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I am not here to dispense justice. I am here to dispose of this case according to the law. Whether this is or is not justice is a question for the legislature to determine.

Sir Thomas W. Taylor[1]

La justice est un concept à géométrie variable, qui peut être abordé sous plusieurs angles. Un auteur canadien-anglais mentionnait que « [j]ustice is about results ; legal justice is about hearings. Justice is about economics and politics ; legal justice about courts and tribunals. Justice is the preoccupation of ordinary citizens and philosophers ; legal justice is the preoccupation of lawyers and judges[2]. » L’accès à la justice et, tel qu’il doit être entendu dans notre propos, l’accès aux tribunaux sont un mythe aux yeux de plusieurs citoyens[3]. Pour reprendre les mots du professeur Macdonald, « [w]ords like disenchantment, disenfranchisement and disempowerment best capture how many citizens view the justice system[4] ». Les frais juridiques sont trop élevés pour une partie de la population qui se situe légèrement au-dessus des barèmes d’admissibilité de l’aide juridique, le système judiciaire se distingue par sa complexité tant pour ce qui est de la procédure que du droit substantif et la confiance de la population envers le système judiciaire est fragile[5]. En droit de la consommation, la faible valeur monétaire du recours envisagé et les achats à l’étranger par Internet sont également susceptibles d’en décourager certains. Pourtant, diverses tentatives de solutions destinées à faciliter l’accès à la justice ont été avancées progressivement pour combler ces lacunes. Ces tentatives conviennent particulièrement aux contrats de consommation.

D’abord, le régime judiciaire s’est adapté aux besoins du consommateur qui désire intenter un recours judiciaire (1). Ensuite, le législateur a innové au fil des ans en facilitant l’accès alternatif à la justice par l’entremise des méthodes extrajudiciaires de résolution des conflits (2).

1 Les mesures qui favorisent l’accès au procès

Afin d’encourager l’accès à la justice, le gouvernement québécois a prévu un système d’aide juridique pour les citoyens qui désirent consulter un avocat. Malheureusement, ce système demeure inaccessible pour la plupart des gens en raison des barèmes d’accessibilité très bas (1.1). En pratique, les consommateurs doivent recourir à d’autres solutions pour faire valoir leurs droits. D’une part, depuis plusieurs années, le Barreau du Québec favorise le développement d’assurances juridiques pour couvrir les frais d’avocat (1.2). D’autre part, lorsque les litiges civils sont d’une valeur monétaire de 7 000 $ ou moins, ce qui est souvent le cas pour les contrats de consommation, les particuliers peuvent se présenter à la Cour des petites créances (1.3). Par ailleurs, certains litiges communs à un nombre important de consommateurs se prêtent à un recours collectif (1.4).

1.1 L’aide juridique

Créée en 1949 au Royaume-Uni, l’aide juridique est apparue au Canada en 1967, d’abord en Ontario, et ensuite dans les autres provinces canadiennes au cours des années qui ont suivi[6]. Le législateur québécois a introduit l’aide juridique en 1972 afin de permettre aux personnes financièrement admissibles de bénéficier de services juridiques[7]. L’aide juridique peut être définie comme suit : « Bien que déduite du système français d’assistance judiciaire, la définition qu’en donne Henri Capitant s’applique au système adopté dans notre pays. D’après ce juriste, elle est “une institution qui assure aux personnes dont les ressources sont insuffisantes la gratuité provisoire ou définitive des frais de justice”[8]. » Au Québec, l’aide juridique est un système mixte, puisqu’il comprend à la fois un système d’assistance judiciaire pour le recours à des avocats qui travaillent en pratique privée et un système qui fait appel à des avocats salariés de l’État. Dans ces deux cas, les barèmes d’admissibilité à l’aide juridique ont été accrus en janvier 2007, mais ils demeurent très bas et, en pratique, peu de gens y ont accès. À titre d’exemple, une personne seule sera admissible si son revenu annuel maximal est inférieur à 10 504 $, ce seuil augmentant graduellement pour un revenu familial, lorsqu’une personne vit avec un conjoint et des enfants, pour atteindre un seuil maximal de 19 042 $[9]. Il est également possible pour le requérant de bénéficier de l’aide juridique s’il gagne un revenu inférieur à 14 968 $ et à 27 135 $, respectivement, à la condition qu’il accepte de contribuer en donnant un montant qui peut varier de 100 $ à 800 $, selon le barème[10].

L’aide juridique québécoise s’intéresse aux domaines criminel et civil. En ce qui concerne la matière civile, la Loi sur l’aide juridique[11] prévoit que l’aide sera accordée notamment pour une affaire en matière familiale, y compris la survie de l’obligation alimentaire, pour une affaire relative à une tutelle au mineur, à un mandat donné en prévision d’inaptitude ou pour un changement de nom, pour la protection de la jeunesse, pour des demandes de prestation en matière d’assurance automobile, d’assurance emploi, d’accident du travail ou de soutien du revenu ou pour une tout autre affaire[12], mais dans ce cas seulement si la sécurité physique ou psychologique d’une personne est en jeu. Le législateur entend par ces termes une atteinte aux moyens de subsistance ou aux besoins essentiels de la personne ou de sa famille. En revanche, l’aide juridique n’est pas accordée pour certaines demandes, comme les recours en diffamation[13], ou elle peut également être refusée lorsque la vraisemblance d’un droit ne peut être établie, que le recours a manifestement très peu de chances de succès, que le coût serait déraisonnable par rapport aux gains, que le jugement ne serait pas susceptible d’exécution ou qu’une proposition de règlement a été refusée sans motif valable[14]. Surtout, l’aide juridique n’est pas accordée pour les réclamations d’argent[15], ce qui concerne de nombreux recours de consommateurs.

En fait, le Québec a adopté une approche où l’admissibilité est très restrictive par rapport aux provinces canadiennes-anglaises, mais où la couverture des services est plus large que celle qui est proposée par ces dernières, car elle englobe non seulement les services essentiels, mais d’autres types de services[16]. Considérant les seuils très faibles d’admissibilité à l’aide juridique, et considérant que plusieurs litiges relèvent de la juridiction de la Cour des petites créances, où la présence d’un avocat est interdite, la possibilité pour un consommateur de recourir à l’aide juridique pourrait n’être que théorique.

1.2 L’assurance frais juridiques

Depuis plusieurs années, certains assureurs offrent un service d’assurance protection juridique. Cette couverture contre les risques d’accidents juridiques concerne les événements imprévus et indépendants de l’assuré qui nécessitent le recours à un avocat ou, à tout le moins, au système judiciaire lui-même. Cette initiative est peu connue des justiciables, bien qu’elle existe depuis plus de vingt ans au Québec. Elle permet en particulier d’aider la classe moyenne à payer les frais d’avocat, vu les seuils très bas d’admissibilité à l’aide juridique. Cette assurance existe sous deux formes, soit une assurance frais juridiques, offerte par un assureur, ou une forme d’assurance juridique préacquittée, offerte dans une convention collective[17].

En 1974, le Barreau du Québec a créé un comité destiné à étudier l’assurance juridique à la suite de l’émergence des prepaid legal programs états-uniens[18]. C’est toutefois en 1985 que l’idée se concrétise lorsque le Barreau du Québec collabore avec les Travailleurs unis de l’automobile du Canada pour implanter « un [programme] de services juridiques pré-acquittés en faveur de [ses] membres[19] ». D’autres tentatives ont eu lieu au cours des années 90, alors que le Barreau du Québec a collaboré avec plusieurs compagnies d’assurances pour l’offre de couverture de services juridiques.

Cette assurance concerne non seulement les recours curatifs, dont le recours aux tribunaux, mais aussi les démarches préventives. Son importance a été soulignée tant par le juge Antonio Lamer, lors du Sommet de la justice de 1992[20], que par la ministre de la Justice du Québec, Mme Linda Goupil, lors du Congrès du Barreau de 1999. Cette dernière déclarait ceci : « Je suis persuadée qu’une telle mesure est de nature à favoriser l’accès à la justice parce qu’elle peut avoir comme effet de rendre les gens moins hésitants à recourir aux services d’un avocat[21]. »

Cependant, les modalités d’application de cette assurance protection juridique au Québec engendrent quelques problèmes, comme l’a souligné le Barreau du Québec. La première question à se poser est de savoir de quelle manière la couverture d’assurance doit être incluse dans la police d’assurance avec un droit de retrait, ce qui est synonyme d’une situation d’opting out. Alors que certains, dont le Barreau du Québec, ont proposé de l’inclure automatiquement, d’autres, comme l’Inspecteur des institutions financières durant les années 80, s’y sont opposés. Bien sûr, l’inclusion automatique de l’assurance protection juridique avec un droit de retrait favoriserait l’accès à la justice.

Comme le signale le Barreau du Québec, cette solution n’est pas sans créer de problèmes. Soulignons d’abord que ce contrat d’assurance est assujetti à l’article 5 (a) de la Loi sur la protection du consommateur[22], lequel mentionne ce qui suit :

Sont exclus de l’application du titre sur les contrats relatifs aux biens et aux services et du titre sur les sommes transférées en fiducie :

a) un contrat d’assurance ou de rente, à l’exception d’un contrat de crédit conclu pour le paiement d’une prime d’assurance […].

Ainsi, le « titre relatif aux biens et services » dont parle cet article ne concerne que la première partie de la Loi, à l’exclusion de la deuxième partie qui traite des pratiques de commerce. Cette approche législative ne pose pas de problème particulier en soi. Comme le souligne la Cour supérieure, le renouvellement d’une police d’assurance — et le paiement de la prime — n’est pas visé par cette disposition, mais plutôt par le droit des assurances[23].

La vente d’une police d’assurance avec un droit de retrait constitue donc une vente dite par inertie et contrarie l’article 230 (a), lequel fait partie de la deuxième partie de la Loi. En effet, le législateur est intervenu en 1978 pour protéger le consommateur contre les ventes par inertie. Celles-ci signifient que le commerçant envoie un produit ou un service à un consommateur sans que celui-ci l’ait demandé. Il a l’option de le conserver ou de le retourner, que ce soit à ses frais ou non. Ce procédé est déloyal, car le commerçant mise sur la passivité du consommateur[24]. Comme le mentionne le professeur Claude Masse, « [o]n lui facture alors le bien avec insistance, on revient à la charge par courrier et par téléphone et, très souvent, le consommateur cède et paie[25] ». L’article 230 (a) prévoit ceci :

Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit :

a) exiger quelque somme que ce soit pour un bien ou un service qu’il a fait parvenir ou rendu à un consommateur sans que ce dernier ne l’ait demandé […].

Il faut mentionner que peu de décisions judiciaires sont rapportées sur la question de la vente d’assurances par inertie. Dans la décision Protection du consommateur c. Grolier Ltée, le juge Boucher de la Cour des sessions de la paix du Québec mentionne qu’« il appert de l’expression “ne peut par quelque moyen que ce soit exiger” que le législateur a voulu proscrire de façon globale tout moyen de réclamer de l’argent d’un consommateur pour un bien qu’il n’a pas demandé. Dans cet[te] optique, le terme “exiger” doit recevoir une interprétation libérale s’apparentant au sens du mot demande[26]. »

Comme le souligne le Barreau du Québec, la seule solution de rechange serait que le législateur québécois crée une exception à cette disposition, comme le lui permet l’article 350 (r) de la Loi sur la protection du consommateur et comme il l’a déjà fait auparavant[27]. À nos yeux, bien qu’une initiative en ce sens soit la bienvenue, il faudrait surtout songer à bien éduquer le consommateur quant à la pertinence d’une assurance frais juridiques.

De nos jours, plusieurs compagnies d’assurances offrent le service d’assurance frais juridiques. À titre d’exemple, citons Allstate, Aviva Traders, Axa, Inovesco inc., La Capitale, Échelon, La Fédération, ING Assurance, Missisquoi et l’Union Canadienne. À l’exception des compagnies Aviva Traders et Échelon qui offrent des contrats d’assurance juridique autonomes, l’assurance juridique est présentée en complément d’un contrat d’assurance[28].

Les services d’assistance juridique offerts par les contrats d’assurance peuvent être illimités ou encore liés à des litiges ou à des problèmes spécifiques. Dans le premier cas, le client peut prendre contact avec un avocat, habituellement de plus de cinq années d’expérience, par téléphone ou en personne. Il n’y a aucune restriction sur le nombre de contacts et sur leur durée. Dans le second cas, si le client fait face à un litige spécifique, il a droit à de l’aide financière pour payer les honoraires de l’avocat de son choix ainsi que les opinions d’experts et les frais judiciaires. Si le client n’est pas aux prises avec un litige spécifique, seuls sont couverts les frais d’avocat pour des affaires ayant trait aux successions ou à la protection d’une personne[29]. Il faut toutefois considérer que cette forme d’assurance ne rembourse pas les frais juridiques autres que ceux d’un procureur, comme les frais d’expertise, les frais judiciaires ou les dépens[30]. Cette mesure d’accès à la justice demeure, somme toute, bien limitée.

1.3 Les petites créances

En 1971, le législateur québécois a modifié le Code de procédure civile[31] pour permettre les recours judiciaires devant la Division des petites créances de la chambre civile de la Cour provinciale — maintenant la Cour du Québec —, habituellement appelée la « Cour des petites créances[32] ». L’objectif est alors simplement de permettre un recours pour de faibles réclamations monétaires, ce qui favorisera ainsi une meilleure accessibilité à la justice.

Le recours devant la Cour des petites créances diffère de celui devant un tribunal de droit commun par plusieurs caractéristiques. Le consommateur qui désire intenter un recours devant la Cour des petites créances doit être une personne physique, ou une personne morale d’au plus cinq employés[33], réclamer au plus 7 000 $ avant intérêts[34] et agir selon les délais de prescription du Code civil du Québec[35], c’est-à-dire dans un délai de trois ans pour faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier[36]. Si la créance est de plus de 7 000 $, il peut la réduire à ce montant, mais il ne peut la subdiviser en plusieurs recours de 7 000 $ ou moins chacun[37], sauf pour une créance résultant d’un contrat de crédit dont le paiement s’effectue par versements périodiques[38] d’un contrat dont l’exécution des obligations est successive[39]. Il faut noter qu’en 1998 le ministre de la Justice du Québec avait suggéré la possibilité de hausser le plafond des réclamations admissibles aux petites créances à 10 000 $ ou à 15 000 $, avec la possibilité d’une représentation par un avocat pour les litiges d’une valeur supérieure à 3 000 $, mais cette idée est demeurée lettre morte à ce jour[40]. Cette créance concerne un dommage contractuel ou extracontractuel, mais certains recours spécifiques sont exclus, comme ceux qui concernent une injonction, un jugement déclaratoire, un bail de logement, une pension alimentaire ou un recours collectif, ce qui pourrait limiter l’accessibilité à la justice[41]. Toutefois, il faut nuancer cette affirmation, car ces formes d’accès à la justice sont néanmoins permises devant la Cour supérieure[42]. En ce qui concerne les demandes relatives à un bail de logement, elles sont admises devant la Régie du logement qui détient une compétence exclusive[43]. Les demandes communes sont permises devant la Cour des petites créances[44]. Enfin, il est possible de présenter une demande qui porte sur la résolution, la résiliation ou l’annulation d’un contrat lorsque la valeur du contrat et, le cas échéant, le montant réclamé n’excèdent pas 7 000 $ chacun[45].

Une autre caractéristique majeure de la Cour des petites créances tient à l’absence de représentation par un avocat devant le tribunal[46]. Un requérant peut toutefois mandater son conjoint, un parent, un allié ou un ami afin de le représenter, à la condition que ce mandat soit donné à titre gratuit et que le requérant en justifie la nécessité[47]. Un recours devant la Cour des petites créances comporte quelques autres caractéristiques spécifiques : l’étape de la procédure écrite, préalablement au procès, est très simplifiée[48] ; le rôle du juge durant le déroulement du procès est plus inquisitoire que devant un tribunal de droit commun ; le jugement est final et sans appel. Une cause relative à une petite créance est toutefois sujette au pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure en cas de défaut ou d’excès de compétence[49]. De plus, le créancier peut s’adresser au greffier de la Cour des petites créances pour procéder à l’exécution forcée du jugement ou entreprendre lui-même la procédure d’exécution de jugement, ou encore s’adresser à un avocat ou à un huissier pour le faire, ce qui est très utile compte tenu des difficultés d’exécution des jugements qui surviennent dans certaines circonstances[50].

Outre les contrats d’achat d’importance, comme les automobiles, nombre de contrats de consommation valent moins de 7 000 $. Considérant les caractéristiques ci-dessus, dont l’absence de représentation par un avocat, ces contrats se prêtent bien à un recours devant la Cour des petites créances. Plusieurs études démontrent que cette cour semble attirer surtout les petites entreprises, les professionnels et certaines agences de recouvrement, plusieurs consommateurs se montrant toutefois hésitants à intenter un recours contre un débiteur devant la Cour des petites créances[51]. Le Groupe de travail sur l’accessibilité à la justice avait reconnu la nécessité que la Cour des petites créances soit accessible aux entreprises du type familial ou à propriétaire unique, mais il avait émis l’opinion qu’« [o]uvrir sans restriction la porte aux corporations à la Cour risquerait sérieusement d’engorger la Cour et de la transformer en une “Cour de collection”[52]. » L’hésitation des consommateurs peut être due au stress occasionné par de telles démarches, à la crainte de se présenter en cour, au peu d’espoir de succès dans une poursuite contre une entreprise d’une certaine importance et de réputation — notamment les institutions financières — ainsi qu’au temps et à l’énergie nécessaires pour mener de telles démarches judiciaires[53]. Outre ces considérations, nous croyons utile de tenir compte des variables sociodémographiques. En effet, une étude empirique menée par le professeur Macdonald et Mme McGuire a conclu que l’accès à la Cour des petites créances est tributaire de ces variables[54]. Ces chercheurs ont démontré que les consommateurs — excluant les gens d’affaires — qui ont recours à la Cour des petites créances sont surtout constitués d’hommes d’âge moyen, d’une certaine éducation et d’un revenu raisonnable. Ces données sont en partie corroborées par le sondage de CROP-Option consommateurs, tant en ce qui a trait au sexe, aux études et au revenu annuel[55]. Enfin, Me Rozon note que ce tribunal est mieux adapté aux gens d’affaires[56]. Le professeur Lafond s’est d’ailleurs montré d’accord avec ce point de vue[57].

Bien que la Cour des petites créances présente quelques obstacles, elle demeure néanmoins un tribunal bien adapté, institutionnellement parlant, aux litiges de consommation. Ces obstacles pèsent lourd et, comme le notent les auteurs, les consommateurs préfèrent régler leurs litiges à l’amiable, par des méthodes alternatives de règlement des conflits. Avant d’aborder ce volet, nous examinerons le recours collectif, dans lequel un consommateur se fait le représentant de l’ensemble d’un groupe de consommateurs, ce qui est également avantageux pour les consommateurs qui désirent éviter ou, le plus souvent, ne peuvent payer le coût d’un procès individuel.

1.4 Le recours collectif

Le Code de procédure civile a été modifié en 1978 en s’inspirant du droit états-unien[58] pour permettre au justiciable d’intenter un recours collectif[59]. Cette réponse du législateur québécois venait combler un besoin créé par « [l]a fabrication en série des produits de consommation et la massification de la production [pouvant] donner lieu à des défauts qui, par voie de conséquence, nuisent à un grand nombre d’utilisateurs[60] ». Comme le mentionne un auteur, la philosophie intrinsèque au recours collectif s’éloigne du postulat selon lequel un procès se déroule entre deux personnes désignées et porte sur des droits individuels[61]. Ce recours est particulièrement utile dans le domaine de la consommation, qui accapare plus de 40 p. 100 de tous les recours collectifs intentés, que ce soit dans le domaine du crédit, du respect des garanties, de la responsabilité du fabricant, de la fraude ou de la coalition anticoncurrentielle ou des services de voyages. Ces derniers ainsi que les services publics — câblodistribution, transport en commun, etc. — comptent pour environ la moitié des recours collectifs dans le secteur de la consommation[62].

Ce recours est très avantageux pour les consommateurs membres du groupe qui ne se seraient pas prévalus des tribunaux pour exercer leurs droits. En ce qui concerne les actions collectives, la première question à résoudre a trait au choix du représentant. Comme le mentionne le professeur Lafond, « [a]ltruisme et implication sont requis, mais plus encore : le courage, la détermination, l’esprit de bénévolat, l’investissement en temps et la patience nécessaires à la réussite d’une telle entreprise […] Aucun antécédent de militantisme n’est nécessaire ; d’ailleurs, la minorité des représentants auraient un passé de militant social à leur actif[63]. » Le professeur Lafond ajoute que les personnes qui acceptent de s’engager dans ce processus le font « pleinement et [suivent] l’évolution du dossier[64] ». Cependant, en dépit de leur bonne volonté, celles-ci peuvent avoir à traiter des dossiers très complexes et un représentant peut rapidement être dépassé dans son suivi, tant par l’énergie à y consacrer que par sa compréhension. Outre cette raison, ainsi que l’attitude très individualiste des consommateurs, il demeure plus économique pour ces derniers de faire cavalier seul que d’accepter de représenter un groupe de consommateurs lésés. Des auteurs suggèrent, à juste titre, que les associations de consommateurs prennent l’initiative d’intenter les recours collectifs[65].

L’article 999 (d) du Code de procédure civile définit le recours collectif comme un « moyen de procédure qui permet à un membre d’agir en demande, sans mandat, pour le compte de tous les membres ». Le paragraphe (c) de cette disposition définit un membre comme « une personne physique, une personne morale de droit privé, une société ou une association faisant partie d’un groupe pour le compte duquel une de ces personnes, une société ou une association exerce ou entend exercer un recours collectif ». Nous retenons de ces définitions que le recours collectif concerne les personnes physiques, qui désirent exercer un recours judiciaire en demande, selon un litige de quelque nature que ce soit, devant un tribunal exclusif, soit la Cour supérieure.

Les associations ont été lentes à s’engager dans les recours collectifs[66], mais elles sont néanmoins de plus en plus présentes de nos jours[67]. Depuis le 1er janvier 2003, l’article 999 C.p.c. a été modifié pour prévoir qu’une personne morale de droit privé, une société ou une association ne peut être membre d’un groupe qu’à la condition de compter, sous sa direction ou son contrôle, au plus 50 personnes liées à elle par contrat de travail et qu’elle n’est pas liée avec le représentant du groupe en tout temps au cours de la période de douze mois qui précède la requête pour autorisation[68]. Si l’article 1048 C.p.c. permet qu’une association agisse à ce titre[69], il limite toutefois l’admissibilité au Fonds d’aide au recours collectif[70] aux personnes physiques, aux personnes morales régies par la partie III de la Loi sur les compagnies[71], aux coopératives régies par la Loi sur les coopératives[72] et aux associations de salariés au sens du Code du travail[73].

Une association peut compenser les lacunes d’engagement du représentant, en particulier si le dossier prend une ampleur importante[74]. En effet, une association possède beaucoup plus de ressources financières et matérielles, ce qui est à considérer lorsque le recours collectif est de grande importance, lequel peut nécessiter de fort nombreux appels téléphoniques et rendez-vous de toutes sortes. Une association a également l’expertise nécessaire pour le déroulement du dossier, en particulier au moment des interrogatoires. Comme le souligne le professeur Lafond, la contribution importante d’une association se ressent au stade de la négociation d’un règlement, puisqu’elle peut mieux représenter les intérêts des membres du groupe que ne le ferait un représentant individuel[75].

Peu importe que le recours soit entrepris par une personne physique ou une association consumériste, la première étape consiste à demander à un juge de la Cour supérieure[76] l’autorisation d’exercer le recours collectif[77]. Le juge accueille alors la requête et attribue le statut de représentant au membre qu’il désigne s’il est d’avis que : a) les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes ; b) les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées ; c) la composition du groupe rend difficile ou peu pratique la possibilité qu’une personne puisse ester en justice au nom d’une ou de plusieurs personnes qui ont un intérêt commun si elle a reçu un mandat[78] ou le regroupement de demandeurs[79] ; d) le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation appropriée des membres[80]. Le jugement qui accorde la requête : a) décrit le groupe dont les membres seront liés par tout jugement ; b) indique les principales questions qui seront traitées collectivement et les conclusions recherchées qui s’y rattachent ; c) ordonne la publication d’un avis aux membres. Le jugement détermine également la date après laquelle un membre ne pourra plus s’exclure du groupe, sauf si cette personne démontre une impossibilité d’agir plus tôt[81]. Le législateur a donc retenu la formule de l’opting out, importée du droit états-unien. Seul le jugement qui rejette la requête d’autorisation est sujet à un appel de plein droit, le jugement qui accueille la requête étant sans appel[82].

La demande principale doit être introduite dans un délai de trois mois suivant le jugement qui accueille la requête en autorisation[83]. Comme le mentionne un auteur, le juge joue un rôle accru dans un recours collectif, car il possède une plus large discrétion pour protéger les intérêts des membres du groupe ; ainsi, contrairement à un procès ordinaire, il doit se faire le « gardien des intérêts des absents[84] », soit les membres représentés. À titre d’exemple, notons que l’article 1014 C.p.c. prévoit que l’aveu fait par un représentant lie les membres, sauf si le tribunal considère que cet aveu leur cause un préjudice. De son côté, l’article 1016 prévoit que le représentant ne peut amender un acte de procédure ni se désister totalement ou partiellement de la demande, d’un acte de procédure ou d’un jugement sans l’autorisation du tribunal et qu’aux conditions que celui-ci estime nécessaires. Selon l’article 1022, le tribunal peut, en tout temps, à la demande d’une partie, réviser le jugement qui autorise l’exercice du recours collectif, s’il considère que les conditions énumérées dans les paragraphes a ou c de l’article 1003 ne sont plus remplies, l’annuler ou permettre au représentant de modifier les conclusions recherchées ou, si les circonstances l’exigent, modifier ou scinder le groupe. En vertu de l’article 1023, celui qui désire renoncer à son statut de représentant ne peut le faire qu’avec l’autorisation du tribunal, si celui-ci est en mesure d’attribuer le statut de représentant à un autre membre. En outre, l’article 1025 dispose que la transaction, l’acceptation d’offres réelles ou l’acquiescement, sauf s’il est sans réserve à la totalité de la demande, ne sont valables que s’ils sont approuvés par le tribunal. Enfin, il faut souligner l’article 1045 qui octroie un rôle important au juge dans la gestion d’un recours collectif, notamment en accélérant son déroulement et en simplifiant la preuve.

Outre l’intervention plus importante du juge, le législateur a modifié substantiellement certaines règles. À titre d’exemple, l’article 1012 C.p.c. mentionne que le défendeur ne peut opposer au représentant un moyen préliminaire que s’il est commun à une partie importante des membres et porte sur une question traitée collectivement. Également, malgré l’acceptation des offres du défendeur relativement à sa créance personnelle, le représentant est réputé conserver un intérêt suffisant en vertu de l’article 1015. Enfin, les règles générales de procédure s’appliquent de manière supplétive à ce qui n’est pas visé par ces règles d’exception, à moins d’une incompatibilité[85].

Le jugement définitif décrit le groupe et a pour effet de lier le membre qui ne s’en est pas exclu[86]. Le jugement doit être publié dès qu’il a acquis l’autorité de la chose jugée[87]. Le tribunal peut accorder un recouvrement collectif[88], selon la règle habituelle, ou il peut attribuer un recouvrement individuel dans certaines circonstances pour un membre du groupe, si cette personne le demande[89]. En ce qui a trait au recouvrement collectif, le montant est déposé au greffe par le débiteur[90] et la distribution du reliquat, soit la somme non réclamée[91], demeure à la discrétion du juge, dans l’intérêt des membres[92]. Comme le relève Me Lauzon, il est intéressant de noter que le juge peut ordonner à un débiteur de diminuer le prix de ses produits durant un certain temps, le tout sous réserve de préserver les règles de la concurrence déloyale[93].

2 Les solutions de rechange au procès : les modes extrajudiciaires de règlement des différends

Certains litiges ne se prêtent pas aux mesures d’accès à la justice que nous avons décrites en première partie, que ce soit parce que le consommateur n’est pas admissible à l’aide juridique, parce qu’il n’est pas couvert par une convention collective ou qu’il n’a pas souscrit à une police d’assurance qui comporte une clause d’assistance juridique — ou que cette clause n’englobe pas le litige avec lequel le consommateur est aux prises —, parce que le montant du litige est trop élevé pour être admissible à la Cour des petites créances ou, enfin, parce que le litige ne peut faire l’objet d’un recours collectif. Il est également possible que le consommateur désire éviter un recours judiciaire. Le cas échéant, les méthodes alternatives de résolution des conflits avec l’intervention d’une tierce partie impartiale peuvent constituer une solution de rechange intéressante pour un consommateur. Avant d’aborder les modes extrajudiciaires de règlement des litiges, il importe de souligner que, depuis le 1er janvier 2003, les récentes modifications du Code de procédure civile permettent à un juge de présider des conférences de règlement à l’amiable, que ce soit en première instance ou en appel. À cet égard, comme le précisait la Cour d’appel dans la décision Kosko c. Bijimine, « [n]otre système de droit intègre à l’intérieur du système formel de justice la justice médiationnelle et décisionnelle. À toutes les échelles du système judiciaire, qu’il s’agisse de la justice administrative, de la justice civile ou du projet pilote pour les conférences pénales de facilitation, la fonction conciliationnelle est confiée au juge ou au décideur administratif, ce qui rend la règle de confidentialité encore plus fondamentale[94]. » La conciliation est donc permise tant hors d’instance qu’en cours d’instance, ce qui peut être vu comme une sorte d’expansion de la fonction judiciaire.

En apparence, les mécanismes alternatifs de résolution des conflits, habituellement considérés comme une justice dite privée, siéent bien au consommateur, car ils lui évitent les frais, les longs délais et le stress inévitable d’un procès, sans compter qu’ils donnent la possibilité de désengorger les tribunaux. Ils brillent toutefois par la difficulté d’obtenir la coercition. Ces mécanismes apparaissent sous la forme de méthodes favorisant le rapprochement entre un consommateur et une entreprise soit en proposant un arbitre dont la sentence est obligatoire (2.1), soit en suggérant des solutions plus conviviales du type conciliation ou médiation aux parties, qui demeurent libres de les accepter ou de les rejeter (2.2). Nous conclurons la seconde partie de notre texte par une discussion sur les méthodes de résolution de conflits en ligne (2.3).

2.1 L’arbitrage

Parmi les méthodes alternatives de résolution des conflits, l’arbitrage des différends constitue certes un mécanisme attrayant pour résoudre les litiges de consommation. Il permet au consommateur d’obtenir une décision exécutoire — lorsqu’elle est homologuée[95] — contre l’entreprise fautive[96]. Simple en apparence, l’arbitrage pose cependant des obstacles particuliers dans le domaine de la consommation, notamment en ce qui concerne les règles de droit québécois.

Au Québec, l’article 2639 C.c.Q. mentionne ceci : « Ne peut être soumis à l’arbitrage, le différend portant sur l’état et la capacité des personnes, sur les matières familiales ou sur les autres questions qui intéressent l’ordre public. Toutefois, il ne peut être fait obstacle à la convention d’arbitrage au motif que les règles applicables pour trancher le différend présentent un caractère d’ordre public. » Rappelons que, lorsqu’elle a été édictée, cette règle ne concernait pas les litiges de consommation.

Dans une affaire récente, une entreprise a commis une erreur d’affichage de prix dans son site informatique, en proposant un ordinateur pour environ le cinquième du prix de vente normal. Des consommateurs se sont prévalus de cette occasion et ont acheté des ordinateurs sur le site. Devant le refus de l’entreprise de répondre positivement à leur commande, ils ont intenté un recours collectif contre le vendeur pour pouvoir se prévaloir du prix affiché sur le site et non du prix exact. L’entreprise leur a imposé la clause compromissoire prévue dans le contrat. La Cour d’appel du Québec a mentionné qu’en l’espèce la clause d’arbitrage faisait partie par référence d’un contrat de vente et devait être portée à la connaissance du consommateur par l’entremise de l’article 1435 C.c.Q., ce qui n’avait toutefois pas été démontré en l’espèce[97]. Elle laissait cependant la porte ouverte à la légalité de l’arbitrage de consommation, puisque le législateur ne l’interdisait pas expressément. Cette décision a été portée en appel à la Cour suprême du Canada. Dans une décision partagée, cette cour a jugé que la clause d’arbitrage était légale, puisque le lien hypertexte faisant référence aux conditions d’arbitrage ne constituait pas une clause externe aux yeux de la majorité[98].

À la suite de ce litige décidé par la Cour d’appel, certains auteurs se sont interrogés sur cette question. La professeure Watson Hamilton suggère que la législation soit modifiée afin que les consommateurs puissent exercer un recours collectif malgré une clause compromissoire[99]. Elle se fonde notamment sur l’article 7 (2) de la Loi de 2002 sur la protection du consommateur[100] de l’Ontario. Plus précisément, elle suggère que ce droit soit harmonisé dans les provinces canadiennes. À l’instar de la professeure Watson Hamilton, le professeur Gautrais se montre réceptif à ce que le droit des consommateurs d’intenter un recours collectif soit prioritaire par rapport à une clause compromissoire interdisant ce droit[101]. Ces auteurs s’entendent également sur le droit d’un consommateur de soumettre son litige à l’arbitrage après la naissance du litige.

En novembre 2006, le législateur québécois a déposé un projet de loi pour interdire les clauses compromissoires dans les contrats de consommation, ce projet de loi ne permettant désormais que les compromis[102]. Cette modification législative pourrait être vue comme une réponse à la décision Dell Computer Corporation de la Cour d’appel qui aurait pu nuire grandement aux droits des consommateurs, en particulier ceux des cyberconsommateurs, ce qui a été confirmé ultérieurement par la décision de la Cour suprême. Ainsi, il n’est possible de forcer le consommateur à s’engager à se soumettre à l’arbitrage que lorsque le litige est né. Cette solution proposée par le législateur est fort intéressante puisque, non seulement elle accorde le libre choix au consommateur de recourir à l’arbitrage, ce qui permet d’éviter l’arbitrage contractuel obligatoire habituellement stipulé par les commerçants, mais le consommateur ne se voit aucunement privé de ses droits de porter sa cause devant une instance judiciaire.

Une excellente illustration de cette approche est fournie par le Programme d’arbitrage des véhicules automobiles du Canada (PAVAC), qui est exploité sous l’égide de l’Association canadienne des constructeurs d’automobiles[103]. Créé en 1994 en Ontario, ce programme a fait son apparition au Québec en 2001. Le PAVAC est constitué par les gouvernements de plusieurs provinces et territoires[104], l’Association des consommateurs du Canada, l’Association canadienne des constructeurs de véhicules, l’Association des fabricants internationaux d’automobiles du Canada et la Corporation des associations de détaillants d’automobiles. Le PAVAC constitue un mécanisme d’arbitrage auquel les consommateurs peuvent se soumettre de leur plein gré lorsqu’ils ont un problème lié à la qualité d’un véhicule ou encore à l’interprétation ou à l’application de la garantie du fabricant sur un véhicule neuf. Le véhicule doit avoir été fabriqué durant l’année en cours ou lors des quatre années précédentes. Les arbitres peuvent rendre des décisions concernant les aspects suivants : les réparations du véhicule, le rachat du véhicule, le remboursement du coût des réparations, le remboursement des menues dépenses jusqu’à concurrence de 500 $, le remboursement, dans certaines circonstances, des frais engagés pour obtenir une assignation ou citation à comparaître (subpoena) jusqu’à concurrence de 100 $, l’exonération du fabricant de toute responsabilité ou le refus d’entendre la cause pour absence de compétence juridictionnelle.

D’une manière plus générale, le Bureau d’éthique commerciale offre également un service d’arbitrage et de médiation des différends en réponse aux plaintes des consommateurs dans divers domaines[105]. Les entreprises peuvent adhérer à cet organisme à but non lucratif sur une base volontaire et elles s’engagent à en respecter le code d’éthique. Le recours à l’arbitrage a lieu lorsque la médiation a échoué[106].

2.2 La médiation et la conciliation

L’interdiction des clauses compromissoires dans les contrats de consommation encouragera certainement la médiation et la conciliation, qui jouissent d’une popularité croissante depuis quelques années. La nuance entre la conciliation et la médiation est plutôt mince. Le professeur Antaki définit un médiateur comme « un conciliateur interventionniste qui a pour mission d’utiliser sa capacité de persuasion pour critiquer les propositions divergentes des parties et en proposer de nouvelles[107] ». Nous présenterons d’abord l’état des lieux de la médiation et de la conciliation (2.2.1) pour en survoler par la suite les manifestations (2.2.2).

2.2.1 L’état des lieux

Si elle existe depuis des millénaires, la médiation contemporaine est toutefois récente[108]. À la suite d’un projet d’une équipe de l’Université Harvard durant les années 70, appelé « Project on Negotiation[109] », les chercheurs ont observé que la présence d’une tierce partie neutre et impartiale pouvait aider les protagonistes à contourner les écueils et à chercher une solution du type « gagnant-gagnant ».

Au Québec, les recherches de ce type ont mené à la réalisation de projets pilotes en 1992 et pendant la période 1995-1998[110]. Dans le premier cas, la Cour supérieure a procédé seule à cette expérience qui s’est avérée très positive, bien que le Barreau du Québec ait refusé de collaborer et que les praticiens se soient montrés fort réticents[111]. Dans le second cas, le projet pilote a été mieux préparé, notamment par l’élaboration de « paramètres d’encadrement et [de] normes d’évaluation continue[112] », la Cour supérieure s’étant assurée de la collaboration tant du Barreau du Québec que du ministère de la Justice. Le juge Rouleau émettait en 1997 le souhait qu’« une règle de pratique [puisse] forcer un procureur hésitant ou récalcitrant alors que trois procureurs sur quatre souhaitent la médiation […] tout en sauvegardant le principe d’une participation libre et volontaire ». Au surplus, le magistrat ajoutait ceci : « nous constatons que dans plusieurs cas l’offre de médiation proposée par notre lettre d’invitation, envoyée suite à l’émission du certificat d’état de cause, est un élément déclencheur quant aux possibilités du règlement à l’amiable du dossier[113] ».

Les espoirs du juge Rouleau, et des autres partisans de cette « médecine douce », ont été comblés lorsque le législateur a institué la possibilité de recourir à la médiation dans les litiges civils. Les succès de ce second projet pilote sont à la source de la création du Service de référence à la médiation en matière civile et commerciale à la Cour supérieure du Québec en 1999[114]. Toutefois, ce système a disparu en 2001 en raison de l’établissement des conférences de règlement à l’amiable, présidées par un juge de la Cour supérieure[115]. En 2002, le législateur québécois modifiait le Code de procédure civile afin d’établir les conférences de règlement à l’amiable pour la Cour du Québec, la Cour supérieure et la Cour d’appel[116].

Bien qu’en matière familiale il soit obligatoire pour les parties de participer à une séance d’information sur la médiation[117], ce n’est pas le cas en matière civile. Toutefois, nous avons exprimé plus haut que, dans une instance devant la Cour des petites créances, le greffier doit inviter les parties à soumettre leur litige à la médiation, lesquelles demeurent libres d’accepter ou de refuser[118]. En cas d’acceptation, le médiateur doit se conformer au Règlement sur la médiation des demandes relatives à des petites créances[119]. Outre ces options légales de soumettre un litige de consommation à la médiation, il existe plusieurs autres forums, habituellement très spécialisés.

2.2.2 Les manifestations en droit de la consommation

Selon le rapport annuel de l’Office de la protection du consommateur (OPC), le secteur de l’automobile constitue le domaine de la consommation où les consommateurs ont formulé le plus de plaintes en 2005-2006[120]. Parmi les plaintes déposées concernant ce secteur, environ la moitié proviennent de l’achat d’une automobile d’occasion (1 360 plaintes sur un total de 19 824 demandes de renseignements). D’autres secteurs sont également très sensibles. À titre d’exemple, pour la même période, les achats de meubles ont fait l’objet de 1 358 plaintes (sur un total de 8 571 demandes de renseignements), le secteur des télécommunications traitait 1 084 plaintes (sur un total de 13 175 demandes de renseignements), le secteur du tourisme et des voyages en traitait 364 (sur un total de 5 867 demandes de renseignements) et le secteur du crédit à la consommation en avait vu 555 (sur un total de 7 729 demandes de renseignements, où il y a eu plus généralement, au sujet du secteur général des services financiers, 1 954 plaintes sur 24 669 demandes de renseignements)[121].

Depuis plusieurs années, la popularité de la conciliation et de la médiation s’étend à bon nombre de domaines de la consommation. Il serait fastidieux de présenter ici tous les mécanismes de résolution des conflits, mais notons toutefois les services de médiation offerts par Option consommateurs, qui peut aider les consommateurs à négocier des ententes avec les fournisseurs de services publics (par exemple, Hydro-Québec) ou de services financiers[122]. À remarquer que, lorsque l’OPC reçoit des plaintes des consommateurs[123], il peut agir sur le plan préventif et curatif[124]. Nous ne traiterons toutefois pas de l’OPC ci-dessous, mais nous nous concentrerons sur les mécanismes et les projets spécialisés à la disposition des consommateurs en ce qui a trait au domaine de l’automobile (2.2.2.1) et des services financiers (2.2.2.2). Enfin, nous aborderons brièvement le fonds d’indemnisation québécois qui existe dans le secteur du tourisme et des voyages, lequel permet d’éviter l’étape de la médiation et de la conciliation (2.2.2.3).

2.2.2.1 Le secteur de l’automobile

Outre le PAVAC, qui constitue un tribunal d’arbitrage, il existe quelques programmes québécois de conciliation et de médiation pour l’achat de véhicules neufs ou d’occasion. L’association canadienne des automobilistes, section Québec (CAA-Québec), en collaboration avec la Corporation des concessionnaires d’automobiles du Québec (CCAQ), l’Association des marchands de véhicules d’occasion du Québec (AMVOQ) et le Groupe PPP, offre la conciliation gratuite à ses membres, à la condition d’être membres en règle au moment de la naissance du litige. Plus précisément, la CCAQ[125] et l’AMVOQ[126] permettent la conciliation et la médiation des véhicules d’occasion utilisés aux fins personnelles ou familiales. Le consommateur doit être propriétaire ou locateur à long terme du véhicule afin de pouvoir déposer une plainte — au CAA — et le litige doit concerner la réparation, l’entretien ou le service après-vente. Le délai du traitement de la plainte est de sept jours. Si la solution n’est pas satisfaisante, le dossier est alors soumis à un comité de médiation. Ce dernier, formé de cinq personnes (trois qui viennent du CAA et deux de l’association visée), formule une recommandation au consommateur. Celui-ci a le choix de refuser ou d’accepter et, le cas échéant, il est lié par cette recommandation. Quant au marchand, il est automatiquement lié par celle-ci. En ce qui concerne le Groupe PPP, il fonctionne d’une manière analogue à ces deux organismes, à l’exception que le problème visé doit porter sur les garanties.

2.2.2.2 Le secteur des services financiers

Lorsqu’il éprouve un problème avec sa banque, et devant le résultat négatif de ses démarches, le consommateur québécois peut choisir entre plusieurs solutions. Il doit d’abord consulter l’ombudsman de son institution financière pour tenter de régler le problème. Si la réponse n’est pas satisfaisante à ses yeux, il peut alors consulter des organismes canadiens et québécois.

En ce qui concerne les institutions financières de compétence fédérale, c’est-à-dire les banques à charte, le consommateur peut se tourner vers le Réseau de conciliation des services financiers, l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement (OSBI) ainsi que le commissaire de l’Agence de consommation en matière financière du Canada (ACFC). En ce qui a trait aux institutions financières de compétence québécoise, le consommateur doit prendre contact avec l’Autorité des marchés financiers.

Pour régler un litige, le consommateur peut d’abord consulter le Réseau de conciliation du secteur financier[127]. En vigueur depuis novembre 2002, ce réseau a pour objet premier l’assistance et l’orientation des consommateurs lorsque ceux-ci sont aux prises avec un problème ou lorsqu’ils ont une plainte à formuler au sujet d’un prestataire de services financiers. Concrètement, le Réseau aiguille le consommateur afin que celui-ci soit en contact avec la personne-ressource la plus apte à résoudre son problème. Ce réseau comprend l’OSBI, le Service de conciliation en assurance de dommages (SCAD)[128] et le Service de conciliation des assurances de personnes du Canada (SCAPC)[129]. Lorsque la personne-ressource ne fait pas partie du Réseau, le consommateur est dirigé vers l’organisme compétent pour intervenir, comme l’ACFC[130]. Lors de sa création, le Réseau avait créé le Centre du Réseau de conciliation du secteur financier : ce centre a été démantelé en 2006, car il n’avait plus sa raison d’être en raison du succès de l’OSBI, du SCAD et du SCAPC.

Ensuite, le consommateur peut s’adresser à l’OSBI[131], organisme indépendant créé en 1996 par l’Association des banquiers canadiens[132] et membre du Réseau de conciliation du secteur financier. Ce service indépendant effectue des enquêtes sur les plaintes déposées par les consommateurs et les petites entreprises à la suite de différends qui tirent leur origine des secteurs des services bancaires et des placements. L’OSBI regroupe plus de 600 institutions financières, dont les banques à charte (canadiennes et étrangères). Les 12 000 demandes de renseignements et plaintes déposées en 2006 par des consommateurs témoignent de la popularité de l’OSBI[133]. Bien que les Caisses populaires Desjardins n’en soient pas membres, il convient de noter qu’il en va tout autrement pour Valeurs mobilières Desjardins. Les plaintes que l’OSBI peut étudier sont, en général, les fraudes par carte de débit et de crédit, les pénalités relatives à un remboursement hypothécaire anticipé, les conseils de placement et les différends liés à des transactions. Toutefois, selon le mandat[134], l’OSBI rejette une plainte lorsque le plaignant a déjà entrepris des poursuites judiciaires ou un processus d’arbitrage, en cas de dépôt en retard de la plainte (prescription), si le plaignant a déjà accepté une offre de l’institution financière ou si elle a trait à une décision commerciale d’ordre général de l’institution financière, comme le taux d’intérêt ou une décision de crédit.

L’OSBI exige d’abord du consommateur lésé qu’il communique avec son institution financière. En cas de résultat négatif, il devra porter plainte devant l’OSBI dans un délai de six mois, à la condition de respecter le mandat de cet organisme. Précisons que l’OSBI ne possède qu’un pouvoir de recommandation envers une entreprise fautive. Les sanctions sont habituellement de l’ordre des dommages compensatoires, mais il peut occasionnellement y avoir une recommandation de dédommager une perte financière indirecte[135]. Les recommandations ne sont pas contraignantes, mais, en cas de refus ou d’omission, l’OSBI publie les recommandations sur la vitrine Internet ou les rend publiques autrement. À ce jour, très peu d’institutions financières ont rejeté une recommandation de l’OSBI[136]. La décision de l’OSBI est finale et sans appel. Toutefois, si la petite entreprise ou le consommateur n’est pas satisfait de la solution proposée par l’OSBI, il conserve son droit de recourir aux tribunaux civils[137].

Il est également possible de porter plainte au commissaire de l’ACFC[138]. Issu du Rapport MacKay déposé en 1998[139] et mis sur pied en 2001[140], ce nouvel organisme indépendant est destiné à protéger les consommateurs de services financiers[141]. Pour ce faire, l’ACFC administre les lois fédérales qui protègent les consommateurs dans leurs rapports avec les institutions financières[142].

Bien que l’ACFC recommande au consommateur de porter plainte à l’OSBI (pour un litige relatif à un service bancaire), elle enquête néanmoins sur les obligations légales des institutions financières de compétence fédérale, notamment en ce qui concerne l’ouverture d’un compte ou la diffusion de renseignements. L’ACFC refuse les plaintes relatives aux politiques d’une institution, comme le coût des produits (à titre d’exemple, les primes d’assurance, les frais de service et les frais de cartes de crédit), la qualité du service, les politiques qui régissent l’octroi d’un prêt ou de crédit, les erreurs de facturation, les questions concernant la publicité ou les contrats et les autres questions générales au sujet du service. Lorsque la nature de la plainte est déterminée, les mesures nécessaires sont entreprises pour que l’institution financière fautive se conforme à la loi, étant entendu que l’ACFC n’offre aucun dédommagement.

En ce qui concerne une institution financière québécoise, comme le Mouvement Desjardins, l’Autorité des marchés financiers est toute désignée pour recevoir une plainte[143]. L’article 4 de la Loi sur l’autorité des marchés financiers prévoit que l’Autorité a pour mission :

  1. de prêter assistance aux consommateurs et aux utilisateurs de produits et de services financiers, en assurant le traitement des plaintes reçues des consommateurs — afin de moins laisser ces derniers à eux-mêmes — et en leur donnant accès à des services de règlement de différends ;

  2. de veiller à ce que les institutions financières et les autres acteurs du secteur financier respectent les normes de solvabilité qui leur sont applicables ;

  3. d’assurer l’encadrement de la distribution de produits et services financiers ;

  4. d’assurer l’encadrement des activités de bourse et de compensation et l’encadrement des marchés de valeurs mobilières en administrant, notamment, les contrôles prévus dans la loi relativement à l’accès au marché public des capitaux ;

  5. de voir à la mise en place de programmes de protection et d’indemnisation des consommateurs de produits et d’utilisateurs de services financiers et d’administrer les fonds d’indemnisation prévus dans la loi.

En d’autres termes, l’Autorité vise une meilleure protection des consommateurs, la simplification du marché des produits et des services financiers et un meilleur suivi de la convergence des marchés et de leur évolution.

L’Autorité offre un centre de renseignements aux consommateurs et un processus de traitement des plaintes. Comme pour la plupart des autres organismes, l’Autorité demande à ce que le consommateur s’adresse en premier lieu directement à son institution financière pour tenter de résoudre le conflit. Les institutions financières inscrites auprès de l’Autorité doivent détenir un mécanisme de règlement de plaintes et des différends, le tout sous la supervision de l’Autorité. En cas d’insatisfaction, le consommateur peut demander à son institution financière que son dossier soit transféré à l’Autorité pour une étude de la plainte et une tentative de médiation. L’Autorité n’offre aucune compensation monétaire, mais elle pourra suggérer de choisir un médiateur si les deux parties y consentent.

Chacun de ces organismes offre la possibilité au consommateur de porter plainte par l’entremise d’ombudsmans sectoriels, et ce, sans aucuns frais. Le processus est confidentiel. Contrairement à l’ACFC, l’OSBI et l’Autorité n’exercent aucun pouvoir décisionnel : en fait, les deux formulent des recommandations en vue d’une médiation. Si les institutions financières rejettent la recommandation de l’OSBI, celui-ci pourra alors rendre cette information publique. Dans l’éventualité où le client est insatisfait du déroulement de la solution proposée, il devra se tourner vers les voies judiciaires traditionnelles[144].

2.2.2.3 Le secteur du tourisme et des voyages

Le secteur du tourisme et des voyages diffère de celui de l’automobile et des services financiers en raison de l’existence d’un fonds d’indemnisation. Ce dernier a été institué en 2004 par le gouvernement québécois pour combler les insuffisances du cautionnement individuel[145]. Ce fonds indemnise le consommateur lorsqu’un fournisseur de services, comme un transporteur ou un croisiériste, n’est plus en mesure de respecter ses obligations. La contribution à ce fonds est assurée par un montant de 0,35 p. 100 du coût[146], et le maximum d’indemnisation est de 3 000 $ par personne et de 3 millions de dollars par événement[147]. L’avantage de ce fonds est manifestement de faciliter l’indemnisation du consommateur et de lui éviter l’étape d’un recours judiciaire ou extrajudiciaire : ainsi, nul besoin de recourir à la médiation et à la conciliation.

2.3 Les méthodes alternatives de résolution des conflits en ligne

Nous ne saurions passer sous silence les récents développements qui concernent les méthodes alternatives de résolution des conflits en ligne, lesquelles sont susceptibles de prendre de plus en plus d’importance en raison des nouveautés dans le domaine du commerce électronique, celles-ci impliquant habituellement des transactions à distance. L’ouverture d’Internet aux activités commerciales en 1992 a mené à plusieurs situations litigieuses. Cela a nécessité la mise au point de structures institutionnelles pour assurer la résolution des différends en ligne. Depuis ce temps et jusqu’au début des années 2000, ces mécanismes en étaient à leur premier stade de développement[148]. Cependant, comme le mentionne à juste titre le professeur Fabien Gélinas, « [l]e temps est venu d’une nouvelle génération d’outils informatiques, cette fois ouverts et interopérables, visant à faciliter le traitement et la solution judiciaire et extrajudiciaire des différends et qui tiennent compte de la complexité des paramètres juridiques et des flux d’informations concernés[149] ». Dans un sens, les systèmes extrajudiciaires en ligne puisant leurs sources en droit commercial international, il est aisé de comprendre leur utilité dans le monde cybernétique, vu sa nature transfrontière. La résolution extrajudiciaire des conflits dans Internet se rapproche des méthodes traditionnelles. Ainsi, les différents types de méthodes de résolution des conflits, soit la négociation, la conciliation, la médiation et l’arbitrage, peuvent y être utilisés.

La résolution extrajudiciaire des conflits par Internet diffère toutefois du mode traditionnel sur certains points. Il faut noter que, si le domaine commercial a d’abord été la cible de ces nouvelles méthodes de résolution de conflits, les relations entre les entreprises et les consommateurs accueillent maintenant favorablement les méthodes de résolution extrajudiciaires. Le montant généralement peu élevé des transactions de consommation freine le recours aux tribunaux civils pour les consommateurs qui se sentent lésés et pourrait favoriser l’émergence de méthodes extrajudiciaires de résolution des conflits en ligne. La différence majeure entre les méthodes traditionnelles et les méthodes en ligne repose toutefois sur l’absence de contact de personne à personne (parfois même, les personnes ne se connaissent pas), puisque les transactions par Internet sont, par nature, des transactions à distance. Cet éloignement dans les relations engendre plusieurs conséquences. La confiance des participants envers l’intermédiaire (un conciliateur, un médiateur ou un arbitre), qui est la pierre angulaire du succès de cette justice privée, devient plus difficile à obtenir dans un contexte cybernétique. L’intermédiaire doit donc user d’une force de persuasion pour rallier le commerçant et le consommateur. Il doit créer un climat de confiance afin de susciter l’intérêt, tant par sa connaissance du cyberespace que par sa capacité à rassurer les parties quant à la sécurité. Il doit également utiliser une interface conviviale, laquelle permet notamment les interactions humanisées sous la forme de clavardage, par exemple.

En définitive, les méthodes de résolution extrajudiciaire en ligne proposent une solution intéressante pour les consommateurs. Le faible formalisme, la confidentialité, la rapidité et la spécialisation de l’intermédiaire figurent au nombre des avantages. L’élément crucial des méthodes extrajudiciaires de résolution des litiges en ligne repose toutefois sur le potentiel offert au consommateur qui désire résoudre un conflit de nature internationale, ou à tout le moins pour les contrats en ligne, alors que le montant du produit ou du service ne justifie aucunement d’entreprendre un recours judiciaire. Cela pourrait expliquer le succès dans le cyberespace des organismes qui existent actuellement dans le milieu bancaire[150].

S’il est reconnu que l’émergence de ces méthodes découle de la nécessité pour les cocontractants d’accéder à la justice rapidement et à un faible coût, cela se justifie d’autant plus en considérant les problèmes des cyberconsommateurs à obtenir justice[151]. Attrayants au premier abord, certains facteurs peuvent atténuer cependant le recours aux méthodes extrajudiciaires. D’abord, ces mécanismes brillent par la difficulté d’obtenir la coercition, particulièrement en droit international. Il s’agit même d’un facteur très dissuasif dans certains cas. Hormis l’expérience de l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), élaborée par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)[152], les exemples de réussite sur le plan international ne sont pas légion. Il existe également une méfiance envers cette justice privée.

Conclusion

L’accès à la justice n’est réalisable que par la mise à la disposition des citoyens de plusieurs outils, comme l’aide juridique, l’assurance frais juridiques, la Cour des petites créances, le recours collectif et les méthodes alternatives de règlement des conflits. Si aucun de ces mécanismes ne sied parfaitement au consommateur, il n’en demeure pas moins que l’ensemble de ces derniers peut lui venir en aide pour la résolution de plusieurs litiges de consommation. Il faut toutefois garder à l’esprit que de nombreux consommateurs préfèrent éviter les tribunaux judiciaires et que, le cas échéant, ils pourraient être tentés de résoudre leurs différends par des voies extrajudiciaires.