Le droit est une création de l’homme qui vise spécifiquement à régir les rapports et la vie en société. Notre façon d’écrire le droit devrait donc être claire et compréhensible pour la population. Pourtant, des études montrent que 77 p. 100 des citoyens trouvent les textes juridiques difficiles à comprendre. De plus, la plupart des Québécois ne peuvent pas expliquer les termes juridiques les plus simples. Ces données s’expliquent, en partie, par le fait que 49 p. 100 de Québécois âgés de 16 à 65 ans n’ont pas le niveau d’alphabétisation nécessaire pour fonctionner pleinement dans la société d’aujourd’hui. Or, le problème est nécessairement plus large puisque, bien souvent, le langage juridique est aussi difficile à comprendre pour la personne lettrée, qu’elle soit médecin, ingénieur, PDG d’entreprise ou universitaire. Il arrive même que les juristes, aussi compétents soient-ils, ne s’y retrouvent pas. Fait surprenant pour certains peut-être : c’est le style juridique qui pose problème, bien plus que les termes juridiques comme tels. Ce style lourd et obscur rend souvent l’énoncé des textes juridiques plus complexe qu’il ne l’est en réalité. Or, nombreux sont les juristes qui s’y accrochent et résistent à l’emploi d’un langage clair en droit. Ils croient erronément : Les juristes font aussi fi des avantages économiques que procure la rédaction d’un texte en langage clair. Il fut un temps où le langage jargonneux de l’expert en imposait à la population. Or, si l’hermétisme du langage juridique a longtemps suscité crainte et admiration envers la profession, tel n’est plus le cas. Aujourd’hui, les Québécois sont plus informés que jamais, notamment en raison de l’avènement des technologies de l’information. Ils souhaitent être davantage impliqués dans la gestion de leurs enjeux juridiques. Ils revendiquent de plus en plus le droit de comprendre. Le langage clair en droit n’est plus une simple question d’accès à la justice. Il en va également de l’avenir de la profession. L’intérêt pour le langage clair en droit ne date pas d’hier. Il est né au début du xxe siècle en Angleterre, puis aux États-Unis, et a pris une grande importance dans les années 70 sous l’effet du mouvement de défense des consommateurs et du « Plain Language Movement ». Depuis : Certes, changer notre style juridique traditionnel est un travail long et exigeant. Mais ce changement est possible et surtout inévitable dans la mesure où la profession répond de moins en moins aux réalités et aux attentes de la société d’aujourd’hui. Ce changement requiert du courage et une ouverture d’esprit de la part des juristes. Il exige également que tout juriste reconnaisse l’importance de son rôle de communicateur et qu’il développe une solide expertise en langage clair, puisque communiquer clairement ne s’improvise pas. Le présent article n’est pas un cours sur les principes du langage clair en droit, ni un exposé des règles et des méthodes de réécriture de lois, de jugements et de contrats en langage clair. Il se veut une première étape nécessaire au changement. Il vise à préciser la notion de langage clair et à souligner les avantages considérables qui peuvent en découler pour le juriste et le client. Le juriste convaincu pourra ensuite aller plus loin et chercher à savoir comment s’y prendre pour rédiger en langage clair. Les textes juridiques (lois, jugements, doctrine, contrats, etc.) sont d’abord et avant tout des actes de communication. Ils devraient donc être écrits selon les principes du langage clair en droit, lesquels ne sont ni plus ni moins que des principes de communication efficace. Or, tel n’est pas le cas. Disons-le d’emblée : les termes juridiques ne sont pas le principal …
Le langage clair en droit : pour une profession plus humaine, efficace, crédible et prospère ![Record]
L’article qui suit a été écrit à l’occasion de la 10e Conférence annuelle Claire L’Heureux-Dubé tenue le 13 septembre 2013 à l’Université Laval. Cette conférence était donnée par Me Michel Bouchard, président du conseil d’administration d’Éducaloi et anciennement sous-ministre de la Justice du Québec et sous-ministre associé de la Justice du Canada.
Rédigé par une avocate d’Éducaloi spécialiste en vulgarisation juridique, cet article a servi d’inspiration à Me Bouchard pour le thème de sa conférence : « En langage clair, savoir c’est pouvoir ». Ses propos portaient notamment sur l’importance fondamentale de l’information et de l’éducation juridiques, ainsi que du rôle de communicateur des juristes.