Chronique bibliographique

Philip Cantwell, L’action municipale en matière de développement économique, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2019, 192 p., ISBN 978-2-89730-541-3[Record]

  • Laetitia Ndota-Ngbale

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  • Laetitia Ndota-Ngbale
    Université Laval, Université Grenoble, Alpes

Alors que les pouvoirs et les compétences des municipalités du Québec sont encore trop souvent associés à l’urbanisme, à l’aménagement et aux services de proximité, l’ouvrage L’action municipale en matière de développement économique participe – dès sa première de couverture – au dépassement de cette vision réductrice. Issue de son mémoire de maîtrise en droit à l’Université Laval, la publication de l’avocat Philip Cantwell décrit de quelle façon les municipalités ont investi depuis déjà plusieurs décennies le terrain du développement économique aux côtés des autres paliers de gouvernement. La première partie de l’ouvrage pose de manière classique les prémices utiles au dessein des multiples facettes de l’interventionnisme économique municipal. Des précisions conceptuelles sont livrées sur les différentes notions se rapportant au « développement économique » territorial, local, régional ou encore à toute autre expression associée à l’action des municipalités québécoises dans ce domaine. Ce travail préliminaire de définition est complété par une description de l’organisation des institutions municipales, suivie d’une présentation de l’évolution de l’étendue des pouvoirs municipaux. L’auteur y souligne le passage de l’interprétation judiciaire stricte des pouvoirs des municipalités à une interprétation contemporaine plus large (p. 25), notamment avec les arrêts Produits Shell Canada ltée c. Vancouver (Ville) ou Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd. L’autonomie municipale est le fondement théorique retenu ici pour expliquer cette évolution. Ce principe aux multiples acceptions consisterait essentiellement, d’après la définition proposée par l’ancien ministre des Affaires municipales, Pierre Laporte, « en l’absence d’ingérence gouvernementale dans les domaines que le législateur attribue aux municipalités » (p. 29). L’autonomie municipale est régulièrement invoquée tant par les municipalités et leurs organisations, qui souhaiteraient qu’elle soit davantage effective, que par les instances gouvernementales, qui affichent leur volonté d’y accorder plus d’attention, mais qui confèrent encore timidement aux municipalités les pouvoirs nécessaires à la pleine matérialisation du principe. Cantwell reconnaît d’ailleurs la portée souvent politique du principe. Si la force de l’autonomie municipale comme fondement juridique du développement économique n’apparaît pas clairement à partir des arguments théoriques de l’auteur, il faudrait voir dans ce principe une « idée fondamentale, objet d’un large consensus, qui sous-tend les lois municipales » (p. 32). L’ouvrage lève ensuite le voile sur les acteurs institutionnels du développement économique territorial qui ont été mis sur pied pour « stimuler » ce dernier et créer un environnement propice à l’émergence et à la croissance des entreprises locales et régionales. Parmi eux, les commissariats industriels et les corporations de développement économique (CDE) ont vu le jour au cours des années 60 et 80 pour appuyer l’action des municipalités locales. Le développement économique supralocal, quant à lui, a évolué par l’entremise de structures, de taille équivalente à celle des régions administratives qui travaillent en étroite collaboration avec le gouvernement, ayant davantage des allures d’organismes déconcentrés que réellement décentralisés. Pendant les années 70, le Québec s’est par exemple appuyé sur les conseils régionaux de développement (CRD), qui ont été remplacés en 2003 par les conférences régionales des élus (CRÉ), des structures qui, comme le suggère leur dénomination, ont revalorisé le rôle des municipalités à titre d’organe décisionnel en matière de développement régional avant d’être finalement supprimées en 2015. Du même souffle, toutes les dispositions législatives attribuant expressément des responsabilités aux centres locaux de développement (CLD), bien connus en tant qu’organismes de soutien à l’entrepreneuriat, ont été abrogées. Ces modifications rappellent à quel point les cartes qui définissent les acteurs du développement économique territorial sont régulièrement rebattues. En effet, les organismes de développement font fréquemment l’objet de réformes législatives qui viennent les transformer ou les abolir au gré de la vision du développement territorial portée par les …

Appendices