Abstracts
Résumé
Dans l’article qui suit, le dernier d’une série de trois, les auteurs poursuivent leur réflexion sur le passage d’une compréhension individuelle de la théorie des contrats à une conception reflétant davantage la complexité polyphonique et intersubjective de la relation obligationnelle. À cette fin, ils appliquent les approches dialogique et polyphonique, qui concernent l’altérité discursive et la non-unicité du sujet parlant en linguistique, à la matière contractuelle. Dans un premier temps, et afin d’élaborer des définitions fonctionnelles des deux notions en question, ils cherchent à établir la pertinence et le rôle que peuvent jouer le dialogisme et la polyphonie au sein du droit des contrats. Dans un deuxième temps, ils s’attachent à l’analyse discursive du contrat comme pratique sociale afin d’évaluer le poids des considérations intralinguistiques et extralinguistiques en matière d’analyse contractuelle. Dans un troisième temps, enfin, ils démontrent comment le modèle proposé peut s’appliquer de façon concrète. Leur objectif final est de faire un autre pas vers l’intégration des concepts de dialogisme et de polyphonie dans la notion de contrat de droit privé et vers la compréhension de la raison d’être de tels phénomènes dialogiques et polyphoniques dans l’univers juridique.
Abstract
In this article — which is the last in a series of three — the authors further develop their critical reflections on the transition from an individual understanding of contract theory to considerations that more explicitly illustrate the polyphonic and intersubjective complexity of the obligational relationship. To this end, borrowing from the field of linguistics, they apply the conceptual approaches of dialogism and polyphony, which relate to discursive alterity and the non-uniqueness of the speaker, to the contract matter. First of all, in order to elaborate functional definitions of these two notions, they seek to establish the relevance and the part that dialogism and polyphony may play in contract law. They then turn to the discursive analysis of the contract as a social practice in order to measure the significance of intra- and extra-linguistic considerations in relation to contractual analysis. Lastly, they demonstrate how the proposed model may be applied to authentic contract texts. The ultimate objective is to take another step towards the integration of dialogism and polyphony into the private law conception of the contract and towards the understanding of the raison d’être of such dialogical and polyphonic phenomena in the field of law.
Article body
Dans le présent article, le dernier d’une série de trois, nous poursuivons notre réflexion sur le passage d’une compréhension individuelle de la théorie des contrats à une conception reflétant davantage la complexité polyphonique et intersubjective de la relation obligationnelle[1]. À cette fin, nous appliquons les approches dialogique et polyphonique, qui concernent l’altérité discursive et la non-unicité du sujet parlant en linguistique, à la matière contractuelle. Par une telle approche multidisciplinaire, nous voulons encourager le renouveau épistémologique en matière de théorie du contrat[2].
Préalablement, nous avons fait le point sur trois cadres théoriques majeurs, à savoir la polyphonie énonciative de Ducrot, le dialogismepraxématique de Bres et la polyphonie linguistique de Nølke[3]. Ce tour d’horizon nous a permis d’établir que, en dépit des nombreuses lignes de fracture entre les approches d’inspiration linguistique, discursive ou littéraire ou encore entre les études empiriques et les spéculations théoriques, il nous semble difficile de traiter de la polyphonie au sein du contrat sans faire référence au dialogisme, et vice versa. En effet, comme le souligne Amossy, « en rabattant une notion sur l’autre, les sciences du langage se privent d’un instrument précieux[4] ».
Notre défi, avant même de passer à l’étape des analyses concrètes qui chercheront à appuyer notre hypothèse concernant le caractère dialogique et polyphonique du phénomène contractuel, sera donc d’élaborer un cadre conceptuel qui saura articuler les apports théoriques essentiels des trois cadres susnommés et qui, simultanément, s’orientera précisément vers le traitement de la matérialité discursive contractuelle.
Dans le but d’élaborer des définitions fonctionnelles des deux notions en question, nous chercherons d’abord à établir la pertinence et le rôle que peuvent jouer le dialogisme et la polyphonie au sein du droit des contrats (1). Ensuite, nous nous attacherons à l’analyse discursive du contrat comme pratique sociale afin d’évaluer le poids des considérations intralinguistiques et extralinguistiques en matière d’analyse contractuelle (2). Enfin, nous démontrerons comment le modèle que nous proposons peut s’appliquer de façon concrète (3). Ainsi, nous espérons faire un autre pas vers l’intégration des concepts de dialogisme et de polyphonie dans la notion de contrat de droit privé et vers la compréhension de la raison d’être de tels phénomènes dialogiques et polyphoniques dans l’univers juridique.
1 Le dialogisme et la polyphonie au sein du contrat
La comparaison que nous avons faite des trois principales théories du dialogisme et de la polyphonie nous a menés à conclure que les différences observées portent plus sur les corpus et les méthodes que sur les phénomènes linguistiques en cause, puisque les marques de la polyphonie sont, chez les partisans de la polyphonie[5], les mêmes que Bres[6] évoque au titre du dialogisme[7]. Toutefois, il est important pour notre propos de souligner que le débat sur les définitions respectives du dialogisme (1.1) et de la polyphonie (1.2) repose sur des dichotomies persistantes, soit entre langue et discours, entre discours et texte, de même qu’entre description linguistique et interprétation discursive :
La complexité des phénomènes semble imposer à tous les niveaux une saisie dichotomisante, comme s’il fallait à tout prix distinguer le socle proche et solide des phénomènes linguistiques du terrain mouvant des interprétations, que les linguistes concèdent aux littéraires : ainsi de la distinction entre dialogisme et polyphonie chez Bres et Nowakowska, de la distinction entre polyphonie linguistique et polyphonie littéraire chez Nølke […] Le point central du débat, c’est, tout autant que l’opposition entre langue et discours, la double question de palier pertinent pour le marquage des phénomènes d’hétérogénéité qui ne relèvent pas simplement d’une grammaire, mais encore des interactions, ainsi que la détermination des niveaux où situer l’interprétation, dès lors que l’on réfléchit aux phénomènes de langue… en discours[8].
Notre but est alors non de repenser les avancées théoriques en matière de dialogisme et de polyphonie linguistique, mais d’en arriver à l’élaboration de définitions fonctionnelles et à la proposition d’un modèle concret pour l’analyse du contrat.
1.1 Les traces dialogiques au sein du contrat
Nous avons antérieurement établi que le dialogisme représenté, qui est mis au jour à travers des éléments observables et repérables ou le fil du texte, s’articule toujours autour d’« un autre niveau d’hétérogénéité : celui, tout autre, dégagé et théorisé dans des approches non proprement linguistiques du langage, reconnaissant […] le caractère constitutif pour tout dire, et en chaque point, de l’ailleurs et du déjà-dit[9] ». Cette hétérogénéité constitutive représente le lieu de réflexions théoriques qui traversent les sciences humaines et donc le droit. Il est ainsi possible de l’appréhender à travers les notions de dialogisme (Bakhtine) et de mémoire discursive, qui découle d’une relecture de Foucault[10].
Ce sont les mots eux-mêmes, les formulations et les dires transportés au gré des discours des différents acteurs visés qui sont porteurs de mémoire, et non les acteurs qui les énoncent. Cela rejoint de ce fait la notion de dialogisme et les conceptions de Bakhtine, pour qui les mots ne sont pas « neutres » mais toujours « habités », c’est-à-dire traversés par les dires des autres. C’est cette hétérogénéité dont peut rendre compte en premier lieu la notion d’hyperstructure qui se subordonne à celle de genre[11]. Il s’agit d’une hétérogénéité globale qui se décline autour d’une unité thématique commune, puisque des mots, des formulations, des dires fonctionnent forcément en écho d’un document à un autre à l’intérieur d’une même hyperstructure, et que ce sont justement les liens formels et sémantiques qui sont tissés d’une unité discursive à une autre qui en témoignent[12].
Le mécanisme de mémoire discursive souligne « le fait que toute production discursive […] fait circuler des formulations antérieures, déjà énoncées[13] ». Ce mécanisme participe de ce fait à l’orientation dialogique constitutive de tout énoncé, qu’il soit ou non contractuel :
Le discours rencontre le discours d’autrui sur tous les chemins qui mènent vers son objet, et il ne peut pas ne pas entrer avec lui en interaction vive et intense. Seul l’Adam mythique, abordant avec le premier discours un monde vierge et encore non dit, le solitaire Adam, pouvait vraiment éviter absolument cette réorientation mutuelle par rapport au discours d’autrui, qui se produit sur le chemin de l’objet[14].
Dans l’espace occupé par un texte singulier, chacun peut trouver des éléments observables de la présence quasi clandestine de discours transverses (l’interdiscours[15] qui est le résultat du mécanisme dialogique), à la place ou à côté, voire à l’intérieur de discours explicitement représentés (l’intertexte qui est le résultat du mécanisme polyphonique). Cela nous renvoie à la différence entre les constructions antérieures (l’axe vertical) et ce qui est construit par l’énonciateur dans l’intradiscours (l’axe horizontal). Il importe de souligner que, en nous interrogeant sur la fonction des rappels mémoriels à propos de la mémoire des mots ou des discours transverses, nous nous aventurons au-delà de la description, vers le niveau de l’interprétation. En effet, ici se pose la question de la réception par les lecteurs ordinaires qui n’ont pas pour métier d’analyser, par rapport à une polyphonie davantage maîtrisée — et maîtrisable — par tout locuteur.
Même si le contrat est rédigé dans un style dit objectivisé, son intertexte est constitué de plusieurs voix (par exemple, les parties contractantes, la loi, la jurisprudence), ce qui contribue à construire des domaines de mémoire, qu’il s’agit de mettre au jour à partir des formes linguistiques ou sémiotiques qui témoignent de cette interdiscursivité plus ou moins voilée et qui participent à l’orientation pragmatique du genre discursif que constitue le contrat. Ce genre rédactionnel se caractérise par une forme spécifique de construction dialogique : un dialogisme interactionnel, qui se manifeste par la prise en considération des interrogations que le locuteur-scripteur imagine chez ses destinataires[16] ; et un dialogisme interdiscursif, qui se manifeste dans le recours aux savoirs établis dans le domaine, donc à la loi.
Si l’énoncé a toujours en effet un destinataire, « l’auteur d’un énoncé, de façon plus ou moins consciente, présuppose un sur-destinataire supérieur[17] ». Le locuteur ne s’adresse donc pas seulement aux destinataires empiriques, présents ou virtuels, de la situation de communication dans laquelle il se situe. Il entre également en dialogue avec le représentant prototypique de la communauté langagière à laquelle il appartient ou à laquelle il s’adresse, dans notre cas, la société québécoise :
Un auteur ne peut jamais s’en remettre tout entier, et livrer toute sa production verbale à la seule volonté absolue et définitive de destinataires actuels ou proches […] et toujours il présuppose (avec une conscience plus ou moins grande) quelque instance de compréhension responsive qui peut être différée dans des directions variées. Tout dialogue se déroule, dirait-on, en présence du troisième, invisible, doté d’une compréhension responsive, et qui se situe au-dessus de tous les participants du dialogue (les partenaires)[18].
1.2 Les traces polyphoniques au sein du contrat
Le terme « polyphonie » focalise le regard sur une pluralité de voix manifestée dans le discours. Contrairement à l’hétérogénéité constitutive du dialogisme[19], l’hétérogénéité montrée de la polyphonie suppose que le locuteur met en scène les voix/points de vue qu’il convoque dans son discours : « Toute causerie est chargée de transmissions et d’interprétations des paroles d’autrui. On y trouve à tout instant une “citation”, une “référence” à ce qu’a dit telle personne, à ce qu’“on dit”, à ce que “chacun dit”, aux paroles de l’interlocuteur, à nos propres paroles antérieures, à un journal, une résolution, un document, un livre[20]. »
Partant de cette idée que la polyphonie se réfère à une coexistence manifeste de voix/points de vue dans le discours, nous postulons qu’il est possible de parler de polyphonie dès que deux voix discursives coexistent au sein d’un même discours. Le locuteur-scripteur est présenté comme celui par qui l’énoncé existe et celui qui est en relation directe avec le centre déictique, à savoir l’ensemble des coordonnées spatiotemporelles qui définissent l’énoncé comme un événement singulier. Le locuteur est donc celui qui peut utiliser les embrayeurs, mais également celui qui peut les gommer en recourant à une stratégie[21] discursive[22]. Ainsi formulée, la polyphonie est compatible avec un dialogisme acceptant que le locuteur construise son point de vue à partir de paroles et de points de vue exprimables sous forme d’énonciateurs qui représentent des êtres discursifs individuels ou collectifs, identifiables ou non. Enfin, soulignons que le locuteur se construit toujours une double présence au sein du texte : il est à la fois le producteur de l’énoncé qui gère les liens de prise en charge, et un des énonciateurs qui expriment un point de vue.
2 La recherche de définitions fonctionnelles et la proposition d’un modèle d’analyse
Le texte contractuel devient alors une mosaïque de voix, constituée d’une pluralité de fils intertextuels, et le fil horizontal du discours apparaît, de façon implicite ou explicite, fracturé. Le scripteur s’avère le gestionnaire de cet intertexte à plusieurs voix (le dialogisme) et il se doit de négocier avec les dires présumés des destinataires et ses propres dires (la polyphonie) ; un difficile équilibre est recherché entre l’opacité et la transparence « agissant comme des forces centrifuges et centripètes[23] ».
Le scripteur se trouve ainsi contraint de négocier entre les discours prévisibles de ses lecteurs présumés, la multiplicité des discours autres convoqués et la conscience d’un surdestinataire. Ce sont là les contraintes discursives de la situation d’énonciation, qu’il ne faut pas confondre avec ses paramètres sociaux[24]. Or, cette négociation intérieure plus ou moins consciente, avec cette diversité de discours autres, ne peut être saisie qu’au travers des traces manifestes de dialogisme et de polyphonie qui surgissent dans la matérialité textuelle. Ce qui nous amène à la description et à la définition fonctionnelle de ces deux concepts :
le dialogisme contractuel fait référence aux relations constitutives que tout contrat entretient avec les énoncés produits antérieurement au sein du genre discursif contractuel — les relations interdiscursives — ainsi qu’avec les énoncés ultérieurs que pourraient produire les cocontractants — les relations interactionnelles. Les marques dialogiques peuvent êtres opaques ou transparentes et se manifestent, souvent à l’insu du locuteur, sur le niveau du discours tout en ouvrant sur des enjeux sociopragmatiques majeurs ;
la polyphonie contractuelle concerne la mise en scène énonciative de la part du locuteur-scripteur, qui se cache derrière un style objectivisé pour véhiculer son point de vue ainsi que ceux des autres énonciateurs qu’il souhaite représenter (dont les parties contractantes). Il s’agit d’une stratégie discursive ancrée dans le niveau linguistique et dont les retombées se manifestent sur le niveau social à travers un processus de médiation discursive.
Afin d’illustrer les définitions fonctionnelles que nous avons élaborées et l’analyse concrète que nous proposons, nous avons conçu un cadre conceptuel de l’analyse du contrat qui se résume dans un modèle tétraédrique. L’égalité des trois arêtes et des surfaces qui les relient symbolise le poids égal de chacune de ses composantes dans l’analyse. En effet, une analyse complète et exhaustive saura toucher les dimensions linguistique, discursive et socioréférentielle du phénomène contractuel, qui correspondent respectivement aux objectifs premiers suivants : la description, l’interprétation et l’explication de la relation contractuelle.
En fonction d’un objet de recherche limité et précis, à savoir la nature dialogique et polyphonique du contrat, il s’agit donc, dans un premier temps, de définir les contours de l’objet d’étude, le corpus de référence auquel il est fait appel, avant de repérer les éléments observables de l’analyse et de recueillir les données des sous-corpus de travail, constitués de formes linguistiques sur lesquelles s’appuie la description[25]. Nous proposons donc une démarche méthodologique solidement ancrée dans la description linguistique à partir d’un nombre de paramètres langagiers (préétablis ou encore déterminés au fur et à mesure selon les besoins de l’analyse)[26] qui marquent la structure polyphonique du contrat à l’étude.
Il convient donc de décrire minutieusement les formes sémantiques et sémiotiques qui composent les différentes unités discursives au niveau local ainsi que les fils qu’elles tissent dans l’ordre horizontal du discours (l’ordre du texte, sa linéarité, ce qui renvoie à la notion d’intratextualité) et dans l’ordre vertical du discours (les discours transverses auxquels elles se réfèrent, explicitement (polyphonie) ou implicitement (dialogisme), ce qui renvoie aux notions d’intertextualité, d’interdiscursivité et de mémoire interdiscursive). La mise au jour des différents voix et points de vue présents au sein du texte contractuel en question permet d’accéder au niveau de l’interprétation cotextuelle (et par le fait même discursive), où se rencontrent les phénomènes dialogiques et polyphoniques. C’est à partir de ces observations linguistico-discursives qu’il est possible d’élaborer et de justifier des explications de nature socioréférentielle.
Nous proposons ainsi une approche qui sait allier l’analyse de faits linguistiques locaux à l’étude du global (celle de l’énoncé, celle de l’hyperstructure, celle du genre), à une interprétation informée par ces descriptions partielles transversales, qu’il s’agira ensuite d’articuler en fonction des hypothèses que nous avons construites et que nous reconstruirons et vérifierons au fur et à mesure des observations effectuées.
3 L’analyse discursive du contrat : exemplification
3.1 L’analyse socioréférentielle
Intuitivement, nous observons que la langue occupe une position de plus en plus saillante à l’intérieur de notre société. Son importance économique a augmenté considérablement au sein de l’ère postindustrielle. Comme l’affirme Giddens[27], cette évolution a mené à une prise de conscience de l’usage langagier qui semble à la base d’un contrôle plus marqué de cette production linguistique. La nécessité d’étudier la langue dans ce large contexte social est devenue incontournable.
Si nous considérons le discours contractuel comme une forme de « pratique sociale[28] », sa conception implique une relation dialectique entre un événement discursif et la situation sociale qui l’encadre. Cette nature dialectique entraîne un mouvement dans deux sens : l’événement discursif est déterminé par son contexte social, mais il le modèle également. Dans la terminologie de Fairclough[29], le discours est socialement constitutif (constitutive) et socialement constitué (shaped). Cela dit, la relation entre le discours et les facteurs sociaux n’est pas directe, mais elle se manifeste à travers un processus de médiation[30]. Une analyse critique telle que nous la proposons, alors, « is essentially making visible the interconnectedness of things[31] ». Son objectif premier devient donc de « démystifier » et de « déchiffrer » le discours[32]. L’accent est mis sur le besoin d’un travail interdisciplinaire en vue d’acquérir une compréhension approfondie de la fonction du langage dans le processus de constitution et de transmission du savoir et d’organisation sociale. Par conséquent, notre approche se définit fondamentalement comme une analyse de relations structurelles, transparentes comme opaques, qui se manifestent par l’entremise du discours.
En rapport étroit avec la nature de la pratique sociale, il convient de distinguer le genre discursif[33] : « A genre is a way of acting in its discourse aspect […] Genres can be identified at different levels of abstraction : highly abstract “pre-genres” such as Narrative or Report [or contract], which generalize over many different forms […] at a more concrete level, disembedded genres […] and situated genres[34]. » Nous nous limiterons ici au niveau le plus général. Le contrat est un genre discursif à « énonciation objectivisée qui présente un intertexte à plusieurs voix, dont le médiateur reste le chef d’orchestre[35] ». Voilà un autre indice qui nous amène à investiguer davantage la piste polyphonique au sein du phénomène contractuel. Nous souhaitons maintenant dépasser la théorisation et creuser davantage la question de la raison d’être des phénomènes dialogiques et polyphoniques dans le genre discursif contractuel.
Max Weber a décrit la rationalisation comme une forme d’organisation sociale dans laquelle l’action sociale ne s’oriente plus vers le sens, la valeur ou la croyance, mais vers la stratégie[36]. Elle cherche à répondre aux questions de savoir si l’action est efficace, si elle atteint ses objectifs, et non plus aux questions de savoir si elle est bonne, ou si elle est ancrée dans la vérité. Il en résulte que l’action sociale rationalisée est construite comme une procédure, une méthode qui se réalise étape par étape, par l’intermédiaire de règles légalistes qui permettent d’atteindre le but de l’action de façon plus efficiente, plus économique. Par conséquent, dans l’interaction, ce n’est plus une représentation sociale consensuelle[37] qui lie les membres d’une société, mais plutôt des pratiques communes, des processus. Le sens perd ainsi sa portée et devient fragmenté et hétérogène. L’action sociale, quant à elle, devient de plus en plus homogène et enrégimentée. C’est ce que Zijderveld a appelé « the supersedure of meaning by function in modernity[38] ».
Il ne faut pas chercher loin pour trouver des exemples juridiques éloquents. En effet, il existe de nos jours une multitude de types de contrats qui peuvent porter notamment sur la propriété, les finances, les assurances ou l’emploi. Il n’existe donc plus de relation unifiée entre les cocontractants qui régit la cohésion du phénomène contractuel[39]. Par contre, il existe de plus en plus de règles formelles qui dictent la manière dont cette relation devrait être verbalisée. Il est alors permis de postuler qu’il y a moins d’actes de procédure, de formats et de gabarits contractuels (qui deviennent, par conséquent, plus puissants) et plus de réalisations de discours et de textes contractuels (qui s’estompent en conséquence). Bref, une hétérogénéité discursive et une homogénéité générique, formelle, se dessinent.
C’est précisément dans ce contexte que s’inscrit la problématique de la crise actuelle du contrat. En effet, comment continuer à parler du contrat comme le produit de la rencontre des volontés de deux parties dans une époque où le genre contractuel devient de plus en plus homogénéisé et standardisé ? Dans les mots de Prémont, comment aborder la relation obligationnelle, dans un contexte de contrat de masse, comme une véritable création juridique (soit la naissance de l’obligation contractuelle) à plusieurs voix, et donc comme le fruit de la volonté des parties et non comme un trope[40] ?
C’est ici que se fait sentir l’importance que nous avons accordée préalablement à la production langagière comme pratique sociale. Nous avons adopté la position que tout discours, tout texte, toute représentation sémiotique du monde, aussi abstraits qu’ils soient, doivent être interprétés comme des représentations de pratiques sociales. Comme le souligne Malinowski, « even in the most abstract and theoretical aspects of human thought and verbal usage, the real understanding of words is always ultimately derived from active experience of those aspects of reality to which the words belong[41] ». Pour démontrer le caractère dialogique et polyphonique du contrat ainsi qu’établir le lien avec une évolution de la vision du contrat, dont l’importance économique a augmenté considérablement au sein de l’ère postindustrielle, il faut alors étudier la façon dont le contrat, en tant que discours, relève de la pratique sociale, tout en la transformant.
3.2 L’analyse discursive et le poids des considérations intralinguistiques et extralinguistiques
Le cadre conceptuel du discours comme pratique sociale transformée de van Leeuwen[42] nous aide à mieux saisir la pertinence de l’étude des traces discursives polyphoniques dans le contrat. Van Leeuwen s’inspire des postulats sociaux de Weber et les met en relation avec le concept de recontextualisation de Bernstein[43] de même que la notion de discours comme cognition sociale de Foucault[44]. Ainsi, le discours, en tant que cognition sociale, devient une façon de représenter les pratiques sociales sous forme de texte. Étant donné que les pratiques sociales, nous l’avons vu, se révèlent de plus en plus régularisées, van Leeuwen met en évidence dix éléments qui nous permettent de reconnaître une action ou une pratique sociale :
un ensemble d’actions accomplies dans une séquence figée à un certain degré ;
un mode de performance qui procure des directives aux différentes séquences ;
un ensemble de participants dans des rôles préétablis ;
leurs conditions d’admissibilité ;
leurs styles de présentation ;
le temps ;
l’endroit ;
ses conditions d’admission ;
les ressources et les outils nécessaires pour accomplir l’action ;
leurs conditions d’admissibilité.
Selon ce schéma, le contrat écrit en tant que pratique sociale nécessite alors :
une approche entre au moins deux parties, l’établissement d’un accord, la rédaction, la lecture et la signature du contrat ;
la lecture du contrat, qui doit précéder la signature ;
les cocontractants ;
par exemple, la personne qui souhaite prendre une assurance auto doit posséder une voiture ;
par exemple, quand un contrat est signé en personne, les parties vont conclure l’échange en se serrant la main ;
le moment où se tiendra la signature du contrat (par exemple, pendant les heures d’ouverture) ;
l’endroit où aura lieu la signature du contrat (par exemple le siège de la compagnie) ;
le siège social de la compagnie qui doit être un bureau, etc. ;
du papier, un stylo, etc. ;
le stylo que fournit la compagnie ne portera pas, par exemple, une illustration d’un personnage de dessin animé, mais plutôt le logo de la compagnie en question.
Tous ces éléments sont assujettis à une chaîne de recontextualisation agissant comme un filtre entre la pratique sociale et le discours qui en découle, ce qui fait en sorte que nous pouvons en trouver des traces plus ou moins explicites dans le discours qu’est le contrat. La recontextualisation peut ainsi ajouter, supprimer, réarranger ou encore substituer certains éléments.
La polyphonie constitue dès lors l’un des processus de transformation nous permettant d’analyser les rôles des participants et leurs conditions d’admissibilité par l’entremise de traces discursives, comme nous l’illustrerons dans les prochaines pages avec les exemples de clauses contractuelles. Nous y observons les traces des conditions d’admissibilité des cocontractants, tandis que les pronoms personnels trahissent leur présence au sein du tissu discursif du contrat[45].
Si la polyphonie s’explique alors comme une trace directe de la pratique sociale dont le contrat est le résultat discursif final, le dialogisme reste indirect et souvent brouillé. En effet, le dialogisme n’est pas le lieu où le locuteur prend la responsabilité de l’énoncé en se positionnant par rapport à un nombre déterminé de points de vue, mais celui où il se fraie une voie dans le déjà-dit et le dire anticipé au gré d’un mouvement qui échappe partiellement à sa claire conscience. La polyphonie, par contre, est le lieu des décisions et des prises de position élaborées dans une interaction pleinement assumée avec l’autre. Le lien entre le contrat en tant que discours, d’une part, et en tant que pratique sociale, d’autre part, que la théorie de van Leeuwen[46] nous permet de faire, est ainsi tout à fait compatible avec les définitions et le cadre conceptuel élaborés antérieurement. Nous pouvons maintenant intégrer ces réflexions et observations sur le plan tant théorique que pratique, de même que linguistique et sociologique, à divers exemples de clauses contractuelles.
Nous en arrivons alors aux analyses linguistiques, qui se situent à la base du tétraèdre qui constitue notre cadre conceptuel. Toutefois, avant de procéder, une question importante qui se pose est de savoir si l’identité discursive institutionnelle dans lequel s’inscrit le contrat se réfère à des rôles fixes, prédiscursifs et complémentaires, tels que propriétaire-locataire, assureur-assuré ou employeur-employé. La notion fait-elle référence à toute identité qui se trouve représentée dans le discours produit en contexte institutionnel ? Est-il possible de désigner linguistiquement ce qui est institutionnel ? Fairclough argumente que l’interaction discursive qui se produit dans des situations sociales précises reflète des forces macrosociales[47]. Toute analyse des interactions institutionnelles devrait donc commencer par une critique des institutions visées et de leurs structures qui abritent des relations de pouvoir en fonction de laquelle se définit l’identité institutionnelle.
Cela dit, l’institution est difficile à définir. Intuitivement, elle est associée à un bâtiment physique (par exemple, le siège social d’une compagnie d’assurances) ou une structure organisationnelle, tel que le pouvoir judiciaire qui s’exerce au sein des tribunaux. Agar définit l’institution comme « une expertise socialement légitime et les personnes autorisées à l’implémenter[48] ». Cette définition suggère d’ailleurs les rôles sociodiscursifs binaires et asymétriques que crée le contexte institutionnel : l’« expert » ou représentant, qui détient l’autorité, versus le « non-expert » ou client, qui doit se plier aux normes institutionnelles. L’idée que l’institution est détentrice d’un pouvoir énorme qui influe sur les droits des individus et qui peut imposer un degré élevé de bureaucratie sur les interactions (par exemple, le contrat) relève des théories sociales d’Althusser et de Habermas, entre autres[49]. Ces théories décrivent un pouvoir unilatéral imposé par l’une des parties, dominante, sur la seconde partie, subordonnée. Cependant, d’autres théoriciens ont adopté des points de vue plus atténués qui traitent du pouvoir institutionnel dans un contexte de persuasion, de compromis et de coopération (pensons à Foucault)[50]. Cela rejoint d’ailleurs l’idée d’hégémonie de Gramsci[51]. Les observations d’ordre linguistique prennent donc leur plein potentiel seulement dans leur contextualisation discursive et sociale.
3.3 L’analyse linguistique
3.3.1 Les relations polyphoniques à travers les pronoms personnels
Afin d’illustrer notre démarche, nous analyserons un certain nombre d’exemples authentiques, extraits de contrats dans les domaines des assurances (sous-corpus A), des finances (sous-corpus F), de l’habitation (sous-corpus H) et des télécommunications (sous-corpus TC), que nous considérons comme paradigmatiques de la réalité contractuelle contemporaine[52]. Étant produits à grande échelle, ces contrats de masse se caractérisent par un déséquilibre latent entre les deux parties contractantes.
Nous avons défini antérieurement le genre discursif contractuel comme « rédigé dans un style objectivisé [dont l’]intertexte est constitué de plusieurs voix (les parties contractantes, la loi, la jurisprudence)[53] ». Des analyses concrètes nous incitent toutefois à préciser la nature de ce « style objectivisé ». En effet, lors de nos analyses, nous avons rencontré différents degrés d’objectivisation. L’observation la plus importante concerne la différence entre les contrats qui définissent les cocontractants en termes de « nous » et de « vous » (exemple 1), tandis que d’autres (exemple 2) désignent les deux parties visées à la troisième personne (l’assureur, l’assuré). Nous avons également repéré des formulations « hybrides » qui combinent l’usage des références à la deuxième et à la troisième personne (exemple 3).
Exemple 1
Par ce contrat et moyennant le paiement de la prime, nous [assureur] vous [assuré] couvrons contre les risques définis ou énumérés ci-après et auxquels vous [assuré] êtes généralement exposé en tant que locataire. (A1)
Sur le chapitre de la représentation identitaire dans le discours par l’entremise des pronoms, citons Volmert[54] qui établit ceci :
A speaker has at his/her disposal a whole range of (clever) options with which to present the interests and affairs of « we-groups » in the public sphere. In a speech during an election campaign, for example, a speaker can unite himself and his audience into a « single community sharing a common destiny » by letting fall into oblivion all differences in origin, confession, class and lifestyle with a simple « we ».
Les pronoms personnels employés dans le premier extrait permettent une identification extralinguistique immédiate, lors de la lecture, ce qui peut inspirer un certain degré de convivialité étant donné que la dichotomie « nous-vous » se trouve aussi dans le langage quotidien. En même temps, et pour les mêmes raisons, les relations de pouvoir semblent plus explicites. L’opposition entre les deux parties contractantes est clairement maintenue à travers l’emploi des pronoms personnels : le « nous » est employé dans une forme qui inclut le locuteur et qui exclut en même temps le destinataire, tandis que le « vous » subit le processus inverse. Par contre, il est intéressant ici d’observer que le « vous » est employé comme forme de politesse et, par conséquent, au singulier (« vous êtes généralement exposé »), tandis que le « nous » fait automatiquement référence à un collectif. Certains pourront interpréter cette observation comme un désir de représenter de multiples voix qui parlent comme une seule. Cela mène alors à un déséquilibre du poids des cocontractants, et donc à un déséquilibre dans la « rencontre » des volontés. Ce déséquilibre s’observe clairement dans l’exemple 2, qui définit la personne qui souscrit au contrat (« vous » : l’énonciateur) explicitement à partir d’une action accomplie par la banque (« nous » : le locuteur) :
Exemple 2
Dans cette Convention, « nous », « nos » et « notre » désignent la Banque [nom] et chacun de ses sociétés affiliées, représentants et fournisseurs de services. « Vous », « vos » et « votre » désignent la personne au nom de laquelle nous avons ouvert un compte [l’italique est de nous]. (F1)
Dans l’exemple 3, la formulation à la troisième personne est plus difficile d’accès, littéralement ; l’identification extralinguistique se passe en deux étapes plutôt qu’en une seule et le passage polyphonique qui en résulte est plus complexe. Cette étape intermédiaire peut occulter à un certain degré les relations de pouvoir inégales. Ainsi, nous observons que le rôle de l’« Assureur » a été gommé en ayant recours à une stratégie de personnification qui fait en sorte que le contrat (la police) en tant que tel devient l’acteur, et l’« Assuré », le patient de l’action exprimée :
Exemple 3
Cette police est une assurance de protection juridique consistant à fournir à l’Assuré une assistance juridique de même que les moyens financiers nécessaires, pour l’aider à trouver une solution amiable ou judiciaire à des litiges, le tout tel que ci-après défini. (A2)
Nous avons également repéré des formulations « hybrides » (exemple 4) qui emploient la troisième personne du singulier pour se référer à la compagnie qui propose le contrat de masse (donc, sur le plan linguistique, le locuteur) et le « vous » (toujours en forme de politesse) pour faire référence au client (qui, sur le plan linguistique, est un des énonciateurs). En combinant l’identification extralinguistique immédiate de l’énonciateur (client) et l’identification extralinguistique en deux étapes du locuteur (émetteur du contrat), les relations de pouvoir inégales sont occultées, tout comme dans l’exemple 2. Le recours à la troisième personne a notamment comme conséquence que les deux parties contractantes sont linguistiquement représentées au singulier (troisième personne du singulier et « vous » de politesse), outre qu’il gomme la présence linguistique du locuteur, qui normalement se représente à la première personne (« je » ou « nous ») :
Exemple 4
Si vous réglez une facture après l’échéance, [nom] applique des frais d’administration calculés à partir de la date de facturation, au taux en vigueur à cette date, jusqu’à la réception de votre paiement […] Si vous déménagez, vous demeurez responsable du paiement de votre facture d’électricité à votre ancienne adresse jusqu’à ce que vous ayez résilié votre contrat d’abonnement. Il est donc important que vous informiez [nom] de la date exacte de votre déménagement au moins sept jours à l’avance si vous êtes un client résidentiel. (H1)
Une stratégie semblable, illustrée dans l’exemple 5, consiste à suggérer l’accord entre les parties contractantes en ce qui concerne l’interprétation d’un certain élément, par l’emploi du pronom indéfini de la troisième personne (« on ») qui, grammaticalement parlant, exclut le locuteur, quoiqu’il soit clair que le locuteur est celui qui reste en contrôle du discours et qui met en scène l’accord de l’assuré avec son interprétation de « remorque d’équipement », d’autant plus que le contenu de cette définition n’est pas renégocié avec chaque client, mais qu’il s’agit plutôt d’une donnée préétablie :
Exemple 5
Nous couvrons […] les bateaux, les remorques d’équipement, les chasse-neige […]. On entend par « remorque d’équipement », un véhicule qui n’a aucun espace pour le chargement et qui ne sert à transporter que l’équipement ou la machinerie dont il est muni en permanence [l’italique est de nous]. (A1)
Observons que, dans certains cas particuliers, le recours à la troisième personne du singulier signifie que le locuteur est bel et bien externe aux parties contractantes. C’est notamment le cas du « bail de logement » produit par la Régie du logement du Québec (sur le plan linguistique, « la loi[55] »). Dans ces cas, d’autres éléments nous permettent d’établir, lors du passage polyphonique[56], que le locuteur ne correspond effectivement pas à l’un ou l’autre des cocontractants. Dans l’exemple 6, ci-dessous, c’est l’usage des constructions « doit » et « a l’obligation de » qui nous permet de confirmer que le locuteur est une instance tierce (« la loi »). En effet, selon le Trésor de la langue française et pour le commun des mortels, l’obligation, dans ce contexte, est un lien de droit, c’est-à-dire qu’elle vient imposer « par la loi à une personne de faire quelque chose[57] ». Il en résulte que l’instance qui formule cette obligation (« la loi ») est nécessairement externe aux parties contractantes :
Exemple 6
Les présentes mentions décrivent la plupart des droits et obligations des locataires et des propriétaires. Elles résument l’essentiel de la loi, sur le contrat de bail, soit les articles 1851 à 1978 du Code civil du Québec (C.c.Q.).
[…]
Le propriétaire a l’obligation de garantir au locataire que le logement peut servir à l’usage pour lequel il est loué et de l’entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail (art. 1854, al. 2 C.c.Q).
[…]
Le locataire doit maintenir le logement en bon état de propreté. Le propriétaire qui y effectue des travaux doit le remettre en bon état de propreté (art. 1911 C.c.Q.) [’italique est de nous]. (H2).
Enfin, soulignons que ces différences concernant les relations entre interlocuteurs ont seulement une incidence sur les traces polyphoniques. En effet, et comme nous l’explicitons ci-après, les traces dialogiques des six exemples des trois énoncés de l’exemple 6 opèrent selon les mêmes principes ; elles font notamment appel à la mémoire discursive pour ce qui est des notions (« prime », « locataire », « solution amiable » et « solution juridique »), qui prennent leur sens précis dans le contexte social du droit québécois dans lequel elles s’inscrivent (dans un autre contexte sociétal, un « locataire » peut avoir des droits et obligations différents et être assujetti à un autre type de bail).
3.3.2 Les traces dialogiques à travers les représentations sociales
Ainsi que le laisse voir l’exemple 7, les processus dialogiques peuvent s’orienter vers des discours préalables ou des discours ultérieurs anticipés, que ce soit de façon implicite (dialogisme constitutif) ou explicite (dialogisme montré) :
Exemple 7 (dialogisme constitutif)
L’Assuré désigné aux CONDITIONS PARTICULIÈRES et, s’ils sont domiciliés ou s’ils résident sous le même toit que lui, son conjoint légal ou de fait, les membres de leur famille et les mineurs dont ils ont la garde [l’italique est de nous]. (A2)
Exemple 8 (dialogisme montré)
a) son conjoint ;
[…]
Est considéré comme conjoint, celui ou celle qui l’est devenu par suite d’un mariage légalement contracté ou par le fait, pour une personne, de résider en permanence depuis plus d’un an avec une personne de sexe différent ou de même sexe qu’elle présente publiquement comme son conjoint [l’italique est de nous]. (A1)
Nous observons que, dans l’exemple 7, l’« Assureur » fait référence aux notions de « conjoint légal », de « conjoint de fait » et de « mineur ». Comme nous l’avons mentionné, il s’agit de concepts qui peuvent diverger d’une société à une autre ; dans le contexte québécois, il existe donc un lien dialogique entre ce texte et ses interdiscours qui ont préalablement contribué à sa définition.
Dans l’exemple 8 présenté plus haut, même si l’« Assureur » cherche à définir le même concept, celui de « conjoint », le mécanisme de représentation est différent, car l’interdiscours est ici représenté au sein du texte même : il en résulte que le dialogisme est montré. Qui plus est, son orientation n’est plus vers un texte préalable, mais plutôt vers la question anticipée du surdestinataire qui se demanderait en quoi consiste précisément un conjoint.
En ce qui concerne la notion de surdestinataire[58], nous observons que, dans le cas des contrats de masse, l’image du surdestinataire qu’évoque le texte n’est pas aussi abstraite et idéalisée que dans d’autres genres discursifs. En effet, l’analyse des traces discursives nous permet de constater que le locuteur ne cherche pas ici à adapter son énoncé aux instances prototypiques de ses destinataires ciblés, mais plutôt à imposer un certain nombre de contraintes aux candidats-contractants qui deviennent des conditions à l’adhésion. En d’autres mots, ce n’est pas le locuteur qui adapte son discours au surdestinataire, mais plutôt le destinataire qui doit correspondre à l’image du surdestinataire qu’impose le locuteur. Si le candidat-contractant refuse cette identification à l’image du surdestinataire, la relation contractuelle ne peut pas se réaliser. Ce phénomène s’observe dans l’exemple 9, où apparaît cette image du surdestinataire, qui correspond à ce que van Leeuwen a appelé les « conditions d’admissibilité des participants[59] » :
Exemple 9
6.1 Utilisation de vos équipements. Le Logiciel de communications par Internet peut recourir aux capacités de traitement, à la mémoire et à la bande passante de l’ordinateur (ou un autre appareil applicable) que vous utilisez, dans le seul but de faciliter la communication et d’établir la connexion entre les utilisateurs du Logiciel de communication par Internet.
6.2 AUCUN ACCÈS AUX SERVICES D’URGENCE. Le Logiciel ne remplace pas votre téléphone mobile ou fixe. Notamment, à l’exception des circonstances très limitées définies au paragraphe 5.6 des présentes Conditions (applicables uniquement au logiciel de communication par Internet [nom]), [nom] ne vous autorise pas à passer des appels vers des services d’urgence. Vous devez prendre des dispositions complémentaires pour vos communications afin d’être assuré de pouvoir passer des appels d’urgence, si nécessaire.
6.3 Pour votre commodité, [nom] peut vous fournir une traduction de la version anglaise des présentes Conditions. En cas de conflit entre une version non anglaise des présentes Conditions et la version anglaise, la version anglaise régira vos rapports avec [nom].
Ces clauses illustrent les différentes contraintes qu’impose le locuteur de façon implicite et explicite. Tandis que certaines contraintes semblent évidentes (pour utiliser le logiciel en question, il faut disposer d’un ordinateur), d’autres concernent des règles plus arbitraires qui sont imposées unilatéralement par le locuteur. Par exemple, le destinataire du contrat ne peut pas utiliser le service pour appeler un numéro d’urgence ; par conséquent, il doit s’abonner à un autre service téléphonique à cet effet. La clause 6.3 n’a qu’un impact immédiat réduit, mais elle peut mener à d’importantes conséquences ; le destinataire qui ne maîtrise pas l’anglais pourrait se voir privé d’information importante, car seule la version anglaise des conditions est considérée comme officielle.
Nous avons soulevé le fait que l’orientation dialogique se produit non seulement vers des textes antérieurs, mais également vers des textes ultérieurs anticipés. Les contrats de masse se caractérisent par le fait que le destinataire est en quelque sorte appelé à accepter ces textes ultérieurs avant même qu’ils existent. En effet, comme l’illustre l’exemple 10, le locuteur s’attribue le droit de mettre à jour unilatéralement certains aspects du contrat sans qu’une renégociation ait lieu. Le destinataire doit alors choisir : soit il accepte les changements, soit il met fin à la relation contractuelle. Une fois de plus, c’est à travers les traces discursives que nous pouvons observer le déséquilibre dans la relation contractuelle :
Exemple 10
[nom] peut apporter des modifications aux présentes Conditions de temps à autre. [nom] publiera les changements à l’adresse [lien]. Les modifications apportées aux Conditions supplémentaires seront affichées sur le site Internet. Les modifications entreront en vigueur dès leur publication. Veuillez consulter les Conditions régulièrement. Vous comprenez et acceptez que votre acceptation explicite des Conditions ou votre utilisation des Logiciels, des Produits et/ou des sites Web après la date de publication constitue votre acceptation des Conditions mises à jour. Si vous n’êtes pas d’accord avec les Conditions modifiées, vous pouvez mettre fin à votre relation avec [nom], conformément au paragraphe 11 ci-après.
Conclusion
Selon nos recherches, axées de manière limitative sur la théorie du contrat[60], la polyphonie se fonde sur une notion de locuteur intentionnel, susceptible de stratégies discursives ayant pour objet d’entraîner l’adhésion moyennant une mise en scène discursive des paroles et des points de vue d’autrui ; le dialogisme, pour sa part, n’est pas le lieu où le locuteur prend la responsabilité de l’énoncé en se positionnant par rapport à un nombre déterminé de points de vue, mais celui où il se fraie une voie dans le déjà-dit et le dire anticipé au gré d’un mouvement qui échappe partiellement à sa claire conscience. Autrement dit, la polyphonie est le lieu des décisions et des prises de position élaborées dans une interaction pleinement assumée avec l’autre, tandis que le dialogisme est celui où une parole donnée s’élabore dans le milieu verbal des représentations sociales. Il en résulte que, quand nous désirons comprendre la nature de l’« accord de volontés » qui constitue le noyau de la définition du contrat[61], il faut regarder du côté des processus polyphoniques, car les mécanismes dialogiques sont hors de la portée du locuteur et se manifestent inévitablement dans tout type de texte[62].
Nos exemples ont montré plusieurs stratégies dont se sert le locuteur afin de mettre en scène le contenu du contrat et les relations qu’entretiennent les parties contractantes avec ce contenu. À travers les différentes stratégies, nous observons quand même une continuité concernant le pouvoir du locuteur, car c’est lui qui demeure le seul responsable du texte et qui fait une sélection dans les points de vue qu’il souhaite retenir. Quand nous transposons cette responsabilité sur le plan linguistique vers le plan sociodiscursif et le plan juridique, nous pouvons conclure que, selon un point de vue polyphoniste, le contrat peut toujours être considéré comme une « rencontre de volontés », car les points de vue des différents acteurs discursifs sont représentés au sein du contrat. Cependant, une précision importante s’imposerait ici : étant donné que l’émetteur du contrat (de masse) s’approprie automatiquement le rôle de locuteur, c’est lui qui détient la responsabilité finale de son contenu. Ainsi, la volonté du client s’estompe considérablement, ce qui vient ainsi modifier la relation contractuelle.
Un tel constat, dans un univers juridique où contrat et pouvoir sont indissociables[63], ne surprendra aucun juriste. Cependant, c’est l’outil interprétatif né des apports de la linguistique qui prend ici toute son importance. Une approche pluridisciplinaire s’ouvrant aux notions théoriques de dialogisme et de polyphonie permet d’ajouter une dimension argumentative quant à la compréhension des déséquilibres contractuels inhérents à la pratique juridique. La défense d’une moralité contractuelle et la protection contre les abus en matière de contrat trouvent ainsi des assises épistémologiques aussi utiles que nécessaires. Ce faisant, la doctrine relative à la théorie du contrat poursuit son élaboration avec le souci essentiel de prendre en considération la richesse sociale de laquelle émerge le droit.
Appendices
Notes
-
[1]
André Bélanger, Viorel-Dragos Moraru et Andy Van Drom, « Les apports de la linguistique à la théorie des contrats : prolégomènes à une interprétation dialogique et polyphonique du contrat », (2010) 51 C. de D. 51.
-
[2]
André Bélanger, « Du spécialiste au dilettante, quel juriste doit produire le discours juridique ? Trois exemples d’analyse interdisciplinaire relatifs à la théorie contractuelle », (2011) 52 C. de D. 497.
-
[3]
André Bélanger et Andy Van Drom, « Les apports de la linguistique à la théorie des contrats : panorama des principales théories du dialogisme et de polyphonie à inscrire au sein du phénomène contractuel », (2011) 52 C. de D. 37.
-
[4]
Ruth Amossy, « De l’apport d’une distinction : dialogisme vs polyphonie dans l’analyse argumentative », dans Jacques Bres et autres (dir.), Dialogisme et polyphonie. Approches linguistiques. Actes du colloque de CERISY, Bruxelles, Éditions Duculot, 2005, p. 63, à la page 63.
-
[5]
Oswald Ducrot, Le dire et le dit, Paris, Éditions de Minuit, 1984 ; Henning Nølke, Kjersto Fløttum et Coco Norén, ScaPoLine. La théorie scandinave de la polyphonie linguistique, Paris, Kimé, 2004.
-
[6]
Jacques Bres, « Savoir de quoi on parle : dialogue, dialogal, dialogique ; dialogisme, polyphonie… », dans J. Bres et autres (dir.), préc., note 4, p. 47.
-
[7]
Voir A. Bélanger et A. Van Drom, préc., note 3.
-
[8]
Alain Rabatel, « Genette, les voix du texte littéraire et les phénomènes d’hétérogénéité discursive », dans Laurent Perrin (dir.), Le sens et ses voix. Dialogisme et polyphonie en langue et en discours, Metz, Université Paul Verlaine-Mertz, 2006, p. 165, aux pages 166 et 167.
-
[9]
Jacqueline Authier-Revuz, « La représentation du discours autre : un champ multiplement hétérogène », dans Juan Manuel Lopez Muñoz, Sophie Marnette et Laurence Rosier (dir.), Le discours rapporté dans tous ses états. Actes du Colloque international. Bruxelles, 8-11 novembre 2001, Paris, Harmattan, 2004, p. 35, à la page 51.
-
[10]
Michel Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.
-
[11]
« L’hyperstructure est un élément de structuration de l’information, intermédiaire et facultatif […] Elle trouve son origine dans un processus d’éclatement ou de réunion » : Gilles Lugrin, « Le mélange des genres dans l’hyperstructure », Revue de sémio-linguistique des textes et discours, vol. 13, no 12, 2001, p. 65, à la page 69. Dans notre cas, le genre discursif est celui du contrat, qui englobe un nombre d’hyperstructures tels que le contrat de masse, le contrat de location ou le contrat à livrer, chacun avec des paramètres propres.
-
[12]
Sophie Moirand, Les discours de la presse quotidienne : observer, analyser, comprendre, Paris, Presses universitaires de France, 2007, p. 12, constate que ces liens « ne fonctionnent comme rappels mémoriels que pour les locuteurs capables de décoder l’allusion à des dires antérieurs ou extérieurs ».
-
[13]
Jean-Jacques Courtine, « Quelques problèmes théoriques et méthodologiques en analyse du discours, à propos du discours communiste adressé aux chrétiens », Langages, vol. 15, no 62, juin 1981, p. 9, à la page 52.
-
[14]
Tzvetan Todorov, Mikhaël Bakthine. Le principe dialogique, Paris, Éditions du Seuil, 1981, p. 98.
-
[15]
Dans le Dictionnaire d’analyse du discours, l’intertexte est défini comme un ensemble de textes liés par des relations intertextuelles qu’il est plus ou moins aisé de rattacher à des sources identifiables : Patrick Charaudeau et Dominique Maingueneau (dir.), Dictionnaire d’analyse du discours, Paris, Éditions du Seuil, 2002, s.v. « Intertexte ». Dès que les sources sont diffuses, il est plutôt question d’interdiscours. Il importe ici de remarquer que l’interdiscours se penche sur un modèle de contraintes et de discours antérieurs inévitables, tandis que l’intertexte se présente comme un lieu de possibles, traversés par des dires antérieurs certes, mais néanmoins soumis au choix du locuteur. Nous en concluons que le concept d’intertexte se rapproche d’une conception polyphonique du discours, tandis que l’interdiscours relève plutôt d’une conception dialogique. Cela dit, cette distinction n’est pas faite de façon conséquente par tous les auteurs ; il pourrait alors être plus facile d’adopter la notion de transtextualité de Genette qui englobe les deux autres. Voir : Gérard Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Éditions du Seuil, 1982 ; Gérard Genette, Seuils, Paris, Éditions du Seuil, 1987.
-
[16]
Cf. la notion de surdestinataire, infra, section 2.
-
[17]
Mikhaïl Bakhtine, Esthétique de la création verbale, Paris, Gallimard, 1984, p. 336.
-
[18]
Id., p. 337.
-
[19]
Pour une synthèse de la littérature en matière de dialogisme et de polyphonie qui permet d’établir avec précision le sens donné aux termes « dialogique » et « polyphonique », voir le deuxième volet de notre étude : A. Bélanger et A. Van Drom, préc., note 3.
-
[20]
Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1978, p. 158.
-
[21]
Il importe ici de remarquer que le terme « stratégie » n’implique aucunement l’existence d’un locuteur qui maîtriserait de manière consciente la totalité de ses comportements communicatifs.
-
[22]
Ruth Wodak et autres, The Discursive Construction of National Identity, 2e éd., Édimbourg, Edinburgh University Press, 2009.
-
[23]
Alan D. DeSantis, « Caught Between Two Worlds : Bakhtin’s Dialogism in the Exile Experience », Journal of Refugee Studies, vol. 14, no 1, 2001, p. 1, à la page 1.
-
[24]
Il importe de distinguer les mondes sociaux (le monde politique, scientifique, le droit), qui sont eux-mêmes constitués de communautés langagières diversifiées, « fonctionnant comme des institutions régulant les pratiques langagières auxquelles se soumettent les membres du groupe et qui s’actualisent dans des genres discursifs, voire des dires, propres à la communauté, que ces normes soient implicites ou explicitées » : S. Moirand, préc., note 12, p. 94 et 95. Cela suppose que le point de vue d’un observateur extérieur à une communauté langagière donnée, dès lors qu’il ne participe pas de ce même imaginaire, ne pourra jamais considérer un pouvoir comme légitime, car il ne s’y reconnaît pas. Voir Hugues Bissot, La transparence sacrée ou le secret révélé : le principe dialogique comme mode de légitimation du pouvoir, Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2002, p. 3.
-
[25]
François Rastier et Bénédicte Pincemin, « Des genres à l’intertexte », Cahiers de praxématique, vol. 33, 1999, p. 83, aux pages 84 et 85, distinguent dans le contexte de la linguistique de corpus, différents niveaux de corpus, chacun intervenant à des moments précis de l’analyse : un corpus existant, « correspondant aux textes accessibles dont [on] peut disposer » ; un corpus de référence, « constituant le contexte global de l’analyse, ayant le statut de référentiel représentatif, et par rapport auquel […] se construit l’interprétation des résultats » ; et un corpus de travail, « ensemble des textes pour lesquels on veut obtenir une caractérisation ».
-
[26]
Le découpage de la matérialité textuelle en sous-ensembles typographiquement distincts suffira à dégager a priori les unités discursives sur lesquelles s’appuie l’analyse, mais une analyse linguistique ne peut réellement caractériser celles-ci qu’aposteriori, après avoir décrit les formes qui les composent au niveau local. Le premier repérage des phénomènes locaux découlera de l’observation de corpus exploratoires ; elle seule permettra de dégager les observables lexicogrammaticaux de l’analyse. Ceux-ci sont caractérisés par les deux catégories qui renvoient aux fonctions essentielles du langage verbal : représenter et communiquer. Cependant, les éléments observables constituent également des indices de contextualisation, internes aux textes analysés ou encore extrapolés à partir de considérations externes, tels que les paramètres sociaux, qui interviendront cependant après coup, au moment de la formulation d’hypothèses interprétatives.
-
[27]
Anthony Giddens, Modernity and Self-Identity. Self and Society in the Late Modern Age, Stanford, Stanford University Press, 1991.
-
[28]
Norman Fairclough, Analysing Discourse. Textual Analysis for Social Research, Londres, Routledge, 2003, p. 26.
-
[29]
Norman Fairclough, Discourse and Social Change, Cambridge, Polity Press, 1992.
-
[30]
Norman Fairclough et Ruth Wodak, « Critical Discourse Analysis », dans Teun A. Van Dijk (dir.), Discourse as Social Interaction, Londres, Publications Sage, 1997, p. 258, à la page 258 :
CDA sees discourse – language use in speech and writing – as a form of « social practice ». Describing discourse as social practice implies a dialectical relationship between a particular discursive event and the situation(s), institution(s) and social structure(s), which frame it. A dialectical relationship is a two-way relationship : the discursive event is shaped by situations, institutions and social structures, but it also shapes them. To put the same point in a different way, discourse is socially constitutive as well as socially shaped : it constitutes situations, objects of knowledge, and the social identities of and relationships between people and groups of people. It is constitutive both in the sense that it helps to sustain and reproduce the social status quo, and in the sense that it contributes transforming it.
-
[31]
Norman L. Fairclough, « Critical and Descriptive Goals in Discourse Analysis », Journal of Pragmatics, vol. 9, 1985, p. 739, à la page 747.
-
[32]
Ruth Wodak, « Critical Linguistics and Critical Discourse Analysis », dans Jef Verschueren et Jan-Ola Östman (dir.), Handbook of Pragmatics, Amsterdam, John Benjamins, 2006, p. 1, à la page 4.
-
[33]
N. Fairclough, préc., note 28, p. 65-86.
-
[34]
Id., p. 216.
-
[35]
S. Moirand, préc., note 12, p. 126.
-
[36]
Max Weber, The Theory of Social and Economic Organization, New York, Free Press, 1947.
-
[37]
Denise Jodelet, Les représentations sociales, Paris, Presses universitaires de France, 1989.
-
[38]
Anton C. Zijderveld, On clichés. The supersedure of Meaning by Function in Modernity, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1979.
-
[39]
Pour une critique de la théorie des contrats contemporaine à la base du présent projet de recherche, nous renvoyons le lecteur au premier volet de notre étude : A. Bélanger, V.-D. Moraru et A. Van Drom, préc., note 1, aux pages 54-60.
-
[40]
Marie-Claude Prémont, Tropismes du droit. Logique métaphorique et logique métonymique du langage juridique, Montréal, Éditions Thémis, 2003.
-
[41]
Bronislaw Malinowski, Coral Gardens and their Magic. A Study of the Methods of Tilling the Soil and of Agricultural Rites in the Trobriand Islands, vol. 2 « The Language and Magic of Gardening », Londres, George Allen & Unwin, 1935, p. 58.
-
[42]
Theo vanLeeuwen, Discourse and Practice. New Tools for Critical Discourse Analysis, Oxford, Oxford University Press, 2008.
-
[43]
Basil Bernstein, « Codes, Modalities, and the Process of Cultural Reproduction : A Model », Language in Society, vol. 10, no 3, 1981, p. 327.
-
[44]
Michel Foucault, Language, Counter-Memory, Practice, Ithaca (NY), Cornell University Press, 1977.
-
[45]
Nous sommes conscients du fait qu’il existe bon nombre d’autres éléments linguistiques qui contribuent à la construction polyphonique d’un texte, tels que les déictiques, l’emploi du conditionnel et le recours à des formes de discours direct et indirect, pour n’en nommer que quelques-uns. Dans ce texte, nous nous concentrons surtout sur l’emploi des pronoms, car ils sont la trace linguistique la plus directe des cocontractants. Cette omission consciente ne devrait pas être considérée pour autant comme un manque d’intérêt à l’égard des autres éléments.
-
[46]
T. van Leeuwen, préc., note 42.
-
[47]
N. Fairclough, préc., note 28, p. 21-38.
-
[48]
Michael Agar, « Institutional Discourse », Text and Talk, vol. 5, no 3, 1985, p. 147, à la page 164 (la traduction est de nous).
-
[49]
Jürgen Habermas, The Theory of Communicative Action, Boston, Beacon Press, 1984.
-
[50]
M. Foucault, préc., note 44.
-
[51]
Antonio Cramsci, Selections from the Prison Notebooks of Antonio Cramsci, Londres, Lawrence & Wishart, 1971.
-
[52]
Voir, par exemple, André Bélanger, « Le contrat d’assurance contemporain et la réification des parties », (2011) 56 R.D. McGill 317.
-
[53]
Supra, p. 629.
-
[54]
Voir Volmert, cité et traduit de l’allemand dans R. Wodak et autres, préc., note 22, p. 45.
-
[55]
H. Nølke, K. Fløttum et C. Norén, préc., note 5, p. 39.
-
[56]
Voir, à ce sujet, A. Bélanger et A. Van Drom, préc., note 3, aux pages 61 et 62.
-
[57]
Trésor de la langue française informatisé, s.v. « Obligation », [En ligne], [atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv4/showps.exe ?p=combi.htm ;java=no ;] (17 juin 2012).
-
[58]
Voir aussi : supra, section 2 ; A. Bélanger et A. Van Drom, préc., note 3.
-
[59]
Supra, section 1.1.
-
[60]
Nous sommes pleinement conscients d’avoir délaissé dans notre recherche les rapports que le contrat entretient avec d’autres actes, textes ou discours juridiques tels que les lois et la jurisprudence. Il s’agissait d’abord, et dans un contexte juridique où la littérature portant sur les lien entre le dialogisme et le contrat était inexistant, de nous « limiter à la simple tâche qui consiste à esquisser les orientations de base que devrait prendre une réflexion approfondie sur le langage et les procédures méthodologiques à partir desquelles cette réflexion doit s’établir pour aborder les problèmes concrets de la linguistique » (Mikhail Bakhtine, Le marxisme et la philosophie du langage. Essai d’application de la méthode sociologique en linguistique, Paris, Éditions de Minuit, 1977, p. 19), et de ses liens avec l’interprétation juridique du contrat. Il va sans dire que cette analyse ciblée s’inscrit dans une perspective plus globale telle que la présente Simone Goyard-Fabre, « Le dialogisme : un chemin pour surmonter la crise du droit ? », dans Françoise Armengaud, Marie-Dominique Popelard et Denis Vernant (dir.), Du dialogue au texte. Autour de Francis Jacques, Paris, Éditions Kimé, 2003, p. 125.
-
[61]
Rappelons que les considérations critiques liminaires relativement à la poursuite de ces travaux ont été présentées dans le premier volet de notre étude : A. Bélanger, V.-D. Moraru et A. Van Drom, préc., note 1.
-
[62]
À titre d’exemples de recherches effectuées dans divers autres domaines juridiques, voir les travaux de Frédéric Géa, qui défend, en droit du travail, l’idée selon laquelle le dialogisme constitue un paradigme pour le droit : F. Géa,Contribution à la théorie de l’interprétation jurisprudentielle. Droit du travail et théorie du droit dans la perspective du dialogisme, t. 2, vol. 2, Paris, L.G.D.J., 2009 ; F. Géa, « Dialogisme, interprétation et traduction en théorie du droit. Interactions paradigmatiques », dans Antoine Bailleux et autres (dir.), Traduction et droits européens : enjeux d’une rencontre. Hommage au recteur Michel van de Kerchove, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 2009, p. 587.
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[63]
Voir notamment : Georges J. Virassamy, Les contrats de dépendance. Essai sur les activités professionnelles exercées dans une dépendance économique, Paris, L.G.D.J., 1986 ; Olivier Litty, Inégalité des parties et durée du contrat. Étude de quatre contrats d’adhésion usuels, Paris, L.G.D.J., 1999 ; Philippe Stoffel-Munck, L’abus dans le contrat. Essai d’une théorie, Paris, L.G.D.J., 2000 ; Laurence Fin-Langer, L’équilibre contractuel, Paris, L.G.D.J., 2002 ; Christophe Bourrier, La faiblesse d’une partie au contrat, Louvain-la-Neuve, Bruylant-Academia, 2003 ; André Bélanger et Ghislain Tabi Tabi, « Vers un repli de l’individualisme contractuel ? L’exemple du cautionnement », (2006) 47 C. de D. 429 ; Pascal Lokiec, Contrat et pouvoir. Essai sur les transformations du droit privé des rapports contractuels, Paris, L.G.D.J., 2004 ; Ghislain Tabi Tabi, Les nouveaux instruments de gestion du processus contractuel, thèse de doctorat, Québec, Faculté des études supérieures, Université Laval, 2011.