sommes actuellement témoins émerge la nécessité de faire ressortir et de comprendre les effets de la pandémie dans l’univers du droit. Les autrices et les auteurs des sept textes qui composent ce numéro y répondent avec lucidité. Dans son article sur la preuve au soutien du contrôle judiciaire des décrets et des arrêtés d’urgence sanitaire du gouvernement du Québec, France Houle dresse l’inventaire des mesures de ce type adoptées pendant la première année de la pandémie de COVID-19. Celles-ci « auront visé un large éventail d’activités étatiques et touché les droits fondamentaux, civils et administratifs de nombreux citoyens, ainsi que leurs intérêts pécuniaires ». L’autrice examine les premières contestations judiciaires et s’intéresse aux types de faits qui les fondent, à savoir les faits en litige, les faits sociaux et les faits législatifs. Les faits en litige peuvent mettre en lumière les attentes légitimes de certains citoyens quant aux mesures retenues, ce qui leur permettrait d’obtenir l’annulation des sanctions imposées. Les faits sociaux démontreraient l’arbitraire d’une mesure en raison, par exemple, de son effet discriminatoire et disproportionné sur certains groupes de la société. Enfin, les faits législatifs aideraient à établir la mauvaise foi des décideurs, et ce, en révélant les motifs illégitimes qui les auraient guidés. Sans surprise, deux textes abordent la question de l’accès aux soins de santé pendant la pandémie de COVID-19. Audrey Ferron-Parayre se penche sur les impacts de cette crise sanitaire sur les droits des femmes en matière de santé reproductive. Bien que certains soins de santé reproductive aient été déclarés essentiels pendant la pandémie, elle note que des mesures ne respectaient pas les droits des femmes et que d’autres étaient même contraires aux données probantes de la science. C’est dans les établissements d’hébergement (centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) et résidences privées pour aînés (RPA)) où logent des personnes âgées, population très vulnérable, que le coronavirus a causé le plus de décès. Stéphane Bernatchez, Jean-Frédéric Ménard et Marie-Eve Couture-Ménard reviennent sur les rapports qui ont dressé le constat d’une crise de gouvernance de la santé depuis le début de la pandémie de COVID-19 dans ces milieux. Leur réflexion porte sur les fondements mêmes de l’organisation des soins de santé au Québec. Selon eux, les soins de santé devraient se concevoir d’après le modèle du réseau au lieu de la pyramide hiérarchique et faire des personnes âgées l’une des priorités de l’ensemble des pôles du réseau de la santé, conformément à la théorie et au droit de la gouvernance. Si la pandémie de COVID-19 a entraîné une crise dans l’allocation des soins de santé, problème existant bien avant l’éclosion du …
PrésentationLa pandémie de COVID-19 et les transformations du droit[Record]
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Michelle Cumyn
Professeure titulaire, Faculté de droit, Université LavalLouise Langevin
Professeure titulaire, Faculté de droit, Université Laval ; titulaire de la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés