Volume 57, Number 1, March 2016
Table of contents (9 articles)
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Le parcours tumultueux des propos injurieux en droit québécois depuis 2009 : l’arrêt Génex Communications inc. c. Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) est-il toujours pertinent ?
Marie Annik Grégoire
pp. 3–23
AbstractFR:
Le présent texte confronte la position adoptée par la Cour d’appel en 2009 sur la sanction des propos injurieux dans l’arrêt Génex Communications inc. c. Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) avec les décisions rendues depuis par la Cour suprême du Canada et la Cour d’appel du Québec. Cette analyse permettra de mettre en évidence que la position des tribunaux s’est transformée et que l’injure ne peut plus être sanctionnée de manière autonome, contrairement à la position adoptée dans l’arrêt Génex. Il en résulte que le propos injurieux doit se qualifier à titre d’atteinte à la sauvegarde de la réputation ou de l’égalité, sans quoi il sera jugé que l’atteinte à la sauvegarde de la dignité résultant de celui-ci ne peut être considérée comme un préjudice indemnisable. Cette nouvelle grille d’analyse engendre un amalgame confus dans la distinction de droits garantis par la Charte des droits et libertés de la personne.
EN:
This text compares the position adopted by the Court of Appeal in 2009 on the punishment of insults in the Genex ruling with the decisions rendered since then by the Supreme Court of Canada and the Quebec Court of Appeal. This analysis shows that the positions of the courts have changed and that offensive and insulting comments can no longer be sanctioned independently, as they were in Genex. The outcome is that insults must qualify as a breach of the right to the safeguard of reputation or of the right to equality, without which it will be found that the damage to the safeguard of dignity resulting from the insults cannot be considered as giving rise to compensation. The new analytical framework generates a confused amalgam in the distinction of rights guaranteed by the Charter of Human Rights and Freedoms.
ES:
El presente texto confronta la posición adoptada por la Corte de Apelaciones en el año 2009 sobre la sanción por los propósitos injuriantes en el caso de Génex, con las decisiones dictadas a partir de entonces por la Corte Suprema de Canadá y la Corte de Apelaciones de Quebec. Este análisis permite identificar que el punto de vista de los tribunales se ha trasformado, y que la injuria no puede ser más sancionada de manera autónoma, contrariamente a la perspectiva adoptada en el caso de Génex. Resulta que el propósito injuriante debe ser calificado como una acción que atenta en contra de la reputación o de la igualdad ; sin ello se juzgará que el atentado en contra de la dignidad que resulta de éste no pueda ser considerado como un perjuicio que pueda ser resarcido. Esta nueva clasificación de análisis ha engendrado una confusa amalgama en la distinción de los derechos garantizados por la Carta de Derechos y Libertades de la persona.
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À la croisée du droit des obligations et de l’ingénierie financière — Remarques sur la nécessité sociale de l’analyse juridique
Vincent Forray
pp. 25–53
AbstractFR:
Ce texte propose un croisement entre le droit des obligations et certaines techniques de l’ingénierie financière qui se sont révélées au public lors de la grande crise de 2007 : la titrisation des créances et le crédit dérivé. Il en ressort à un premier niveau de lecture que, si ces techniques correspondent à la structure de l’obligation juridique lorsqu’on considère l’opération de financement qu’elles configurent, elles ont aussi vocation à déstabiliser cette structure lorsqu’on considère la logique du refinancement qui les anime. À un second niveau de lecture, ce travail indique la nécessité de recourir à l’analyse juridique afin de pousser notre compréhension de certains phénomènes sociaux, tels que la crise financière en question. Il suggère que les intermédiaires conceptuels, culturels ou sémiotiques du droit, ainsi que l’ensemble de ses tropes, sont plus profondément implantés dans la culture, le langage et l’appareil conceptuel de nos sociétés qu’au niveau de la règle, du jugement ou de l’exercice du pouvoir politique.
EN:
This text examines the links between the law of obligations and two financial engineering techniques revealed to the general public during the recent financial crisis : debt securitization and credit derivatives. At a basic level, it becomes clear that although the techniques match the structure of a legal obligation in terms of the financial operation they configure, they also tend to destabilize that same structure through their refinancing logic. At a higher level, the examination shows the need to use legal analysis to extend our understanding of certain social events such as the financial crisis. It suggests that the conceptual, cultural or semiotic intermediaries of the law, as well as all its tropes, are more deeply embedded in the culture, language and conceptual apparatus of our societies than in the rules, judgements or actions of the public authorities.
ES:
Este texto propone una amalgama compuesta por el derecho de obligaciones y algunas técnicas de la ingeniería financiera, que se han revelado al público con la gran crisis reciente : la titulización de deudas y el derivado crediticio. Se destaca en un primer nivel, que si éstas técnicas corresponden a la estructura de la obligación jurídica cuando se considera la operación de financiamiento que ellas conforman, éstas tienen igualmente la propensión de desestabilizar esta estructura, cuando se considera la lógica del refinanciamiento que las anima. En un segundo nivel, este trabajo indica la necesidad de recurrir al análisis jurídico con el fin de alcanzar nuestra comprensión de ciertos fenómenos sociales, como la crisis financiera en cuestión. Sugiere también que los intermediarios conceptuales, culturales o semióticos del derecho, así como el conjunto de sus tropos, están profundamente instaurados en la cultura, el lenguaje y en el aparato conceptual de nuestras sociedades solamente a nivel de la regla, del juicio o del ejercicio del poder político.
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Prendre la puissance économique au sérieux : jalons pour une appréhension relationnelle des contrats au sein des réseaux de production
Isabelle Martin
pp. 55–97
AbstractFR:
L’éclatement de la firme en réseaux pose un défi au niveau de l’encadrement juridique des relations de production qui s’y nouent : les contractants ne jouissent pas des protections qui accompagnent les contrats de travail malgré des inégalités de puissance économique souvent importantes. Le présent article propose donc que les contrats de production soient appréhendés à partir de la théorie relationnelle du contrat de Ian R. Macneil afin de mieux tenir compte de la réalité de l’organisation en réseaux. L’adoption de cette théorie heurte cependant deux présupposés du droit contractuel : celui de l’égale autonomie des contractants et celui de l’efficience des contrats librement consentis. Si ces présupposés sont fortement défendus par l’analyse économique du droit d’inspiration néoclassique, de récentes théories économiques remettent en question leur adéquation. Nous exposerons ces théories et verrons qu’elles apportent une théorisation de la puissance économique indispensable à une appréhension relationnelle des contrats.
EN:
The organization of work through production networks recasts production relationships within the general context of contract law rather than employment law. The problem is that, contrary to employment law, contract law presumes an equality which is often not present in production networks. This article will argue that the relational contract theory of Macneil provides a useful starting point toward a more contextual approach to production contracts. However, the relational contract theory runs opposite to two basic assumptions of contract law : the equal autonomy of participants and the efficiency of contracts. These assumptions, whose validity has been fiercely defended by an economic analysis of the law, are now undermined by recent economic theories. We will expose these theories and show how they provide an understanding of economic power which could be used in applying the relational contract theory to network production relationships.
ES:
La propagación de las empresas extendidas ha acarreado un nuevo desafío en el ámbito del marco jurídico de las relaciones de producción que se crean : los contratantes no gozan de las protecciones que poseen los contratos laborales, a pesar de las desigualdades del poder económico, generalmente importantes. Este artículo propone que los contratos de producción se fundamenten en la teoría relacional del contrato de Macneil con el propósito de que se tenga en cuenta la realidad de la organización extendida. Sin embargo, la adopción de esta teoría colide con dos supuestos del derecho contractual : la igualdad de la autonomía de las partes y la eficacia de los contratos consentidos libremente. Si bien estos dos supuestos se oponen al análisis económico del derecho inspirado en el modelo neoclásico, algunas teorías económicas recientes han puesto en tela de juicio su adecuación. Expondremos estas teorías, y observaremos que aportan una teorización del poder económico indispensable en el fundamento relacional de los contratos.
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La loi applicable à la responsabilité du fabricant en droit international privé canadien et européen
Guillaume Laganière
pp. 99–129
AbstractFR:
L’auteur aborde l’épineuse question de la loi applicable à la responsabilité du fabricant en droit international privé. Adoptant l’approche du droit comparé mais examinant plus particulièrement l’article 3128 du Code civil du Québec, il soutient que la loi applicable à cette question devrait être celle du lieu du domicile ou de la résidence de la victime, ou encore la loi du lieu où le dommage a été subi si le produit en cause y a été commercialisé. Le texte débute par un aperçu des régimes en vigueur au Québec, dans les autres provinces canadiennes et en Europe. L’auteur se penche par la suite sur quatre facteurs de rattachement fréquemment invoqués, soit l’établissement ou la résidence du fabricant, le domicile ou la résidence de la victime, le lieu d’acquisition du bien et le lieu du délit. Enfin, l’auteur propose une version remodelée de l’article 3128.
EN:
The author addresses the thorny issue of which law should apply to product liability claims in private international law. Using comparative law but focusing primarily on article 3128 of the Civil Code of Quebec, it argues that the law applicable to product liability should be that of the domicile or residence of the victim or the law of the place where the damage occurred provided the product was marketed there. The text begins with an overview of the law in Quebec, the common law provinces, and the European Union. The author examines four oft-invoked connecting factors : the manufacturer’s establishment or residence, the victim’s domicile or residence, the State where the product was acquired and the State where the damage occurred. The author finishes by suggesting a new article 3128.
ES:
El autor aborda la delicada cuestión de la ley aplicable con respecto a la responsabilidad del fabricante en derecho internacional privado. Adoptando el enfoque del derecho comparado, pero examinando particularmente el artículo 3128 del Código Civil de Quebec, el autor argumenta que la ley aplicable en este asunto debería ser la del domicilio o de la residencia de la víctima, o bien la ley del lugar en donde el daño se ha producido si el producto en cuestión ha sido comercializado allí. El texto comienza con un resumen de los regímenes vigentes en Quebec, en otras provincias canadienses, y en Europa. Seguidamente, el autor examina cuatro factores pertinentes que se invocan con frecuencia : el establecimiento o la residencia del fabricante, el domicilio o la residencia de la víctima, el lugar donde fue adquirido el bien, y el lugar del delito. Finalmente, el autor plantea una reforma del artículo 3128.
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Réflexion critique sur l’attractivité du groupement d’intérêt économique (GIE) en droit de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA)
Éric Dewedi
pp. 131–172
AbstractFR:
En droit de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), la création du groupement d’intérêt économique (GIE) représente une opportunité laissée aux entreprises de mettre en commun leurs moyens pour accroître leurs activités économiques. Mais paradoxalement, le GIE n’est pas très utilisé par ses destinataires. Il fait ainsi l’objet d’un silence des acteurs qui conduit à s’interroger sur son attractivité. Il apparaît à l’analyse que l’un des attraits du GIE est voulu par la loi, mais qu’il est fortement compromis. En effet, les membres disposent d’une très grande liberté dans la constitution et le fonctionnement du GIE. Cette liberté n’a de limites que dans quelques règles impératives tournées vers la protection des tiers, notamment l’inopposabilité aux tiers des clauses limitatives des pouvoirs de l’adminsitrateur ou des administrateurs et la responsabilité indéfinie et solidaire des membres par rapport aux dettes du GIE. C’est cette responsabilité indéfinie et solidaire des membres relativement aux dettes du GIE qui compromet sérieusement l’attractivité de ce dernier. Il est cependant possible de rendre le GIE plus attractif par l’utilisation des conventions qui permettent à ses membres d’accorder des avantages particuliers aux nouveaux membres par contrat et aussi d’exclure la solidarité aux dettes par des accords avec les tiers contractants. Ces conventions pourraient assurer la sécurité du crédit par le recours aux garanties.
EN:
In OHADA law, the creation of the economic interest group (IEG) gives businesses an opportunity to pool their resources and increase their level of economic activity. Paradoxically, however, the IEG is not widely used by the businesses targeted—their silence raises the question of its attractiveness. It appears, following our analysis, that one of the goals of the law is to make the IEG attractive, but this goal is badly compromised. Members enjoy a large degree of freedom in the establishment and operation of the IEG. There are no limits on this freedom, except a small number of imperative rules for the protection of third parties, and in particular the rule that a clause limiting the powers of the administrator(s) or the limitless and solidary liability of the members for the debts of the group cannot be set up against third parties. It is, in fact, this limitless and solidary liability of the members for the debts of the group that seriously reduces the attractiveness of the IEG. It would be possible to make the IEG more attractive by using agreements to allow the members of an IEG to grant specific advantages to new members by way of a contract and also to exclude solidarity for debts through agreements with third contracting parties. The agreements could also ensure credit security through the use of guarantees.
ES:
En el derecho de la OHADA (Organización para la Armonización del Derecho Comercial en África, por sus siglas en francés), la creación de un GIE (grupo de interés económico) representa una oportunidad que se les da a las empresas para que agrupen sus medios disponibles, y de esta manera fomenten sus actividades económicas. Paradójicamente, el GIE no es muy utilizado por los destinatarios, y por ello, es el objeto de un silencio por parte de los actores, lo cual conlleva a preguntarse sobre su atractivo. Al realizar un análisis, parece que es la ley la que aspira que el GIE sea atractivo, pero se encuentra en una posición muy comprometida. En efecto, los miembros disponen de una gran libertad en la constitución y en el funcionamiento del GIE, dicha libertad está limitada solamente por algunas reglas obligatorias, dirigidas hacia la protección de terceros, y de manera particular, a la no oposición a terceros de cláusulas limitativas de poderes del (o de los) administrador(es), y la responsabilidad indefinida y solidaria por parte de los miembros por las deudas del grupo, que pudieran comprometer seriamente la actividad del GIE. Sin embargo, es posible que el GIE resulte más atractivo a través de convenciones, que les permitan a los miembros del GIE acordar ventajas particulares a los nuevos miembros por medio de un contrato, y también de excluir la solidaridad de las deudas, a través de acuerdos con terceros contratantes. Estas convenciones podrían caucionar la seguridad crediticia gracias a las garantías.
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Une autonomie collective sous contraintes : l’exercice de la grève et du lock-out dans l’industrie québécoise de la construction
Pier-Luc Bilodeau
pp. 173–203
AbstractFR:
Depuis 1968, les relations du travail dans l’industrie québécoise de la construction sont encadrées par un régime d’exception au Code du travail, prévu dans la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’oeuvre dans l’industrie de la construction. En plus des contraintes très strictes contenues dans ce régime en ce qui a trait au recours à la grève ou au lock-out, le législateur semble avoir renoué, depuis 2013, avec une pratique délaissée au milieu des années 90 : l’adoption systématique de lois spéciales de retour au travail. L’examen de l’importance du secteur d’activité et de la conflictualité patronale-syndicale que l’on y observe depuis 20 ans soulève de nombreuses questions quant au bien-fondé de telles mesures extraordinaires, particulièrement depuis la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan.
EN:
Since 1968, labour relations in Québec’s construction industry have been governed by a legal regime distinct from the Labour Code and provided for in the Act Respecting Labour Relations, Vocational Training, and Workforce Management in the Construction Industry. In addition to the very strict constraints imposed by this regime on strikes and lockouts, the legislator seems to have returned, since 2013, to a practice abandoned in the mid-1990s : the systematic use of ad hoc back-to-work legislation. A review of the importance of the construction industry in Québec and of labour-management conflict during the last twenty years raises many questions about the merits of such extraordinary measures, especially since the decision of the Supreme Court of Canada in Saskatchewan Federation of Labour.
ES:
Desde 1968, las relaciones laborales en la industria quebequense de la construcción han sido reguladas por un régimen jurídico distinto al del Code du travail, (Código del Trabajo, provincia de Quebec, Canadá) previsto en la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’oeuvre dans l’industrie de la construction (Ley sobre Relaciones de Trabajo, Formación Profesional y Gestión de la Mano de Obra en la Industria de la Construcción, provincia de Quebec, Canadá). Además de las muy estrictas limitaciones contempladas por esta ley en lo referente a los aspectos de huelga y cierre patronal, pareciera que desde el año 2013 el legislador ha comenzado a aplicar de nuevo una práctica abandonada a mediados de los años noventa : la adopción sistemática de leyes especiales para el regreso al trabajo. El análisis de la importancia del sector de actividad y de la gestión de los conflictos sindicales-patronales de los últimos veinte años ha planteado numerosas interrogantes sobre las razones de tales medidas extraordinarias, particularmente después del pronunciamiento de la Corte Suprema de Canadá sobre el caso de la Saskatchewan Federation of Labour.
Chronique bibliographique
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Stéphanie Hennette-Vauchez, Marc Pichard et Diane Roman (dir.), La loi et le genre. Études critiques de droit français, Paris, C.N.R.S. Éditions, 2014, 799 p., ISBN 978-2-271-08207-7
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Catherine Malecki, Responsabilité sociale des entreprises. Perspectives de la gouvernance d’entreprise durable, Paris, L.G.D.J., 2014, 484 p., ISBN 978-2-275-04344-9