Abstracts
Résumé
Alors que les grandes sociétés par actions jouent un rôle indéniable dans l’économie actuelle, la liberté accordée à ces dernières pour atteindre leurs objectifs semble de plus en plus contestée. Un nombre croissant de personnes se demandent actuellement si cet important rôle économique des sociétés permet de justifier les externalités négatives qui peuvent découler de leurs activités. Afin de mieux comprendre la manière dont les acteurs privés exercent parfois des pressions sur les sociétés pour qu’elles intègrent des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) à leurs pratiques et repensent leur rôle, les auteures s’intéressent aux différents modes de pression auxquels les parties prenantes ont recours pour infléchir les choix faits par les administrateurs et les dirigeants des grandes sociétés canadiennes. De même, elles examinent les obligations en matière de divulgation d’informations ESG dans le but de déterminer si le Canada en fait assez pour favoriser une divulgation complète et représentative à cet égard en vue de faciliter une réelle surveillance des activités des sociétés par les parties prenantes.
Abstract
While large corporations play an undeniable role in today’s economy, the freedom granted to them to achieve their objectives seems increasingly contested. A growing number of people are now asking whether this important economic role played by corporations justifies the negative externalities that may arise from their activities. To better understand how private players can pressure corporations into incorporating ESG factors into their practices and rethinking their role, this article focuses on the different forms of pressure to which stakeholders resort to influence the choices made by the directors and officers of large Canadian corporations. It also examines ESG disclosure obligations to determine whether Canada is doing enough to promote a full and representative disclosure of ESG information to enable effective oversight of company activities by stakeholders.
Resumen
Las grandes sociedades de capitales han jugado un rol indiscutible en la economía actual. Sin embargo, la libertad que se les ha acordado para que estas puedan alcanzar sus objetivos parece ser contestada cada vez más. Actualmente, un número de personas cada vez mayor se pregunta si este importante papel económico que juegan las empresas les permite justificar las externalidades negativas que pueden resultar de sus actividades. Para comprender mejor cómo los actores privados pueden presionar a las sociedades con el fin de que integren criterios ESG (medioambientales, sociales y de gobernanza, por sus siglas en inglés) en sus prácticas y para que reconsideren su rol, el texto analiza las diferentes formas de presión a las cuales recurren las partes, con el objetivo de reorientar las opciones que han tomado los administradores y los ejecutivos de las grandes sociedades canadienses. De igual manera, en el artículo se examinan las obligaciones en materia de divulgación de las informaciones medioambientales, sociales y de gobernanza (ESG) con el fin de determinar si Canadá hace lo necesario para favorecer una divulgación completa y representativa de dichas informaciones, permitiendo así una verdadera vigilancia de las actividades de las sociedades por las diversas partes.
Article body
Alors que les grandes sociétés par actions jouent un rôle central dans l’économie actuelle, que ce soit comme employeur ou encore à titre de fournisseur de biens et de services, la liberté accordée à ces dernières pour atteindre leurs objectifs semble de plus en plus contestée. Un nombre croissant de personnes se demandent actuellement si cet important rôle économique que jouent les grandes sociétés suffit pour justifier les externalités négatives[1] qui peuvent découler de leurs activités. De ce fait, il n’est pas étonnant de constater que les législateurs à travers le monde souhaitent que les sociétés modifient leur comportement et prennent en considération les conséquences de leurs décisions sur l’environnement, les travailleurs ou la communauté dans laquelle elles évoluent.
Au Canada, plutôt que de s’appuyer sur de nouvelles exigences réglementaires ayant pour objet de redéfinir la responsabilité des sociétés et leurs objectifs, les marchés semblent présentement être à l’origine des changements observés au sein des sociétés. En outre, depuis la crise financière de 2008, plusieurs grandes sociétés ont compris que les externalités négatives liées à leurs activités sont susceptibles d’avoir des conséquences économiques à long terme sur leur rentabilité ou d’influer défavorablement sur leur légitimité et leur image. De ce fait, malgré les défis qu’elles posent, les nombreuses demandes en vue d’accroître la responsabilité sociale des entreprises sont de plus en plus perçues comme de nouvelles occasions d’affaires par les administrateurs et les dirigeants.
Afin de mieux comprendre les raisons qui ont poussé les sociétés canadiennes à intégrer des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG)[2], aussi appelés « non financiers », à leurs pratiques et à repenser leur rôle, nous avons choisi d’aborder certains facteurs qui ont contribué, de différentes manières, à l’évolution des mentalités des administrateurs et des dirigeants. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous présenterons, dans les pages qui suivent, des initiatives qui ont participé au cours des dernières années à la responsabilisation des sociétés prêtant attention tout particulièrement à la situation canadienne[3].
Dans cet objectif, nous examinerons d’abord le rôle que joue l’activisme des investisseurs institutionnels ainsi que les pressions des marchés en vue d’inciter les administrateurs et les dirigeants à intégrer des critères ESG dans leur processus décisionnel et leur gestion des affaires des sociétés (partie 1). À la suite de ce tour d’horizon, nous nous intéresserons à la divulgation d’informations non financières afin de mieux comprendre ses avantages et ses limites en lien avec la prise de conscience que nous pouvons observer au sein des sociétés canadiennes (partie 2).
1 Le rôle des parties prenantes dans la responsabilisation des sociétés canadiennes
Au Canada, les démarches en vue de modifier le comportement social ou environnemental des sociétés ont traditionnellement été entreprises par des investisseurs ayant des intérêts particuliers, dont les organisations religieuses ou les fonds d’investissement éthique[4]. Plus récemment, l’intérêt pour les questions qui se rattachent aux risques environnementaux, aux conditions de travail et à la sécurité des produits s’est toutefois propagé plus largement parmi les investisseurs institutionnels et d’autres parties prenantes.
Dans l’objectif de mieux comprendre la source des pressions sur les sociétés canadiennes pour qu’elles adoptent des pratiques qui intègrent des facteurs sociaux et environnementaux et fournissent des informations pertinentes et suffisantes aux actionnaires, et corollairement d’expliquer les changements observés, nous présenterons, dans un premier temps, certaines initiatives actionnariales (1.1). Cela nous permettra de considérer, dans un second temps, les pressions qu’exercent les marchés afin que les sociétés intègrent des critères ESG à leur gestion, respectent une vision sociale donnée et répondent à de nouveaux besoins en matière d’investissement (1.2).
1.1 L’incidence de l’activisme des investisseurs institutionnels
Historiquement, les actionnaires canadiens ont fait preuve d’une certaine passivité : ils ne sont intervenus qu’avec parcimonie dans la gouvernance des sociétés ouvertes dont ils détenaient les titres[5], particulièrement pour tout ce qui touchait les questions sociales ou environnementales. Récemment, cette passivité semble toutefois avoir laissé place peu à peu à une culture plus interventionniste[6]. En effet, il est de moins en moins rare d’entendre les investisseurs institutionnels demander aux sociétés d’accorder une attention particulière aux droits de la personne, ainsi qu’à leur performance environnementale[7].
Nous expliquons ce revirement de différentes façons. D’abord, contrairement aux investisseurs individuels, les investisseurs institutionnels (tels que les fonds de pension publics et les fonds de couverture[8]) ont tendance à détenir des participations importantes dans les sociétés faisant partie de leur portefeuille, et cet état de choses les rend particulièrement vulnérables aux risques ESG. De ce fait, les investisseurs institutionnels possèdent à la fois les incitatifs et les ressources pour identifier les problèmes et pour attirer l’attention des administrateurs et des dirigeants des sociétés. De même, ils sont en mesure de mobiliser d’autres actionnaires afin d’accroître leur capacité à faire pression sur les sociétés et ainsi de jouer un rôle de premier plan dans l’évolution des pratiques ESG de ces dernières[9].
En outre, ce nouvel intérêt pour les questions ESG[10] a poussé plusieurs investisseurs institutionnels à intégrer des critères non financiers lorsqu’ils effectuent leurs choix d’investissement ou élaborent leurs stratégies d’investissement « responsable ». Dans cette perspective, les investisseurs exercent davantage de pressions sur les dirigeants et les conseils d’administration depuis quelques années afin qu’ils abordent plus concrètement les problèmes sociaux et environnementaux. Les investisseurs institutionnels réclament notamment que les sociétés réévaluent les pratiques organisationnelles pour mieux gérer les risques ESG.
Ce nouvel activisme des investisseurs institutionnels en rapport avec les questions ESG s’est exprimé de diverses manières. Par exemple, certains ont déposé des propositions d’actionnaire[11] afin de sensibiliser les sociétés à la nouvelle réalité ESG et d’amorcer un changement[12]. En effet, les propositions offrent aux actionnaires un outil abordable leur permettant d’être proactifs, d’attirer l’attention sur un sujet particulier et de faire entendre leurs idées[13]. Elles constituent en ce sens un moyen permettant de soulever publiquement des revendications concernant les décisions de gestion prises ou à prendre par les administrateurs d’une société[14]. Même si les propositions d’actionnaire n’ont pas toujours d’effet normatif direct et qu’elles n’obtiennent pas nécessairement l’appui d’une majorité d’actionnaires[15], ce mécanisme constitue un moyen de pression sur les administrateurs et les dirigeants et facilite le dialogue à l’intérieur de la société[16].
Considérant ces avantages[17], il n’est pas étonnant que, depuis 2016, les propositions portant sur la diversité, le changement climatique, les salaires (y compris l’équité salariale) et l’égalité en matière d’emploi aient pris de l’importance au Canada[18], comme le montre le tableau suivant[19].
Bien que la plupart des propositions n’aient obtenu qu’un soutien modéré, il est manifeste qu’elles reflètent ce nouvel intérêt pour les questions ESG et cette volonté d’interroger les autres actionnaires pour déterminer s’ils souhaitent que leurs avoirs soient utilisés d’une manière jugée plus socialement responsable. Par ailleurs, même si le manque d’appui peut laisser croire à une forme de désintérêt à l’égard des questions liées à l’environnement ou aux droits sociaux, il semble qu’il n’en est rien et que cette situation s’explique plutôt par la structure actionnariale concentrée des sociétés canadiennes.
Selon une étude menée par Jonathan Karpoff, les propositions soumises auprès de sociétés possédant un actionnariat dispersé obtiennent généralement un appui plus important que les propositions déposées auprès des sociétés dont l’actionnariat est concentré[20]. Ce constat s’explique aisément. Comme les propositions n’obtiennent généralement pas l’appui des actionnaires importants dans les sociétés où l’actionnariat est concentré, elles n’ont pas réellement de chances de succès. Dans ce contexte, il devient alors plus intéressant pour les actionnaires minoritaires d’instaurer un dialogue afin d’obtenir les changements recherchés plutôt que de déposer des propositions.
Cela étant, malgré le faible appui accordé aux propositions ESG déposées auprès des sociétés canadiennes, elles ont néanmoins entraîné des changements d’attitude chez les administrateurs et les dirigeants[21]. Deux éléments peuvent expliquer cette situation. Premièrement, des études indiquent que l’activisme des actionnaires peut avoir une incidence même dans l’éventualité d’un faible soutien puisqu’il incite la direction des sociétés à réévaluer et à adapter ses pratiques commerciales[22]. Par exemple, à la suite d’une demande des actionnaires, les gestionnaires peuvent considérer les bénéfices[23] de se conformer aux exigences des investisseurs, en accordant plus de poids aux avantages qui découlent de la communication de leurs plans stratégiques, et ce, pour mieux gérer certains risques. Deuxièmement, les propositions d’actionnaire participent à sensibiliser les dirigeants et les administrateurs à l’exposition de la société aux risques ESG et les incitent à leur accorder plus d’attention. De même, cela peut les pousser à procéder à une évaluation de l’exposition de l’entreprise aux risques ESG et à intégrer ces données dans la planification stratégique de l’entreprise afin de mieux gérer et d’atténuer ces risques à l’avenir[24].
Par ailleurs, au Canada, il semble que la présence d’actionnaires de contrôle n’ait pas empêché les investisseurs institutionnels d’exercer des pressions en vue de pousser les directions de quelques grandes sociétés à apporter des changements en rapport avec des questions ESG. Selon des auteurs, ce phénomène se produit en raison de leurs actions concertées qui les amènent à rivaliser avec l’actionnaire dominant[25]. En outre, l’importance des actifs détenus[26] accorde aux investisseurs institutionnels un poids indéniable qui leur permet de profiter d’une oreille attentive lorsqu’ils accordent de l’importance aux performances ESG.
Malgré cela, l’activisme actionnarial canadien s’est traditionnellement manifesté de manière plus discrète par l’envoi de lettres, par la tenue de rencontres consultatives[27] ou par la recherche d’appui d’autres investisseurs institutionnels[28] afin d’être en mesure d’exercer des pressions sur les administrateurs et les dirigeants et d’influencer leurs façons de faire ou leurs décisions[29].
À titre d’illustration, mentionnons le cas de la Caisse de dépôt et placement du Québec, du gestionnaire d’actifs Sarasin and Partners et de SURA Asset Management qui, en décembre 2017, ont adhéré à la Portfolio Decarbonization Coalition, où sont réunis 32 investisseurs chargés de superviser la décarbonisation progressive de plus de 800 milliards de dollars américains d’actifs sous gestion. En se joignant à ce regroupement et en s’engageant à gérer leurs investissements en vue de réduire leur empreinte carbone, ces trois entités ont exprimé clairement leur désir de diminuer leur présence financière dans les sociétés ayant des activités à plus forte intensité en carbone, ce qui a conséquemment exercé des pressions sur les sociétés faisant partie de leurs portefeuilles[30].
De même, de nombreux investisseurs institutionnels ont intégré au cours des dernières années des facteurs ESG dans leurs politiques de vote et d’investissement[31]. En outre, des investisseurs institutionnels canadiens ont inclus des revendications ESG[32] dans leurs politiques d’exercice du droit de vote et ont réclamé davantage d’informations de la part des sociétés afin d’évaluer plus précisément l’empreinte carbone de leur portefeuille[33].
Soulignons par ailleurs que les organisations d’actionnaires, dont la Canadian Coalition for Good Governance (CCGG)[34], jouent un rôle important pour faire connaître aux dirigeants et aux administrateurs des sociétés canadiennes cette nouvelle volonté des investisseurs institutionnels de promouvoir l’adoption de comportements prenant en considération différents critères ESG. En coordonnant les activités et les efforts de leurs membres, les associations d’actionnaires permettent à ces derniers de réduire les coûts directs des démarches visant à influencer les choix sociaux et environnementaux des sociétés, et, partant, les problèmes d’actions collectives. Par le partage des dépenses et de l’exposition publique, les organisations d’actionnaires font en sorte qu’aucun investisseur institutionnel ne supporte directement les risques ou les coûts d’une action qui est dans l’intérêt de l’ensemble des membres[35].
Ainsi, alors qu’à une certaine époque les actionnaires réclamaient simplement la production de rapports de développement durable, les exigences sont aujourd’hui beaucoup plus variées et nombreuses. Par exemple, les investisseurs institutionnels demandent que les sociétés se fixent des objectifs quantitatifs, lient les critères ainsi établis à la rémunération des dirigeants et exigent des explications quant à la façon dont les sociétés se conforment à des plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou à des plans de mitigation des effets de leurs activités[36].
Toutefois, si l’activisme actionnarial a participé à l’évolution des perceptions en ce qui a trait à la place que doivent occuper les critères ESG dans la gestion de la société, d’autres facteurs externes ont également contribué au changement observé.
1.2 Les coûts réputationnels et juridiques et le phénomène de l’investissement durable
Comme l’a déclaré Louis Brandeis au début du xxe siècle, la lumière du soleil est le meilleur des désinfectants[37]. Appliquée à la responsabilité sociale des entreprises, la célèbre analogie de Brandeis nous invite à croire que la divulgation d’informations non financières est susceptible d’inciter les administrateurs, les dirigeants et les sociétés à adopter une attitude plus éthique et responsable pour éviter d’entacher leur réputation. De l’avis de Doreen McBarnet, la prise en considération de critères ESG et la responsabilité sociale des entreprises n’ont jamais été vraiment volontaires. Elles ont été dans la plupart des cas une réponse aux pressions du marché et au risque réputationnel[38].
Cette affirmation se vérifie d’ailleurs, puisque le désir des administrateurs et des dirigeants de réduire les risques de litiges et les risques réputationnels semble les avoir récemment poussés à prendre des mesures allant au-delà des exigences légales afin de diminuer l’occurrence de comportements problématiques en matière d’ESG. Dans cette perspective, les sociétés ont notamment intégré des préoccupations sociales ou environnementales dans leurs opérations commerciales par l’adoption de codes[39] et ont divulgué les mesures retenues dans le but de mieux gérer les risques liés à leurs activités. Voilà qui n’a rien d’étonnant considérant que les litiges portant sur des questions ayant trait aux droits de la personne ou à l’environnement entraînent généralement des coûts importants qui dépassent ceux qui se rattachent à la compensation des dommages subis ou qui découlent du processus judiciaire[40]. Notamment, les litiges engendrent parfois des défis majeurs de relations publiques qui peuvent pousser les sociétés fautives à assumer des coûts qui n’ont rien à voir avec la compensation des dommages, mais qui sont plutôt en rapport avec un besoin urgent de redorer leur réputation[41].
En effet, la gestion des risques dépasse l’adoption de mesures en vue de réduire les risques de litiges. Elle cherche également à éviter les comportements susceptibles d’être condamnés par l’opinion publique[42]. À titre d’illustration, s’il est démontré qu’une société viole les droits de la personne ou qu’elle cause des dommages environnementaux, le jugement public peut provoquer une chute des ventes si les consommateurs organisent une campagne de boycottage des produits vendus par cette société[43].
Des difficultés de financement peuvent également survenir si les investisseurs considèrent qu’il existe une possibilité de litige ou qu’ils souhaitent simplement éviter d’être associés au comportement en question[44]. De ce fait, les risques de litiges et les risques réputationnels font de plus en plus souvent partie des questions qui préoccupent les administrateurs et les dirigeants des sociétés, car de nombreux actionnaires tiennent compte de ces coûts dans leurs décisions d’investir dans des entreprises particulières. D’ailleurs, cela ne vaut pas seulement dans le cas des fonds d’investissement « socialement responsables », pour lesquels les droits de la personne et les questions environnementales ont toujours été pertinents[45]. Désormais, les actionnaires institutionnels traditionnels, préoccupés principalement par le retour sur investissement, s’attendent aussi que les sociétés assurent une bonne gestion des risques ESG[46].
En outre, diverses parties prenantes, dont les consommateurs et les employés, jouent un rôle déterminant en poussant les sociétés à agir de manière socialement responsable afin de limiter les risques de litiges et les risques réputationnels[47]. L’importance accrue des questions ESG doit effectivement être vue dans un contexte où la société civile est très active et militante et où elle est en mesure de faire pression sur les entreprises par de la publicité, du boycottage ou d’autres méthodes pour obtenir plus de transparence, ainsi que des politiques socioenvironnementales responsables. Au cours des dernières années, certaines parties prenantes, en particulier les clients et les employés, ont souvent été disposées à sacrifier de l’argent (rendement, pouvoir d’achat et même rémunération) pour permettre aux sociétés de prendre en considération des objectifs ESG et de modifier leur comportement[48]. Dans ce contexte, plusieurs estiment que les sociétés ne peuvent plus se cacher ou nier la nature de leurs activités et les externalités négatives pouvant en découler[49].
Cela étant, le désir d’éviter une mauvaise publicité ne conduit pas toujours les sociétés à adopter les mesures positives nécessaires pour passer d’une approche axée sur les profits à court terme à une approche de gestion durable axée sur le long terme[50]. Heureusement, un autre phénomène pousse à l’heure actuelle les sociétés à être plus transparentes et à divulguer davantage d’informations non financières afin de répondre aux besoins exprimés par les parties prenantes.
L’investissement responsable, qui s’appuie sur la croyance que la prise en considération de critères ESG dans le choix des investissements contribue à diminuer les risques et à accroître le rendement[51], constitue effectivement une autre avancée majeure[52] qui a influé sur le comportement des sociétés[53]. En effet, ce nouvel engouement des petits épargnants à l’échelle mondiale pour les fonds éthiques, socialement responsables ou verts (bref, pour l’investissement responsable) a créé un besoin d’information chez les investisseurs institutionnels, ceux-ci tenant désormais à s’assurer que les sociétés qui composent leurs portefeuilles gèrent correctement les risques[54] environnementaux et sociaux. Par ailleurs, la modification des critères de sélection ayant trait aux décisions d’investissement qui ne sont plus seulement concentrées sur le profit, mais également sur les effets sociaux et environnementaux des sociétés, a également participé à la réceptivité des conseils d’administration pour ces nouvelles demandes d’informations[55].
Dès lors, la volonté des investisseurs d’obtenir des informations ESG fiables, représentatives et faciles à comparer avec les informations divulguées par d’autres entreprises a poussé les sociétés à faire preuve de plus de transparence et à modifier certains de leurs comportements afin de ne pas compromettre le financement de leurs activités[56]. De même, les pressions des marchés ont poussé les sociétés à prendre conscience de la nécessité d’agir en tenant compte de facteurs ESG de manière proactive en vue de protéger leur image et de réduire les risques légaux.
Ces changements ont entraîné une attitude différente parmi les sociétés en ce qui a trait à la divulgation d’informations non financières qui s’est, de ce fait, lentement imposée comme l’un des principaux moyens de responsabilisation des sociétés[57] car, en rendant publiques des informations particulières, on facilite l’exercice de pressions par les marchés[58]. Considérant l’importance de ce type de divulgation, nous aborderons dans la partie 2 les formes que prend cette dernière au Canada.
2 La responsabilisation des sociétés canadiennes et les obligations de divulgation d’informations non financières
La divulgation d’informations au sujet des pratiques sociales et environnementales des sociétés permet à l’ensemble des parties prenantes de poser un regard éclairé sur les pratiques que lesdites sociétés adoptent[59], ce qui facilite parfois la discipline des mauvais joueurs et la diminution de l’occurrence de comportements inappropriés. De même, la divulgation d’informations non financières peut encourager les sociétés à promouvoir leurs activités de manière positive et à saisir de nouvelles occasions d’affaires. Une plus grande transparence au sujet des risques socioenvironnementaux peut aussi accroître la valeur des sociétés, puisque les investisseurs valorisent cette information et sont prêts à payer une prime pour les entreprises moins opaques. En effet, une plus grande transparence en ce qui concerne les risques liés aux questions ESG s’avère précieuse pour les investisseurs, car elle dissipe l’incertitude concernant les sources de risque et les mesures que la société prend pour gérer et atténuer son exposition à ces dernières[60]. En ce sens, la divulgation permet aux investisseurs institutionnels d’investir en toute connaissance de cause, favorise la confiance et renforce les relations (à long terme) des sociétés avec les investisseurs et les autres parties prenantes[61].
De ce fait, la divulgation d’informations non financières constitue un pilier important des obligations ESG parce qu’elle peut être interprétée comme une indication de la perception qu’une société a des attentes sociales[62] et comme une volonté de réduire l’asymétrie informationnelle. Notamment, la divulgation permet au conseil d’administration et aux dirigeants de prendre conscience des risques et de les répertorier ainsi que d’intégrer les questions ESG dans leur processus décisionnel.
Toutefois, pour que ces changements se produisent, les sociétés doivent faire preuve de transparence afin que leurs choix et décisions puissent être soumis à un examen minutieux. En ce sens, les indicateurs strictement financiers et économiques ne peuvent plus être considérés à eux seuls comme suffisants pour donner un portrait fiable de la performance des sociétés[63]. Pour que les pressions externes soient efficaces et qu’elles poussent les sociétés à tenir compte des externalités découlant de leurs activités, il doit exister des mécanismes efficaces dans le but de mettre en lumière les choix faits par les sociétés. De nos jours, la divulgation obligatoire (2.1) et la divulgation volontaire (2.2) d’informations jouent toutes deux un rôle complémentaire dans les efforts en vue de responsabiliser les sociétés, et il nous semble pertinent, dans ce contexte, d’en comprendre l’étendue et les limites. Ce sera donc à cet exercice nécessaire que nous nous prêterons dans les sections qui suivent.
2.1 Les fondements légaux de la divulgation d’informations non financières au Canada
De manière générale, au Canada, les émetteurs assujettis doivent fournir des informations fiables et les présenter de manière à permettre aux investisseurs de prendre des décisions éclairées et à promouvoir un marché des capitaux juste et équitable[64]. Dans ce contexte, afin de répondre à ses obligations, un émetteur doit divulguer des informations non financières si cette divulgation est requise par les obligations d’information continue[65] déjà applicables[66].
En effet, les règles propres au domaine des valeurs mobilières exigent la divulgation de l’ensemble des informations susceptibles d’avoir une incidence sur la performance financière d’un émetteur, sans toutefois imposer une obligation générale de rendre compte des questions liées au développement durable ou à la responsabilité sociale[67]. Les règles applicables obligent toutefois les émetteurs assujettis à fournir certains éléments d’information portant sur des questions ESG si celles-ci répondent au critère de l’importance relative. De ce fait, un émetteur assujetti doit, par exemple, indiquer dans ses documents d’information continue s’il est partie à un litige environnemental ou encore s’il est susceptible de subir les répercussions d’une contamination industrielle (en devant payer l’augmentation de sa prime d’assurance ou en voyant la hausse de ses frais d’exploitation[68]).
En outre, selon la réglementation sur les valeurs mobilières, un émetteur assujetti est tenu de déposer une notice annuelle[69] qui donne de l’information importante sur la société, sur ses activités et sur ses perspectives d’avenir[70]. Cette notice doit notamment indiquer les facteurs de risque auxquels la société s’expose, et les autres facteurs externes qui ont une incidence particulière sur elle, et rendre publiques les informations qui peuvent avoir un effet significatif sur la valeur des titres et donc influer sur la décision d’un investisseur raisonnable d’acheter, de vendre ou de détenir les titres de la société[71]. De même, le paragraphe 4 de la rubrique 5.1 de l’Annexe 51-102A2 rappelle qu’un émetteur assujetti doit décrire les politiques environnementales fondamentales pour ses activités, ainsi que les mesures prises pour les mettre en oeuvre[72].
Partant, la réglementation québécoise en matière de valeurs mobilières n’exige pas que les émetteurs assujettis produisent des rapports sociaux ou environnementaux et qu’ils divulguent de l’information allant au-delà des exigences générales de divulgation. En effet, si les exigences réglementaires sont suffisamment générales pour imposer une obligation de divulgation d’informations quant à tout risque social ou environnemental ayant des implications financières potentiellement importantes, il demeure que cette situation laisse beaucoup de latitude à la direction des émetteurs assujettis puisque le critère opérationnel est de savoir si un actionnaire raisonnable considérerait lesdites informations comme importantes[73]. De ce fait, il existe en ce moment bon nombre d’interrogations au sujet de l’importance des informations liées aux questions ESG, considérant qu’elle varie selon le contexte et la nature des activités[74].
En matière de divulgation d’informations non financières, le Canada diffère d’un certain nombre de pays européens qui exigent une divulgation plus large (la France allant même plus loin en obligeant les entreprises dont les actions sont cotées à la Bourse à fournir des informations détaillées sur l’environnement, le travail, l’engagement communautaire, la santé et la sécurité dans ses rapports annuels aux actionnaires[75]). En dépit de l’absence de volonté d’imposer des règles de divulgation plus strictes, les autorités canadiennes ont récemment souhaité apporter des précisions sur l’étendue des attentes en cette matière[76]. Afin d’inciter les émetteurs assujettis à tenir compte des intérêts d’un groupe plus large de parties prenantes, les autorités de réglementation en valeurs mobilières ont adopté différents documents pour les administrateurs et les dirigeants en ce qui concerne les exigences en matière de divulgation continue en rapport avec des questions sociales[77] et environnementales[78].
Notamment, l’Avis 51-333 du personnel des ACVM : indications en matière d’information environnementale[79] précise que l’obligation générale de communiquer toute information importante suppose qu’il est nécessaire d’évaluer les occasions et les risques liés aux questions ESG, d’apprécier l’importance relative de ces derniers[80] et de fournir de l’information sur ceux qui pourraient avoir des répercussions importantes[81]. Par ailleurs, l’Avis 51-358 du personnel des ACVM : informations sur les risques liés au changement climatique énonce que les émetteurs assujettis doivent fournir de l’information sur les risques importants dans le cas des changements climatiques touchant leur entreprise et, si c’est possible, sur les répercussions financières de ces risques[82]. L’Avis 51-333 recommande également aux émetteurs d’expliquer l’objectif poursuivi dans leurs politiques, les risques environnementaux qu’ils visent et la manière dont ces politiques sont surveillées et mises à jour.
Malgré ces directives en vue d’accroître la qualité et la quantité d’informations ESG divulguées, les règles actuelles en matière de divulgation demeurent peu contraignantes. Dans ce contexte, l’information non financière se trouve largement intégrée dans des documents de divulgation volontaire[83]. En effet, en l’absence d’obligation légale précise, les pressions du marché ont, au cours des dernières années, incité les sociétés à divulguer volontairement de l’information au sujet de leurs pratiques ESG en s’inspirant de documents élaborés par différentes organisations privées.
Devant l’importance grandissante de cette divulgation volontaire, il convient donc de déterminer la manière dont cette façon de faire participe à la responsabilisation des sociétés canadiennes.
2.2 Les obligations volontaires de divulgation d’informations non financières
Depuis quelques années, les sociétés ont adopté diverses pratiques pour signaler aux marchés une certaine volonté d’intégrer des préoccupations socioenvironnementales. Mentionnons, à titre d’exemples, les codes de conduite ou encore l’adoption de normes non contraignantes émanant d’organisations non gouvernementales (ONG) ou de regroupements internationaux. Outre les pratiques environnementales, celles qui se trouvent liées à la gouvernance et aux conditions de travail des employés y sont de plus en plus divulguées.
En 2019, au-delà de 70 organisations avaient établi des cadres normatifs pour évaluer les sociétés[84]. Les plus répandus sont la Global Reporting Initiative (GRI), portant sur les trois facteurs ESG, le Carbon Disclosure Project (CDP), axé exclusivement sur la divulgation environnementale, l’Extractive Industries Transparency Initiative (EITI)[85], la Global Reporting Initiative et le Sustainability Accounting Standards Board (SASB.CDP), de même que le Task Force on Climate-Related Financial Disclosures (TCFD)[86]. Il existe aussi plusieurs guides contenant des lignes de conduite tels celui des Nations Unies, qui établit des principes directeurs en rapport avec la conduite des entreprises et le respect des droits de la personne[87], ainsi que celui de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui est destiné aux sociétés multinationales[88].
L’utilisation de ces cadres normatifs de divulgation d’informations ESG permet aux investisseurs de déterminer le niveau de performance de la société à l’égard d’un ou de plusieurs enjeux spécifiques et de responsabiliser les sociétés quant à leur performance. Toutefois, pour atteindre ces objectifs, les informations divulguées doivent être fiables, constantes et comparables, et ce, à travers le temps[89]. Or, si la divulgation volontaire comporte actuellement de nombreux avantages pour les sociétés (2.2.1), elle entraîne également certaines difficultés (2.2.2).
2.2.1 Les avantages de recourir à la divulgation volontaire
Il est avantageux sur plusieurs plans pour une société de divulguer des informations ESG. Premièrement, la divulgation est susceptible d’avoir des conséquences bénéfiques sur la gestion et les finances de l’entreprise. En effet, plusieurs études ont démontré que les sociétés ayant une stratégie de divulgation ESG obtiennent en général de meilleurs résultats financiers que celles qui n’en ont pas[90]. Par exemple, une enquête de 2019 a établi que 63 p. 100 des 159 études recensées démontraient un lien de corrélation positif entre la divulgation ESG et la performance financière des sociétés. Par ailleurs, seulement 15 p. 100 de ces études rapportaient une corrélation négative et 22 p. 100, un lien neutre entre les deux éléments[91]. De plus, une étude effectuée par la Banque de l’Amérique et Merrill Lynch en 2018 a permis de constater que les sociétés qui avaient adopté des pratiques ESG avaient eu des rendements plus élevés sur une période de trois ans et que leurs actions étaient moins susceptibles de chuter fortement[92]. De même, selon une étude menée en 2019 par Caroline Flammer, Michael W. Toffel et Kala Viswanathan, la divulgation d’informations liées aux changements climatiques se révèle généralement très bénéfique aux sociétés. D’après leur analyse portant sur la réaction du marché, il y a eu une hausse de la valeur des titres à la suite de plus de 248 divulgations d’informations qui touchaient le changement climatique[93].
Deuxièmement, la divulgation d’informations non financières stimule d’une certaine façon le dialogue entre les sociétés et les parties prenantes, ce qui permet aux premières de s’adapter plus rapidement aux changements qui s’opèrent dans leur industrie[94]. Cela s’explique, car les informations non financières font référence à la fois aux risques en matière ESG auxquels sont exposés les sociétés et que ces informations permettent aux administrateurs et aux dirigeants d’améliorer leur stratégie de gestion afin de réduire les risques répertoriés[95]. La gestion stratégique des risques peut à long terme entraîner des effets positifs en diminuant, par exemple, les risques sociaux tels que les grèves d’employés[96]. De plus, cela peut générer de nouvelles relations d’affaires avec des investisseurs et d’autres partenaires économiques. En effet, les sociétés ayant mis en place une politique de divulgation d’informations non financières inspirent davantage confiance, car il est possible de déterminer plus aisément leur niveau de risque[97] : ce qui facilite les discussions entre les investisseurs et la société pour limiter ces risques le cas échéant[98].
Troisièmement, une transparence accrue amène les dirigeants à réfléchir plus longuement aux effets des activités de la société, ce qui a pour conséquence de réduire la présence de pratiques socialement indésirables[99]. La diminution de telles pratiques et la participation volontaire à un régime de divulgation d’informations par une société permettent de réduire les jugements négatifs à son égard et, par le fait même, d’engendrer de la valeur[100].
Enfin, comme les sociétés ne sont pas tenues de faire auditer les documents d’informations ESG[101], pas plus qu’elles ne sont dans l’obligation d’établir des mécanismes internes rigoureux pour valider la précision des informations divulguées, il est possible de croire qu’elles font des économies importantes en fait d’argent et de ressources[102]. En outre, la flexibilité découlant de l’absence de régime obligatoire de divulgation permet aux sociétés de choisir l’information qu’elles souhaitent faire connaître. Par exemple, une société n’est pas obligée de divulguer qu’elle possède des bâtiments dans des zones inondables ou encore que des sécheresses et des incendies peuvent perturber sa chaîne d’approvisionnement, ce qui la rendrait vulnérable à l’égard de ses clients, de ses concurrents et des investisseurs. Une société peut donc conserver pour elle des informations susceptibles d’avoir une incidence sur sa compétitivité dans le marché[103]. Toutefois, cette grande latitude ne vient pas sans inconvénient.
2.2.2 Les inconvénients de la divulgation volontaire des informations non financières
Si la flexibilité de la divulgation volontaire d’informations non financières permet aux directions des sociétés de déterminer l’étendue, l’audience et le contenu de la divulgation, la qualité des rapports varie considérablement, et leur précision est rarement vérifiée ou surveillée. Cette situation réduit l’incidence de la divulgation d’informations sur la responsabilisation des sociétés[104]. En effet, l’éventail des méthodes de divulgation volontaire limite la comparabilité (2.2.2.1) et la fiabilité (2.2.2.2) des informations rendues publiques.
2.2.2.1 La comparaison difficile des informations non financières divulguées par les sociétés
Actuellement, l’absence de norme unique de divulgation d’informations non financières permet aux sociétés de définir leur propre format de rapport et de choisir leurs indicateurs ESG. Bien que la plupart des sociétés intègrent des normes de divulgation indépendantes[105] qui leur fournissent un cadre pour divulguer davantage d’informations non financières[106], elles conservent tout de même la latitude d’établir la fréquence de divulgation, la quantité et la qualité des données, ainsi que la manière de les présenter. Par ailleurs, comme il existe une pléthore de normes indépendantes[107], la démarche se complique pour les sociétés qui souhaitent faire un choix approprié afin de répondre aux besoins de divulgation exprimés par les parties prenantes.
En outre, l’absence de standards concernant la divulgation d’informations non financières a pour conséquence que les informations fournies varient considérablement d’une société à l’autre. De ce fait, la divulgation volontaire, telle qu’elle est structurée en ce moment, ne permet pas d’atteindre un niveau de cohérence et de systématisation suffisant pour que les investisseurs soient réellement en mesure de juger de la performance ESG d’une société, puisque chaque cadre de divulgation comporte ses spécificités[108]. Cette situation ne facilite pas par ailleurs la comparaison des informations divulguées par les émetteurs faisant partie des portefeuilles des investisseurs institutionnels, ce qui accroît les coûts d’analyse et de recherche dont ces derniers doivent se charger[109].
Soulignant les problèmes créés par l’existence de standards de divulgation d’informations non financières, une étude menée par des chercheurs de l’Université de Zurich et du Massachusetts Institute of Technology[110] a établi que les sociétés peuvent obtenir une bonne ou une mauvaise cote ESG suivant l’organisation l’ayant évaluée. Comme ces standards déterminent la valeur probante des données afin de préciser une cote en suivant des critères qui diffèrent d’un organisme évaluateur à l’autre[111], la grille d’analyse utilisée varie nécessairement, et les trois facteurs ESG n’ont pas le même poids. Certaines grilles accordent plus d’importance à la situation actuelle de la société sur le plan environnemental, alors que d’autres donnent davantage de poids aux nouvelles politiques et aux objectifs futurs instaurés par la société ce qui crée des disparités dans le pointage obtenu[112].
Dans ce contexte, la difficulté à comparer les informations divulguées rend très ardue la distinction entre les sociétés qui ont de réels engagements environnementaux et sociaux et celles qui effectuent de l’écoblanchiment[113]. Pour tenter de corriger cette situation, des organisations ont choisi d’agir comme intermédiaires entre les investisseurs et les sociétés en analysant les données divulguées. Par exemple, le Wall Street Journal publie annuellement un classement des 100 sociétés ayant les meilleures pratiques en fait d’environnement durable[114]. Pensons également à l’enquête sur la responsabilité des entreprises qu’effectue KPMG depuis 1993 afin d’établir les tendances les plus récentes en la matière[115]. Bien que ces initiatives aident les investisseurs, il demeure que les données utilisées pour bâtir ces classements sont biaisées, et qu’elles ne reflètent pas toujours correctement la performance ESG réelle des sociétés.
2.2.2.2 Le problème de la qualité et de la fiabilité de l’information divulguée
Les informations non financières transmises par les sociétés ne donnent souvent qu’une image partielle de la réalité de ces dernières, car seule une sélection de résultats positifs est mise en avant[116]. Une étude réalisée en 2019 sur les données divulguées relativement à la santé et à la sécurité des employés est une bonne illustration de notre propos. En effet, cette étude a démontré que les données divulguées par 50 grandes sociétés publiques de secteurs divers étaient présentées de 20 façons différentes[117]. Par exemple, certaines sociétés divulguaient le taux d’accidents de travail ayant engendré une absence du travail, alors que d’autres mentionnaient plutôt le nombre de jours perdus à cause de ces accidents, le nombre de décès qui y étaient liés ou encore les pertes financières qui en découlaient[118]. Ces choix arbitraires des unités de mesure utilisées et du type d’informations publiées rendaient de ce fait impossible la comparaison des données par les investisseurs ou les travailleurs qui ne pouvaient déterminer sur cette base quelle était la meilleure société en matière de sécurité et de santé au travail[119].
Par ailleurs, les informations non financières sont divulguées séparément des informations financières et sont souvent présentées avec moins de rigueur que les autres informations destinées aux investisseurs[120]. En effet, seulement 12 p. 100 des sociétés du S&P500 font auditer leurs informations non financières[121] et celles qui le font ne sont pas tenues aux normes habituelles en matière d’audit, car il n’existe pas de norme établie pour les informations ESG[122]. En outre, comme l’information est transmise à la période et à la fréquence choisies par la société, le portrait divulgué par cette dernière est inévitablement biaisé.
Ainsi, l’absence de normes standardisées, détaillées et exhaustives, l’abondance de pratiques et de modèles incomparables de même que la grande latitude permise aux sociétés quant à leur manière de divulguer les informations non financières rendent extrêmement approximative l’analyse de ces informations, et ce, tant pour les investisseurs, les régulateurs, les partenaires économiques, les travailleurs ou les consommateurs que pour les chercheurs qui devraient pourtant pouvoir évaluer les effets des pratiques ESG sur la performance économique[123].
Conclusion
Il est désormais acquis que les grandes sociétés peuvent jouer un rôle positif, mais également que leurs activités sont susceptibles de causer de graves dommages. Leur utilisation des ressources naturelles, l’embauche de travailleurs dont elles fixent souvent les conditions d’emploi et les polluants qu’elles émettent rendent la chose inévitable.
Au cours des dernières années, de nombreuses voix se sont fait entendre afin de réclamer que des changements soient apportés aux règles encadrant la conduite des sociétés[124]. Notamment, l’intérêt accru des investisseurs institutionnels et des différentes parties prenantes pour les questions sociales et environnementales a élargi le spectre des informations considérées comme importantes afin de pouvoir porter un regard éclairé sur les sociétés. En outre, considérant l’importance économique des risques liés aux activités des sociétés, plusieurs parties prenantes ont également réclamé que l’information communiquée par les sociétés canadiennes soit plus complète et structurée. Si ces nouvelles demandes visant à ce que les sociétés adoptent des pratiques qui intègrent des facteurs sociaux et environnementaux et fournissent des informations pertinentes et suffisantes constituent un changement majeur pour les administrateurs et les dirigeants, il n’en demeure pas moins que les sociétés doivent s’adapter rapidement et faire face à ces exigences citoyennes pour assurer leur pérennité.
Or, malgré une volonté de s’améliorer afin de répondre à ces demandes, plusieurs sociétés ont encore du travail à accomplir pour s’assurer qu’elles divulguent l’ensemble des informations non financières jugées importantes. En effet, une étude récente a indiqué que seulement 48 p. 100 des sociétés de l’indice composé S&P/TSX avaient publié un rapport sur le développement durable en 2018 (la proportion estimée pour l’année 2019 atteint 54 p. 100)[125].
Ainsi, même si l’activisme actionnarial, les pressions exercées par diverses parties prenantes ainsi que la divulgation (aussi imparfaite soit-elle) participent à la responsabilisation des sociétés canadiennes, il reste du chemin à faire. Vu l’importance économique des activités des sociétés et des catastrophes naturelles de plus en plus courantes qui perturbent les écosystèmes et la santé humaine, peut-être est-il temps d’apporter des modifications aux règles applicables dans l’idée d’obtenir des changements qui auront une portée plus large. Sans prendre position sur la valeur des différentes propositions ayant pour but d’uniformiser la divulgation des informations ESG des sociétés canadiennes ou de modifier leurs pratiques, il nous semble toutefois clair que le législateur doit intervenir afin de préciser les règles du jeu[126].
Appendices
Notes
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[1]
Pensons notamment aux effets sur l’environnement, à la perte de biodiversité ou aux changements climatiques actuels. Les économistes emploient le terme « externalité » pour désigner les situations où les choix ou les actes des agents économiques ne sont pas accompagnés d’une contrepartie en vue de compenser les tiers pour les conséquences ou les effets survenus.
-
[2]
La responsabilité sociale des entreprises (RSE) fait référence à la volonté de prendre en considération des critères ESG et de dépasser la loi dans le contexte de la gestion de la société, de la prise de décision financière ou dans les décisions d’investissement. Dans cette perspective, l’entreprise socialement responsable doit tenter d’internaliser les externalités négatives (par exemple, la pollution) qui touchent non seulement les actionnaires, mais également un groupe plus large de parties prenantes telles que les employés, les clients, les fournisseurs ou la communauté locale. Hao Liang et Luc Renneboog, Corporate Social Responsibility and Sustainable Finance : A Review of the Literature, Finance Working Paper no 701, 2020, p. 3, [En ligne], [ecgi.global/sites/default/files/working_papers/documents/liangrenneboogfinal.pdf] (20 mars 2021) ; Barry J. Reiter, Directors’ Duties in Canada, 6e éd., Toronto, LexisNexis, 2016, p. 870.
-
[3]
Si d’autres auteures ou auteurs canadiens se sont livrés à cet exercice auparavant, peu se sont intéressés aux différentes pressions exercées par les marchés et au rôle de la divulgation, et encore moins en français. Voir Poonam Puri, « Green but not enough : Sustainability in Canadian Corporate Governance », dans Beate Sjafjell et Christopher M. Bruner (dir.), Cambridge Handbook of Corporate Law, Corporate Governance and Sustainability, Cambridge, Cambridge University Press, 2019, p. 146, à la page 154.
-
[4]
Voir par exemple : Varity Corp. and Jesuit Fathers of Upper Canada et al., [1987] 59 O.R (2d) 459 (Ont. C.S.) ; Greenpeace Foundation of Canada v. Inco Ltd., [1984] O.J. no 274 (Ont. C.S.) (ln/ql). C’est également le cas aux États-Unis : Virginia E. Harper Ho, « From Public Policy to Materiality : Non-Financial Reporting, Shareholder Engagement, & the Rule 14a-8 Ordinary Business Exception », (2019) 76 Washington & Lee L. Rev. 3, 8.
-
[5]
Au Canada, l’activisme actionnarial est visible depuis quelques années. Suivant certaines modifications apportées à la loi fédérale en 1980, la première proposition d’actionnaire a été effectuée en 1982 par un établissement religieux. Cette proposition portait sur les investissements d’Alcan en Afrique du Sud. Moira Hutchinson, The Promotion of Active Shareholdership for Corporate Social Responsibility in Canada, Vancouver, Shareholder Association for Research and Education, 1996, p. 13, [En ligne], [share.ca/wp-content/uploads/2020/12/Active_Shareholdership_for_CSR_in_Canada.pdf] (25 mars 2021). Sur ce sujet, voir également l’étude de Louise Champoux-Paillé, Les propositions d’actionnaires : un droit des actionnaires et un pilier de saine gouvernance, Montréal, Éditions du MÉDAC, 2010, p. 5, [En ligne], [www.giref.uqam.ca/pdf/Etude-Louise-C.Paille-Prop.Actionnaires.pdf] (25 mars 2021), où elle souligne que, de 1982 à 1995, seulement 18 propositions ont été insérées dans les circulaires des sociétés au Canada. Or, si l’on compare cette situation à celle qui a été observée aux États-Unis, où l’on a pu recenser 701 propositions en 1994, force est de constater que les actionnaires canadiens ont fait piètre figure.
-
[6]
Robert G. Eccles et Svetlana Klimenko, « The Investor Revolution », Harvard Business Review, vol. 97, no 3, 2019, p. 106.
-
[7]
Id., aux pages 108 et 115. Amy Silverstein, Debbie McCormack et Bob Lamm, « The Board’s Role in Corporate Social Purpose », Harvard Law School Forum on Corporate Governance and Financial Regulation, 30 juillet 2018, [En ligne], [corpgov.law.harvard.edu/2018/07/20/the-boards-role-in-corporate-social-purpose/] (25 mars 2021) ; Caroline Flammer, Michael W. Toffel et Kala Viswanathan, Shareholder Activism and Firms’ Voluntary Disclosure of Climate Change Risks, 22 octobre 2019, p. 2, [En ligne], [sites.bu.edu/cflammer/files/2020/09/ClimateRiskDisclosure_FlammerToffelViswanathan_Sept2020.pdf] (25 mars 2021) ; Carol Hansell, Changements climatiques : un enjeu incontournable pour les conseils d’administration, Initiative canadienne de droit climatique, 25 juin 2020, p. 9 et suiv., [En ligne], [law-ccli-2019.sites.olt.ubc.ca/files/2020/08/Hansell-Changement-Climatiques-Un-enjeu-incontournable-pour-les-conseils-dadministration.pdf] (25 mars 2021) ; Canadian Coalition for Good Governance (CCGG), The Director’s E&S Guidebook. Practical Insights and Recommendations for Effective Board Oversight and Company Disclosure of Environmental and Social (“E&S”) Matters, CCGG, mai 2018, p. 5, [En ligne], [ccgg.ca/download/4006/] (25 mars 2021).
-
[8]
Si tous les investisseurs institutionnels ne possèdent pas le même intérêt pour ces questions, certains, dont les gestionnaires d’actifs qui détiennent leurs actions pendant de longues périodes ainsi que les gestionnaires passifs, ont intérêt à ce que les sociétés se préoccupent des questions environnementales et sociales qui sont susceptibles d’influer sur leur performance financière.
-
[9]
C. Flammer, M.W. Toffel et K. Viswanathan, préc., note 7, p. 2.
-
[10]
V.E. Harper Ho, préc., note 4, 9.
-
[11]
Les propositions d’actionnaire ne cherchent pas à usurper le pouvoir de la direction, mais plutôt à donner aux actionnaires la possibilité d’exprimer leurs points de vue sur les questions concernant la société. Elles permettent également de soumettre des questions importantes à l’attention des administrateurs et des dirigeants de sociétés et parfois de tenter d’influencer leurs décisions. Aaron A. Dhir, « Realigning the Corporate Building Blocks : Shareholder Proposals as a Vehicle for Achieving Corporate Social and Human Rights Accountability », (2006) 43 Am. Bus. L.J. 365, 374 ; C. Flammer, M.W. Toffel et K. Viswanathan, préc., note 7, p. 21.
-
[12]
Janis Sarra, « Oversight, Hindsight, and Foresight : Canadian Corporate Governance through the Lens of Global Capital Markets », dans Janis Sarra (dir.), Corporate Governance in Global Capital Markets, Vancouver, UBC Press, 2003, p. 40, à la page 75, indique ce qui suit :
Even where shareholder proposals have failed to garner majority support, there is some evidence to suggest that today’s proposals may become tomorrow’s corporate policy. Although there is a lack of empirical data, the survey work of Stéphane Rousseau and Raymonde Crête indicates that proposals do functionally serve to raise awareness about particular corporate policies and can act as a catalyst or bargain leverage for change.
-
[13]
A.A. Dhir, préc., note 11, 374 ; Jonathan M. Karpoff, « The Impact of Shareholder Activism on Target Companies : A Survey of Empirical Findings », 18 août 2001, p. 6, [En ligne], [papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=885365] (25 mars 2021).
-
[14]
Raymonde Crête et Stéphane Rousseau, Droit des sociétés par actions, 4e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2018, no 1101, p. 498.
-
[15]
Comme nous l’avons vu, le vote sur une proposition d’actionnaire sera décisionnel et non consultatif, pourvu bien sûr qu’il porte sur une question relevant normalement des pouvoirs reconnus aux actionnaires. Notamment, l’article 113 al. 3 de la Loi sur les sociétés par actions, RLRQ, c. S-31.1 (ci-après « LSAQ »), prévoit que le règlement adopté par les actionnaires à la suite d’un vote sur une proposition d’actionnaire entre en vigueur immédiatement sans qu’aucune autre forme d’approbation ne soit nécessaire.
-
[16]
R. Crête et S. Rousseau, préc., note 14, p. 499 ; A.A. Dhir, préc., note 11, 368. Bien que les sociétés puissent avoir recours aux motifs d’exclusion mentionnés aux arti- cles 200 LSAQ et 137 (5) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. 1985, c. C-44 (ci-après « LCSA ») pour refuser d’inclure une proposition dans la circulaire de direction, depuis que des changements ont été apportés à la LCSA en 2001, il est beaucoup plus difficile d’exclure les propositions qui visent des questions sociales. R. Crête et S. Rousseau, préc., note 14, p. 494 ; A.A. Dhir, préc., note 11, 368.
-
[17]
Au Canada, la recrudescence d’intérêt pour les questions ESG découle notamment de certains changements que le législateur fédéral a apportés à la LCSA en 2001 afin de retirer le pouvoir explicite que possédaient les sociétés de refuser d’insérer les propositions d’actionnaire qui avaient pour objectif principal de servir à des fins générales d’ordre économique, politique, religieux ou social. Ainsi, depuis 2001, la LCSA prévoit la possibilité pour les sociétés fédérales de refuser les propositions qui ont un objet qui n’est pas lié de façon importante aux activités commerciales ou aux affaires internes de la société, mais non pas celui de les rejeter sur la base du sujet visé par ces dernières. A.A. Dhir, préc., note 11, 368. Cette situation s’observe également aux États-Unis, comme le rapportent C. Flammer, M.W. Toffel et K.Viswanathan, préc., note 7, p. 2 : « More generally, companies faced a record number of climate-related shareholder proposals at their 2019 shareholder meetings […] This increase in shareholder pressure is not only reflected in the exploding number of shareholder proposals submitted, but also in the increasing shareholder support and approval rates ».
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[18]
C. Hansell, préc., note 7, p. 11, en arrive d’ailleurs à la même conclusion en ce qui concerne les changements climatiques. Voir égalememt P. Puri, préc., note 3, à la page 154.
-
[19]
Les chiffres proviennent du site de SHARE (Shareholder Association for Research & Eductation) (share.ca) qui recense annuellement les propositions déposées par les actionnaires auprès des sociétés canadiennes.
-
[20]
J.M. Karpoff, préc., note 13, p. 6. Cette conclusion est d’ailleurs confirmée par l’étude menée par Jun Yang, Eric Wang et Yunbi An, « An Empirical Analysis of Canadian Shareholder Proposals », 20 juillet 2009, [En ligne], [papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1510248] (16 juillet 2021), qui affirment que les propositions d’actionnaire reçoivent généralement un appui supérieur lorsque les sociétés visées ne comptent pas d’actionnaires détenant une participation de 10 p. 100 ou plus.
-
[21]
Evaristus Oshionebo, « Shareholder Proposals and the Passivity of Shareholders in Canada : Electronic Forums to the Rescue ? », (2012) 37 Queens L.J. 623, 631.
-
[22]
C. Flammer, M.W. Toffel et K. Viswanathan, préc., note 7, p. 9.
-
[23]
Id., p. 11.
-
[24]
Id.
-
[25]
Une étude précise qu’au Canada les grands fonds de retraite et les fonds communs de placement sont désormais propriétaires d’environ 70 p. 100 de tous les titres canadiens en circulation : David A.H. Brown, « La gouvernance corporative au Canada », dans Ahmed Naciri (dir.), Traité de gouvernance corporative. Théories et pratiques à travers le monde, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2006, p. 175, à la page 186. Voir, au même effet, Jeffrey G. MacIntosh, « Institutional Shareholders and Corporate Governance in Canada », (1996) 26 Can. Bus. L.J. 145, 148.
-
[26]
Adriana De La Cruz, Alejandra Medina et Yung Tang, Owners of the World’s Listed Companies, OECD Capital Market Series, 2019, [En ligne], [kabstiftelse.se/wp-content/uploads/2020/02/Owners-of-the-World%e2%80%99s-Listed-Companies.pdf] (25 mars 2021).
-
[27]
Par exemple, un des objectifs que se fixe le CCGG, 2019 Annual Report : Improving Corporate Governance in Canada, 2020, p. 2, [En ligne], [ccgg.ca/wp-content/uploads/2020/05/CCGG-2019-Annual-Report_LinkedPDF-FINAL.pdf] (25 mars 2021), est le suivant : « Be a constructive partner with boards and management and encourage leading companies to act as role models by adopting the highest standards of governance. CCGG generally will not publicly target the deficiencies of specific companies, but will privately engage with them in a thoughtful discussion of our governance guidelines. »
-
[28]
À titre d’illustration, pensons notamment au fait que l’Ontario Teachers’ Pension Plan est l’un des membres fondateurs du CCGG dont la mission est de promouvoir l’adoption de pratiques de bonne gouvernance par les sociétés dont les titres sont détenus par ses membres.
-
[29]
Par exemple, on trouve fréquemment dans les lignes directrices des investisseurs institutionnels canadiens une référence à la notion d’investissement socialement responsable qui a pour objet de favoriser le respect de la communauté dans laquelle la société évolue, les relations avec les employés, la création et le maintien de l’emploi, ainsi que les préoccupations environnementales.
-
[30]
Ces risques sont en rapport avec les prix potentiels du carbone, les risques relatifs aux actifs délaissés ou encore les risques réglementaires. Groupe investissement responsable (GIR), Enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance d’entreprise, Québec, 2019, p. 69, [En ligne], [static1.squarespace.com/static/54bd8621e4b055fba2624324/t/5c79236cee6eb029ab45943f/1551442802089/GIR_int_rapport_2019_V4_2_web_low_justifie.pdf] (25 mars 2021).
-
[31]
Ontario Teachers’ Pension Plan, Rapport d’investissement responsable 2019, Toronto, 2019, [En ligne], [www.otpp.com/documents/10179/1021275/Rapport+sur+l%27investissement+responsable+2019/af0cb7f4-4558-4788-b3c1-b51e2c20c326] (25 mars 2021) ; Caisse de dépôt et placement du Québec, Rapport d’investissement durable 2019, Québec, 2019, [En ligne], [www.cdpq.com/sites/default/files/medias/pdf/fr/ra/id2019_rapport_investissement_durable_fr.pdf] (25 mars 2021) ; V.E. Harper Ho, préc., note 4, 4 et 9.
-
[32]
La prise en considération des questions ESG s’enracine dans le fait de reconnaître que les activités commerciales des entreprises touchent un grand nombre de parties prenantes et que les intérêts de chacune de ces dernières sont légitimes – y compris dans le cas des actionnaires, des employés, des clients, des fournisseurs et des créanciers, ainsi que des communautés locales, des pays en développement et même de l’environnement – et méritent que l’on en tienne compte. En ce sens, la prise en compte des questions ESG au sein d’une société implique qu’elle mène ses activités d’une manière qui réponde aux attentes juridiques et commerciales habituelles ou les dépasse. Bob Tricker, Corporate Governance : Principles, Policies, and Practices, 3e éd., Oxford, Oxford University Press, 2015, p. 219 ; Bryan Horrigan, « Fault Lines in the Intersection between Corporate Governance and Social Responsibility », (2002) 25 U.N.S.W. Law J. 515. Voir également Alan C. Neal, « Corporate Social Responsibility : Governance Gain or Laissez-Faire Figleaf ? », (2008) 29 Comp. Lab. L. & Po. J. 459, 464 :
Despite the wide spectrum of approaches to CSR, there is large consensus on its main features. Thus, it is suggested that :
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CSR is behavior by businesses over and above legal requirements, voluntarily adopted because businesses deem it to be in their long-term interest ;
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CSR is intrinsically linked to the concept of sustainable development : businesses need to integrate the economic, social, and environmental impact in their operations ; and,
-
CSR is not an optional « add-on » to business core activities – but about the way in which businesses are managed.
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-
[33]
Or, telle qu’une étude menée en 2017 par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) le constate, la quasi-totalité des investisseurs institutionnels sondés ont exprimé leur insatisfaction par rapport à l’information extrafinancière actuellement fournie par les émetteurs. En effet, cette étude rapporte que plusieurs ont noté que souvent ce type d’information était inexistante ou que l’information présentée était passe-partout, vague ou perçue comme incomplète. Ces lacunes nuisent à la capacité des investisseurs institutionnels de prendre des décisions d’investissement ainsi qu’à l’exercice de leur droit de vote. Certains estiment aussi que l’information communiquée par les émetteurs manque de clarté et de cohérence, ce qui limite leur capacité de comparer l’information fournie d’un émetteur à l’autre : ACVM, Avis 51-354 du personnel des ACVM : rapport relatif au projet concernant l’information fournie sur le changement climatique, 5 avril 2018, p. 20, [En ligne], [lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/0-avis-acvm-staff/2018/2018avril05-51-354-avis-acvm-fr.pdf] (25 mars 2021) (ci-après « Avis 51-354 ») ; Virginia E. Harper Ho, « “Comply or Explain” and the Future of Nonfinancial Reporting », (2017) 21 Lewis & Clark L. Rev. 317, 320.
-
[34]
Représentant les intérêts des investisseurs institutionnels, le CCGG fait la promotion de différentes façons des bonnes pratiques de gouvernance dans les sociétés ouvertes canadiennes, notamment en tentant d’améliorer l’environnement réglementaire afin de favoriser l’efficience et l’efficacité des marchés financiers canadiens. Par exemple, à titre de regroupement d’actionnaires, le CCGG examine régulièrement les questions d’actualité et prépare des lignes directrices pour ses membres. Par ailleurs, cette organisation fournit une source alternative de conseils aux investisseurs institutionnels qui en sont membres en mettant à leur disposition, sur son site Web, des recommandations générales en matière de gouvernance afin que tous puissent les prendre en considération : CCGG, « Our Mission and Objectives », [En ligne], [ccgg.ca/mission-and-objectives/] (25 mars 2021). La présence de cette organisation d’actionnaires au Canada permet un degré de coopération beaucoup plus élevé entre les investisseurs institutionnels que dans de nombreux autres États à l’échelle mondiale. Carol Hansell et autres, The Quality of the Shareholder Vote in Canada, Discussion Paper, 22 octobre 2010, p. 6, [En ligne], [www.dwpv.com/-/media/Files/PDF_EN/2014-2007/The-Quality-of-the-Shareholder-Vote-in-Canada.ashx] (25 mars 2021).
-
[35]
Andrew F. Tuch, « Proxy Advisor Influence in a Comparative Light », (2019) 99 B.U. L. Rev. 1459, 1482.
-
[36]
GIR, préc., note 30, p. 69.
-
[37]
Louis D. Brandeis, Other People’s Money and how the Bankers Use It, New York, Frederick A. Stokes, 1914, chap. V.
-
[38]
Doreen McBarnet, Corporate Social Responsibility beyond Law, through Law, for Law, Working Paper Series No. 3, University of Edinburgh, 2009, p. 11, [En ligne], [www.pure.ed.ac.uk/ws/files/14183638/SSRN_id1369305.pdf] (25 mars 2021).
-
[39]
La prise d’actions dans un objectif de responsabilisation sociale et environnementale de la société implique généralement un engagement de la part de la société dans une déclaration de principes ou dans un code de conduite.
-
[40]
Nous pensons à au moins trois cas au Canada qui constituent une bonne illustration des effets de ce type de litige. Tout d’abord, en Ontario, la société torontoise Hudbay Minerals Inc. est actuellement poursuivie en raison des expulsions violentes d’un village maya au Guatemala par l’armée, la police et des services de sécurité privés guatémaltèques qui auraient profité de la situation pour commettre des violences sexuelles contre les plaignantes. De même, la société vancouvéroise Tahoe Resources inc. a été visée par une poursuite où les plaignants allèguent qu’ils ont été blessés lorsque les agents de sécurité de la société ont ouvert le feu sur eux à l’occasion d’une manifestation pacifique contre la mine visant à dénoncer les impacts potentiels de la mine sur la communauté. Les plaignants affirment notamment que cette fusillade était « intentionnelle » et constituait une tentative préméditée du personnel de sécurité des mines de « réprimer » l’opposition locale. Cette affaire a fait récemment l’objet d’un règlement, bien que l’entente à l’amiable précise que celle-ci n’empêche pas les plaignants d’intenter de nouvelles poursuites contre l’entreprise ou de maintenir publiquement leur opposition. Enfin, trois plaignants poursuivent la société vancouvéroise Nevsun Resources Ltd. sur la base de violations des droits de la personne survenues dans la mine d’or de la société située en Érythrée. Aucune de ces affaires n’a été jugée sur le fond, et elles en sont à un stade relativement précoce : cependant, elles laissent bel et bien voir que ce type de comportement est susceptible de causer des dommages réputationnels importants à une société.
-
[41]
David K. Millon, « Enlightened Shareholder Value, Social Responsibility, and the Redefinition of Corporate Purpose without Law », dans P.M. Vasudev et Susan Watson (dir.), Corporate Governance after the Financial Crisis, Cheltenham, Edward Elgar Publishing, 2012, p. 68.
-
[42]
Id.
-
[43]
Par exemple, mentionnons les réactions suivant l’effondrement de l’édifice Rana Plaza à Savar, au Bangladesh, le 24 avril 2013, qui a provoqué environ 1 135 morts. L’écroulement de cet immeuble, qui abritait plusieurs ateliers de confection travaillant pour diverses marques internationales de vêtements (dont Joe Fresh et Banana Republic), a entraîné une prise de conscience internationale des problèmes découlant de la consommation rapide et à rabais de vêtements. Voir Mirjam van Heugten, « WE WON ! ! Rana Plaza Workers Get Compensation », Clean Clothes Campaign, 8 juin 2015, [En ligne], [www.cleanclothes.org/news/2015/06/08/we-won-rana-plaza-workers-get-full-compensation] (17 juillet 2021) :
Since then over one million consumers from across Europe and around the world have joined actions against many of the major high street companies whose products were being made in one of the five factories housed in the structurally compromised building. These actions forced many brands to finally pay donations and by the second anniversary the Fund was still $2.4 million dollars short of its $30 million [sic] target. A large donation received by the Fund in the last few days has now led to the Fund meeting its target.
Voir également, sur ce sujet, Cynthia A. Williams, « Corporate Social Responsibility and Corporate Governance », dans Jeffrey Gordon et Georg Ringe (dir.), Oxford Handbook of Corporate Law and Governance, Oxford, Oxford University Press, 2018, p. 634, aux pages 667-669.
-
[44]
D.K. Millon, préc., note 41.
-
[45]
Id.
-
[46]
Id.
-
[47]
Certes, la voix croissante de la société civile a bien sûr été aidée par les médias sociaux qui ont étendu et facilité la communication mondiale, outre qu’ils ont permis des échanges d’informations instantanés.
-
[48]
H. Liang et L. Renneboog, préc., note 2, p. 6.
-
[49]
D. McBarnet, préc., note 38, p. 9.
-
[50]
D.K. Millon, préc., note 41.
-
[51]
Jérôme Paradis, « L’investissement socialement responsable : les caisses de retraite québécoises peuvent-elles emboîter le pas ? », (2011) 41 R.G.D. 343, 351 et 352.
-
[52]
Selon un rapport concernant les tendances de l’investissement responsable pour le Canada paru en 2020, les actifs investis de façon socialement responsable sont passés de 2,1 billions de dollars à la fin de 2017 à 3,2 billions de dollars au 31 décembre 2019, ce qui représente une augmentation de 48 p. 100 des actifs sur deux ans : Association pour l’investissement responsable, Rapport de tendances de l’investissement responsable canadien 2020, novembre 2020, p. 5, [En ligne], [www.riacanada.ca/content/uploads/2020/11/RIA-2020-Canadian-RI-Trends-Report-Final-FR.pdf] (25 mars 2021) ; voir, dans le même sens, R.G. Eccles et S. Klimenko, préc., note 6, à la page 110.
-
[53]
Alexander Fish, Dong Hyun Kim et Shankar Venkatraman, « The ESG sacrifice », 17 novembre 2019, [En ligne], [papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3488475] (16 juillet 2021), affirment que les actifs durables sous gestion dans le monde s’élevaient à environ 30 billions de dollars en 2019. Voir aussi Dieter Holger et Fabiana Negrin Ochoa, « Companies Grapple with Sustainability Data », Wall Street Journal, 13 octobre 2020.
-
[54]
J. Paradis, préc., note 51, 351 et 352.
-
[55]
D. McBarnet, préc., note 38.
-
[56]
Soulignons par ailleurs que l’intérêt grandissant des petits investisseurs pour des investissements plus durables a certes joué un rôle dans l’importance grandissante de ce phénomène mondial qui a pris des proportions étonnantes. D’ailleurs, un litige illustrant ce nouvel engouement mérite d’être ici souligné. En effet, récemment, en Australie, un membre d’un fonds de pension (équivalent à un fonds de pension canadien) a poursuivi ce dernier puisqu’il ne lui avait pas fourni d’informations sur sa gestion des risques liés aux changements climatiques dans ses placements. Bien que le tribunal n’ait pas rendu de décision parce que l’affaire a été réglée durant le procès, ledit fonds a convenu qu’il avait l’obligation de gérer les risques financiers qu’ont les changements climatiques sur ses portefeuilles d’investissement : John Emmering, Holly Sara et Michael Legg, « Insight : Landmark Settlement of Lawsuit against Australian Superannuation Fund over Climate Change Risks », Jones Day, novembre 2020, [En ligne], [www.jonesday.com/en/insights/2020/11/landmark-settlement-of-lawsuit-against-australian-superannuation-fund-over-climate-change-risks] (25 mars 2021). Voir également Rajna G. Brandon, Philipp Krueger et Shema F. Mitali, The Sustainability Footprint of Institutional Investors : ESG Driven Price Pressure and Performance, Finance Working Paper No. 571.2018, janvier 2021, p. 2, [En ligne], [ecgi.global/sites/default/files/working_papers/documents/gibsonbrandonkruegermitalifinal.pdf] (25 mars 2021).
-
[57]
La divulgation ESG, que certains nomment également la « divulgation d’informations non financières », les rapports extrafinanciers, les rapports à triple résultat (triple bottom line), la transparence sociale ou encore les rapports sur le développement durable, vise la divulgation par les sociétés d’informations financières, mais également d’informations ayant trait à la manière dont ces revenus ont été générés. Ainsi, en plus des informations financières traditionnelles, la société devrait rendre compte de son programme de conformité et de ses politiques, de ses pratiques et de ses impacts sur des questions liées à l’environnement, aux droits des salariés et aux droits de la personne. Aaron A. Dhir, « The Politics of Knowledge Dissemination : Corporate Reporting, Shareholder Voice, and Human Rights », (2009) 47 Osgood Hall L.J. 47, 50. Parmi les exemples de questions ESG divulguées par les émetteurs, citons les facteurs environnementaux liés à la durabilité et aux changements climatiques, les facteurs sociaux, notamment les pratiques de travail et la diversité, et les facteurs généraux rattachés à la gouvernance qui ont un impact significatif sur les activités de l’émetteur. Organisation internationale des commissions de valeurs, Statement on Disclosure of ESG Matters by Issuers, 18 janvier 2019, [En ligne], [www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD619.pdf] (25 mars 2021).
-
[58]
David Johnston, Kathleen Rockwell et Cristie Ford, Canadian Securities Regulation, 5e éd., Markham, LexisNexis, 2014, p. 752.
-
[59]
Id., p. 249. Cela étant, la nature essentiellement volontaire de la divulgation et l’encadrement limité de l’information divulguée suscitent des craintes légitimes au sujet des limitations importantes de la nature et du contenu des informations divulguées, ce qui limite l’utilité de cette information lorsqu’on souhaite comparer les pratiques de deux sociétés ou porter un jugement éclairé sur leur façon de faire.
-
[60]
C. Flammer, M.W. Toffel et K. Viswanathan, préc., note 7, p. 15.
-
[61]
Id., p. 2.
-
[62]
C.A. Williams, préc., note 43, à la page 636.
-
[63]
Une enquête récente menée auprès de 439 investisseurs institutionnels précise que la majorité d’entre eux estime que la divulgation d’information sur les risques climatiques s’avère aussi importante que l’information financière, et un tiers des investisseurs institutionnels sondés pense que la déclaration des risques climatiques se révèle encore plus importante : C. Flammer, M.W. Toffel et K. Viswanathan, préc., note 7, p. 3.
-
[64]
D. Johnston, K. Rockwell et C. Ford, préc., note 58, p. 245.
-
[65]
Les émetteurs assujettis doivent divulguer les informations importantes relativement à l’environnement dans leurs états financiers, dans leur rapport de gestion et dans leur notice annuelle : B.J. Reiter, préc., note 2, p. 884.
-
[66]
Par exemple, l’Avis 51-333 du personnel des ACVM : indications en matière d’information environnementale, 27 octobre 2010, [En ligne], [lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/0-avis-acvm-staff/2010/2010oct27-51-333-acvm-fr.pdf] (25 mars 2021) (ci-après « Avis 51-333 »), comporte un certain nombre d’obligations d’information relative aux questions environnementales prévues par les principaux règlements régissant l’information continue, notamment le Règlement 51-102 sur les obligations d’information continue, RLRQ, c. V-1.1, r. 24 (ci-après « Règlement 51-102 »), le Règlement 58-101 sur l’information concernant les pratiques en matière de gouvernance, RLRQ, c. V-1.1, r. 32, le Règlement 52-110 sur le comité d’audit, RLRQ, c. V-1.1, r. 28, et le Règlement 52-109 sur l’attestation de l’information présentée dans les documents annuels et intermédiaires des émetteurs, RLRQ, c. V-1.1, r. 27. Par ailleurs, l’Instruction générale 58-201 relative à la gouvernance, 30 juin 2005, [En ligne], [lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/58-201/2005-06-30/2005juin30-58-201-ig-vadmin-fr.pdf] (16 juillet 2021), énonce des indications sur les pratiques en matière de gouvernance. Avis 51-354, préc., note 33, p. 5 et 8.
-
[67]
B.J. Reiter, préc., note 2, p. 884.
-
[68]
Avis 51-333, préc., note 66, p. 5 et suiv.
-
[69]
Règlement 51-102, préc., note 66, art. 6.1.
-
[70]
Id., annexe 51-102A2, partie 1, par. a).
-
[71]
En effet, le paragraphe d) de la partie 1 de l’annexe 51-102A2 du Règlement 51-102 précise que la notice annuelle doit porter sur l’information importante et qu’il faut faire preuve de discernement pour déterminer si un élément d’information donné est notable. Dans ce contexte, le paragraphe e) énonce que, pour établir si l’information est importante, il peut être utile de se demander si la décision d’un investisseur raisonnable d’acheter, de vendre ou de conserver des titres de la société aurait été la même si l’information n’avait pas été divulguée ou si elle avait été formulée de façon incorrecte.
-
[72]
Règlement 51-102, préc., note 66.
-
[73]
D.K. Millon, préc., note 41.
-
[74]
Anita Anand, « Reputation, Risk and the Changing Role of ESG in Corporate Governance », The Globe and Mail, 9 novembre 2018, [En ligne], [www.theglobeandmail.com/business/commentary/article-esgs-and-how-climate-change-affects-business/] (25 mars 2021).
-
[75]
D.K. Millon, préc., note 41.
-
[76]
V.E. Harper Ho, préc., note 4, 9.
-
[77]
Autorité des marchés financiers, Avis relatif aux obligations d’information en matière d’esclavage moderne, 4 septembre 2018, [En ligne], [lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/0-avis-amf/2018/2018sept04-avis_esclavage_moderne-fr.pdf] (25 mars 2021).
-
[78]
Voir les avis 51-333, préc., note 66, et 51-354, préc., note 33.
-
[79]
Le 1er août 2019, les ACVM ont publié l’Avis 51-358 qui se veut le prolongement des indications fournies dans l’Avis 51-333 : ACVM, Avis 51-358 du personnel des ACVM : informations sur les risques liés au changement climatique, 1er août 2019, [En ligne], [lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/0-avis-acvm-staff/2019/2019aout01-51-358-avis-acvm-fr.pdf] (25 mars 2021) (ci-après « Avis 51-358 »). Cet avis n’ajoute aucune nouvelle obligation ni ne modifie les obligations existantes, mais il a pour objet de mieux informer les émetteurs de leurs obligations en matière de divulgation en rapport avec les risques importants liés au changement climatique.
-
[80]
Dans ce contexte, le conseil d’administration devrait prendre des mesures appropriées pour comprendre et apprécier l’importance relative des risques et leurs répercussions possibles sur les activités de la société.
-
[81]
Comme l’indique l’Avis 51-333, préc., note 66, le facteur déterminant à prendre en considération dans l’appréciation des éléments d’information à communiquer est le concept d’importance relative. Le paragraphe e) de la partie 1 de l’annexe 51-102A1 et le paragraphe d) de la partie 1 de l’annexe 51-102A2 prescrivent que les documents d’information continue doivent porter uniquement sur l’information importante. À noter que l’importance relative s’avère un critère objectif. L’information concernant les questions environnementales est sûrement importante si la décision d’un investisseur raisonnable d’acheter, de vendre ou de conserver des titres de l’émetteur devait être différente dans le cas où l’information aurait été passée sous silence ou formulée de façon incorrecte.
-
[82]
Avis 51-358, préc., note 79.
-
[83]
Id., p. 4.
-
[84]
Bradford Cornell et Aswath Damodaran, « Valuing ESG : Doing Good or Sounding Good ? », 20 mars 2020, p. 2, [En ligne], [www.cornell-capital.com/download/1982/] (25 mars 2021).
-
[85]
Virginia E. Harper Ho, « Nonfinancial Risk Disclosure and the Costs of Private Ordering », (2018) 55 Am. Bus. L.J. 407, 434.
-
[86]
D. Holger et F. Negrin Ochoa, préc., note 53.
-
[87]
Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme, Nations Unies, 2011, [En ligne], [www.ohchr.org/documents/publications/guidingprinciplesbusinesshr_fr.pdf] (25 mars 2021).
-
[88]
V.E. Harper Ho, préc., note 85, 434.
-
[89]
V.E. Harper Ho, préc., note 33, 320.
-
[90]
C.A. Williams, préc., note 43, p. 648.
-
[91]
Elizabeth Pollman, Corporate Social Responsibility, ESG, and Compliance, Los Angeles Legal Studies Research Paper No. 35, Loyola Law School, 2019, [En ligne], [papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3479723#] (25 mars 2021).
-
[92]
Savita Subramanian, « Can ESG Investment Strategies Outperform ? », NewsMedia, 2 août 2020, [En ligne], [http://news.thealpersolgroupe.com/business/can-esg-investment-strategies-outperform-a-bofa-global-research-study-says-they-can/] (16 juillet 2021), citée par R.G. Eccles et S. Klimenko, préc., note 6.
-
[93]
C. Flammer, M.W. Toffel et K. Viswanathan, préc., note 7, p. 44.
-
[94]
V.E. Harper Ho, préc., note 85, 435 et 436.
-
[95]
E. Pollman, préc., note 91.
-
[96]
Id.
-
[97]
Id.
-
[98]
Id.
-
[99]
A.A. Dhir, préc., note 57, 60.
-
[100]
E. Pollman, préc., note 91.
-
[101]
V.E. Harper Ho, préc., note 85, 435.
-
[102]
Id. Par ailleurs, selon les propos de Hank Boerner, rapportés par D. Holger et F. Negrin Ochoa, préc., note 53, il en coûte de 500 000 dollars à 1 million de dollars à une société pour établir un premier rapport exhaustif en matière d’ESG.
-
[103]
V.E. Harper Ho, préc., note 85, 435.
-
[104]
Jill E. Fish, « Making Sustainability Disclosure Sustainable », (2019) 107 Geo. L.J. 923, 927.
-
[105]
L’Avis 51-354, préc., note 33, p. 13, mentionne que la plupart des émetteurs sondés ont eu recours au cadre établi par la GRI parmi les différents cadres de communication volontaire d’information existants. Ils ont justifié ce choix en indiquant que c’est le cadre le plus courant dans leur secteur.
-
[106]
Ces normes de divulgation volontaire ont été élaborées par les États ; des partenariats public-privé ont été établis grâce à des processus de négociation multipartite auxquels les sociétés ont bien souvent pris part ; des normes ont été proposées par des investisseurs institutionnels et des cabinets comptables ainsi que par des ONG et des agences de notation non financières. Par ailleurs, des milliers de sociétés ont adopté des codes de conduite volontaires établissant un cadre pour mener leurs relations d’affaires. C.A. Williams, préc., note 43, à la page 637.
-
[107]
Siobhan Riding, « Global Regulatory Body to Harmonise “Plethora” of ESG Standards », Financial Times, 7 septembre 2020.
-
[108]
V.E. Harper Ho, préc., note 33, 320.
-
[109]
Id.
-
[110]
Florian Berg, Julian F. Koelbel et Roberto Rigobon, Aggregate Confusion : The Divergence of SG Ratings, 28 septembre 2020, [En ligne], [qgroup.wildapricot.org/resources/Documents/Rigobon_Aggregate%20Confusion%20Paper.pdf] (25 mars 2021), cités par D. Holger et F. Negrin Ochoa, préc., note 53.
-
[111]
Par exemple, la Banque d’Amérique obtient une note plus basse que la moyenne selon certaines normes et plus haute que la moyenne d’après d’autres : Burton G. Malkiel, « “Sustainable” Investing Is a Self-Defeating Strategy », Wall Street Journal, 18 septembre 2020.
-
[112]
Id.
-
[113]
Maitane Sardon, « The ESG Investor’s Challenges », Wall Street Journal, 13 octobre 2020.
-
[114]
Id.
-
[115]
KPMG, The Time Has Come. The KPMG Survey of Sustainability Reporting 2020, KPMG Impact, décembre 2020, [En ligne], [assets.kpmg/content/dam/kpmg/xx/pdf/2020/11/the-time-has-come.pdf] (25 mars 2021).
-
[116]
M. Sardon, préc., note 113.
-
[117]
Sakis Kotsantonis et George Serafeim, « Four Things No One Will Tell You About ESG Data », Journal of Applied Corporate Finance, vol. 31, no 2, 2019, p. 50, aux pages 53 et 56.
-
[118]
L’information est aussi présentée de plusieurs autres façons : taux d’accidents de travail, nombre d’accidents de travail, nombre d’accidents de travail graves, nombre d’accidents de travail ayant nécessité un congé de travail, taux de blessures par 200 000 heures de travail, taux de réduction des journées de travail en raison d’accidents de travail, nombre d’incidents liés aux maladies professionnelles. Voir, à cet effet, S. Kotsantonis et G. Serafeim, préc., note 117, à la page 54.
-
[119]
Id.
-
[120]
R.G. Eccles et S. Klimenko, préc., note 6, p. 116.
-
[121]
V.E. Harper Ho, préc., note 33, 327.
-
[122]
Id.
-
[123]
J.E. Fish, préc., note 104, 927.
-
[124]
R.G. Eccles et S. Klimenko, préc., note 6, p. 116.
-
[125]
Millani, Divulgation ESG : une perspective canadienne, Livre blanc, septembre 2019, [En ligne], [www.riacanada.ca/content/uploads/2019/09/Millani_Divulgation-ESG_Une-Perspective-Canadienne_Septembre-2019.pdf] (25 mars 2021).
-
[126]
Voir, par exemple, C. Flammer, M.W. Toffel et K. Viswanathan, préc., note 7.