Abstracts
Résumé
En France, la réforme du divorce entrée en vigueur le 1er janvier 2017 signe une évolution d’envergure, en contractualisant le divorce par consentement mutuel ; elle s’inscrit dans un mouvement plus large de contractualisation de la séparation et de ses conséquences, y compris en matière d’exercice de l’autorité parentale. La Loi no 2016-1547 du 18 nov. 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle semble répondre à des aspirations contemporaines pressantes : autodétermination et individualisation, pacification des relations, rapidité et économie. Pour autant, le bilan provisoire se révèle extrêmement mitigé. Non seulement parce que ces aspirations pourraient bien être en partie déçues, notamment au regard du besoin de protection des justiciables, mais aussi parce que la voie empruntée, soit une contractualisation exclusive et quelque peu précipitée, risque d’entraîner de nouvelles difficultés, en particulier dans l’espace international.
Abstract
In France, the reform of divorce law that came into force on January 1, 2017 implemented a major change by contractualizing divorces based on mutual consent. The reform is part of a broader movement to contractualize separation and its consequences, including the exercise of parental authority. The law of November 18, 2016 seems to respond to pressing contemporary concerns : self-determination and individualization, non-antagonistic relations, speed and economy. However, the provisional results are mixed, not only because some expectations may be disappointed, in particular as regards the need to protect individuals, but also because the direction chosen, based solely on contracts and hurriedly implemented, may create other difficulties, especially at the international level.
Resumen
En Francia, la reforma de la legislación en materia de divorcio (que entró en vigencia el primero de enero de 2017) ha pautado una evolución de envergadura, al formalizar el divorcio por mutuo consentimiento. Esta evolución forma parte de un movimiento más amplio de contractualización de la separación y de sus consecuencias, lo que incluye el ejercicio de la patria potestad. La ley del 18 de noviembre de 2016 parece responder a las aspiraciones contemporáneas apremiantes : la autodeterminación y la individualización, la pacificación de las relaciones, la rapidez y la economía. A pesar de ello, la situación provisoria podría resultar muy atenuada, no solamente porque estas aspiraciones no estarían satisfechas, particularmente en lo que respecta a la necesidad de la protección de los justiciables, sino también porque el procedimiento que se ha empleado, el de una contractualización exclusiva, y un poco precipitada, corre el riesgo de acarrear otras dificultades, particularmente en el ámbito internacional.
Article body
Le droit français a récemment connu une réforme à la fois attendue dans son principe et précipitée dans sa mise en oeuvre : la Loi no 2016-1547 du 18 nov. 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, dite loi J21[1], prévoit depuis le 1er janvier 2017 une nouvelle forme de divorce, excluant tout recours au juge. Il faut préciser que cette loi date du 18 novembre 2016, mais que le décret d’application n’est paru que le 28 décembre[2], soit seulement trois jours avant l’entrée en vigueur de cette dernière ! Une circulaire[3] devait encore apporter diverses précisions, postérieurement, le 26 janvier 2017… Une telle rapidité a été justifiée par la récurrence du débat et des propositions en la matière, et plus généralement en faveur d’une déjudiciarisation de la matière civile[4]. Recentrer le juge sur ses missions essentielles, sur le coeur de son métier, supposerait en effet de le décharger des affaires ne présentant pas le caractère d’un conflit, qu’il serait légitime à trancher. Lorsque les époux sont d’accord, tant sur le principe du divorce que sur ses effets, l’intervention d’un magistrat peut ainsi sembler inutile, voire intrusive. La déjudiciarisation s’appuie ici sur la contractualisation[5], à savoir la « tendance du droit à accorder une portée accrue aux accords entre époux[6] » ou, plus largement, au sein d’une famille. Et, de fait, « [l]a contractualisation des liens de couple est une tendance lourde de l’évolution législative récente. Elle correspond à une aspiration des individus à plus de liberté dans la définition et l’organisation de leurs relations familiales[7] ». L’irruption du pacte civil de solidarité (pacs[8]) dans le paysage juridique français, en 1999, a contribué à ce développement dans le champ personnel, avec l’appui du Conseil constitutionnel, qui a confirmé sa nature de « contrat spécifique[9] ». Autre exemple de déjudiciarisation, celle du changement de régime matrimonial — assortie d’exceptions — depuis la Loi no 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités[10]. La pratique souligne également le développement des conventions de concubinage et des plans parentaux[11]. Cependant, cette déjudiciarisation prend un sens particulier lorsqu’elle s’applique à la séparation d’un couple : conclure un pacs ou un contrat de mariage ou encore décider ensemble de changer de régime matrimonial, constituent des situations bien différentes de l’hypothèse d’une séparation, aussi consensuelle puisse-t-elle apparaître. Or, le caractère privé de la rupture signait précisément la frontière entre mariage et autres formes de couple ; l’irruption du divorce extrajudiciaire dans le droit français marque ainsi une évolution remarquable, une réforme qui mérite une réflexion plus globale sur le sens à donner à cette contractualisation des ruptures familiales.
Il faut souligner la transition que constitue souvent la technique de l’homologation, entre judiciarisation et contractualisation. Définie comme une « [a]pprobation judiciaire à laquelle la loi subordonne certains actes et qui, supposant du juge un contrôle de légalité et souvent un contrôle d’opportunité, confère à l’acte homologué la force exécutoire d’une décision de justice[12] », l’homologation relève de la juridiction gracieuse. Rappelons que la matière gracieuse se caractérise par deux éléments : l’absence de litige et la nécessité d’un contrôle judiciaire (article 25 du Code de procédure civile). Du point de vue de la politique judiciaire, l’homologation présente l’avantage d’alléger la tâche du magistrat. Elle offre aussi un avantage financier pour les parties, puisque la représentation par avocat ne sera pas systématiquement obligatoire, comme le prévoit l’article 1139 du Code de procédure civile en matière familiale hors divorce judiciaire[13]. L’homologation, contrairement à un simple enregistrement (notamment par une autorité administrative ou encore par le notaire, comme dans le nouveau divorce par consentement mutuel), procure l’avantage de maintenir un contrôle, même restreint, du juge. Dans chaque hypothèse, la loi vient encadrer et graduer ce contrôle, confiant une mission particulière au juge, une double mission. Le juge doit, dans un premier temps, apprécier le libre consentement des parties à la convention ; le législateur a en effet considéré que ce libre consentement, présumé en droit des contrats, devait être spécialement protégé en matière familiale, ainsi soupçonnée de pouvoir receler une inégalité dans le rapport de force entre les parties. Dans un second temps, le juge vérifie que la convention respecte un intérêt spécifique : intérêt de l’enfant dans les conventions parentales, intérêt des enfants et de l’un des époux dans l’ancien divorce par consentement mutuel[14], intérêt de la famille dans le changement de régime matrimonial. L’exemple du changement de régime matrimonial[15] est particulièrement intéressant, en ce qu’il constitue une illustration pertinente du mouvement de contractualisation : on est passé de l’immutabilité du régime matrimonial à sa mutabilité sous contrôle du juge (en 1965), puis avec un contrôle du juge limité à des cas particuliers (en 2006)[16].
Or, la jurisprudence a montré les risques du passage de l’homologation à la contractualisation. Dans un arrêt de la 1re Chambre civile de la Cour de cassation en date du 29 mai 2013[17], les conjoints, sans enfants mineurs, avaient modifié leur régime dans un sens exclusivement favorable à l’épouse : cette dernière a demandé le divorce presque immédiatement après… Le mari pouvait-il contester en justice le changement de régime matrimonial, en faisant valoir que ledit changement ne respectait pas l’intérêt de la famille ? La Cour de cassation a répondu par la négative : dans la mesure où l’homologation n’est plus obligatoire, les seuls juges de cet intérêt, que le changement de régime doit toujours, en vertu de la loi, respecter, sont désormais les époux eux-mêmes. Ne restent donc que les voies contractuelles de droit commun, parmi lesquelles la haute juridiction ne cite d’ailleurs que la fraude ou le dol[18]. Jean Hauser soulignait alors à juste titre cette « conventionnalisation rampante de la justice remise entre les mains du plus fort[19] ».
En conséquence, la contractualisation est-elle une fausse bonne idée ? La question mérite réflexion. Elle apparaît certainement comme un objectif en phase avec les aspirations contemporaines, aussi bien des individus que de la collectivité (partie 1). Pour autant, ses effets restent difficiles à juguler (partie 2), le doute persistant sur l’adaptation du modèle contractuel au droit de la famille, spécialement en cas de séparation du couple : la désunion affective s’accompagnera souvent d’une opposition des volontés individuelles.
1 Un objectif en phase avec les aspirations contemporaines
Nous nous interrogerons dans notre texte sur la légitimité de ce mouvement de réforme qui prend comme vecteur la contractualisation de situations jusqu’alors largement placées sous le contrôle du juge. D’un point de vue philosophique, la figure du contrat évoque celle de la liberté individuelle, qui permet à la fois l’autodétermination des individus et l’individualisation des solutions (1.1). Cette liberté remet les individus en situation d’assumer la responsabilité de leur séparation, de ses conséquences, et de jeter ainsi les bases d’une relation pacifiée (1.2). Le bénéfice sociétal attendu, qui découle de ces objectifs individuels à court et à long terme, réside dans la rationalisation d’une part importante du contentieux civil[20] : déjudiciariser devrait permettre un gain de temps pour chacun, au-delà des individus directement visés, et qu’une économie de fonds publics (1.3).
1.1 L’autodétermination et l’individualisation
Le contrat permet aux individus de s’affranchir d’un cadre légal conçu de façon générale et relativement figée ; la première vertu de la contractualisation est ainsi l’individualisation des situations. Le modèle contractuel met en évidence l’autonomie de chacun, voire son existence, au sein même du couple ou de la famille. En cela, il découle à l’évidence de l’évolution de la place de la femme[21] et, dans une moindre mesure, de l’enfant.
Les individus adhèrent globalement à cette nouvelle orientation, qui les libère au moins en partie du regard de l’État sur leur organisation familiale. En témoigne le succès inattendu du pacs : conçu particulièrement pour accorder aux couples de même sexe un statut protecteur, avant que la loi leur ouvre l’accès au mariage[22], il s’est rapidement taillé un franc succès auprès des couples hétérosexuels[23]. L’une des raisons est précisément la facilité de rupture du pacs, qui se révèle d’ailleurs majoritairement décidée d’un commun accord[24]. Les couples mariés optent aussi en majorité pour le divorce par consentement mutuel, même avant la réforme récente.
La privatisation du divorce par consentement mutuel — au sens de l’exclusion du juge, donc de l’État, du processus — se situe dans le prolongement d’un mouvement déjà ancien de libéralisation du divorce, placé sous le signe de la contractualisation.
En droit commun, le contrat peut se trouver résolu d’un commun accord[25]. Il peut l’être également de façon unilatérale lorsque ce contrat est à durée indéterminée[26], comme c’est le cas des relations de couple : soit en prévoyant un délai raisonnable, soit pour venir sanctionner une inexécution suffisamment grave[27]. Autre possibilité, la résolution judiciaire pour inexécution, qui requiert l’intervention et l’appréciation du juge[28].
Le rétablissement, dès la Loi no 14-485 du 27 juill. 1884 sur le divorce, dite loi Naquet[29], du divorce pour faute (divorce-sanction) correspond déjà à une résolution judiciaire pour inexécution, puisque le juge doit, comme en matière contractuelle, caractériser la gravité des atteintes aux obligations des parties pour apprécier leur impact sur le maintien ou non de la relation : comme en droit des contrats, toute faute n’est pas automatiquement cause de divorce[30].
Les réformes plus récentes sont venues renforcer ce rapprochement du régime des contrats, y compris avec la résiliation unilatérale du contrat à durée indéterminée, libéralisée entre époux par la Loi no 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce[31]. Ne reste plus, pour résilier unilatéralement un mariage, qu’une condition de délai très abrégée : le divorce peut être prononcé à la demande unilatérale de l’un des époux, sans qu’il ait à formuler le moindre reproche à l’autre, sur le seul constat d’une vie séparée depuis deux ans[32]. Ainsi, aucun époux ne peut aujourd’hui contraindre l’autre à rester dans le lien matrimonial : la loi du 26 mai 2004 a supprimé la clause de dureté de l’ancien divorce pour rupture de la vie commune, dernier bastion du dogme de l’indissolubilité du mariage ; les entraves indirectes à ce cas de divorce ont également disparu, notamment le maintien du devoir de secours.
Enfin, le divorce par consentement mutuel se rapproche toujours davantage du mutuus dissensus d’un contrat : avant la loi J21, même si le recours au juge restait obligatoire, son intervention était déjà allégée, puisqu’il ne décidait pas lui-même du sort de l’union ni des conséquences de la désunion, sur lesquels les parties devaient s’être entendues pour présenter leur demande. Il pouvait certes refuser l’homologation de cette convention, si elle se révélait contraire à l’intérêt des enfants ou de l’un des époux[33], mais son pouvoir s’arrêtait là ; il n’était pas compétent pour apprécier les raisons de cette désunion ni l’opportunité du prononcé du divorce. Dans ces conditions, l’indisponibilité de l’union matrimoniale, interdisant aux époux de s’entendre sur la désunion, subissait déjà une attaque importante[34].
Dorénavant, les époux qui sont parvenus à un accord tant sur le principe du divorce que sur ses effets échappent à l’emprise du juge et divorcent par une convention contresignée par leurs avocats respectifs, puis déposée au rang des minutes d’un notaire[35]. Le juge est donc totalement absent du processus, avec une exception notable et sur laquelle il nous faudra revenir : l’hypothèse dans laquelle l’un des enfants du couple demanderait à être entendu par le juge[36].
Cette autodétermination dans la séparation et ses conséquences était déjà la règle dans les couples non mariés, qu’ils soient concubins ou même pacsés, et constituait d’ailleurs une différence fondamentale par rapport au mariage. L’élargissement aux couples mariés signe ainsi une évolution considérable, faisant basculer la nature même du mariage. Pour autant, la voie judiciaire n’est jamais fermée, puisque le conflit peut toujours surgir. La contractualisation a également pour objet d’éviter ces litiges ultérieurs, en contribuant à pacifier la relation à plus long terme.
1.2 La pacification des relations
La négociation peut sembler préférable à une décision imposée par l’autorité publique ; la coopération, plus pertinente que la coercition. En tant qu’accord de volontés, le contrat présente également l’avantage d’engager ses auteurs dans la relation telle qu’ils l’ont choisie, et l’on espère ainsi leur meilleure adhésion aux obligations qui en découlent, donc une pacification de la relation[37].
Dans la mesure où les époux ont, jusqu’à récemment, toujours dû passer devant le juge pour divorcer, la question d’une intervention subsidiaire de celui-ci dans la séparation ne s’était jusqu’alors posée que dans les couples de concubins ou de partenaires pacsés. Or, dans ces situations, les questions financières sont numériquement moins importantes, car il n’existe pas de communauté à partager[38] ni de prestation compensatoire[39] à attribuer. Le contentieux porte donc majoritairement sur la situation des enfants : modalités d’exercice de l’autorité parentale — notamment la résidence des enfants — et contribution à leur entretien et à leur éducation[40]. Ces points délicats peuvent influer considérablement sur le bien-être des parents et surtout des enfants : le résultat (lieu de résidence, moyens de subsistance) ou le processus lui-même peut se révéler dévastateur lorsqu’il se transforme en conflit parental aigu et durable. L’accord entre les parents représente à la fois un moyen et une fin : une façon de rétablir le dialogue, afin de continuer à élever sereinement les enfants communs.
Le législateur a pris conscience de l’enjeu et a mis en place des mécanismes pour pacifier les relations familiales. La Loi no 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale[41], qui a généralisé le principe de la coparentalité, a ainsi prévu que les parents pourront organiser les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, y compris les aspects financiers, dans une convention judiciairement homologuée[42]. Le juge n’opère donc ici qu’un contrôle restreint, mais son intervention a pour intérêt de rendre la convention exécutoire. La nature particulière de l’homologation, qui appartient à la matière gracieuse, vient limiter strictement la marge d’action du juge. En effet, il ne peut ni modifier ni compléter l’accord parental : il n’a le choix qu’entre l’homologation « en bloc » ou le refus total d’homologation. Une étude[43] a permis de montrer que le juge aux affaires familiales homologue le plus souvent la convention que lui soumettent les parents. Le magistrat considère généralement que son intervention doit rester subsidiaire, la volonté commune des parents devant primer, en leur qualité de premiers responsables de l’éducation de l’enfant. Par ailleurs, les situations dans lesquelles le consentement d’un parent serait forcé sont difficiles à déceler, d’autant que le juge aux affaires familiales a de moins en moins de temps à consacrer à chaque dossier…
Des plans parentaux extrajudiciaires existent également. Les raisons indiquées par les parents interrogés, pour ne pas recourir au juge, correspondent aux aspirations contemporaines que nous avons dégagées : sortir de l’idée de conflit, permettre l’individualisation et l’évolutivité de la solution, éviter de se soumettre à la décision d’un tiers puisqu’un accord existe. Cependant, l’absence d’homologation ne permet pas de leur donner cette force exécutoire ; tout au plus le plan parental sera-t-il pris en considération par le magistrat, parmi d’autres critères, en cas de conflit porté devant lui[44].
Comment s’insère, dans ce tableau, le nouveau divorce par consentement mutuel extrajudiciaire ? Il fait clairement apparaître une contradiction logique : des époux peuvent désormais divorcer et prévoir dans leur convention les modalités d’exercice de l’autorité parentale sur leurs enfants communs, sans contrôle judiciaire, ladite convention étant exécutoire. D’un autre côté, des parents non mariés (ex-concubins, ex-pacsés) ne peuvent pas se passer de l’homologation judiciaire pour obtenir la même force exécutoire. Quel paradoxe ! Le rapport précité sur les plans parentaux extrajudiciaires, rendu avant la réforme du divorce, préconisait notamment de prévoir un enregistrement desdits accords, qui permette d’accéder à cette force exécutoire[45].
Si l’accord entre les parents, et plus largement au sein de la famille, est évidemment souhaitable et source de pacification de la relation à long terme, il faut aussi souligner ses avantages sur un plan plus large, en fait d’intérêt général. L’exposé des motifs du projet de loi ayant abouti à la loi J21 est très clair sur ce point : « Donner les moyens aux citoyens d’être plus actifs dans la résolution de leurs conflits, c’est favoriser des modes de règlement des conflits reposant sur l’accord de chacun, qui permettent une solution durable, rapide et à moindre coût tout en assurant la sécurité juridique[46]. » Ces objectifs de rapidité et d’économie forment alors la troisième aspiration contemporaine satisfaite par la contractualisation de la séparation.
1.3 La rapidité et l’économie
Les réformes récentes ont été précédées de critiques portant sur la judiciarisation exagérée de la société française, justice désormais considérée comme « un bien de consommation courante[47] ». L’engorgement des tribunaux français est une réalité, qui a des répercussions sur tous : conditions de travail des magistrats et plus largement des membres du personnel judiciaire, allongement des délais d’audiencement qui porte préjudice aux justiciables, risque de baisse de qualité des décisions rendues, etc. Il ne faut surtout pas fermer pudiquement les yeux sur les questions budgétaires…[48] L’exposé des motifs du projet de loi J21 l’exprimait de cette façon : « Les situations les plus simples doivent pouvoir trouver des modes de résolution adaptés, rapides et peu coûteux, pour permettre au juge de consacrer le temps nécessaire aux situations humaines difficiles et aux dossiers techniques complexes[49]. »
Déjudiciariser une partie de la matière civile[50] semble ainsi devenu inévitable. Or, le lien entre contractualisation et déjudiciarisation n’est certes pas exclusif, mais il s’avère fondamental. Lorsque les pouvoirs publics décident de « recentrer les juridictions sur leurs missions essentielles[51] », donc de leur ôter une partie du contentieux, ils le confient le plus souvent aux parties elles-mêmes. Avec la création du divorce sans juge, c’est potentiellement la moitié des divorces qui sont désormais épargnés aux magistrats : ils pourront dès lors se consacrer aux vrais litiges familiaux, ceux dans lesquels ils sont susceptibles d’apporter une véritable « valeur ajoutée » : divorces contentieux et désaccords parentaux notamment.
Nous souhaiterions cependant apporter deux nuances à ce constat optimiste. Première réserve : si les divorces par consentement mutuel représentent plus de la moitié des situations, ils n’ont jamais occupé le magistrat pour une durée mathématiquement équivalente : ce cas de divorce avait déjà été largement simplifié, notamment il ne nécessitait qu’une seule comparution — pas d’audience de conciliation, à la différence des autres cas de divorce ; le travail était déjà presque entièrement accompli : il est évident qu’une homologation judiciaire ne demandait pas le même investissement qu’un divorce contentieux. Le gain de temps doit donc être relativisé du côté des magistrats. Il doit l’être également du côté des justiciables, car ces derniers devront se montrer plus attentifs et précautionneux, et leurs avocats avec eux, dans la rédaction de cette convention ; soulignons d’ailleurs que les époux ne peuvent plus faire avocat commun, ce qui participera sans doute d’une augmentation du temps passé à négocier et à rédiger la convention.
Cet aspect nous amène à notre seconde réserve : la baisse des coûts est sans doute une réalité en matière de frais de justice (personnel judiciaire, occupation des locaux, etc.). Cependant, elle a pour contrepartie une hausse des coûts pour les justiciables : deux avocats au lieu d’un[52], les honoraires du notaire[53], etc., ce divorce par consentement mutuel leur coûtera potentiellement plus cher.
Allons plus loin. Avec un certain retard, la France s’intéresse aux modes alternatifs de règlement des litiges, en particulier la médiation[54]. L’article 373-2-10 du Code civil issu de la loi du 4 mars 2002 dispose ceci : « À l’effet de faciliter la recherche par les parents d’un exercice consensuel de l’autorité parentale, le juge peut leur proposer une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder[55]. » Le constat n’est cependant pas très optimiste, la médiation familiale peinant à entrer dans les moeurs, même si la pratique fonde des espoirs sur cette technique de résolution des conflits. Plusieurs raisons sont mises en avant : par exemple, défaut de visibilité, confusion entre médiation familiale et thérapie de couple, nécessité d’obtenir l’accord des deux parties[56]. Des expériences de médiation obligatoire ont été menées[57] ; le recul peut sembler encore insuffisant pour en tirer des conclusions éclairées mais en ce domaine, comme en d’autres[58], l’évolution des mentalités pourrait passer par une phase de contrainte légale.
Surtout, faut-il chercher à tout prix à économiser ? Ne devrait-on pas plutôt investir dans cet accompagnement à la contractualisation ? « Le souci de désengorger la justice ne justifie pas n’importe quel abandon. Le fait qu’elle ne fonctionne pas de manière optimale n’est en aucune manière une raison suffisante pour supprimer son intervention, mais justifierait plutôt que l’on lui donne les moyens d’un bon fonctionnement[59]. » L’expérience québécoise, notamment, suggère que la gratuité d’un certain nombre de séances de médiation, renforcée par le constat que la phase contentieuse s’en trouve allégée, y compris financièrement, est déterminante dans l’adhésion des justiciables à ce mode de règlement de leur conflit[60].
Cet accompagnement nous semble d’autant plus important que les effets de la contractualisation sur la matière familiale, en particulier dans le contexte sensible de la séparation du couple, risquent de surprendre à moyen terme. Déjudiciariser le divorce par consentement mutuel, en s’appuyant sur la volonté des parties et leur droit à l’autodétermination, constitue une réforme trop ambitieuse au regard de la précipitation dans laquelle elle s’est déroulée et des moyens proposés en contrepartie de ce dessaisissement du juge. Tel l’arbre qui cache la forêt, le contrat risque bien d’avoir masqué plusieurs effets de cette réforme qui se révéleront ardus à maîtriser.
2 Des effets difficiles à juguler
On peut comprendre le souhait, à la fois des pouvoirs publics et des justiciables, de limiter l’intervention — l’intrusion ? — du juge dans les rapports familiaux ; pour autant, la contractualisation parfaite (dans le sens où elle se suffit à elle-même) n’est pas la panacée que le réformateur suggère. La majeure partie de la doctrine française ainsi que de nombreux praticiens s’inquiètent des répercussions d’une telle évolution. Nous développerons ici trois volets principaux : la résistance de la figure du contrat devant les spécificités du droit familial (2.1) ; le déficit de protection des justiciables les plus vulnérables (2.2) ; et la difficile intégration de ces « contrats familiaux » dans le champ du droit international privé (2.3).
2.1 Une contractualisation contre-nature du droit familial
La contractualisation du droit familial, en particulier de la séparation et de ses conséquences, ne doit pas être confondue, indiquent certaines personnes, avec la déjudiciarisation : la contractualisation suppose tout de même une soumission résiduelle des parties à la loi, donc un contrôle — même seulement éventuel — du juge, car qui dit contrat, dit droit des contrats. La contractualisation n’est donc pas équivalente à une déjudiciarisation[61] : elle conduit plutôt à envisager différemment l’intervention du juge, autrement dit le partage des rôles entre individus privés et État.
Faut-il pour autant s’en réjouir ? Cela n’est pas certain, car l’acclimatation de la matière familiale au droit des contrats n’apparaît pas évidente. Remarquons de prime abord que les sanctions contractuelles peuvent sembler délicates à appliquer à la matière familiale : annuler une convention de divorce, plusieurs années après sa conclusion, réserve probablement de bien mauvaises surprises, tant aux justiciables qu’aux praticiens. Il serait pourtant naïf de penser que des demandes dans ce sens n’arriveront jamais sur le bureau du juge. Certes, la suppression de l’homologation ôte au magistrat son pouvoir d’appréciation de l’opportunité de la convention, en particulier au regard de l’intérêt de la famille, de l’enfant ou de chacun des époux ; la Cour de cassation l’avait déjà affirmé à propos du changement de régime matrimonial[62]. Cependant, il reste encore tous les fondements de nullité du droit des contrats et en particulier les vices du consentement.
Le contentieux de l’exécution ne sera pas en reste. Or, le principe de la force obligatoire entraîne en droit commun celui de l’intangibilité du contrat, qui a toujours conduit la Cour de cassation à refuser d’accorder au juge le pouvoir de réviser le contrat pour imprévision. L’Ordonnance no 2016-131 du 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations revient sur cette question, tout en encadrant strictement le pouvoir d’intervention du juge[63]. Outil de prévision, le contrat ne peut être que de manière exceptionnelle complété ou remanié par le juge. À l’inverse, en matière familiale et spécialement s’agissant de l’exercice de l’autorité parentale, l’imprévisibilité constitue le postulat : ce qui est certain, au moment où les modalités sont décidées, c’est que la situation évoluera et conduira à rendre nécessaires des modifications. Les décisions relatives à l’autorité parentale peuvent toujours être remises en cause, en cas de changement de circonstances. La remarque vaut aussi pour la fixation de la contribution à l’éducation et à l’entretien de l’enfant. Cet état de fait est partiellement pris en considération par le droit, qui concède un aménagement au principe de l’autorité de la chose jugée ; l’article 373-2-13 du Code civil dispose ainsi ce qui suit : « Les dispositions contenues dans la convention homologuée […] ainsi que les décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d’un parent ou du ministère public[64]. » Cela signifie que le juge peut réviser la convention, mais également que les parties ne peuvent, même d’un commun accord, la modifier sans nouvelle soumission à son contrôle. Cette emprise du juge sur le contenu du contrat familial, dérogatoire au droit commun, fournit une illustration opportune de la difficulté d’adapter l’outil contractuel à la matière familiale. Pourtant, rien de tel n’est prévu s’agissant de la convention de divorce, alors qu’elle comporte, bien souvent, des dispositions relatives à l’exercice de l’autorité parentale et à la contribution à l’entretien. Le droit de l’autorité parentale devra-t-il être considéré comme un ensemble de règles spéciales, dérogeant à la règle générale, c’est-à-dire au droit commun des contrats ? Comment des modifications pourront-elles être apportées : par voie contractuelle ? par la voie de l’homologation ? sur demande unilatérale au juge ? Et selon quel(s) critère(s) ? Le législateur de 2016 aurait été bien inspiré d’envisager ces questions, qui ne manqueront pas de se poser a posteriori, ce qui se révèle toujours bien plus compliqué à gérer.
2.2 Un déficit de protection
Le droit commun du contrat ne saurait par ailleurs suffire à compenser le dessaisissement initial du juge, dans un certain nombre de situations. Le réformateur français en a d’ailleurs — mais seulement partiellement — tenu compte. Ainsi, le divorce par consentement mutuel n’est pas ouvert lorsqu’un des époux est placé sous un régime de protection : sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle[65] ; il ne peut en effet y avoir de divorce contractuel par représentation ou sous assistance. Cependant, c’était déjà le cas avant la réforme ![66] De même qu’il n’est pas possible, sous protection judiciaire, d’accepter le principe du divorce, nul majeur protégé ne peut consentir à divorcer, même avec l’assistance du curateur. L’action en divorce reste cependant ouverte, en demande comme en défense, par assistance ou par représentation selon la situation, pour les cas de divorce pour altération définitive du lien conjugal et de divorce pour faute[67]. La décision de divorcer peut donc être prise avec assistance ou même par représentation, mais pas d’un commun accord avec l’autre époux… A fortiori n’est-il pas concevable de contractualiser le principe de la séparation et ses conséquences dans cette situation.
Il paraît alors difficile de comprendre que le divorce contractuel reste ouvert dans le contexte des violences intrafamiliales : l’existence d’une mesure de protection n’est pas une exception prévue par la loi, alors même que cette situation se révèle de nature à empêcher toute rencontre obligatoire avec un médiateur[68]. Certes, chacun des époux est assisté d’un avocat, qui a vocation à défendre les intérêts de son client. Bien entendu, le droit des contrats prévoit un cas d’annulation de la convention en cas de violence. Toutefois, il n’en reste pas moins que le législateur aurait été bien inspiré d’introduire une présomption de déséquilibre dans la relation, interdisant de donner force à un consentement dont on peut légitimement douter de l’intégrité.
Même en dehors d’une vulnérabilité consacrée par une mesure de protection judiciaire, l’abandon du divorce aux seules volontés des parties peut déranger. Il nous semble devoir distinguer deux questions, soit la désunion elle-même et ses conséquences. S’il paraît anachronique de maintenir un contrôle étroit de la décision de désunion, dans la mesure où les conjoints ne sont plus désormais enfermés dans le mariage[69], ce contrôle a pu sembler légitime quant aux conséquences de la séparation, pour éviter toute spoliation du plus faible des deux. Il faut bien admettre que le droit commun des contrats a fait la démonstration de son incapacité à réguler les rapports de parties d’inégale puissance ; le droit du travail, de la consommation, de la concurrence se sont développés sur ce constat que « le contrat peut être un instrument d’oppression des faibles par les forts[70] ». Peut-on, sans naïveté, admettre le postulat selon lequel l’égalité réelle, et non pas seulement formelle, régnerait au sein des familles ? À notre avis, la suppression du contrôle judiciaire a priori paraît remettre en question la nature même du mariage et en particulier son caractère fondamentalement protecteur de chacun des époux, notamment par comparaison avec les autres formes de couple : la distinction entre pacs et mariage, spécialement, s’en trouve manifestement réduite et appelle à s’interroger sur l’opportunité du maintien de cette diversité des statuts proposés aux couples.
La contractualisation « parfaite », sans homologation, est encore plus difficile à admettre lorsque l’intérêt d’un tiers est directement visé, surtout quand il est question d’un mineur. On notera d’ailleurs que le changement de régime matrimonial suppose pour le moment une homologation judiciaire lorsqu’un des époux a un enfant mineur[71]. Un tel contrôle devrait d’autant plus s’imposer au moment où sont en jeu des questions touchant à l’exercice de l’autorité parentale et aux droits alimentaires de l’enfant : l’autorité parentale est un ensemble de droits mais aussi et surtout de devoirs envers l’enfant, les décisions qui en découlent devant toujours être dirigées vers l’intérêt de celui-ci[72]. De plus, l’indisponibilité de l’autorité parentale vient limiter la liberté contractuelle des parents : ainsi, un parent ne peut totalement abandonner ses droits ni les transférer à autrui, les conventions parentales ne pouvant qu’aménager les relations avec l’enfant[73]. De la même façon, la convention ne peut prévoir valablement de renonciation à aliments. La règle devrait être la même dans la convention de divorce, mais encore faut-il que les parties et leurs avocats en tiennent compte : sans contrôle du juge, comment s’assurer du respect de cet ordre public ?
Droit-fonction, l’autorité parentale teinte les rapports et les règles juridiques d’une coloration originale. La déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel aurait dû se heurter à cet obstacle lorsque le couple a un enfant mineur commun. Bien entendu, si les parents n’étaient pas mariés et ont trouvé un accord concernant le sort des enfants au moment de la séparation, aucun contrôle judiciaire n’est prévu ; la déjudiciarisation s’inscrit ici dans un mouvement d’harmonisation des règles relatives à l’autorité parentale, quel que soit le statut marital. Cependant, cette harmonisation aurait pu se faire dans l’autre sens, pour offrir davantage de protection à l’enfant mineur au moment critique de la séparation de ses parents[74]. L’étude du droit comparé conduit à observer que les systèmes juridiques qui admettent ce divorce contractuel prévoient des règles particulières en présence d’enfants mineurs : le juge est maintenu (Espagne), le ministère public doit contrôler la convention (Portugal, Italie) ou une médiation préalable est obligatoire (Norvège)[75]. L’amendement au projet de loi J21, en insérant le divorce contractuel, y compris en présence d’un enfant, avait provoqué une levée de boucliers bien compréhensible et deux solutions intermédiaires avaient été proposées : ne déjudiciariser qu’en l’absence d’enfant mineur commun[76] ou ne déjudiciariser que pour les effets du divorce concernant le couple, l’homologation judiciaire demeurant obligatoire pour les questions touchant à l’enfant mineur[77]. Les critiques n’ont toutefois pas été entendues par les députés, qui se sont retranchés derrière la possibilité pour l’enfant mineur de demander son audition au juge, et ainsi de faire basculer le divorce initialement contractuel de ses parents, dans le champ du judiciaire. Pourtant, ce n’est pas à l’enfant, en demandant son audition, de porter le poids d’un changement de procédure[78] ; il y a même un risque supplémentaire d’instrumentalisation de l’enfant[79] et, globalement, son intérêt ne semble guère respecté ici. En réalité, une telle disposition, d’ailleurs presque unanimement critiquée, s’explique par des raisons purement utilitaristes : la nécessité pour la France de respecter ses engagements internationaux…
2.3 Une prise en considération partielle — partiale ? — du droit international privé
De nombreuses voix se sont élevées après l’introduction du divorce contractuel extrajudiciaire dans le projet de loi J21, pour souligner ce déficit de protection, spécialement concernant l’enfant mineur du couple. Au-delà des raisons d’opportunité, qui risquaient bien de rester négligées, l’argument espéré péremptoire semblait celui de la soumission au droit international[80] et en particulier à la Convention internationale des droits de l’enfant. Cette dernière garantissant le droit de l’enfant d’être entendu dans toute procédure qui le concerne, un divorce extrajudiciaire semblait devoir être exclu en présence d’au moins un enfant mineur. Le projet a été seulement assorti d’une obligation pour les parents d’informer leur enfant de cette possibilité d’audition, à condition qu’ils le considèrent comme suffisamment discernant, et d’une éventualité de basculement vers un divorce judiciaire, dans l’hypothèse où le mineur déciderait de se saisir de cette opportunité. Le Conseil constitutionnel a considéré que la Convention de New York) était ainsi respectée[81] et la réforme a été validée. Cette disposition, largement critiquée comme ne respectant que formellement l’intérêt de l’enfant, a donc été ajoutée pour satisfaire aux engagements internationaux de la France. Pourtant, le respect de ces engagements n’est pas ce qui caractérise la loi ayant institué le divorce par consentement mutuel extrajudiciaire. Qu’on en juge plutôt à l’aune des trois problématiques traditionnelles du droit international privé : compétence internationale, loi applicable, effets à l’étranger.
Remarquons d’emblée que la loi J21 n’a prévu aucune limitation à la compétence du notaire, ce qu’a ensuite précisé la circulaire du 26 janvier 2017[82] : il jouit donc d’une compétence universelle, ce qui a pu légitimement conduire à se demander si la France avait vocation à devenir le nouveau Las Vegas du divorce…[83] Et ce, au mépris de l’esprit, sinon de la lettre, de trois règlements européens qui encadrent la compétence internationale des juridictions des États membres, en la matière[84]. Aucun lien avec le territoire français n’est donc nécessaire pour divorcer en France, ni la nationalité, ni la résidence des époux, ni même d’ailleurs la territorialité de leurs avocats respectifs. Seul le notaire doit exercer en France, la convention pouvant d’ailleurs être conclue dans une langue étrangère ![85]
Cet état de fait est d’autant plus illogique que la loi applicable à un tel divorce ne sera pas nécessairement la loi française : contrairement à ce qu’avait pu penser le gouvernement français, le Règlement européen Rome III[86] — qui prévoit la faculté de choisir la loi applicable au divorce — n’est pas applicable aux divorces privés, prononcés sans contrôle d’une autorité publique[87]. Il faut donc se rabattre sur l’article 309 du Code civil, qui ne permet pas de choisir la loi compétente : la loi française ne sera applicable que si les deux époux sont soit de nationalité française, soit résidents français.
Enfin, qu’en est-il de la circulation de la convention de divorce française ? Ses effets seront-ils reconnus et exécutoires dans d’autres États ? En dehors de l’espace judiciaire européen, l’exequatur devra être demandé et il sera immanquablement refusé dans certains pays qui ne voudront pas considérer un divorce contractuel comme respectant leurs conceptions fondamentales, ce qui a déjà été le cas en Algérie[88] et au Maroc[89]. Il sera alors impossible de faire rectifier les actes d’état civil à l’étranger, et tout aussi impossible de divorcer — cette fois-ci judiciairement — à nouveau en France, pour remédier à la difficulté. Il en ira de même pour faire reconnaître les autres effets du divorce par les juridictions étrangères, notamment en matière de prestation compensatoire, d’obligations alimentaires ou de modalités d’exercice de l’autorité parentale.
Des problèmes identiques se poseront d’ailleurs au sein de l’espace judiciaire européen, cependant de façon moins générale, alors même que des outils ont été spécialement élaborés pour y remédier et garantir cette facilité de circulation. Le Règlement Bruxelles II bis prévoit certes que « les accords entre parties exécutoires dans l’État membre d’origine sont reconnus et rendus exécutoires dans les mêmes conditions que des décisions [judiciaires][90] ». Cependant, il n’est applicable qu’aux questions relevant du principe du divorce et des aspects relatifs à l’autorité parentale[91] et la prestation compensatoire, en particulier, n’y est pas visée. De plus, pour les aspects de la décision (ici de l’« accord exécutoire ») relatifs à l’autorité parentale, une condition est posée par le Règlement Bruxelles II bis (article 23 b) : le droit interne doit prévoir la possibilité d’audition de l’enfant, ce qui n’est pas le cas dans le divorce contractuel français, exclusif précisément de toute audition de l’enfant.
Dès lors, chaque pays se prononcera au regard de ses règles propres de droit international privé et de sa conception de l’ordre public international, pour déterminer s’il reconnaît et confère l’exequatur à certaines des dispositions prévues par les parties dans les divorces contractuels français, en particulier celles qui sont relatives à l’autorité parentale et à la prestation compensatoire. La doctrine française conseille ainsi presque unanimement aux avocats d’éviter le divorce contractuel en présence d’un élément d’extranéité, cette dernière qui, de plus, peut survenir postérieurement au divorce, par exemple en cas de remariage ou de déménagement à caractère international.
On le voit, le législateur français, dans sa hâte de faire aboutir sa réforme, n’a envisagé les problématiques de droit international privé que de façon extrêmement limitée. Il expose ainsi non seulement ses ressortissants, mais encore des justiciables étrangers qui seraient séduits par la liberté apparemment conférée par ce divorce contractuel, à bien des déconvenues. Le juge a été libéré d’un fardeau numériquement élevé, pourtant relativement simple et peu chronophage — l’homologation de la convention de divorce —, au risque de devoir régler inversement un contentieux plus rare mais autrement plus complexe et hasardeux : celui de l’après-convention, tant en droit interne qu’en droit international privé. On peut, comme Alexandre Boiché, se déclarer « sidéré par l’absence de réflexion européenne et internationale qui a accompagné l’adoption de ce nouveau divorce[92] ». La raison de cette précipitation réside probablement dans les échéances législatives, mais il est consternant[93] d’avoir ainsi bâclé une réforme qui mettait en jeu des aspirations sociétales si importantes. Légitime dans l’intention, cette réforme ne l’est pas dans sa mise en oeuvre.
Appendices
Notes
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[1]
Loi no 2016-1547 du 18 nov. 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, J.O. 19 nov. 2016 (ci-après « loi J21 »).
-
[2]
Décret no 2016-1907 du 28 déc. 2016 relatif au divorce prévu à l’article 229-1 du code civil et à diverses dispositions en matière successorale, J.O. 29 déc. 2016.
-
[3]
Circulaire du 26 janv. 2017 de présentation des dispositions en matière de divorce par consentement mutuel et de succession issues de la loi no 2016-1547 du 18 nov. 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et du décret no 2016-1907 du 28 déc. 2016 relatif au divorce prévu à l’article 229-1 du code civil et à diverses dispositions en matière successorale.
-
[4]
Institut des hautes études sur la justice, « La prudence et l’autorité. L’office du juge au xxie siècle », [En ligne], [forumdelajustice.fr/ihej_wp/wp-content/uploads/2013/07/rapport_office_du_juge_mai_2013.pdf] (11 juin 2018) ; Ministère de la Justice, Les juridictions du xxie siècle. Une institution qui, en améliorant qualité et proximité, s’adapte à l’attente des citoyens, et aux métiers de la justice, [En ligne], [www.justice.gouv.fr/publication/rapport_Marshall_2013.pdf] (11 juin 2018) ; Ministère de la Justice, « Le juge du 21ème siècle ». Un citoyen acteur, une équipe de justice, [En ligne], [www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000843.pdf] (11 juin 2018) ; France, Sénat, Rapport d’information fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur la justice familiale, rapport no 404, par Catherine Tasca et Michel Mercier.
-
[5]
Nous préférons employer terme « contractualisation » plutôt que « conventionnalisation », ce dernier pouvant induire une confusion avec un autre mouvement, celui d’influence de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, (1955) 213 R.T.N.U. 221, sur le droit interne.
-
[6]
Evelyne Serverin, « Lectures socio-juridiques sur l’État et le contrat », dans Sandrine Chassagnard-Pinet et David Hiez (dir.), Approche critique de la contractualisation, Paris, L.G.D.J., 2007, p. 95, à la page 96.
-
[7]
Françoise Dekeuwer-Défossez, « Un divorce sans juge ? », R.L.D.C. 2016.139.
-
[8]
Le pacte civil de solidarité est un contrat conclu entre deux personnes majeures pour organiser leur vie commune. Voir le Code civil français, art. 515-1 et suiv.
-
[9]
Cons. const. 9 nov. 1999, no 99-419 DC, J.O. 16 nov. 1999, p. 16962, par. 61 et 68, obs. Bertrand Mathieu et Michel Verpeaux, « Jurisprudence constitutionnelle », J.C.P. G. 2000.261 ; nature contractuelle rappelée récemment : Cons. const. 21 oct. 2015, no 2015-9 LOM, obs. Jean-René Binet, « Pacs : réaffirmation de sa nature purement contractuelle », Dr. fam. 2015.213.
-
[10]
Loi no 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, J.O. 24 juin 2006, p. 9513.
-
[11]
Centre européen d’études et de recherches en droit de la famille et des personnes (CERFAP), « Les plans parentaux extrajudiciaires. Rapport au Défenseur des droits », [En ligne], [cerfap.u-bordeaux4.fr/sites/cerfap/IMG/pdf/Plans_parentaux_extrajudiciaires_-_Rapport_20180115.pdf] (11 juin 2018).
-
[12]
Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, 12e éd., Paris, Presses universitaires de France, 2018, s.v. « Homologation ».
-
[13]
Code de procédure civile, art. 1139 : « Les parties se défendent elles-mêmes ; elles ont la faculté de se faire assister ou représenter par un avocat. »
-
[14]
C. civ., art. 232 al. 2, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2017 : « [Le juge] peut refuser l’homologation et ne pas prononcer le divorce s’il constate que la convention préserve insuffisamment les intérêts des enfants ou de l’un des époux. »
-
[15]
Id., art. 1397.
-
[16]
C’est le cas en présence d’enfants mineurs ou si un des époux est placé sous un régime de protection judiciaire.
-
[17]
Civ. 1re, 29 mai 2013, no 12-10.027.
-
[18]
Les causes d’annulation restent d’ailleurs envisageables même en cas d’homologation, qui ne supprime pas le caractère contractuel de l’opération. Voir notamment pour un cas de fraude : Civ. 1re, 12 déc. 2000, no 98-19.147.
-
[19]
Jean Hauser, obs. sous Civ. 1re, 29 mai 2013, R.T.D. civ. 2013.590. Voir aussi Marie Lamarche « “Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites” : la sévérité de la loi contractuelle face aux attraits de la conventionnalisation du droit de la famille. Exemple relatif au changement de régime matrimonial », Dr. fam. 2013.39.
-
[20]
Les divorces par consentement mutuel représentaient 55 p. 100 des divorces prononcés en 2015 : Ministère de la Justice, « Les divorces et ruptures d’union », [En ligne], [www.justice.gouv.fr/le-ministere-de-la-justice-10017/secretariat-general-10021/les-divorces-et-ruptures-dunion-25130.html] (24 octobre 2018).
-
[21]
Louise Langevin, « Entre les vertus du contrat et les illusions perdues », (2008) 49 C. de D. 521.
-
[22]
Loi no 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, J.O. 18 mai 2013, p. 8253.
-
[23]
En 2016, près de 45 p. 100 des unions contractées étaient des pacs, dont seulement 4 p. 100 concernaient des couples de même sexe : INSEE, « Population », 2017, [En ligne], [www.insee.fr/fr/statistiques/3197277?sommaire=3197289] (24 octobre 2018).
-
[24]
En 2012, 57 p. 100 des ruptures sont intervenues d’un commun accord et seulement 3 p. 100 par demande unilatérale (la différence s’explique par l’hypothèse du décès d’un des membres et surtout par le mariage de l’un ou des deux partenaires – dans certains cas ensemble, ce qui renforce encore le poids de la rupture consentie) : Faustine Büsch et Odile Timbart, « Le profil des pacsés », Infostat Justice, no 126, 2014.
-
[25]
C’est le mutuus dissensus de l’article 1193 du Code civil.
-
[26]
Civ. 1re, 5 févr. 1985, no 83-15.895, qui réserve l’hypothèse de la rupture abusive. Dorénavant, la règle figure à l’article 1211 du Code civil.
-
[27]
C. civ., art. 1224.
-
[28]
Id.
-
[29]
Loi no 14-485 du 27 juill. 1884 sur le divorce, J.O. 29 juill. 1884, p. 4041.
-
[30]
L’article 242 du Code civil précise bien qu’il faut une « violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage », qui « rendent intolérable le maintien de la vie commune ».
-
[31]
Loi no 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, J.O. 27 mai 2004, p. 9319.
-
[32]
C. civ., art. 237 et 238. La Cour de cassation a confirmé l’effet automatique de cette séparation, le juge ne pouvant que constater que la demande est recevable : Civ. 1re, 25 nov. 2009, no 08-17.117.
-
[33]
C. civ., art. 232 al. 2.
-
[34]
Sur cette indisponibilité/indissolubilité, voir : Isabelle Dauriac et Sophie Gaudemet, « La rupture ou le vrai visage du PACS », dans Le droit entre tradition et modernité. Mélanges à la mémoire de Patrick Courbe, Paris, Dalloz, 2012, p. 141 ; Alain Bénabent et Michel Grimaldi, « L’embarras du choix ? », Gaz. Pal. 2014.91.34.
-
[35]
C. civ., art. 229-1–229-4 ; C. proc. civ., art. 1144–1148-2.
-
[36]
C. civ., art. 229-2. Par ailleurs, le majeur sous protection judiciaire – tutelle ou curatelle – ne peut accéder à cette forme de divorce, mais c’était déjà le cas pour l’ancien divorce par consentement mutuel : cette situation est liée à son impossibilité juridique de consentir de façon plus générale, pour sa propre protection.
-
[37]
La pacification est souvent présentée comme un objectif prioritaire du législateur en matière familiale, sous ce vocable ou un autre ; l’exposé des motifs de la Loi no 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, préc., note 31, insistait déjà sur l’objectif d’apaisement et de diminution du conflit.
-
[38]
Dans les couples non mariés, il existe tout au plus une indivision.
-
[39]
Ce mécanisme propre aux époux a pour objet de compenser le déséquilibre financier causé par le divorce, la « disparité […] dans les conditions de vie respectives » : C. civ., art. 270.
-
[40]
La contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants prend souvent la forme d’une pension alimentaire : C. civ., art. 371-2.
-
[41]
Loi no 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, J.O. 5 mars 2002, p. 4161.
-
[42]
C. civ., art. 373-2-7.
-
[43]
CERFAP, préc., note 11.
-
[44]
L’article 373-2-11 du Code civil prévoit que « [l]orsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge prend notamment en considération […] 1° La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure ».
-
[45]
CERFAP, préc., note 11.
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[46]
Loi J21, préc., note 1, exposé des motifs.
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[47]
Institut des hautes études sur la justice, préc., note 4, p. 26.
-
[48]
Aurélie Lebel, « Quelle justice familiale pour demain ? », A.J. Famille 2014.114 ; Paule Aboudaram, « Le coût social du divorce », Gaz. Pal. 2014.91.44.
-
[49]
Loi J21, préc., note 1, exposé des motifs.
-
[50]
La matière pénale n’est pas en reste, au demeurant.
-
[51]
On en donnera pour exemple le développement de la transaction pénale (article 6 du Code de procédure pénale).
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[52]
Dans le divorce par consentement mutuel judiciaire, les époux peuvent choisir un avocat commun ou se faire assister chacun par un avocat.
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[53]
Les honoraires du notaire sont certes chichement tarifés pour cette prestation…
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[54]
La médiation a été introduite en droit français par la Loi no 95-125 du 8 févr. 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, J.O. 9 févr. 1995, p. 2175.
-
[55]
Loi no 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, préc., note 41, art. 373-2-10.
-
[56]
Ministère de la Justice et Ministère des Affaires sociales et de la Santé, Rapport sur les réflexions du groupe de travail sur la coparentalité. « Comment assurer le respect de la coparentalité entre parents séparés », [En ligne], [www.justice.gouv.fr/publication/rap-coparentalite-20140701.pdf] (11 juin 2018).
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[57]
Loi no 2011-1862 du 13 déc. 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, J.O. 14 déc. 2011, p. 21105, art. 15, s’agissant des demandes de modification de « décisions fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ainsi que les dispositions contenues dans la convention homologuée » ; Virginie Larribau-Terneyre, « Nouvel essor pour les modes alternatifs et collaboratifs de règlement des litiges en matière familiale ? (À propos de la médiation obligatoire et de la convention de procédure participative) », Dr. fam. 2012, étude 12.
-
[58]
Citons, comme exemple, l’exigence de parité…
-
[59]
Fr. Dekeuwer-Défossez, préc., note 7.
-
[60]
Marie-Claire Belleau, « La médiation familiale au Québec : une approche volontaire, globale, interdisciplinaire et accessible », Dr. fam. 2015.5. La gratuité au moins partielle est également de mise dans certains États américains : Alexandre Trémolière, « Médiation familiale aux États-Unis : perspectives et réflexions croisées », A.J. Famille 2015.395.
-
[61]
Virginie Larribau-Terneyre, « Les conventions de rupture - État des lieux », Dr. fam. 2015, dossier 4, remarque justement que « la contractualisation n’implique pas non plus nécessairement la déjudiciarisation ».
-
[62]
Civ. 1re, 29 mai 2013, préc., note 17.
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[63]
Nouvel article 1195 C. civ. ; Ordonnance no 2016-131 du 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, J.O. 11 févr. 2016.
-
[64]
C. civ., art. 373-2-13. La possibilité de réviser la décision concerne aussi bien les modalités de l’exercice de l’autorité parentale que la contribution à l’entretien qui figure dans le même paragraphe du Code civil.
-
[65]
Id., art. 229-2 (2°).
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[66]
Id., art. 249-4 : « Lorsque l’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre, aucune demande en divorce par consentement mutuel ou pour acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut être présentée. »
-
[67]
Id., art. 249 : « Si une demande en divorce doit être formée au nom d’un majeur en tutelle, elle est présentée par le tuteur, avec l’autorisation du conseil de famille s’il a été institué ou du juge des tutelles. Elle est formée après avis médical et, dans la mesure du possible, après audition de l’intéressé, selon le cas, par le conseil de famille ou le juge. Le majeur en curatelle exerce l’action lui-même avec l’assistance du curateur. » Id., art. 249-1 : « Si l’époux contre lequel la demande est formée est en tutelle, l’action est exercée contre le tuteur ; s’il est en curatelle, il se défend lui-même, avec l’assistance du curateur. »
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[68]
Id., art. 373-2-10, qui prévoit l’intervention du juge aux affaires familiales dans le contentieux de l’autorité parentale (l’italique est de nous) :
En cas de désaccord, le juge s’efforce de concilier les parties.
À l’effet de faciliter la recherche par les parents d’un exercice consensuel de l’autorité parentale, le juge peut leur proposer une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder.
Il peut leur enjoindre, sauf si des violences ont été commises par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant, de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de cette mesure.
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[69]
Un époux peut décider unilatéralement de divorcer, pour peu qu’il attende le délai de deux ans prévu par l’article 238 du Code civil.
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[70]
Fr. Dekeuwer-Défossez, préc., note 7.
-
[71]
La procédure simplifiée, sans homologation, réserve également la possibilité pour les tiers intéressés (enfants majeurs, créanciers, parties au contrat de mariage) de former opposition, laquelle déclenche le retour à la procédure de l’homologation. Cependant, un projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit (Projet de loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, Sénat, 2013, no 175) prévoit notamment l’extension du changement simplifié (sans homologation) de régime matrimonial à toutes les hypothèses, y compris en présence d’enfants mineurs…
-
[72]
C. civ., art. 371-1 al. 1 : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. »
-
[73]
Les juridictions du fond semblent d’ailleurs favorables à cette interprétation, puisqu’elles ont pour le moment refusé d’homologuer les conventions prévoyant un exercice unilatéral de l’autorité parentale. Metz, 11 janv. 2005, Juris-Data no 2005-264375 : « un simple pacte entre ces derniers ne saurait suffire à priver un enfant de l’autorité conjointe et attentive de son père et de sa mère ».
-
[74]
Certes, les décisions relatives à l’autorité parentale peuvent toujours être révisées, à charge cependant pour le parent initiateur de faire la preuve d’un changement de circonstances.
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[75]
Younes Bernand, « Brèves observations sur les expériences étrangères de divorce sans juge », Dr. fam. 2016.24.
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[76]
Voir notamment Bernard Beignier, « Balises pour un divorce contractuel », Dr. fam. 2016.7. Le Sénat s’était engagé dans cette voie, adoptant un texte modifié qui excluait le divorce contractuel lorsque les époux « sont ensemble les parents d’au moins un enfant mineur », mais l’Assemblée nationale a fait prévaloir sa position.
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[77]
Voir notamment Hugues Fulchiron, « L’enfant dans le divorce sans juge », Dr. fam. 2016.31 ; Fr. Dekeuwer-Défossez, préc., note 7.
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[78]
Voir notamment Clotilde Brunetti-Pons, « Un divorce “sans juge” pour un droit “déréglé” », Dr. fam. 2016.28.
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[79]
H. Fulchiron, préc., note 77.
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[80]
L’auteure adresse ses vifs remerciements à son collègue Jean Sagot-Duvauroux, spécialiste de droit international privé, pour ses éclaircissements salutaires sur ces questions. Cette partie est directement inspirée de sa communication sur ce sujet, au cours de Jean Sagot-Duvauroux, « Les rendez-vous bordelais du droit de la famille – Septième partie », LexRadio l’actualité juridique, 9 mars 2018, [En ligne], [lexradio.fr/broadcast/22263-Les-rendez-vous-bordelais-du-droit-de-la-famille-septième-partie] (10 juin 2018), et des observations écrites qu’il lui a aimablement transmises.
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[81]
Cons. const. 17 nov. 2016, no 2016-739 DC.
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[82]
Circulaire du 26 janv. 2017, préc., note 3. Les notaires « ne sont pas assujettis à des règles de compétence, ont vocation à recevoir tout acte, émanant de parties françaises comme étrangères, qu’elles soient domiciliées en France ou à l’étranger ».
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[83]
Alexandre Boiché, « Divorce 229-1 : aspect de droit international privé et européen. La France, nouveau Las Vegas du divorce ? », A.J. Famille 2017.57.
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[84]
Règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000, [2003] J.O. L 338/1 (ci-après « Règlement Bruxelles II bis ») ; Règlement (CE) no 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires, [2009] J.O. L 7/1 ; Règlement (UE) 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en oeuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l’exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux, [2016] J.O. L 183/1.
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[85]
C. proc. civ., art. 1146 al. 2. La convention doit bien entendu être traduite.
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[86]
Règlement (UE) no 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en oeuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi application au divorce et à la séparation de corps, [2010] J.O. L 343/10 (ci-après « Règlement européen Rome III »).
-
[87]
Sahyouni c. Mamisch, Affaire no C-372/16, 20 décembre 2017 (CJUE). Cette décision concerne un divorce unilatéral prononcé devant un tribunal religieux, mais les motifs de l’arrêt sont clairs (par. 47) :
[S']il est vrai que plusieurs États membres ont introduit, depuis l’adoption du règlement no 1259/2010, dans leurs ordres juridiques, la possibilité de prononcer des divorces sans intervention d’une autorité étatique, il n’en demeure pas moins que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 66 de ses conclusions, l’inclusion des divorces privés dans le champ d’application de ce règlement nécessiterait des aménagements relevant de la compétence du seul législateur de l’Union.
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[88]
Affaire no 05179/17, citée par Marie Lamarche, « Orgueil et préjugés : le sort du divorce sans juge au sud de la Méditerranée », J.C.P. N. 2018.360. Le motif invoqué est ici différent : tout divorce suppose obligatoirement un jugement. À l’inverse, un tribunal tunisien a ordonné la transcription d’un divorce contractuel : TPI Tunis, ord. réf., 14 nov. 2017, no 86358, cité par M. Lamarche. Cette auteure remarque justement : « Avec un certain angélisme, le tribunal de Tunis scrute alors les dispositions du “divorce sans juge” et lui accorde un blanc-seing qu’aucun auteur français n’aurait osé prononcer, même à mi-voix. » Ce ne sont que des décisions de première instance, mais elles permettent de mettre en relief les incertitudes qui émailleront les prochaines années en la matière.
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[89]
TPI Oujda, 29 janvier 2018, cité par Mounia El Bahja, « Le Maroc et le divorce par consentement mutuel français », J.C.P. N. 2018.361. Le divorce contractuel est considéré comme contraire à l’article 114 du Code de la famille, celui-ci imposant une tentative de conciliation par le juge avant tout divorce par consentement mutuel.
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[90]
Règlement Bruxelles II bis, préc., note 84, art. 46.
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[91]
Précisons que l’autorité parentale est dénommée « responsabilité parentale » en droit de l’Union européenne.
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[92]
A. Boiché, préc., note 83.
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[93]
Sylvain Thouret, « Le nouveau divorce par consentement mutuel ou le divorce sans juge. Présentation et questionnement », A.J. Famille 2016.568. Voir aussi Dominique Fenouillet, « Le divorce sans juge », D. 2016.1424 ; Fr. Dekeuwer-Défossez, préc., note 7 ; B. Beignier, préc., note 76 ; Marc Juston, « Le divorce par consentement mutuel sans juge : une opération sans chirurgien – Le point de vue du magistrat », Dr. fam. 2016.25 ; Cl. Brunetti-Pons, préc., note 78 ; H. Fulchiron, préc., note 77 ; Nathalie Baillon-Wirtz, « La déjudiciarisation précipitée du divorce par consentement mutuel », J.C.P. G. 2016.643.