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Résumé
La détermination du régime juridique applicable à une situation privée internationale présuppose sa connaissance, c’est-à-dire la détermination de sa nature juridique, donc sa qualification. La démarche suppose une comparaison d’un donné conceptuel — le fait qualifié — au contenu de la norme légale ; cette comparaison a pour but de vérifier que les concepts désignant la situation concrète sont équivalents aux concepts délimitant la norme. Le contexte dans lequel se réalise l’« alchimie » de la qualification permet d’apercevoir un aspect très souvent occulté de la qualification : le fait qu’elle est au service d’une certaine politique législative. De surcroît, l’appartenance des ordres juridiques à des mondes fortement dissemblables confère à la qualification une vertu et une importance peu connues, celle de refléter les valeurs du for. Ainsi, les préoccupations d’ordre matériel ne sont pas totalement exclues de l’opération de qualification.
Abstract
Determination of the law applicable to a private international situation presupposes knowledge thereof, namely the determining of its legal nature, hence its characterization. This requires the comparison of a conceptual given — the fact to be characterized — with the contents of a legal norm, a comparison that seeks to confirm that the concepts designating the actual situation are equivalent to those circumscribing the legal norm. The context in which the “alchemy” of characterization occurs then makes it possible to perceive an aspect quite often obscured from it : the fact that it serves a certain legislative policy. Moreover, the position of legal systems within the context of strongly dissimilar cultures bestows upon characterization a rarely observed virtue and importance : reflecting the values of the lex fori. Therefore, concerns of a substantive nature are not totally excluded from the operation of characterization in private international law.
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Une olive est-elle un fruit ou un légume ? Un dauphin est-il un mammifère ? Un chat domestique est-il un félin ? Voilà des questions bien amusantes, mais qui projettent un éclairage sur le jeu de la qualification.
L’aspect central de la qualification a été, de longue date, mis en exergue par la doctrine : « le droit international privé tout entier », observait un illustre auteur français, « repose, en dernière analyse, sur la doctrine des qualifications[1] ». Rappelons-nous l’affaire Bartholo à partir de laquelle Bartin a construit sa théorie sur la qualification[2], ou l’affaire de la prescription de la lettre de change souscrite aux États-Unis qui a permis à Kahn de déceler l’existence des conflits de qualifications[3].
Comme le faisait remarquer un auteur, la qualification est l’un des thèmes les plus discutés en droit international privé[4]. Il serait, toutefois, fastidieux d’évoquer ici les différentes théories, classiques et modernes, soutenues en la matière, car les ouvrages de droit international privé regorgent de thèses et d’analyses consacrées à la question. La présente étude se propose, plus simplement, de jeter un éclairage nouveau sur une démarche qui révèle toute la subtilité et l’ingéniosité de l’esprit scientifique et aussi de mettre l’accent sur la complexité du raisonnement. Complexité qui a poussé certains auteurs américains à exprimer leur méfiance à son égard. Ainsi, Ehrenzweig le décrivait comme « an unwelcome addition to american doctrine[5] », tandis que Juenger le qualifiait de processus mystérieux qui encourage à la prestidigitation[6].
La complexité de la qualification résulte, notamment, de la logique binaire ou des divisions radicales entre les différents termes du sujet : le fait ou le droit, l’induction ou la déduction, le concret ou l’abstrait, le particulier ou le général. Or, ces différentes perspectives d’analyse sont notamment envisagées par l’interprétation, d’où le risque d’enchevêtrement des deux opérations intellectuelles. L’intérêt d’une étude portant sur la qualification en droit international privé est, à cet égard, faussé par l’amalgame qui est souvent fait entre celle-ci et l’interprétation. À notre avis, cela impose une élucidation de ces deux outils méthodologiques.
À vrai dire, la connexité de la qualification avec l’interprétation rend difficile toute tentative de distinction des deux mécanismes. Aussi, la plupart des recherches qui leur sont consacrées ont souvent tendance à les confondre[7], la confusion étant d’ailleurs accentuée par l’incertitude de leurs frontières. Est-il possible de dire alors que la qualification est entièrement comprise dans l’interprétation ? Ou faut-il, au contraire, considérer qu’elle en est dissociée ?
Pour marquer le lien inextricable qui existe entre les deux opérations, une tendance majoritaire au sein de la doctrine internationaliste ancienne envisageait tout simplement la qualification comme une question d’interprétation de la règle de conflit[8]. La qualification est ainsi fréquemment mise à la remorque de l’interprétation, elle en est indissociable ; « la qualification des faits », écrivait un auteur, est tributaire de l’« interprétation systématique des normes[9] » ; elle l’accompagnerait dans toutes ses étapes[10].
Rares sont les auteurs qui envisagent l’interprétation et la qualification de manière séparée. Aussi, tout en dénonçant la confusion dans le cas de ces techniques, des auteurs font remarquer que, si la qualification fait appel à l’interprétation, elle ne se réduit pas à cette dernière, dans la mesure où elle se prolonge dans l’analyse des propriétés de la chose à qualifier dans le but de l’insérer dans le répertoire des catégories[11].
Les divergences d’opinions se situent, cependant, à un autre niveau, soit celui du rang que prend la qualification dans ces différentes opérations intellectuelles. Une frange de la doctrine considère que la qualification est la première étape dans le processus de l’application de la règle de droit[12]. Comme le soulignait Falconbridge, « [f]irstly, a court must characterize the legal question involved in the particular factual situation[13] ».
Pour d’autres auteurs, au contraire, la qualification occuperait une position intermédiaire. Perçue comme un « pont[14] » entre le fait et le droit, elle serait comprise entre l’interprétation orientée par la résolution du cas d’espèce et la « lecture » des faits qui anticipe nécessairement sur la perspective de leur traitement juridique[15].
Selon un autre avis, enfin, dans le processus d’application de la règle de droit, la qualification suivrait l’interprétation[16].
La controverse portant sur le rang attribué à la qualification dans le processus d’application de la loi apparaît également en jurisprudence. Ainsi, selon un arrêt rendu par la Cour d’appel de Tunis le 12 janvier 1998[17], la qualification constitue une phase préliminaire précédant la détermination du régime juridique applicable. Plus récemment encore, la Cour de cassation tunisienne déclarait, dans son arrêt du 7 décembre 2006[18], que la détermination du droit applicable passe par une première étape de qualification de la situation en cause conformément aux catégories du droit tunisien.
En revanche, selon un arrêt plus ancien de cette même cour, la qualification serait l’étape finale de l’analyse de la question litigieuse. Dans sa décision du 4 novembre 2003[19], la Cour de cassation tunisienne paraît ainsi identifier la qualification à une opération de classement dans une catégorie appropriée, qui doit être précédée par la détermination de la nature juridique et l’interprétation des termes du contrat.
Le rapprochement trop souvent fait entre qualification et interprétation nous oblige à une incursion furtive dans le domaine de cette dernière, avec les risques que cela comporte. De prime abord, il est permis de constater que l’étymologie est révélatrice de l’universalité de la question : les termes « interprétation » et « qualification » figurent dans plusieurs langues[20]. Cependant, force est de remarquer que l’interprétation a une signification beaucoup plus étendue : elle se présente comme un phénomène universel qui a une longue histoire et qui plonge ses racines dans les sciences humaines.
Dans un sens large, l’interprétation est « synonyme de “compréhension” d’une expression quelconque formulée dans une langue[21] ». Interpréter reviendrait à attribuer un sens déterminé à un signe linguistique[22]. Or, cela suppose tout d’abord la connaissance de ce qui est interprété : « Le problème de l’interprétation contient le problème de la connaissance : il en dépend[23]. » Certains penseurs juridiques ont néanmoins tendance à circonscrire l’interprétation dans un champ plus restreint qui se rapporte à la détermination du sens d’une expression dont la signification, au regard d’une situation concrète, laisse planer un doute[24].
L’interprétation est rendue nécessaire par les insuffisances des textes[25]. L’opération d’interprétation paraît ainsi justifiée par la difficulté fréquente d’appliquer une disposition en termes abstraits aux cas soumis aux juges, qui sont, par définition, particuliers[26]. De manière générale, dans l’interprétation, la question qui se pose est la suivante : le texte en cause s’applique-t-il au fait considéré ? L’interprète dispose à cette fin d’un ensemble d’instruments d’interprétation qui lui servent de directives (argument d’analogie, argument a fortiori, argument a contrario, et ainsi de suite)[27]. L’interprétation est généralement regardée comme une activité liée étroitement à l’application de la loi[28], mais qui s’en distingue nettement[29]. En effet, davantage que la mise en application d’une règle de droit, l’interprétation est un acte de production de sens par la parole et l’écriture ; l’accent est donc mis sur son caractère créatif[30].
Pouvons-nous en dire autant de la qualification ? Il est surprenant de constater que la qualification n’a pas bénéficié de l’engouement doctrinal qu’a suscité l’interprétation. Il est vrai que la polysémie de la notion de qualification et la complexité du mécanisme[31] ne permettent pas de l’appréhender de manière claire : par exemple, en parlant de qualification faut-il entendre le résultat de l’opération ou le processus, la démarche ? Ensuite, le terme même de « qualification » doit-il être employé au pluriel ou au singulier ? De plus, dans la mesure où la situation à qualifier se rattache à plusieurs systèmes juridiques et est susceptible d’appeler l’application de lois différentes, la qualification ne présente-t-elle pas une originalité en droit international privé ? Il y a donc bien des interrogations qui se posent aujourd’hui encore sur la signification de cette opération.
Une mise en perspective de la qualification dans un droit qui met en contact des systèmes juridiques différents exige, au préalable, une parfaite élucidation de cette opération (1). Ce volet théorique de la question sera suivi par un examen différent, mais néanmoins complémentaire, portant sur le contexte dans lequel l’opération de qualification se déroule (2).
1 L’opération de qualification
La qualification n’est pas une activité intellectuelle portant seulement sur le langage[32] ou sur le sens d’un texte : elle désigne, en effet, à la fois « une opération de l’esprit et un cadre façonné par lui[33] ». Un arrêt de la Cour d’appel de Tunis la décrit par ces termes, du reste concis et peu clairs : « une opération de logique mentale » qui constitue une « démarche inévitable »[34], ou mieux « une étape obligatoire » conduisant au prononcé des décisions. L’aspect central de la qualification est d’ailleurs mis en exergue par l’article 27 du Code de droit international privé (CDIP)[35] qui, à notre humble connaissance, n’a pas son pareil dans les autres branches de droit interne.
Bien que cet aspect soit la plupart du temps passé sous silence, la qualification laisse transparaître le rôle décisif de la méthodologie juridique[36] : cela comprend des inductions, des déductions, des inférences, des raisonnements par analogie, des évaluations et, peut-être, même des intuitions personnelles[37]. Nous voyons poindre là une première vérité de la qualification : le fait qu’elle est par essence théorique et fondamentale[38]. Opération nodale, la qualification est fondamentale pour le raisonnement juridique. À ce dernier égard, aucune recherche sérieuse ne peut éluder l’étude du substrat méthodologique de la qualification (1.1) ; cet éclairage méthodologique précédera la détermination des caractères qui distinguent la qualification ici envisagée des qualifications effectuées dans les autres disciplines juridiques (1.2).
1.1 Le substrat méthodologique de la qualification
Faut-il le préciser dès le départ, la qualification de droit international privé ne s’éloigne pas trop sur ce versant des qualifications effectuées dans les autres branches du droit ; au contraire, elle s’apparente sur plusieurs points à ces dernières. L’étude de la qualification permet de constater qu’elle s’appuie sur deux piliers fondamentaux : la définition (1.1.1) et la classification (1.1.2). Il convient, pour la clarté de l’exposé, d’analyser la place qu’occupe chacune de ces deux techniques juridiques dans l’opération de qualification.
1.1.1 La qualification présuppose une définition
Considérée comme la « notion-outil de l’ordre juridique », la définition a pour vertu de « dissiper l’équivoque et l’obscurité »[39] d’une « chose », d’une notion ; elle aurait, à cet égard, une double fonction : celle de faire « miroiter le sens », mais aussi celle d’expliciter la notion en déterminant ses traits spécifiques[40], en énonçant les attributs nécessaires qui la caractérisent[41]. Ainsi, de manière générale, la définition est la somme de toutes les qualités que connote le nom. Elle épuise la signification du nom. La technique de la définition est ordonnée à la connaissance de la nature d’un « objet », à « extraire l’essentiel de (son) essence[42] », comme prélude à son classement dans la catégorie — le genre — qui lui convient[43].
Toutefois, dans un sens différent, c’est la catégorie elle-même qui fait parfois l’objet d’une définition ayant pour objet de déterminer ses caractéristiques spécifiques et de vérifier si le cas peut y être rangé[44] : à titre d’exemple, la définition du mariage sert à préciser les critères qui lui sont propres et qui servent à le distinguer des autres relations marginales.
Pour certains auteurs, il y aurait entre définition et qualification une succession logique. Il est impossible, en effet, de qualifier juridiquement un fait ou une situation uniquement sur la base d’un concept, ou d’une notion, préalablement et précisément défini. La définition interviendrait, chronologiquement, en amont de la qualification[45]. L’accent est ainsi mis sur la connexité entre la qualification et la définition des termes de la norme légale[46]. Comme l’exprime merveilleusement un auteur, « [l]a définition est référence, la qualification rattachement ; la définition modèle, la qualification action comparative ; la définition position, la qualification mouvement […] ; l’une est la pierre, l’autre le lancement[47]. »
La présence d’une définition permet d’encadrer le travail du juge[48] ; la démarche de ce dernier consiste, alors, à en faire usage en vue d’assurer l’adéquation de la règle au cas concret[49]. Pour qualifier, il faut toujours, à un moment, vérifier si les faits ou les actes, dont l’existence est déjà constatée par le juge du fond, répondent à la notion légale, ce qui conduit à la définition de celle-ci[50]. La qualification ne peut donc s’accomplir que par référence à des données juridiques préalablement élaborées. La définition est l’une de ces données.
La qualification implique une caractérisation des faits qui fait appel à l’analogie et aux jeux de langage[51]. La démarche permet ainsi, sans faire violence aux faits, de donner « un habillage conceptuel forgé par notre esprit[52] » à ce qui se donnait comme « un pur phénomène ». Perçue comme un « acte de nomination[53] », une « épithète[54] », la qualification consiste à retrouver dans la loi les mots, les caractères au moyen desquels une situation particulière a été décrite.
Dans son arrêt du 7 décembre 2006[55], la Cour de cassation tunisienne met en relief l’importance du rôle de la définition dans la qualification. Appelée à se prononcer sur une succession litigieuse d’un Tunisien domicilié en Tunisie ayant laissé des biens à l’étranger, et alors que la demande était d’annuler certains contrats conclus par le de cujus pendant sa dernière maladie, la Cour de cassation a procédé, au préalable, à la définition de la notion de succession en vue de déterminer le domaine d’application de l’article 6 (3) CDIP[56] relatif au chef de compétence tiré du lieu d’ouverture de la succession : l’action successorale, déclare la Cour, « est, selon une définition procédurale étroite, celle qui tend à la réalisation de l’un des objectifs suivants : le partage, la gestion ou la liquidation de la succession[57]. » Cette définition lui permet ainsi d’exclure l’action en annulation des contrats litigieux du champ d’application de l’article 6 (3). Cette décision, que nous reprendrons dans la suite de notre exposé, rend compte des ressources de la définition lorsque la qualification bute sur la nature ambivalente de l’hypothèse concrète.
La définition donnée par le juge peut s’avérer particulièrement déterminante lorsque le législateur n’a pas prévu de définition au concept considéré[58], lorsque la définition du concept de référence n’est pas arrêtée en raison de sa fluctuation ou de son évolutivité[59] ou lorsque le concept est flou et qu’il ne se laisse pas facilement enfermer dans l’une des catégories existantes[60]. La détermination de la nature du concept paraît, dans ce genre de circonstances, capitale, car elle conditionne le choix du régime applicable. Cependant, la qualification ne saurait se réduire à une simple définition[61], puisqu’elle implique aussi le classement de l’hypothèse dans une catégorie.
1.1.2 La qualification suppose un classement
La qualification est un processus par l’entremise duquel s’exprime le pouvoir d’attraction des catégories, chevilles du raisonnement juridique. Le fondement du recours aux catégories, observait un auteur, est d’inspiration pédagogique[62]. Les catégories sont fondamentales pour la connaissance, pour l’esprit scientifique. Voici ce que Bachelard relevait :
À aucun moment la connaissance ne reste sans système puisque la réalité n’est effectivement donnée que dans la mesure où elle accepte les catégories a priori de l’esprit […] Le donné est relatif à la culture, il est nécessairement impliqué dans une construction. S’il n’avait nulle forme, s’il était un pur et irrémédiable chaos, la réflexion n’aurait sur lui nulle prise. Mais inversement, si l’esprit n’avait nulle catégorie, nulle habitude, la fonction « donné » dans l’acception précise du terme, n’aurait aucun sens[63].
D’instinct, le juriste cherche à ramener l’espèce qui lui est soumise à une situation type dont le régime juridique lui est reconnu : il s’efforce de la couler en un « moule préformé », dont les contours sont modelés par les normes de droit. Dans ces conditions, le droit apparaît comme un ensemble de formes techniques destinées à enfermer les cas de la pratique : ce sont les formae juris des Romains, les catégories juridiques des modernes[64].
La catégorie — le genre — sert de point de repère au juge, elle l’oriente vers le régime applicable. À cet égard, l’existence de références préétablies[65] est indispensable à la qualification. En pratique, en effet, le juge aborde les faits à travers une grille conceptuelle préexistante, dans le but de les plier aux catégories appropriées[66].
La qualification consiste à « subsumer[67] » le fait (le cas) sous la norme légale : en termes plus intelligibles, elle conduit à chercher dans le cas les traits essentiels de la catégorie pour l’y classer. Cette démarche, notait N. Ben Ammou, doit permettre « soit d’exclure, soit d’insérer le fait sous le couvert de la notion légale[68] ».
Une doctrine autorisée observait à cet égard que la qualification est essentiellement classificatrice[69]. Pour Goldstein et Groffier, c’est là « la fonction la plus évidente de l’opération de qualification[70] ». L’opération de « classification », ou de « subsomption », qui paraît ainsi inéluctable[71], rattache le cas à une catégorie. Une situation juridique est qualifiée quand elle est rattachée à un concept plus général que le concept par l’intermédiaire duquel cette situation a elle-même été désignée[72]. Perçue comme le noyau dur de la qualification, la subsomption permet de préciser la catégorie dans laquelle le cas sera rangé[73] en vue de lui appliquer le régime juridique correspondant à celle-ci. Certains ont pu remarquer, à cet égard, que la précision des critères distinctifs de la catégorie rend plus sûre la qualification[74].
La qualification permet de rapprocher les faits juridiquement qualifiés[75] des règles de droit applicables par un jeu de logique[76] ; elle est assimilable à une démarche de traduction : c’est par son intermédiaire que le fait entre dans le droit[77]. L’application du droit au fait ne peut ainsi s’effectuer que sur des faits vérifiés et qualifiés[78].
Dans cette activité, l’esprit cherche à adapter le singulier et le concret à l’universel et à l’abstrait[79]. Prenons un exemple simple, soit f [roulant à bord de sa voiture, X renverse un piéton], f1 [X roulait à une vitesse excessive] et f2 [les freins de la voiture de X ne fonctionnaient pas], alors, R [X est, probablement, responsable de l’accident]. En termes simples : si f et f1 et f2, alors R. Tel est le processus mental généralement mis en oeuvre. Qualifier revient ainsi à adapter le comportement concret de X (fait singulier) à un concept général, en déclarant que son comportement est celui d’une personne coupable ou négligente. Le processus fait partie du syllogisme juridique[80], archétype de la démarche logique du juge.
Le rôle du juge est, à cet égard, déterminant. La qualification, déclarait la Cour de cassation tunisienne dans son arrêt du 19 juin 2001, constitue l’« activité principale[81] » du juge ; l’organe juridictionnel étant un organe qualifiant par excellence, il lui incombe donc d’assurer la « réalisation juridictionnelle de la qualification juridique des faits[82] ».
La qualification implique un mouvement de la pensée dont la direction ne paraît pas définitivement arrêtée : ainsi, elle procéderait du général au particulier, pour certains auteurs[83], ou du concret à l’abstrait, selon d’autres[84], dans une logique de la « successivité » ou de la « linéarité »[85] (droit puis cas ou inversement) qui ne se soucie guère du comment de la qualification : le juge classe, s’occupe de l’étendue d’application et envisage le droit du for puis les normes matérielles du droit étranger[86].
Or, en réalité, la démarche ne donne pas lieu à un enchaînement à sens unique : situation concrète — norme juridique. Elle présuppose, au contraire, un mouvement de va-et-vient entre la nature juridique de l’hypothèse en cause et le contenu sémantique des normes à appliquer[87]. Telle conduite ambiguë de la part d’un commerçant est-elle du dol ou seulement de l’habileté commerciale ? Tel contrat qui prévoit que le paiement du prix se fera en trois mensualités peut-il encore être tenu pour une vente à tempérament ? La « navette » de l’esprit se déplace ainsi sans cesse du fait vers le concept juridique, et du concept vers les faits, jusqu’à ce que le juge soit convaincu de ce que la qualification qu’il a effectuée est exacte[88]. L’aspect méthodologique de la question étant souligné, il convient maintenant de déterminer les caractères spécifiques que la qualification présente en droit international privé.
1.2 Les traits distinctifs de la qualification « internationale »
Nous avons relevé que la plus importante ressemblance de famille entre les différentes qualifications est méthodologique : toutes ces démarches de l’esprit supposent l’adaptation d’une réalité à un ensemble de catégories juridiques prédéfinies[89]. Or, cette assertion n’entend pas gommer les différences qui séparent les qualifications suscitées par les relations internationales de celles qui sont envisagées dans le contexte des rapports internes. La spécificité de la matière réglementée par le droit international privé — les relations internationales — paraît justifier une construction des catégories qui rend compte de cette spécificité[90]. En outre, il ne faut pas oublier que l’esprit qui anime le droit international privé, soit la recherche de l’harmonie des solutions et la coordination des systèmes, diffère sensiblement de celui qui existe en droit interne. Cette différence d’optique confère effectivement à la qualification « internationale » une certaine spécificité. À ce dernier égard, il est possible de faire les sept remarques suivantes.
Premièrement, comme l’exprimait justement une doctrine autorisée, « [l]a théorie des conflits de lois a poussé au plus haut degré l’étude du double mécanisme : qualification-rattachement qui constitue l’algorithme de sa démarche[91] ». Le droit international privé a, en effet, permis de révéler la position centrale de la qualification dans le raisonnement juridique et judiciaire et ses difficultés, ainsi que la part déterminante de la doctrine dans sa théorisation. Ainsi, contrairement aux qualifications effectuées dans les autres branches du droit, comme le droit civil ou le droit pénal, les méthodes de qualification utilisées en droit international privé ne se réfèrent pas à des qualifications énoncées par le législateur lui-même, mais elles ont fondamentalement pour origine la doctrine[92].
La qualification suscite des difficultés propres au droit international privé, dès qu’elle cesse d’être appliquée à de purs faits matériels pour être étendue à des concepts juridiques, et que le concept qualificateur est emprunté au droit du for, tandis que les concepts soumis à cette qualification appartiennent au droit étranger[93]. Ces difficultés sont, d’un côté, accentuées par le fait que l’opération de qualification s’effectue à partir des catégories de rattachement marquées par leur caractère synthétique et dont le « contenu » est, par excellence, variable[94] ; et, de l’autre côté, par le fait que cette opération se réfère à des règles spéciales — les règles de rattachement ou de conflit de lois — dont la structure complexe et le caractère particulièrement abstrait sont à présent connus.
Deuxièmement, la qualification porte, en droit international privé, sur une question de droit suscitée par un rapport juridique comportant un élément étranger ; le juge — le juriste — manipule en effet « une matière relativement hétérogène[95] », composée de situations qui se sont constituées dans des pays différents, par référence à des systèmes juridiques autonomes. La première réaction du juge — du juriste — devant ce genre de situations est de relever son caractère international. Cependant, la mise en relief de cet aspect peut-elle être perçue comme un problème de qualification ? La réponse paraît négative : le terme qualification, écrivait un auteur, « n’est pas d’un emploi courant lorsqu’il s’agit de la vérification concrète par l’espèce de cet élément [étranger] qui confère à celle-ci sa dimension internationale[96] ». Une frange de la doctrine estimait, depuis quelque temps, que le relevé des éléments d’extranéité permettant l’identification des lois en cause ne constitue pas une qualification au sens propre du terme, mais est un préalable nécessaire à celle-ci ; l’extranéité aurait ainsi préséance par rapport à la qualification juridique du rapport de droit[97].
La question a récemment été abordée par la Cour de cassation tunisienne dans des termes marqués par la concision et le peu de clarté. Cette cour a en effet jugé, par arrêt rendu le 21 septembre 2004[98], que le « jugement d’extranéité », ou, plus simplement, la détermination par le juge de la nature internationale ou interne du contrat, est un préalable à sa qualification, laquelle qualification précède la mise en oeuvre de la règle de conflit et par suite la désignation du droit applicable. La juridiction suprême entendait ainsi censurer la décision d’appel pour avoir soumis le contrat litigieux — une cession de créance — aux dispositions du Code des obligations et des contrats sans avoir suivi cette « successivité » envisagée par les règles du CDIP.
Troisièmement, la qualification de la situation litigieuse est souvent un préalable nécessaire qui permet de fonder la compétence juridictionnelle. Par exemple, la qualification mobilière ou immobilière des biens commande la compétence internationale exclusive des tribunaux tunisiens en raison de l’existence de l’immeuble sur le territoire tunisien, envisagée par l’article 8 CDIP[99]. La bilatéralisation de cette règle permet d’affirmer l’incompétence des tribunaux tunisiens pour connaître des immeubles situés à l’étranger, les tribunaux du lieu de situation étant jugés plus qualifiés en vue de décider de leur sort, pour des raisons de souveraineté et d’effectivité[100].
Par ailleurs, la loi de situation peut se confondre avec la loi successorale lorsque la succession comprend des biens immeubles. L’article 6 (3) CDIP reconnaît à cet égard une compétence ordinaire, ou possible, aux tribunaux tunisiens en matière de succession, lorsque celle-ci est ouverte en Tunisie et dans la limite des biens qui s’y trouvent. Dans son arrêt du 7 décembre 2006[101], la Cour de cassation jugeait ainsi que la question de savoir si l’action en annulation des contrats signés par le défunt, quelque temps avant sa mort, devait ou non être considérée comme une action successorale servait à déterminer la compétence des tribunaux tunisiens. La Cour de cassation a jugé dans ce cas que la classification de l’action est soumise au droit tunisien compte tenu du fait que la qualification s’effectue lege fori. Paradoxalement, la Cour de cassation se réfère, pour motiver sa décision, à l’article 27, alinéa 1 CDIP, alors que ce texte concerne l’identification de la règle de conflit de lois et non la détermination de la compétence juridictionnelle.
Quatrièmement, la qualification est une étape fondamentale dans le processus de résolution du conflit entre des lois concurrentes. En effet, le mécanisme ne s’épuise pas dans le classement d’une situation concrète dans une catégorie de rattachement ; il est, au contraire, conditionné par la sélection du droit (du for ou étranger) appelé à régir la question de droit soumise au juge. Selon Falconbridge, « the purpose of the characterization of the question is to enable the court to select the proper law[102] ». La qualification, ou characterization, s’effectue alors par référence au droit du for. C’est ce qui résulte de l’article 27, alinéa 1 CDIP : « La qualification s’effectue selon les catégories du droit tunisien si elle a pour objectif d’identifier la règle de conflit permettant de déterminer le droit applicable[103]. » Il s’agit dans ce cas d’une qualification primaire ou internationale.
Dans l’état actuel des choses, la question ne semble pas prêter à discussion, réserve faite de l’hypothèse particulière des immeubles, laquelle conduit à sacrifier la qualification lege fori au profit de la qualification lege rei sitae, en vertu d’un principe bien établi selon lequel seul l’ordre juridique de situation est apte à fournir la solution[104]. Hormis ce cas, le principe de la qualification lege fori, entendue comme une référence aux catégories du droit civil interne, paraît consacré par la plupart des systèmes juridiques. À titre d’illustration, l’article 3078 du Code civil du Québec énonce clairement ceci dans son alinéa premier : « La qualification est demandée au système juridique du tribunal saisi[105]. » Comme le faisait observer J.-G. Castel dans son commentaire de l’article 3078 C.c.Q., c’est le système dont la règle de conflit s’applique qui doit fournir les qualifications. Selon lui, la règle a déjà été appliquée par les tribunaux québécois[106].
Une solution analogue est envisagée en droit espagnol (art. 12.1 C. civ.), en droit égyptien (art. 10 C. civ.), en droit algérien (art. 9 C. civ.), en droit syrien (art. 11 C. civ.), en droit jordanien (art. 11 C. civ.), en droit libyen (art. 10 C. civ.), en droit koweitien (art. 30 Loi no 5 de 1961), en droit guatémalien (art. 25 Loi de 1989 sur l’organisation judiciaire). En revanche, certains droits ont délibérément choisi de garder le silence concernant la démarche de qualification à suivre ; il en est ainsi de la codification belge de droit international privé de 2004[107].
Cependant, la doctrine de la qualification selon la loi applicable à la situation en cause (qualification lege causae) au stade du choix de la règle de conflit demeure minoritaire. Son défaut majeur réside dans le fait qu’elle conduit à un « cercle vicieux » : en effet, il paraît illogique, écrivent Goldstein et Groffier, de « demander [la qualification] au droit étranger alors qu’on ignore s’il est applicable ou non[108] ». L’argument est d’ailleurs mis en relief dans l’affaire Gautier c. Bergeron jugée par la Cour d’appel du Québec :
Le choix [du système légal applicable] dépend de la qualification […] Il est de toute première importance de retenir, à ce moment, que seules les lois du Québec doivent alors recevoir considération. Ce serait en effet ouvrir un cercle vicieux et prêter le flanc à l’illogisme que d’entreprendre de qualifier un problème en vertu de la loi étrangère alors qu’on ignore encore si celle-ci doit s’appliquer et qu’on s’apprête à rechercher précisément quel système de loi doit régir les relations entre les parties[109].
D’un autre côté, partant du fait que les concepts utilisés par les règles de rattachement diffèrent en fonction des États, la catégorisation, ou qualification, suscite avant tout un problème de méthode consistant à déterminer l’ordre juridique auquel sera empruntée la définition du concept étranger inconnu du système du for. La solution est envisagée par l’article 27, alinéa 2 CDIP : « l’analyse des éléments d’une institution juridique inconnue du droit tunisien s’effectue conformément au droit étranger auquel elle appartient[110] ». Cela rappelle la méthode de raisonnement en deux phases prônée notamment par Raape, Maury et Batiffol : « une phase préparatoire d’analyse selon la loi étrangère et une phase de jugement selon la loi du for[111] ».
Cinquièmement, s’il est de principe que la délimitation des contours des catégories se fait sur la base des grandes divisions du droit interne, il n’en résulte pas forcément une identité de points de vue[112]. En définissant la catégorie de rattachement, le système de conflit des lois du for « transcende les organisations systématiques internes[113] » en vue d’appréhender un grand nombre de situations juridiques. Le lien entre le droit interne et le droit international privé n’implique pas une stricte identité entre le découpage de la vie sociale qu’effectue le droit interne pour atteindre ses propres objectifs et celui que, selon ses catégories, le droit international privé impose[114].
À ce dernier égard, des auteurs ont fait une mise en garde contre la tentation de rechercher dans le droit interne un modèle privilégié pour la constitution des catégories. Le droit international privé, observaient-ils, ne doit pas nécessairement être le reflet de l’évolution du droit interne[115]. Selon Falconbridge, les catégories juridiques auxquelles le juge devrait recourir ne sont pas celles de son droit interne, mais celles de son droit international privé, lesquelles ne sont pas nécessairement identiques à celles du droit interne[116]. Pour d’autres auteurs, les indications en la matière devraient, au contraire, être recherchées dans le droit comparé[117], lequel amène à un élargissement des catégories du for pour leur permettre de régir les institutions étrangères invoquées devant les juges.
Batiffol l’expliquait justement : « La possibilité de retrouver ainsi dans des lois étrangères des caractères constitutifs de notions abstraites du droit [du for] n’est évidemment pas acquise a priori[118]. » La solution du problème commande dès lors de « soumettre [la norme étrangère] à une analyse suffisamment fine, pour qu’une catégorie du for suffisamment compréhensive puisse lui convenir[119] ». Les auteurs donnent souvent l’exemple du mariage polygamique. Goldstein et Groffier observent à cet égard que le refus de l’assouplissement, « l’adhérence stricte à la notion de mariage monogame mèneraient à l’impossibilité de qualifier certaines prétentions, qui ne seraient soumises à aucune règle de conflit, et, en conséquence, au refus de tout recours en divorce ou en pension alimentaire[120] ».
Sixièmement, la texture ouverte ou « graduelle[121] » des catégories du droit international privé, témoin de leur « autonomie » conceptuelle par rapport aux catégories de droit interne, favorise leur élargissement ou extension en vue d’accueillir les institutions étrangères inconnues du for, ce qui permet de tenir compte de l’altérité, de l’extranéité[122]. Cependant, comme le fait remarquer une doctrine autorisée, l’essentiel en matière de qualification réside dans les intérêts pratiques qui s’attachent à l’extension donnée aux catégories[123].
Le droit international privé envisage aussi la possibilité d’une déformation volontaire des catégories internes en vue de les adapter à la vie internationale. Il suffit de rappeler à cet égard l’espèce jugée par le Tribunal civil de Tunis le 25 mars 1959[124]. Dans cette affaire, mieux connue sous le nom de « Spano », le tribunal avait qualifié l’« affiliation » du droit italien, institution inconnue du droit tunisien, comme une petite adoption en vue de la subsumer sous l’une des catégories envisagées par le décret du 12 juillet 1956[125]. Or, devant ce genre de situations, certains auteurs comme Falconbridge[126] ou encore Goldstein et Groffier[127] considèrent qu’il est plus efficace de créer des règles nouvelles, car cela permet de diminuer les hésitations au moment de la qualification. Goldstein et Groffier ont ainsi pu écrire que, « dès lors qu’un type de situations ou de prétentions ne peut être classé dans l’une des catégories disponibles, il faut nécessairement trouver une solution nouvelle pour résoudre le conflit de lois[128] ».
Dans la législation en vigueur actuellement en Tunisie, l’article 27, alinéa 3 CDIP ordonne au juge, au moment de la qualification, de tenir compte « des différentes catégories juridiques internationales et des spécificités du droit international privé[129] ». Cela ouvre la porte à d’autres approches théoriques, comme la qualification autonome ou téléologique[130]. Cette directive semble avoir motivé l’arrêt de cassation du 8 octobre 2007[131]. Ayant à se prononcer sur les pourvois formulés par les deux parties, dont l’une était française, contre la décision d’appel rendue à propos d’une rupture abusive de contrat, la Cour de cassation tunisienne semble s’être référée à l’article 27, alinéa 3 CDIP, mais sans le citer. Rejetant dos à dos la qualification « vente » soutenue par la partie française et la qualification « louage d’ouvrage » retenue par la juridiction d’appel, la Cour de cassation a considéré que le « contrat de coopération et de partenariat » qui liait les parties ne pouvait être classé dans l’une de ces deux catégories classiques.
Afin de ne pas être accusée d’imposer sa propre perception, la Cour de cassation tire argument du nom donné à cet acte — « contrat de coopération et de partenariat » — pour en déduire qu’il s’agit d’une nouvelle catégorie de contrats suscitée par la mondialisation en vue de faciliter la coopération entre les pays du Sud et les pays industrialisés.
Quels enseignements faut-il tirer de cet arrêt ? D’abord, l’espèce met en évidence deux traits de la qualification : le fait qu’elle est un choix et qu’elle a un caractère relatif. Le premier de ces traits laisse percer le caractère plus conflictuel que consensuel de la qualification. Le second est perceptible à travers la requalification apportée au contrat, contraire aux qualifications qui étaient au coeur du débat (contrat de vente ou contrat d’entreprise). Ensuite, la juridiction suprême de la Tunisie n’a pas adopté une démarche classique de qualification selon les catégories du for, mais paraît plutôt s’être référée aux catégories juridiques internationales ou aux « concepts universels », ce qui peut être interprété comme une mise en application de la méthode comparative prônée par Rabel.
Septièmement, la logique du droit international privé corrobore de manière éclatante l’affirmation de l’analogie (qiyas) comme structure de pensée indispensable à l’application du droit : « Comment évaluera-t-on la similarité entre l’institution étrangère inconnue du for et l’institution locale alors qu’aucune subsomption n’est possible pour la première[132] ? » A. Papaux l’a remarquablement observé : « le privatiste, afin de conquérir l’altérité c’est-à-dire la rencontrer et l’accueillir au for, […] exerce une analogie de proportionnalité qu’il élabore à partir d’une pré-qualification de l’occurrence en référence aux catégories ouvertes de son droit international privé[133] ».
Force est de constater que le contexte de diversité rend l’opération de qualification infiniment plus incertaine et la transforme en une recherche des analogies entre des institutions différentes bien davantage qu’un « raisonnement déductif d’inclusion » suivant le processus de subsomption[134]. L’analogie suppose ainsi une conquête de l’inconnu (l’institution étrangère) à partir du connu (l’institution du for). La qualification serait alors « une opération de connaissance en vue de l’action[135] » ; la détermination du régime juridique applicable à une situation privée internationale présuppose ainsi sa connaissance, c’est-à-dire la détermination de sa nature juridique, donc sa qualification[136].
Le caractère particulièrement analogique du droit international privé confère à la qualification une couleur originale ; celle-ci s’opère « au sein d’une métaphysique de l’analogie[137] ». L’importance de l’analogie en droit international privé n’a pas été assez souvent mise en relief. Pourtant, la démarche comparatiste, essentielle à cette branche du droit, l’atteste en toute netteté, qui découvre des analogies entre des institutions étrangères et celles du for en considérant moins leur structure que leur fonction, selon la pensée de Batiffol.
Ainsi que certains l’ont fait remarquer, la qualification opère sur la base de similitude. Or, une similitude est « un complexe de ressemblances et de différences », de « l’autre » et du « même », « dont il faut peser l’importance respective »[138], en vue d’élaborer la commensurabilité. Cela implique des tentatives d’équivalence et des « ajustements[139] » réciproques, ensemble d’opérations qui reflètent l’incertitude de la démarche, incertitude due notamment au contexte dans lequel l’opération de qualification se déroule.
2 Le contexte de la qualification
Les développements précédents ont permis de constater que la qualification constitue une « prémisse indispensable » à la sélection de la règle de conflit appropriée, et donc à la détermination du droit applicable[140]. Cependant, la qualification n’est ni neutre ni hasardeuse[141], mais elle s’opère inéluctablement en fonction du résultat auquel elle tend. Ainsi, loin d’être l’aboutissement logique d’une démarche rationnelle, elle paraît dictée par une politique juridique (2.1). L’« opportunisme » de cette opération apparaît de manière claire dans le contexte de la théorie des conflits de qualifications. Les solutions envisagées par cette dernière débouchent sur une large compétence de la loi du for, ce qui assure ainsi à l’État dont les juridictions sont saisies du problème la maîtrise de la situation, puisque l’institution étrangère en cause est analysée selon les concepts du for et, par conséquent, conformément aux valeurs essentielles qui sont les siennes[142]. Or, cette dernière considération peut-elle suggérer que l’opération de qualification réflète les valeurs du for (2.2) ?
2.1 La qualification, instrument d’une politique juridique
Sous ses apparences de pure technique, la qualification est au service d’une politique juridique au sens large (législative et judiciaire)[143]. En règle générale, la qualification incorpore inévitablement une analyse de ce genre : la politique suivie en matière de droit des personnes, par exemple, a pour objet la protection de l’individu en assurant l’application permanente des lois qui le concernent[144]. Ces considérations sont ainsi à l’origine de la classification de la capacité, du nom, de la filiation dans la catégorie du statut personnel. Comme le soulignent justement Goldstein et Groffier, « [l]es motifs de politique sociale peuvent […] peser très lourd dans ce choix de qualification[145] ».
Marquée par son aspect téléologique, la qualification « ne se laisse pas réduire à un simple mécanisme de classement ou subsomption sous des catégories préexistantes[146] », mais elle concourt à la satisfaction d’une finalité. Cela a permis à un auteur d’affirmer avec force qu’en ce qui concerne la qualification il s’agit de « donner le nom […] qui “convient” non pas à la chose elle-même, mais au sort qu’on veut lui faire subir en vertu de déterminations foncièrement politiques[147] ». Il serait en effet illusoire de croire que la qualification d’une question puisse être impartiale ; au contraire, elle est souvent manipulée en vue d’aboutir au résultat désiré par le juge. La méthode fréquemment utilisée par ce dernier consiste à jouer sur la qualification des faits de manière à soustraire une situation donnée à la règle de droit normalement applicable lorsque cette application est jugée inopportune. À cet égard, le recours à une « fiction[148] » ou à une fausse qualification permet au juge d’échapper aux conséquences de l’application de la règle juridique jugées inacceptables[149].
L’affaire Agrimotor jugée par la Cour d’appel de Tunis[150] en est une excellente illustration. Les faits sont trop connus pour qu’il soit besoin de les présenter en détail ici. Rappelons simplement qu’un contrat de concession exclusive liant une société américaine (Ford) à une société tunisienne (Agrimotor) avait été résilié unilatéralement par la partie américaine. Les juges du fond avaient qualifié la rupture de ce contrat comme une faute délictuelle soumise au droit tunisien, à titre de lex loci delicti, et non comme une faute contractuelle soumise en principe à la lex contractus. Le passage artificiel de la qualification contractuelle à la qualification délictuelle était commandé par le souci de faire bénéficier la partie tunisienne d’une réparation consistante. Cette illustration met en évidence le caractère fonctionnel de la qualification. Comme l’écrit justement un auteur, « la qualification n’a de sens que par rapport à la conséquence juridique qu’on entend lui faire produire. Elle ne représente donc qu’une vérité relative, dans la dépendance de l’effet juridique qui lui est associé[151]. »
La volonté individuelle peut exercer une influence considérable sur le résultat de la qualification[152]. La catégorie des contrats offre un exemple topique de l’action des contractants en la matière. L’influence de la volonté individuelle apparaît de manière décisive dans le cas où l’engagement conclu par les parties se prête à deux ou plusieurs qualifications.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation tunisienne le 8 octobre 2007[153] permet de révéler l’importance de la volonté exprimée dans l’instrumentum. L’affaire soumise à cette cour portait sur la rupture abusive d’un contrat international liant une société tunisienne à une société française. La question était de savoir si le contrat en question devait être considéré comme un « contrat de vente », comme le prétendait la société française, ou comme un « contrat d’entreprise », comme l’avait décidé la juridiction d’appel. N’ayant jugé aucune de ces deux qualifications satisfaisantes, la Cour de cassation s’en tient à l’identification littérale contenue dans l’instrumentum : il s’agit, rappelle la Cour de cassation, d’un « contrat de coopération et de partenariat ». Dans un même ordre d’idées, la juridiction de droit a déjà rappelé, dans sa décision du 3 octobre 2006[154], que la qualification des contrats impose aux juges du fond de se limiter aux termes du contrat, au sens de ses mots, à la nature de son objet et à la cause qui lui sert de fondement. Est-ce à dire que le juge est lié, dans tous les cas, par la qualification attribuée par les parties ? La position de la jurisprudence est négative sur ce point[155].
Par ailleurs, même si le législateur a tracé les contours de la catégorie dont il a confié l’usage au juge, il y aura fréquemment une certaine « variation » dans l’application qui en sera faite par le juge. La précision de la qualification subissant largement l’influence de son attitude, celui-ci aura la possibilité, en cas d’absence de définitions légales ou en présence de définitions souples, d’opter à sa convenance pour l’acception qui lui paraît la meilleure[156].
Dans l’arrêt du 8 octobre 2007 précité[157], l’absence de définition du « contrat de coopération et de partenariat » avait permis à la juridiction suprême de rejeter les qualifications « vente » et « contrat d’entreprise » qui étaient dans le débat. La Cour de cassation met, à cet effet, l’accent sur un bon nombre de critères : le cadre politique et économique dans lequel s’inscrit la relation contractuelle, la création d’une société en Tunisie chargée de gérer des unités de confection de tissus et vêtements, l’achat par la société tunisienne de la matière première en vue de sa transformation et de son exportation à l’étranger, la dépendance économique de cette société à l’égard de la société étrangère. De ces éléments, la Cour de cassation en déduit que le contrat litigieux constitue un archétype nouveau suscité par le phénomène de la mondialisation économique, qui ne saurait se réduire aux deux catégories classiques précitées.
Pourtant, l’analyse des éléments rappelés par la juridiction de droit permet de rattacher le contrat litigieux à la catégorie des contrats dits d’intérêt commun, plus particulièrement des contrats de distribution. Une opinion courante a tendance, à cet égard, à considérer que, dans ce genre de contrats, la prestation caractéristique ne peut être clairement identifiée, dans la mesure où le fournisseur apparaît comme un « prestataire instrumental et le distributeur comme le prestataire final[158] ». Et même s’il fallait parler de prestation caractéristique, ce serait celle du distributeur[159] qui, dans l’affaire jugée par la Cour de cassation, est la partie française. Or, pour justifier la compétence des tribunaux tunisiens, la juridiction de droit avait retenu que la prestation « principale » — il aurait fallu dire caractéristique[160] — était celle qui avait été exécutée en Tunisie par la partie tunisienne. Le raisonnement soutenu dans cette affaire conforte l’idée selon laquelle les choix de qualifications reposent sur des considérations de politique juridique, même si cela n’apparaît pas au grand jour dans les décisions prononcées par les juges[161].
Cet aspect fonctionnel de la qualification se constate aussi dans d’autres systèmes juridiques. Un auteur relevait ainsi au sujet du droit libanais que, « [d]ans les matières qui sont au croisement du statut personnel et du régime des biens et des obligations, la qualification […] est mise au service de la politique de laïcisation du droit poursuivie par l’État[162] ». Dans le cas des conflits internes comme des conflits internationaux, les juges civils, de manière précise mais inavouée, « utilisent le procédé des qualifications pour étendre le domaine de la compétence civile et de l’applicabilité de la loi laïque[163] ».
La difficulté de l’opération de qualification consiste à « trouver l’équilibre entre la considération du fait et celle du but à promouvoir en droit[164] ». Or, la réalisation de cet équilibre n’est pas chose facile : « le domaine des qualifications est un des plus mouvants du droit[165] ». La classification de la wilaya (ou tutelle) par l’article 41 CDIP[166] dans le « tiroir » du statut individuel reflète à cet égard les dérives du mécanisme de classification. En effet, dans la mesure où elle s’insère dans les rapports parents-enfants la wilaya peut-elle être réductible au statut d’une personne ? Ne doit-elle pas, au contraire, être envisagée dans les rapports de famille ? N’est-ce pas, en effet, la connexité téléologique des règles, leur liaison avec d’autres normes au point de vue de la politique législative, qui est décisive pour leur classification ?
Dans le même esprit, le renforcement des prérogatives de la mère gardienne aux dépens des prérogatives du tuteur permet également d’apprécier la précarité de l’équilibre recherché par l’opération de qualification. La hadhana (ou garde) se trouve, en effet, en contact permanent avec la wilaya, ou tutelle du père, et sur la personne et sur les biens de l’enfant[167]. Partant du fait que le contenu des deux concepts a été embrouillé à la suite de la réforme de l’article 67 du Code du statut personnel[168], des chevauchements peuvent exister entre les deux institutions, ce qui rend ainsi plus incertaines les frontières de ces deux concepts ; dans ces conditions, la difficulté de la qualification s’en ressent davantage.
Le problème devient plus aigu dans l’hypothèse où la matière à qualifier ne se loge directement dans aucune des catégories du droit interne, et qu’elle est susceptible d’appeler différentes qualifications, telle la rupture d’une promesse de mariage[169]. Placée au confluent de plusieurs catégories (statut familial[170], contractuel ou délictuel), la première difficulté qui se pose au juge est de rattacher la question en cause au concept-cadre correspondant en vue de déterminer la règle de rattachement appropriée. Pour surmonter cet écueil, le juge peut-il, dans ce cas, se contenter de la qualification dominante ou « prépondérante[171] », soit celle qui tient compte de la nature personnelle du lien ? Cette dernière illustration permet de révéler le caractère relatif de la qualification.
De fait, la qualification n’est pas une science exacte, le choix qu’elle réalise comportant toujours une part d’aléa[172]. La relativité des qualifications, due elle-même au « relativisme du droit[173] » source de nombreux conflits de qualifications, oblige, selon un auteur, à considérer les catégories comme des présomptions et l’opération de qualification comme une tentative, un essai qui comprend une possibilité d’erreur[174]. Ainsi, il n’y a pas de vérité absolue en matière de qualification[175] : celle-ci subit l’épreuve de la durée, elle évolue, elle se modèle avec le temps. De nombreux juristes ne s’expliquent donc pas pour quelle raison le législateur a songé à prévoir une disposition portant sur la qualification dans le CDIP (art. 27)[176]. D’un autre côté, dans la mesure où les contacts entre les systèmes juridiques reflètent souvent des conflits de cultures et de civilisations, la qualification ne peut-elle pas servir à refléter les valeurs du for ?
2.2 La qualification, reflet des valeurs du for
Peu d’auteurs ont mis l’accent sur la dimension axiologique de la qualification[177]. Or, cette dernière subit largement l’influence de l’attitude du juge, de son expérience personnelle et professionnelle et surtout de sa culture juridique. Celui-ci serait tenté de faire un jugement de valeur dès la saisie des faits[178].
Par exemple, la qualification du mariage comme contrat ou institution retentit sur la réglementation de sa dissolution ; en outre, de la qualification retenue dépend le traitement réservé aux décisions étrangères constatant des modes de dissolution différents. Il en est ainsi du talaq du droit musulman, ou « répudiation » selon une traduction malheureuse. Qualifiée comme une question qui touche à la procédure du divorce, alors qu’en réalité il s’agit simplement d’une rupture du contrat de mariage, la « répudiation » se trouve confrontée à l’ordre public au sens du droit international privé. Ainsi, il est aisé de passer de l’opération de classement à une intervention de l’ordre public international[179]. Or, comme le faisait remarquer Othenin-Girard, à l’heure actuelle « il est important de se garder de rejeter en bloc, par exemple en invoquant de façon absolue l’ordre public, des institutions inconnues qui méritent d’être respectées[180] ».
La complexité de la qualification peut prendre une dimension beaucoup plus importante lorsque les systèmes, auxquels est liée la question de statut personnel considérée, « appartiennent à des univers culturels trop dissemblables[181] ». Le conflit de qualifications qui peut en résulter traduit en réalité un conflit de politiques législatives et reflète un « vrai conflit » de lois[182].
Ne définissant pas de la même façon le statut personnel, ces différents systèmes n’auront pas une conception uniforme de l’individu et de la famille. Partant du fait que le juge raisonne à partir de concepts plus étroits, la qualification peut conduire à une situation d’impasse si les écarts entre les institutions étrangères et celles du for sont très accusés. Le raisonnement risque de se compliquer, car le juge se réfère nécessairement à un bloc de valeurs fondamentales propres à la société.
Le désaccord sur la nature des institutions conduit à les classer dans des catégories différentes. Celles-ci se trouvent mises à rude épreuve quand l’institution étrangère s’avère tellement « originale » qu’il devient impossible, même en la déformant, de la classer dans l’une des catégories de rattachement du for[183]. Pour reprendre l’image connue de Melchior, les tiroirs du système national sont trop étroits et l’étoffe juridique étrangère trop originale[184]. Dans ces conditions, il y aura des lacunes du fait que le caractère universel des expressions employées par les règles de rattachement n’est évidemment pas efficient[185].
Il arrive, observait Rigaux, que l’institution étrangère soit à ce point étrange qu’elle ne passe même pas l’épreuve de la traduction. L’auteur cite à cet égard l’exemple du trust[186]. Nous pouvons également évoquer le cas de l’adoption : largement admise dans les pays occidentaux, celle-ci est prohibée par la quasi-totalité des pays arabo-musulmans[187]. Certes, la plupart des systèmes islamiques reconnaissent la Kafala (ou tutelle officieuse), mais cette dernière est très différente de l’adoption. L’idée selon laquelle, en élargissant les catégories, l’« on parvient à retrouver une communauté de nature dans des institutions différentes en considérant moins leur structure que leur fonction[188] », si chère à Batiffol, n’est ici d’aucune utilité ; pas plus que ne l’est la disposition envisagée par l’article 27, alinéa 3 CDIP[189], selon laquelle il y a lieu de tenir compte des qualifications données par le droit comparé.
En effet, si les dissemblances entre les conceptions sont très grandes, il devient impossible d’envisager une quelconque coordination entre les systèmes visés par la situation en question, car cela risque d’aboutir à leur destruction. Ainsi que le faisait remarquer Batiffol, « si la coordination [des systèmes] est désirable, elle ne saurait être obtenue par la suppression de [leur] spécificité[190] ». La différence qui existe dans les concepts et les catégorisations reflète bien la diversité des droits nationaux.
Il est, à cet égard, de principe que le juge utilise ses propres concepts[191], lors de la mise en oeuvre des règles de conflit de lois. La référence aux conceptions nationales est justifiée par la nécessité de garantir la « cohérence et [l]’unité des catégories juridiques[192] ». Si la qualification lege fori ne s’oppose pas en principe à l’accueil d’institutions étrangères inconnues du for, encore faut-il que ces dernières ne soient pas diamétralement contraires aux valeurs du for.
Conclusion
La qualification a pour fondement la méthode d’abstraction qui est en usage dans toutes les branches du droit. À noter que le discours général et abstrait du législateur ne vise jamais telle situation individuelle qui se rencontre dans la réalité quotidienne, mais des classes entières de situations. L’opération de qualification permet donc au juriste de mettre de l’ordre dans sa démarche : les occurrences de l’objet d’analyse sont regroupées dans des catégories qui postulent une réglementation juridique déterminée.
La qualification sert à formuler en droit des données concrètes en vue de leur appliquer un régime juridique. La démarche suppose une comparaison d’un donné conceptuel — le fait qualifié — au contenu de la norme légale ; cette comparaison a pour objet de vérifier que les concepts désignant la situation concrète sont équivalents aux concepts délimitant la norme. Cependant, comme il s’agit ici d’habiller conceptuellement une situation qui compte des éléments étrangers, l’opération de qualification s’effectue par référence à des catégories marquées par leur texture ouverte.
Or, le contexte dans lequel se réalise l’« alchimie » de la qualification permet d’apercevoir un aspect très souvent occulté de la qualification : le fait qu’elle est au service d’une certaine politique législative. De surcroît, l’appartenance des ordres juridiques à des mondes fortement dissemblables confère à la qualification une vertu et une importance peu connues, celle de refléter les valeurs du for. Ainsi, les préoccupations d’ordre matériel ne sont donc pas totalement exclues de l’opération de qualification.
Appendices
Notes
-
[1]
Étienne Bartin, « La doctrine des qualifications et ses rapports avec le caractère national du conflit des lois », dans Académie de droit international, Recueil des cours. 1930-I, t. 31, Paris, Recueil Sirey, 1931, p. 561, à la page 618 ; dans le même sens, Gérald Goldstein et Ethel Groffier, Droit international privé, t. 1 « Théorie générale », Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1998, no 58, p. 129, qui observent que la qualification revêt, en droit international privé, « une importance fondamentale ».
-
[2]
C.A. Alger, 24 décembre 1889, (1891) 18 J.D.I. 1171.
-
[3]
G. Goldstein et E. Groffier, préc., note 1, no 58, p. 130.
-
[4]
Erik Jayme, « Identité culturelle et intégration : le droit international privé postmoderne. Cours général de droit international privé », dans Académie de droit international, Recueil des cours. 1995, t. 251, Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 1996, p. 9, à la page 108.
-
[5]
Albert A. Ehrenzweig, « Characterization in the Conflict of Laws : An Unwelcome Addition to American Doctrine », dans Kurt H. Nadelmann, Arthur T. von Mehren et John N. Hazard (dir.), XXth Century Comparative and Conflicts Law. Legal Essays in Honor of Hessel E. Yntema, Leyden, A.W. Sythoff, 1961, p. 395.
-
[6]
Friedrich K. Juenger, Choice of Law and Multistate Justice, Dordrecht, Martinus Nijhoff Publishers, 1993, p. 73, cité par Eugenio Hernández-Breton, « An Attempt to Regulate the Problem of “Characterization” in Private International Law », dans Heinz-Peter Mansel et autres (dir.), Festschrift für Erik Jayme, vol. 1, Munich, Sellier. European Law Publishers, 2004, p. 331, à la page 332.
-
[7]
Ioannis Voulgaris, « Réflexions sur l’approche comparative de la qualification en droit international privé », dans Mélanges en l’honneur de Denis Tallon. D’ici, d’ailleurs : harmonisation et dynamique du droit, Paris, Société de législation comparée, 1999, p. 193 ; Jean J.A. Salmon, « Quelques observations sur la qualification en droit international public », dans Chaïm Perelman et Paul Foriers (dir.), La motivation des décisions de justice, Bruxelles, Bruylant, 1978, p. 345, à la page 350 ; Christophe Grzegorczyk, « Le droit comme interprétation officielle de la réalité », Droits 1990.11.31 ; contra : Paul Amselek, « L’interprétation à tort et à travers », dans P. Amselek (dir.), Interprétation et droit, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 11, aux pages 22 et suiv., qui dénonce cette confusion.
-
[8]
Jacques Maury, « Règles générales des conflits de lois », dans Académie de droit international, Recueil des cours. 1936-III, t. 57, Paris, Recueil Sirey, 1937, p. 325, aux pages 468 et suiv. ; François Rigaux, La théorie des qualifications en droit international privé, Paris, L.G.D.J., 1956, spéc. p. 237 et suiv. ; Michel Troper (Georges Burdeau, Francis Hamon et Michel Troper, Droit constitutionnel, 26e éd., Paris, L.G.D.J., 1999) cité par Patrick Wachsmann, « Qualification », dans Denis Alland et Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Presses universitaires de France, 2003, p. 1277, à la page 1280, envisageait la qualification comme une « interprétation des faits » ; selon Roberto Ago, celle-ci se traduit par « la détermination du sens des expressions techniques employées par les règles du droit international privé » : « Règles générales des conflits de lois », dans Académie de droit international, Recueil des cours. 1936-IV, t. 58, Paris, Recueil Sirey, 1937, p. 243, à la page 323 ; Wilhelm Wengler, « Réflexions sur la technique des qualifications en droit international privé », Rev. crit. dr. int. privé 1954.661, 662, observait à cet égard que l’interprétation tend, en règle générale, « à aboutir à une définition d’une catégorie employée par le législateur ». Cette perception s’expliquerait par le fait que le droit international privé est largement tributaire du droit interne en matière d’interprétation puisque, généralement, ce sont les concepts du droit interne qui se trouvent projetés sur le plan international : voir en ce sens, Y. Loussouarn, « Rapport général », dans Travaux de l’Association Henri Capitant. L’interprétation par le juge des règles écrites (Journées louisianaises), t. 29, Paris, Economica, 1980, p. 281, à la page 288.
-
[9]
Hugues Rabault, L’interprétation des normes : l’objectivité de la méthode herméneutique, coll. « Logiques juridiques », Paris, L’Harmattan, 1997, p. 202 ; voir également Dominique d’Ambra, L’objet de la fonction juridictionnelle : dire le droit et trancher les litiges, Paris, L.G.D.J., 1994, p. 141, qui écrit ceci : « Le travail de qualification est […] une interprétation de la notion juridique. »
-
[10]
Philippe I. André-Vincent, « L’abstrait et le concret dans l’interprétation », Arch. phil. dr. 1972.135, 147.
-
[11]
P. Amselek, préc., note 7, aux pages 24 et 25.
-
[12]
Paul Delnoy, Éléments de méthodologie juridique, 2e éd., Bruxelles, Larcier, 2006, no 81, p. 273 et suiv. ; H. Rabault, préc., note 9, p. 201 ; Bernard Audit, La fraude à la loi, Paris, Dalloz, 1974, spéc. no 149.
-
[13]
John D. Falconbridge, « Conflict Rule and Characterization of Question », (1952) 30 R. du B. can. 103, 113.
-
[14]
François Terré, L’influence de la volonté individuelle sur les qualifications, Paris, L.G.D.J., 1957, no 685, p. 551.
-
[15]
P. Wachsmann, préc., note 8.
-
[16]
Mustafa Kamil Yasseen, « Principes généraux de droit international privé », dans Académie de droit international, Recueil des cours. 1965-III, t. 116, Leyde, A.W. Sijthoff, 1965, p. 383, à la page 444 ; Bertrand Gelot, Finalités et méthodes objectives d’interprétation des actes juridiques. Aspects théoriques et pratiques, coll. « Bibliothèque de droit privé », Paris, L.G.D.J., 2003, no 4, p. 2-4.
-
[17]
C.A. Tunis, arrêt no 31-32 du 12 janvier 1998, R.J.L. 1999.5.293 (partie arabe).
-
[18]
Cass. civ., no 2830 du 7 décembre 2006, Naass, B.C.C.2006.283 (partie procédure civile et commerciale).
-
[19]
Cass. civ., no 25055 du 4 novembre 2003, B.C.C.2003.I.241.
-
[20]
En français, interprétation ; en italien, interpretazione ; en espagnol, interpretacion ; en portugais, interpretaçao ; en anglais, interpretation ; en allemand, interpretation. Il en est de même pour la qualification, même si certains auteurs canadiens emploient l’un pour l’autre les termes characterization, qualification et classification : voir, en ce sens, J.D. Falconbridge, préc., note 13, 114.
-
[21]
Jerzy Wroblewski, « L’interprétation en droit : théorie et idéologie », Arch. phil. dr. 1972.51, 53 ; Francis Jacques, « Interpréter. Prototype ou simple ressemblance de famille ? », dans P. Amselek (dir.), préc., note 7, p. 27.
-
[22]
F. Jacques, préc., note 21. Selon un auteur, l’interprétation juridique ne s’intéresse pas au sens des mots, mais plutôt à leurs limites : Charles P. Curtis, « A Better Theory of Legal Interpretation », (1949-1950) 3 Vand. L. Rev. 407, 426, cité par Alain Papaux, Essai philosophique sur la qualification juridique. De la subsomption à l’abduction : l’exemple du droit international privé, Paris, L.G.D.J., 2003, p. 378.
-
[23]
P.I. André-Vincent, préc., note 10, 136.
-
[24]
J. Wroblewski, préc., note 21. Selon un auteur influent, le terme « interprétation » doit être réservé aux seules solutions tirées d’un texte : voir, en ce sens, Henri Batiffol, « Questions de l’interprétation juridique », Arch. phil. dr. 1972.9, 10.
-
[25]
La cause la plus immédiate de ces insuffisances est l’évolution de la société et la complexité des rapports entre les personnes.
-
[26]
H. Batiffol, préc., note 24, 24. La décision prise par le juge doit être justifiée comme exprimant le « vrai sens » de la norme juridique : voir, en ce sens, J. Wroblewski, préc., note 21, 56 et 57, ainsi que Ambroise Colin et Henri Capitant, Cours élémentaire de droit civil français, Paris, Dalloz, 1947, no 32.
-
[27]
Sur ces instruments d’interprétation, voir Ezzeddine Arfaoui, Les règles écrites d’interprétation de la loi, thèse de doctorat, Tunis, Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, Université de Tunis El Manar, 2000, p. 320 et suiv.
-
[28]
Hans Kelsen, Théorie pure du droit, trad. par Charles Eisenmann, Paris, Dalloz, 1962, p. 453.
-
[29]
François Ost et Michel vandeKerchove, « Interprétation », Arch. phil. dr. 1990.165, 182.
-
[30]
Charles Eisenmann, « Quelques problèmes de méthodologie des définitions et des classifications en science juridique », Arch. phil. dr. 1966.25, 27.
-
[31]
Léon Husson, Nouvelles études sur la pensée juridique, Paris, Dalloz, 1974, p. 157, cité par P. Wachsmann, préc., note 8, à la page 1277 ; J.J.A. Salmon, préc., note 7, aux pages 346 et 350.
-
[32]
P. Wachsmann, préc., note 8.
-
[33]
François Terré, « Retour sur la qualification », dans La procédure en tous ses états. Mélanges en l’honneur de Jean Buffet, Paris, Petites Affiches, 2004, p. 419, à la page 419 ; François Terré, « Volonté et qualification », Arch. phil. dr. 1957.99, 100.
-
[34]
C.A. Tunis, arrêt no 31-32 du 12 janvier 1998, préc., note 17.
-
[35]
Loi no 98-97 du 27 nov. 1998, portant promulgation du Code de droit international privé, J.O.R.T. 1er déc. 1998, p. 2332, [En ligne], [www.droit-afrique.com/images/textes/Tunisie/Tunisie%20-%20Code%20du%20droit%20intl%20prive.pdf] (15 janvier 2010) (ci-après « CDIP »).
-
[36]
L’importance de la méthodologie a d’ailleurs été clairement mise en évidence dans plusieurs arrêts de cassation : voir, à titre d’illustration, Cass. civ., no 1875 du 21 septembre 2004, B.C.C.2004.II.159, ainsi que Cass. civ., no 2830 du 7 décembre 2006, préc., note 18.
-
[37]
Olsen A. Ghirardi, Le raisonnement judiciaire, trad. par Nelly Aldana de Prol, Bordeaux, Éditions Bière, 1999, p. 117.
-
[38]
Françoise Labarthe, « Les conflits de qualification. Éléments de réflexion à partir de la distinction entre le contrat d’entreprise et d’autres contrats », dans Les droits et le Droit. Mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Paris, Dalloz, 2006, p. 539, à la page 541.
-
[39]
Gérard Cornu, « Les définitions dans la loi », dans Mélanges dédiés à Jean Vincent, Paris, Dalloz, 1981, p. 77, aux pages 78 et 82 et suiv.
-
[40]
Gérard Cornu, Cours de linguistique juridique, D.E.A. de droit privé de Paris II, 1984-1985 (inédit), cité par Charles Jarrosson, La notion d’arbitrage, Paris, L.G.D.J., 1987, no 778, p. 368.
-
[41]
Jean-Louis Bergel, « Typologie des définitions dans le code civil », R.R.J.1986.4.31, 32.
-
[42]
Gérard Cornu, L’art du droit en quête de sagesse, coll. « Doctrine juridique », Paris, Presses universitaires de France, 1998, p. 261.
-
[43]
Sur cette question, voir Mounir Ayari, « Les définitions juridiques dans le code des obligations et des contrats », dans Mohamed K. Charfeddine (dir.), Livre du centenaire du Code des obligations et des contrats 1906-2006, Tunis, Centre de publication universitaire, 2006, p. 103, aux pages 125 et suiv.
-
[44]
En ce sens, voir Nadhir BenAmmou, Le pouvoir de contrôle de la cour de cassation, thèse de doctorat, Tunis, Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, Université de Tunis El Manar, 1996, no 263.
-
[45]
Anne Danis-Fatôme, « La définition légale », dans Études offertes à Geneviève Viney. Liber amicorum, Paris, L.G.D.J., 2008, p. 275, à la page 286 ; dans un sens différent, Gabriel Marty, La distinction du fait et du droit. Essai sur le pouvoir de contrôle de la Cour de cassation sur les Juges du fait, Paris, Recueil Sirey, 1929, n° 115, écrivait ceci : « par l’identification d’une certaine situation de fait avec une notion légale, toute qualification entraîne indirectement une définition de cette notion ».
-
[46]
Werner Goldschmidt, « Système et philosophie du droit international privé », Rev. crit. dr. int. privé 1955.44.639 et 1956.45.21, 29 et suiv. ; voir également dans un cadre plus général : G. Marty, préc., note 45, no 115 ; Paul Lagarde, « La qualification des biens en meubles ou immeubles dans le droit international privé du patrimoine familial », dans Mélanges en l’honneur de Mariel Revillard. Liber amicorum, Paris, Defrénois, 2007, p. 209, à la page 216 ; contra : François Rigaux, La nature du contrôle de la Cour de cassation, Bruxelles, Bruylant, 1966, p. 243, qui fait remarquer que la définition d’un terme que la loi emploie sans le définir, comme la sélection des termes qui s’appliquent à telle catégorie de faits ou d’objets fait partie de ce que la doctrine appelle « délimitation » ; P. Delnoy, préc., note 12, no 81, p. 282.
-
[47]
G. Cornu, préc., note 39, à la page 88.
-
[48]
A. Danis-Fatôme, préc., note 45, aux pages 284 et suiv.
-
[49]
F. Terré, « Retour sur la qualification », préc., note 33, aux pages 419 et 427 ; Jean-Louis Bergel, « Différence de nature (égale) différence de régime », RTD civ. 1984.255.
-
[50]
Jacques Boré, Rép.pr.civ. Dalloz,s.v. « Pourvoi en cassation », no 343, p. 51.
-
[51]
François Blanchard, « Vers une théorie de la qualification juridique. Les socles épistémiques de la catégorisation », dans Danièle Bourcier et Pierre Mackay (dir.), Lire le droit. Langue, texte, cognition, coll. « Droit et société », Paris, L.G.D.J., 1992, p. 223, à la page 232 ; voir également : Olivier Cayla, « Ouverture : la qualification, ou la vérité du droit », Droits 1993.18.3, 11 ; F. Terré, « Volonté et qualification », préc., note 33 ; A. Papaux, préc., note 22, p. 25 ; Thomas Janville, La qualification juridique des faits, t. 1, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2004, no 73, p. 67, qui observe qu’au niveau linguistique la qualification peut être analysée comme « la désignation, par des vocables ressortissant d’un registre de langage spécifique, d’une situation factuelle, et plus exactement d’une situation factuelle décrite ».
-
[52]
P. Amselek, préc., note 7, à la page 24.
-
[53]
O. Cayla, préc., note 51, 11 ; Jean Combacau, « Interpréter des textes, réaliser des normes : la notion d’interprétation dans la musique et dans le droit », dans Mélanges Paul Amselek, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 261, à la page 270 ; Jean Carbonnier, Droit civil. Introduction, 23e éd., coll. « Thémis. Droit privé », Paris, Presses universitaires de France, 1995, p. 52. Toutefois, certains ont souligné que l’habitude des juristes d’attribuer des mots aux réalités les plus diverses fait que l’opération de qualification s’effectue généralement de manière inconsciente : voir, en ce sens, Eduardo Silva-Romero, Wittgenstein et la philosophie du droit, coll. « Droit, éthique, société », Paris, Presses universitaires de France, 2002, spéc. no 56.
-
[54]
Chaïm Perelman et Lucie Olbrechts-Tyteca, Traité de l’argumentation. La nouvelle rhétorique, 3e éd., Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1970, p. 169 et suiv.
-
[55]
Cass. civ., no 2830 du 7 décembre 2006, préc., note 18.
-
[56]
CDIP, préc., note 35.
-
[57]
Cass. civ., no 2830 du 7 décembre 2006, préc., note 18.
-
[58]
C’est, par exemple, le cas de la dernière maladie : voir, sur cette question, Cass. civ., no 2830 du 7 décembre 2006, préc., note 18, et, plus récemment, Cass. civ., no 11190 du 25 octobre 2007, B.C.C.2007.II.179, et Cass. civ., no 9299 du 27 septembre 2007, B.C.C.2007.I.179.
-
[59]
Il en est ainsi des droits de la personnalité envisagés par l’article 43 CDIP, préc., note 35.
-
[60]
Citons l’exemple de la promesse de mariage.
-
[61]
Voir en ce sens, Sébastien McEvoy, « La question de l’arrêt : le cas de l’argumentation dans le droit », dans D. Bourcier et P. Mackay (dir.), préc., note 51, p. 173, aux pages 184 et suiv.
-
[62]
C. Jarrosson, préc, note 40, no 470, p. 228.
-
[63]
Gaston Bachelard, Essai sur la connaissance approchée, 5e éd., Paris, Vrin, 1981, p. 12 et 14, cité par Théodore Ivainer, L’interprétation des faits en droit. Essai de mise en perspective cybernétique des « lumières du magistrat », coll. « Bibliothèque de philosophie du droit », Paris, L.G.D.J., 1988, p. 51.
-
[64]
Auguste Dumas, « De l’essence du droit », Archives de philosophie du droit et de sociologie juridique 1936.3-4.100.
-
[65]
J.-L. Bergel, préc., note 49, 260 ; P. Amselek, préc., note 7, à la page 23 ; C. Eisenmann, préc., note 30, 34 ; E. Silva-Romero, préc., note 53, no 78.
-
[66]
T. Ivainer, préc., note 63, p. 47.
-
[67]
Ce verbe signifie « penser quelque chose comme compris dans un ensemble », selon Le Larousse des noms communs, Paris, Larousse, 2008, s.v. « subsumer ».
-
[68]
N. BenAmmou, préc., note 44, no 290.
-
[69]
Pierre Catala, « Interprétation et qualification dans l’avant-projet de réforme des obligations », dans Études offertes à Geneviève Viney. Liber amicorum, préc., note 45, p. 243, à la page 254. De manière nuancée, F. Rigaux, préc., note 8, no 192, p. 278, fait remarquer que la classification, qui présente toutes les caractéristiques attribuées au problème classique de la qualification, se distingue de ce dernier par le fait qu’elle n’est généralement suscitée que par un type particulier de règles de rattachement, telles les règles qui utilisent une catégorie disjonctive (la catégorie des biens, qui suppose une classification préalable des biens en meubles et immeubles). D’un autre côté, la classification doit être distinguée d’un autre aspect du problème de qualification : la détermination du facteur de rattachement. En effet, si la classification porte sur le concept utilisé par la catégorie de rattachement (par exemple, bien meuble ou immeuble, contrat civil ou commercial), la détermination du facteur de rattachement porte, au contraire, sur la définition d’un élément de fait ayant une fonction localisatrice (nationalité, domicile, résidence, lieu d’exécution du contrat et ainsi de suite) (voir spécialement les numéros 162, 164, 188 et 192 et suiv.). Par ailleurs, certains auteurs ont relevé que la classification suppose une double opération : le regroupement des espèces similaires en un même genre et la subdivision d’un genre en ses différentes espèces : voir, en ce sens, J.-L. Bergel, préc., note 49, 262.
-
[70]
G. Goldstein et E. Groffier, préc., note 1, no 58, p. 129.
-
[71]
F. Terré, « Volonté et qualification », préc., note 33, 99 ; C. Perelman et L. Olbrechts-Tyteca, préc., note 54, p. 170 et suiv.
-
[72]
F. Rigaux, préc., note 46, p. 81 et 86
-
[73]
Léo RAAPE, « Les rapports juridiques entre parents et enfants comme point de départ d’une explication pratique d’anciens et de nouveaux problèmes fondamentaux du droit international privé », dans Académie de droit international, Recueil des cours. 1934-IV, t. 50, Paris, Recueil Sirey, 1935, p. 401, aux pages 517 et suiv. ; F. Rigaux, préc., note 8, no 192, p. 278.
-
[74]
P. Catala, préc., note 69, à la page 254.
-
[75]
François Rigaux, Droit international privé, 2e éd., t. 1 « Théorie générale », Bruxelles, Maison F. Larcier, 1987, p. vii, cité par A. Papaux, préc., note 22, p.164, l’exprime remarquablement : « Le fait n’est pas, pour le juriste, un donné existentiel qui puisse être directement perçu : il s’accompagne nécessairement de la médiation du concept juridique approprié, celui qui permet de qualifier la situation. »
-
[76]
Cette rencontre est réalisée au moyen du langage, lequel sert de médiation entre le fait et le droit : F. Rigaux, préc., note 46, p. 81 et 82.
-
[77]
F. Terré, « Volonté et qualification », préc., note 33, p. 99 ; Christian Atias, Épistémologie juridique, Paris, Presses universitaires de France, 1985, p. 129 ; voir également : Philippe Jestaz, Le droit, 3e éd., coll. « Connaissance du droit », Paris, Dalloz, 1996, p. 86 ; Gérard Cornu, Linguistique juridique, 3e éd., coll. « Domat droit privé », Paris, Montchrestien, 2005, p. 350 : il s’agit de faire « entrer le fait qualifié dans la catégorie juridique, en reconnaissant dans le fait brut les éléments caractéristiques de la notion de droit ».
-
[78]
Gérard Cornu, L’art du droit en quête de sagesse, coll. « Doctrine juridique », Paris, Presses universitaires de France, 1998, p. 313 et suiv., spécialement à la page 315.
-
[79]
Voir en faveur de cette représentation : J.D. Falconbridge, préc., note 13, 114 ; Xavier Dijon, Méthodologie juridique. L’application de la norme, coll. « À la rencontre du droit », Bruxelles, E. Story-Scientia, 1990, no 51, p. 20.
-
[80]
Majeure : loi ; mineure : cas ; conclusion : dispositif ou sanction.
-
[81]
Cass. civ., no 3549 du 19 juin 2001, R.J.L.2002.4.167 (partie arabe) ; voir également C.A. de Tunis, arrêt no 31-32 du 12 janvier 1998, préc., note 17.
-
[82]
Cette expression provient de T. Janville, préc., t. 2, note 51, no 955 et suiv., p. 586 et suiv. ; voir également N. BenAmmou, préc., note 44, no 271 et suiv.
-
[83]
L. Raape, préc., note 73, aux pages 517 et suiv. ; François Rigaux, La loi des juges, Paris, Odile Jacob, 1997, p. 51.
-
[84]
Georges Abi-Saab, « “Interprétation” et “Auto-interprétation”. Quelques réflexions sur leur rôle dans la formation et la résolution du différend international », dans Rudolf Bernhardt et Ulrich Beyerlin (dir.), Recht zwischen Umbruch und Bewahrung. Festschrift für Rudolf Bernhardt, New York, Springer-Verlag, 1995, p. 9, cité par A. Papaux, préc., note 22, p. 143.
-
[85]
A. Papaux, préc., note 22.
-
[86]
Cette logique s’inscrit dans un schème qui fait du droit international privé un simple panneau de signalisation.
-
[87]
Constantin M. Stamatis,Argumenter en droit. Une théorie critique de l’argumentation juridique, Paris, Publisud, 1995, p. 162 ; X. Dijon, préc., note 79, no 55, p. 21.
-
[88]
O.A. Ghirardi, préc., note 37, p. 121.
-
[89]
E. Silva-Romero, préc., note 53, no 78.
-
[90]
Lire, sur cette question, Nabil Ben Aïcha, « La place du droit étranger dans la qualification », Revue tunisienne de droit 2000.357, 365 et suiv.
-
[91]
P. Catala, préc., note 69, à la page 253.
-
[92]
Voir, à titre d’illustration, l’intitulé du cours d’É. Bartin, préc., note 1 ; voir également F. Rigaux, préc., note 83. Le succès remporté par ces méthodes a permis de les étendre à n’importe quel problème d’application d’un concept appartenant à la règle de conflit de lois (telle la détermination du facteur de rattachement).
-
[93]
F. Rigaux, préc., note 8, no 310, p. 477.
-
[94]
François Rigaux, « Les notions à contenu variable en droit international privé », dans Chaïm Perelman et Raymond VanderElst (dir.), Les notions à contenu variable en droit, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 237, aux pages 243 et suiv.
-
[95]
Bertrand Ancel, Rép.dr.int. Dalloz, s.v. « Qualification », no 8.
-
[96]
Bertrand Ancel, « L’objet de la qualification », J.D.I.1980.107.227, 228.
-
[97]
Carl Ludwig von Bar, Theorie und Praxis des internationalen Privatrechts, Hannover, Hahn, 1889, cité par Jean-Luc Elhoueiss, « L’élément d’extranéité préalable en Droit international privé », J.D.I.2003.103.39, 68, à la note 65 ; Bertrand Ancel, Les conflits de qualifications à l’épreuve de la donation entre époux, Paris, Dalloz, 1977, no 124, p. 129 et 130.
-
[98]
Cass. civ., no 1875 du 21 septembre 2004, préc., note 36.
-
[99]
CDIP, préc., note 35.
-
[100]
P. Lagarde, préc., note 46, à la page 218.
-
[101]
Cass. civ., no 2830 du 7 décembre 2006, préc., note 18.
-
[102]
Voir, en ce sens, J.D. Falconbridge, préc., note 13, 116 ; voir, en ce sens également, G. Goldstein et E. Groffier, préc., note 1, no 60, p. 135.
-
[103]
CDIP, préc., note 35, art. 27, al. 1.
-
[104]
Sur cette question, voir Louis Perreau-Saussine, L’immeuble et le droit international privé. Étude des méthodes, coll. « Doctorat & notariat », Paris, Defrénois, 2006, spéc. no 202.
-
[105]
Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 3078, al. 1.
-
[106]
Jean-Gabriel Castel, « Commentaire sur certaines dispositions du Code civil du Québec se rapportant au droit international privé », (1992) 119 J.D.I. 625, 628.
-
[107]
Loi portant le Code de droit international privé, Moniteur belge 27 juill. 2004, p. 57344. En ce sens, Marc Fallon, « La loi belge de droit international privé, pour un bicentenaire », dans Travaux du comité français de droit international privé. Années 2004-2006, Paris, Éditions A. Pedone, 2008, p. 89, à la page 93.
-
[108]
G. Goldstein et E. Groffier, préc., note 1, no 60, p. 135 ; voir également Andreas Bucher et Andrea Bonomi, Droit international privé, Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 2001, no 530, qui font observer qu’« en subordonnant la définition du contenu de la catégorie de rattachement aux qualifications retenues dans les lois susceptibles de s’appliquer aucune règle de conflit ne serait disponible ».
-
[109]
Gautier c. Bergeron, [1973] C.A. 77, 79, cité par G. Goldstein et E. Groffier, préc., note 1, no 60, p. 137.
-
[110]
CDIP, préc., note 35, art. 27, al. 2. Cependant, l’écart entre la version originale et la traduction ne facilite pas l’intelligibilité de la directive donnée par ce texte. Dans sa version originale, le texte emploie l’expression « » ; or, cette dernière peut se traduire de différentes manières : « systèmes juridiques », « ordres juridiques » ou « régimes juridiques ». À notre avis, c’est l’expression « régime juridique » qui paraît correspondre le mieux à l’opération de qualification, dans la mesure où cette dernière tend, en effet, à l’application du régime juridique propre à la notion définie. C’est là où apparaît son intérêt pratique.
-
[111]
Henri Battifol et Paul Lagarde, Traité de droit international privé, t. 1, 8e éd., Paris, L.G.D.J., 1993, no 294, p. 480 et suiv.
-
[112]
Voir en ce sens : John D. Falconbridge, Essays on the Conflict of Laws, 2e éd., Toronto, Canada Law Book, 1954, p. 50 et suiv., cité par G. Goldstein et E. Groffier, préc., note 1, no 61, p. 142, à la note 61-6 ; B. Ancel, préc., note 97, no 249, p. 245 ; Pierre Mayer et Vincent Heuzé, Droit international privé, 9e éd., Paris, Montchrestien, 2007, no 165, p. 127, qui écrivent à cet égard qu’il ne faut pas « être esclave de classifications consacrées par, et pour, le droit substantiel du for », car « [l]es objectifs du droit international privé ne sont pas ceux du droit interne, et les classifications de celui-ci ne conviennent pas nécessairement à celui-là ».
-
[113]
B. Ancel, préc., note 97, no 249, p. 245.
-
[114]
B. Ancel, préc., note 96, 264 ; G. Goldstein et E. Groffier, préc., note 1, no 59, p. 133.
-
[115]
Voir, en ce sens, Giuseppe Barile, « La fonction historique du droit international privé », dans Académie de droit international, préc., note 16, p. 301, aux pages 342 et suiv.
-
[116]
J.D. Falconbridge, préc., note 112, p. 50 et suiv.
-
[117]
Voir, en ce sens, P. Mayer et V. Heuzé, préc., note 111, no 489, p. 361.
-
[118]
Henri Batiffol, Aspects philosophiques du droit international privé, Paris, Dalloz, 2002, no 14, p. 32.
-
[119]
Id., no 15, p. 33.
-
[120]
G. Goldstein et E. Groffier, préc., note 1, no 61, p. 143.
-
[121]
Ce terme est emprunté à A. Papaux, préc., note 22 ; Edward H. Levi, An Introduction to Legal Reasoning, Chicago, University of Chicago Press, 1949, p. 3, écrivait à cet égard : « The categories used in the legal process must be left ambiguous in order to permit the infusion of new ideas », cité par A. Papaux, préc., note 22, p. 370.
-
[122]
A. Papaux, préc., note 22, p. 492 ; A. Bucher et A. Bonomi, préc., note 108, no 527.
-
[123]
Pierre Mayer, Droit international privé, 6e éd., Paris, Montchrestien, 1998, p. 113.
-
[124]
Trib. civ. de Tunis, 25 mars 1959, Revue tunisienne de droit 1962.75, note J-M. Verdier.
-
[125]
Décret du 12 juillet 1956 (30 doul hidja 1375), fixant le statut personnel des Tunisiens non musulmans et non israélites, J.O.T. 13 juill. 1956, p. 987.
-
[126]
J.D. Falconbridge, préc., note 112, p. 72.
-
[127]
G. Goldstein et E. Groffier, préc., note 1, no 70, p. 163.
-
[128]
Id., no 68, p. 158.
-
[129]
CDIP, préc., note 35, art. 27, al. 3.
-
[130]
Voir, en ce sens, E. Hernández-Breton, préc., note 6, à la page 334.
-
[131]
Cass. civ., no 9589/9597 du 8 octobre 2007, Sté. Carrefour c/ Sté. Jitex (inédit).
-
[132]
A. Papaux, préc., note 22, p. 167.
-
[133]
Id., p. 389.
-
[134]
Id., p. 31.
-
[135]
B. Ancel, préc., note 97, no 207, p. 211.
-
[136]
J.-L. Bergel, préc., note 49, 258 ; P. Delnoy, préc., note 12, no 81, p. 278.
-
[137]
A. Papaux, préc., note 22, p. 385.
-
[138]
L. Husson, préc., note 31, p. 241.
-
[139]
Ce terme est emprunté à F. Rigaux, préc., note 83, p. 51.
-
[140]
R. Ago, préc., note 8, à la page 324 ; M.K. Yasseen, préc., note 16, à la page 444.
-
[141]
F. Blanchard, préc., note 51, à la page 227.
-
[142]
P. Wachsmann, préc., note 8.
-
[143]
J.J.A. Salmon, préc., note 7, à la page 354 : « le politique est présent à tous les niveaux de l’opération de qualification ».
-
[144]
Henri Batiffol et Paul Lagarde, Droit international privé, 7e éd., Paris, L.G.D.J., 1983, no 279. Ainsi, en droit français, à titre d’exemple, l’impératif de protection de l’enfance a justifié la qualification de la reconnaissance judiciaire de la filiation naturelle comme question intéressant l’état de l’enfant et a conduit à la faire régir par la loi personnelle de ce dernier : Phocéon Francescakis, La théorie du renvoi et les conflits de systèmes en droit international privé, Paris, Sirey, 1958, no 23.
-
[145]
G. Goldstein et E. Groffier, préc., note 1, no 61, p. 146.
-
[146]
A. Papaux, préc., note 22, p. 368 et 369.
-
[147]
O. Cayla, préc., note 51, 9-10.
-
[148]
Sur la fiction en matière de qualification, voir Martha Weser, « Présomptions et fictions en droit international privé », dans Chaïm Perelman et Paul Foriers (dir.), Les présomptions et les fictions en droit, Bruxelles, Bruylant, 1974, p. 144, aux pages 151 et suiv.
-
[149]
Chaïm Perelman, « Les notions à contenu variable en droit, essai de synthèse », dans C. Perelman et R. VanderElst (dir.), préc., note 94, p. 363, à la page 365.
-
[150]
C.A. Tunis, no 86249 du 25 décembre 1982, Revue tunisienne de droit 1984.816, note K. Meziou.
-
[151]
Marie-Christine De Lambertye-Autrand, La distinction des meubles et des immeubles en droit international privé, thèse de doctorat, Paris, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, 2001, no 36, à la note 49, citée par P. Lagarde, préc., note 46, aux pages 222 et 223.
-
[152]
Sur cette question, voir F. Terré, « Volonté et qualification », préc., note 33.
-
[153]
Cass. civ., no 9589/9597 du 8 octobre 2007, préc., note 131.
-
[154]
Cass. civ., no 9463 du 3 octobre 2006, R.J.L.2006.201.
-
[155]
Voir Cass. civ., ch. réun., n° 12082 du 30 janvier 1976, R.J.L.1976.111 ; voir également les arrêts de la Cour d’appel de Tunis no 31-32 du 12 janvier 1998, préc., note 17, et no 42916 du 11 mars 1998, R.J.L.1999.5.413.
-
[156]
F. Terré, « Volonté et qualification », préc., note 33, 101.
-
[157]
Cass. civ., no 9589/9597 du 8 octobre 2007, préc., note 131.
-
[158]
Marie-Élodie Ancel, La prestation caractéristique du contrat, coll. « Recherches juridiques », Paris, Economica, 2002, spécialement les numéros 8 et 186, aux pages 7, 131 et 132.
-
[159]
Id.
-
[160]
Id., no 288 et suiv., p. 212 et suiv., sur l’importance de la prestation caractéristique dans la qualification.
-
[161]
Jean Déprez, « Droit international privé et conflits de civilisations. Aspects méthodologiques. Les relations entre systèmes d’Europe occidentale et systèmes islamiques en matière de statut personnel », dans Académie de droit international, Recueil des cours. 1988-IV, t. 211, Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 1990, p. 9, à la page 282 ; voir également Philippe Jestaz, « La qualification en droit civil », Droits 1993.18.45, 52.
-
[162]
Marie-Claude Najm, « Religion et droit international privé de la famille dans les pays du Proche-Orient », CEDROMA4, p. 5, [En ligne], [www.cedroma.usj.edu.lb/pdf/drreli/Najm.pdf] (2 novembre 2009).
-
[163]
Id.
-
[164]
C. Atias, préc., note 77, p. 129.
-
[165]
F. Terré, « Volonté et qualification », préc., note 33, 122.
-
[166]
CDIP, préc., note 35.
-
[167]
Sur cette question, voir Dina Charif Feller, La garde (Hadanah) en droit musulman et dans les droits égyptien, syrien et tunisien, Genève, Librairie Droz, 1996, p. 55 et suiv.
-
[168]
Décret du 13 août 1956 (6 moharem 1376), portant promulgation du Code du statut personnel, J.O.T. 28 déc. 1956, p. 1742, et version consolidée (2009) du Code du statut personnel, [En ligne], [www.jurisitetunisie.com/tunisie/codes/csp/Menu.html] (15 janvier 2009). Réforme intervenue par la Loi no 93-74 du 12 juillet 1993, portant modification de certains articles du Code du statut personnel, J.O.R.T. 20 juill. 1993, p. 1004.
-
[169]
Le fait que la question des fiançailles est envisagée dans le Code du statut personnel n’apporte aucun argument définitif quant au problème de la catégorisation. Nous en voulons pour preuve l’exemple du classement de la tutelle dans la catégorie « Droits des personnes » et de la donation dans la catégorie « Successions » par le CDIP, préc., note 35, lequel classement ne correspond pas parfaitement à la spécificité de ces deux institutions.
-
[170]
Mohamed E.A. Hachem, Leçons de droit international privé. Les conflits de lois, Tunis, CERP, 1997, p. 187, estimait que la solution italienne qui classe les fiançailles dans la catégorie des rapports de famille est la plus proche du système juridique tunisien.
-
[171]
J. Maury, préc., note 8, à la page 501 ; Bernard Audit, Droit international privé, 4e éd., Paris, Economica, 2006, no 204.
-
[172]
Raymond Martin, « La règle de droit adéquate dans le procès civil », D. 1990.chr.163.
-
[173]
F. Rigaux, préc., note 83, p. 25.
-
[174]
A. Papaux, préc., note 22, p. 30.
-
[175]
P. Jestaz, préc., note 161, 46.
-
[176]
CDIP, préc., note 35. Comme le relevait un auteur belge, n’est-il pas illusoire d’espérer ainsi rendre compte, en termes législatifs, d’une théorie aussi complexe ? Jean-Yves Carlier, « Le Code belge de droit international privé », Rev. crit. dr. int. privé 2005.11, 27.
-
[177]
Voir cependant : Phocéon Francescakis, « Droit naturel et Droit international privé », dans Mélanges offerts à Jacques Maury, t. 1 « Droit international privé et public », Paris, Librairie Dalloz & Sirey, 1960, p. 113, à la page 122 ; A. Papaux, préc., note 22, p. 401.
-
[178]
F. Terré, « Retour sur la qualification », préc., note 33, à la page 431.
-
[179]
Voir, en ce sens, Jacques Foyer, « Diversité des droits et méthodes des conflits de loi », dans Vers de nouveaux équilibres entre ordres juridiques. Mélanges en l’honneur de Hélène Gaudemet-Tallon, Paris, Dalloz, 2008, p. 57, à la page 62.
-
[180]
Simon Othenin-Girard, La réserve d’ordre public en droit international privé suisse. Personnes-Famille-Successions, Zurich, Schulthess, 1999, no 272.
-
[181]
J. Déprez, préc., note 161, à la page 23.
-
[182]
Bernard Audit, « Le droit international privé français à la fin du xxe siècle : progrès ou recul ? », dans Symeon C. Symeonides (dir.), Le droit international privé à la fin du XXe siècle : progrès ou recul ?XVe congrès international de droit comparé, La Haye, Kluwer Law International, 2000, p. 191, à la page 203.
-
[183]
La meilleure illustration qui peut être donnée à cet égard est celle des unions entre personnes de même sexe récemment légalisées par certains pays occidentaux, tels le partenariat enregistré aux Pays-Bas, en Suède et en Finlande ou le pacte de solidarité civile (PACS) en France. Pour une étude générale sur cette question, voir Alain Devers, Le concubinage en droit international privé, Paris, L.G.D.J., 2004. Traduisant de manière fracassante une nouvelle politique de libéralisation des rapports sociaux, l’Occident vient de tracer une ligne de démarcation supplémentaire qui l’éloigne davantage des autres nations, plus particulièrement du monde islamique. Or, si nous considérons que « [p]our l’application de la règle de conflit, ce qui donne […] sa vraie nature à une institution, ce n’est pas son apparence extérieure, mais la réalité du résultat qu’elle poursuit » (Philippe Malaurie, « L’équivalence en droit international privé », D. 1962.chr.215, 216 ; H. Batiffol, préc., note 118, no 18 et suiv., p. 40 et suiv.), il est clair que le résultat est, en pareille hypothèse, manifestement troublant. Étant imposée au nom d’une certaine politique législative (Bernard Audit, « Qualification et droit international privé », Droits 1993.18.56, 62 ; P. Jestaz, préc., note 161, 52), la qualification se nourrit ainsi du choc des cultures et des civilisations. De surcroît, le problème de la qualification de pareilles institutions – déjà complexe au sein même des pays qui les ont prévues, car leur nature juridique dominante n’est pas claire, et il n’est pas donné qu’elles puissent être facilement assimilées au mariage, lequel suppose une union entre personnes de sexe opposé (voir, en ce sens, Georges Khairaliah, « Les “partenariats organisés” en droit international privé (Propos autour de la loi du 15 novembre 1999 sur le pacte civil de solidarité) », Rev. crit. dr. int. privé 2000.317, où l’auteur privilégie, avec beaucoup de nuances, la qualification du mariage ; voir, en revanche, en faveur de la qualification contractuelle, Mariel Revillard, « Le pacte civil de solidarité en droit international privé », Rép. Defrénois 2000.337) – se révèle insurmontable dans les sociétés de culture islamique.
-
[184]
Métaphore citée par J. Foyer, préc., note 179, à la page 61.
-
[185]
Edoardo Vitta, « Cours général de droit international privé », dans Académie de droit international, Recueil des cours. 1979-I, t. 162, Alphen aan den Rijn, Sijthoff & Noordhoff, 1980, p. 9, à la page 60 ; Yves Lequette, « Le renvoi de qualifications », dans Mélanges dédiés à Dominique Holleaux, Paris, Litec, 1990, p. 249, à la page 256.
-
[186]
F. Rigaux, préc., note 75, no 335, p. 231.
-
[187]
La Tunisie fait toutefois exception puisque la Loi no 58-27 du 4 mars 1958 (12 chaabane 1377), relative à la tutelle publique, la tutelle officieuse et à l’adoption, J.O.R.T. 7 mars 1958, p. 236, autorise l’adoption. Cependant, le débat se situe sur la question de savoir si un étranger peut adopter un Tunisien. Sur cette question, voir Ridha Boukhari, Le statut personnel à l’épreuve de la codification de droit international privé, thèse de doctorat, Tunis, Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, Université de Tunis El Manar, 2008, spécialement le numéro 164 et les suivants.
-
[188]
H. Batiffol, préc., note 118, no 19, p. 43.
-
[189]
CDIP, préc., note 35.
-
[190]
H. Batiffol, préc., note 118, no 96, p. 213.
-
[191]
Voir à titre d’illustration : Cass. civ., no 2830 du 7 décembre 2006, préc., note 18 ; Y. Lequette, préc., note 185, à la page 256 ; J. Maury, préc., note 8, à la page 493.
-
[192]
Myriam Hunter-Hénin, Pour une redéfinition du statut personnel, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2004, no 714, p. 501. À dire vrai, étant donné que le juge doit se référer aux concepts du droit matériel interne pour les besoins du « classement » ou de la qualification primaire de la question, la tentation, au stade de la subsomption, de faire prévaloir les conceptions du for existe réellement. L’opération de qualification se transforme alors en instrument permettant d’esquiver la loi étrangère ou d’échapper à son application et de faire un repli vers le droit du for : voir, en ce sens, Bernard Audit, « Le caractère fonctionnel de la règle de conflit (sur la “crise” des conflits de lois) », dans Académie de droit international, Recueil des cours. 1984-III, t. 186, Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 1985, p. 219, à la page 342. Le « décalque » pur et simple, pour la question considérée, de l’analyse qui prévaut en droit interne avait déjà été mis en exergue par une doctrine avertie relativement à la célébration du mariage. Elle a permis à la jurisprudence française, à l’occasion de l’affaire Caraslanis (Civ. 1re, 22 juin 1955, G.A.J.F.D.I.P. no 27), d’affirmer le principe de la supériorité de la politique législative du for sur celle de l’État étranger en cas de divergence : J. Déprez, préc., note 161, aux pages 293-308. Pour le commentaire de cette espèce, voir : Bertrand Ancel et Yves Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 4e éd., Paris, Dalloz, 2001, p. 252 et suiv. ; B. Audit, préc., note 182, à la page 203.