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Le fait de souligner le phénomène de transformation importante de la famille au cours des 30 dernières années est devenu un lieu commun. En effet, le portrait démographique et sociologique des familles a radicalement changé au cours de cette période. L’augmentation des séparations, le raccourcissement de la durée de vie conjugale, la perte de popularité de l’institution du mariage, la multiplication des modèles conjugaux, la diversité des modes de procréation, la monoparentalité, les recompositions familiales sont, parmi d’autres, des réalités qui obligent les sociétés à s’interroger sur l’opportunité de mettre à niveau leur droit de la famille. Ces bouleversements ont d’ailleurs entraîné la plupart des pays occidentaux dans un processus de remise en question de leur droit familial, voire des fondements mêmes de ce dernier. Le rythme n’est pas identique d’un pays à l’autre, mais le mouvement est généralisé. Cette évolution se caractérise par une emprise croissante des individus sur les liens conjugaux et parentaux, sur les conséquences juridiques de ces liens, ainsi que sur les façons de résoudre leurs conflits familiaux. Et, de fait, on observe une augmentation des revendications en faveur d’un droit de la famille qui serait davantage en phase avec la réalité des familles contemporaines, mais aussi un droit de la famille plus simple et plus accessible. Les phénomènes de contractualisation des rapports conjugaux, de privatisation des modes de règlement des conflits ou d’appropriation des liens de parenté interrogent les bases du droit traditionnel de la famille. Se pose dès lors la délicate question des objectifs que devrait tendre à atteindre le droit de la famille contemporain. Plusieurs pays ont procédé, comme cela a été le cas au Québec, à des réformes partielles répondant aux impératifs du moment. D’autres ont choisi la voie d’une réforme globale, par exemple la Colombie-Britannique. Telle a également été la solution préconisée par le Comité consultatif sur la réforme du droit de la famille du Québec qui, dans son rapport de 2015, proposait ni plus ni moins une restructuration complète du droit de la famille dont le pivot central serait désormais l’enfant. Cette proposition de réforme n’a pas encore trouvé écho auprès des décideurs politiques, même si la plupart des observateurs s’entendent sur la nécessité d’une modernisation globale des normes juridiques. C’est donc dans un contexte de transformation des réalités familiales et de nécessaire réinvention des règles juridiques qui encadrent les liens conjugaux et parentaux que nous proposons le présent numéro des Cahiers de droit consacré au droit de la famille. Il rassemble dix articles traitant de développements en droit canadien, québécois, français et chinois, sur des sujets aussi divers et riches que l’adoption autochtone, le mariage, la dissociation de la conjugalité et de la parenté, l’aliénation parentale, la « multiparentalité », la contractualisation de la séparation conjugale, le tourisme procréatif, l’obligation alimentaire entre conjoints, la protection des familles dans le droit international privé des successions, le rôle de l’avocat d’enfant. À première vue, ces multiples sujets, qui n’épuisent évidemment pas les innombrables thèmes du droit de la famille, peuvent sembler quelque peu disparates sous une même couverture. Ces textes se rejoignent pourtant, chaque article traitant à sa manière de la transformation du droit, réalisée ou souhaitée. Ils illustrent tous certaines grandes tensions du droit familial contemporain et permettent de constater que, au-delà des distinctions nationales, les défis que posent les transformations de la famille se ressemblent à bien des égards.