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Ce guide, compact, fort de 360 pages, est une mine d’informations et s’adresse principalement à toute personne profane ou non initiée qui souhaite acheter ou vendre un appartement en copropriété divise. L’auteur, Me Yves Joli-Coeur, avocat renommé, jouit d’une grande expertise dans le domaine de la copropriété. Cet ouvrage a l’avantage de se situer à un double niveau, en amont, à la phase réflexive, lorsque le projet d’achat et de vente se verbalise, puis, pendant la période d’exécution, lors des premières démarches jusqu’à la conclusion du contrat d’achat et de vente. Ce guide s’inscrit dans le droit fil des réflexions actuelles portant sur la copropriété divise, lesquelles se sont matérialisées récemment par un rapport rédigé par le Comité consultatif sur la copropriété[1] avançant un nombre important de recommandations précises. Ce guide illustre ces deux idées récurrentes : permettre une meilleure protection du public en matière de copropriété et promouvoir la diffusion de l’information aux divers intervenants en copropriété (acheteurs, copropriétaires, administrateurs, gestionnaires, etc.).
Législation récente[2] d’inspiration française, la copropriété fait l’objet d’un grand nombre de règles formelles, techniques, souvent teintées d’actualité puisque la copropriété est un droit dynamique[3] qui se situe au confluent d’autres droits comme celui des obligations, des sûretés ou de la responsabilité. Une réforme des règles relatives à la copropriété divise est actuellement envisagée, notamment par les notaires, les avocats et d’autres professionnels.
Cet ouvrage, qui ne fait guère mention de ce vent de réforme, ne se présente pas comme un ouvrage juridique. Il a vraisemblablement été conçu pour le grand public mais sera très certainement lu par des juristes non spécialisés en copropriété divise. Ce guide a le mérite de rendre plus simples et plus accessibles les règles et les pratiques qui entourent les transactions immobilières portant sur l’achat et la vente d’un appartement divis. Ce guide s’adresse au lecteur dans un style volontairement direct et entrecoupé d’encarts (Attention, À savoir et À retenir), certes un peu trop nombreux, mais qui font office d’aide-mémoire afin de guider la pensée du lecteur et surtout d’attirer son attention sur les informations qu’il tiendra à mémoriser. Me Joli-Coeur nous dépeint la copropriété, phénomène sociologicojuridique, comme un univers gouverné par de multiples règles, au demeurant complexes, imposant des devoirs et des obligations à un certain nombre d’acteurs, comme le courtier, le notaire, l’arpenteur-géomètre, le syndicat de copropriétaires mais aussi l’acheteur et le vendeur. La dynamique du guide est ainsi faite : l’auteur insiste sur l’importance d’identifier, et surtout de bien identifier, les acteurs, leurs rôles et les limites de leur mission et de leur compétence lorsqu’on s’apprête à acheter ou à vendre un appartement divis. Ce guide s’annonce parfois comme une bonne publicité vantant les mérites de recourir à un professionnel du droit ou du moins à un courtier immobilier. S’agissant de sa structure, cet ouvrage est divisé en quatre parties : la première, intitulée « Achat d’un condo » (p. 35), est la plus volumineuse, 200 pages, et pour cause, elle traite de toutes les différentes étapes tant réflexives et pratiques qu’administratives et juridiques qui mènent à l’achat ; les trois autres parties sont d’une longueur quasi identique, une quarantaine de pages : la deuxième partie traite de la « vente d’un condo » (p. 233), la troisième partie s’intéresse aux « opérations et acteurs de la période préachat » (p. 273) et la quatrième partie s’arrête sur la « transaction de vente et d’achat » (p. 317).
Me Joli-Coeur expose, dans un langage clair et avant toute considération d’ordre juridique, les avantages et les contraintes d’opter pour le mode de vie en copropriété divise. Il interpelle directement le citadin en évoquant les raisons intimes qui le conduiront à opter pour un tel modèle de développement urbain. Il rappelle, à juste titre, que cet engouement récent pour la copropriété divise est la conséquence d’une demande soutenue tant par les premiers acheteurs, pressés d’accéder à la propriété (fortement encouragés, selon nous, par une politique incitative de crédit) que par les nouveaux retraités ou encore par les couples en voie de séparation. Me Joli-Coeur décrit, avec aisance, les enjeux économiques, débordant le cadre législatif, liés à l’achat d’un appartement en copropriété divise qui, au demeurant, s’avère être un excellent placement immobilier à long terme.
Même si l’on regrettera l’absence d’indications législatives précises, d’une bibliographie et surtout d’un index, le juriste ne sera que peu ou pas désorienté par la somme d’informations, bien présentées et souvent illustrées à l’aide d’exemples concrets, d’autant que l’auteur insiste sur l’importance de recourir aux services d’un juriste, par exemple, afin de décrypter une déclaration de copropriété. Pour reprendre cet exemple, l’acheteur peut être confronté à certaines modifications ou à des ajouts apportés au fil des années au règlement de l’immeuble qui pourraient être incohérents avec les prévisions faites dans la déclaration de copropriété[4]. Me Joli-Coeur martèle aussi, tout au long de l’ouvrage et dans certaines sections, l’importance du rôle des courtiers immobiliers, acteurs selon lui incontournables, en insistant également sur les pièges des sites immobiliers en ligne proposant l’achat ou la vente sans intermédiaire. Me Joli-Coeur conseille en outre d’obtenir certaines informations précises et de lire attentivement les documents sollicités, avant l’achat d’un condo. Il suggère de glaner des informations auprès du voisinage, au moyen de discussions et de visites à des heures et à des jours différents. Il prône l’analyse méticuleuse des documents entourant la promesse d’achat ou le contrat préliminaire lors d’une vente faite par un promoteur, par exemple, pour les plus significatifs : la déclaration de copropriété, les procès-verbaux des assemblées générales et des réunions des conseils d’administration. Nous serions tentée de dire, à condition que ces derniers existent, ce qui est souvent rare dans les petites copropriétés du type duplex et triplex. Or, bien souvent, dans les petites et moyennes copropriétés et compte tenu aussi de la rapidité des transactions sur le marché immobilier et notamment dans certains secteurs de la ville de Montréal, il est difficile d’obtenir ces documents et d’y apporter le soin approprié. Ainsi, se justifie le choix consciencieux d’un courtier, compétent et reconnu dans son secteur d’activité. Me Joli-Coeur préconise de surcroît l’insertion d’un certain nombre de conditions suspensives dans la promesse d’achat la rendant conditionnelle, laissant dès lors le temps pour des vérifications nécessaires afin d’expertiser l’immeuble et d’effectuer des démarches concernant le prêt d’argent. Ces conditions suspensives doivent être assorties d’un délai et devront pouvoir être levées lors de la réception de certains documents, à condition qu’ils soient à la satisfaction de l’acheteur.
Ce guide comporte des passages fort utiles, notamment dans la première partie, qui se retrouvent rarement dans un livre consacré à la copropriété, comme les explications sur le financement hypothécaire, la réalité de la mise de fonds, ou encore des passages anecdotiques comme l’origine de la taxe de « bienvenue ».
Certaines astuces ou mises en garde, sur des sujets aussi variés que complexes, seront appréciées comme le montant peu élevé des charges communes masquant en réalité un défaut d’entretien et présageant un appel de charges additionnelles ; la possibilité pour un acheteur potentiel d’assister à une assemblée de copropriétaires avec l’accord du vendeur le désignant comme son mandataire au moyen d’une procuration ; la possibilité encore de prévoir une clause supplémentaire dans sa police d’assurance personnelle pour garantir le contenu trop limité de la police d’assurance prise au nom du syndicat des copropriétaires ; la consultation en ligne du plan cadastral et l’obtention du certificat de localisation ; l’existence possible d’un droit de préemption dans certaines petites copropriétés ; l’obtention d’informations auprès du syndicat de copropriétaires sur la gestion courante de la copropriété via une autorisation d’accès au registre de copropriété ; la faculté de dédit dans un contrat préliminaire signé avec le promoteur même en l’absence de clause ; la possibilité d’exiger le versement des acomptes dans un compte en fidéicommis ouvert par le notaire du promoteur ; l’affichage abusif dans les parties communes de l’enseigne « À vendre » ; ou encore le simple rappel de la conservation des copies des factures, des photographies, des rapports d’expertise, dans un lieu autre que son habitation.
Me Joli-Coeur n’hésite pas à aborder certaines questions sensibles, notamment lorsqu’il fait état des avantages et des inconvénients de recourir au notaire du promoteur, c’est-à-dire au notaire du vendeur, alors qu’en principe, à défaut d’entente entre les parties, l’acheteur choisit son notaire[5]. La centralisation des actes par le notaire du vendeur-promoteur, prévue par l’effet d’une clause insérée dans le contrat préliminaire du promoteur, peut poser quelques difficultés sur le plan juridique et éthique. Ce notaire, chargé de rédiger la déclaration de copropriété, devra détailler, en principe, son contenu et faire état de ses limites aux acheteurs potentiels. Il peut se trouver dans une situation de conflit d’intérêts et, à plus forte raison, lorsqu’il convient de travailler gratuitement pour le promoteur en échange de l’exclusivité des transactions de vente et d’achat. Ce type de pratique est dénoncé par Me Joli-Coeur. On l’aura compris, ce guide se pose comme un garde-fou, une sorte de rempart protecteur entre le public et les règles complexes de la copropriété jouées par de nombreux acteurs. Me Joli-Coeur en appelle à la vigilance de l’acheteur ou du vendeur et formule un certain nombre de précautions, parfois longuement, ce qui pourrait susciter des froncements de sourcils, notamment quant au choix du courtier et surtout du notaire, qui devront être des professionnels justifiant, selon lui, d’une solide formation en copropriété divise. Ce qui nous amène à conclure que l’entrée en copropriété ne s’improvise pas.
Appendices
Notes
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[1]
Chambre des notaires du Québec, Rapport du groupe de travail sur la copropriété, 2011, [En ligne], [www.justice.gouv.qc.ca/francais/publications/rapports/pdf/rapp_cnq_mars2011.pdf] (15 janvier 2014) ; Ministère de la Justice du Québec, Rapport du Comité consultatif sur la copropriété présenté au ministre de la Justice monsieur Bertrand St-Arnaud et au conseil d’administration de la Chambre des notaires du Québec, 2012, [En ligne], [www.justice.gouv.qc.ca/francais/publications/rapports/pdf/rapp_cnqFINAL_nov2012.pdf] (15 janvier 2014) ; pour une vision claire et détaillée des travaux, voir Michel Paradis, « Suggestions en vue d’une réforme anticipée du droit de la copropriété à l’intention des membres du Barreau et de la Chambre des notaires », dans S.F.C.B.Q., vol. 366, Développements récents en droit de la copropriété divise, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013.
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[2]
La Loi concernant la copropriété des immeubles, L.Q. 1969, c. 76, a été sanctionnée le 28 novembre 1969.
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[3]
Pour une vision juridique sur le sujet : Serge Allard, La copropriété divise, 2e éd., Montréal, Chambre des notaires du Québec, 2006 ; Christine Gagnon, La copropriété divise, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, no 13 ; Pierre-Claude Lafond, Précis de droit des biens, 2e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2007 ; Denys-Claude Lamontagne, Biens et propriété, 5e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, no 385. Pour une vision synthétique : Aurore Benadiba, « La copropriété divise », dans Droit immobilier québécois, Brossard, Publications CCH, mise à jour continue.
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[4]
Dans un même ordre d’idées, nous serions tentée d’évoquer le débat actuel en doctrine et devant les tribunaux sur la modification tacite de la déclaration de copropriété. Bien souvent, les petites copropriétés font fi des règles formelles concernant la tenue annuelle des assemblées et fonctionnent sur la base d’échanges verbaux, d’actes de tolérance qui peuvent porter atteinte aux dispositions contenues dans la déclaration de copropriété. Encore récemment, dans la décision Lavallée c. Simard, 2011 QCCA 1458, les juges ont déclaré qu’une pratique reconnue et acceptée majoritairement par les copropriétaires pouvait emporter la modification informelle de la déclaration de copropriété. Il faut tout de même indiquer que cette position des tribunaux est remise en cause par le récent rapport final du Comité consultatif sur la copropriété qui s’oppose clairement à toute modification tacite de la déclaration de copropriété en proposant la recommandation 3.0 en ce sens : Ministère de la Justice du Québec, préc., note 1.
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[5]
Article 40 (4) de la Loi sur le notariat, R.L.R.Q., c. N-3.