Volume 39, Number 2-3, 1998
Table of contents (19 articles)
Régimes de no-fault
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Le régime québécois d'assurance automobile, vingt ans après
Thérèse Rousseau-Houle
pp. 213–232
AbstractFR:
La Loi sur l'assurance automobile poursuit toujours, vingt ans plus tard, l'idéal promu lors de son adoption, soit « la personne avant toute chose ». Le système d'indemnisation des victimes en matière de dommages corporels fondé sur les principes d'assurance et de responsabilité collective sans égard à la faute et axé sur une forme de liquidation définitive des recours satisfait toujours la très grande majorité des Québécois.
L'interprétation de la loi par les tribunaux a contribué à renforcer ses fondements tout en favorisant, par une interprétation large et libérale de la notion « d'accident causé par une automobile », l'indemnisation des victimes.
La remise en question des principes de base du régime de la responsabilité sans égard à la faute de quiconque en matière de dommages corporels causés par des accidents d'automobile semble vouée à l'échec tant sur le plan judiciaire que sur le plan législatif. La punition des conducteurs coupables d'un acte criminel par des sanctions pénales paraît être la voie à privilégier. Quant à la réparation intégrale du préjudice corporel, elle demeurera toujours soumise aux choix politiques, sociaux et économiques de la collectivité qui paie le coût du régime.
EN:
Twenty years after its adoption, the Québec Automobile Insurance Act continues the pursuit of its original objective of « considering the person before all else ». The system for compensating bodily injuries based upon insurance and group no-fault liability principles and a means for the final liquidation of recourses remains satisfactory for a vast majority of Quebecers.
Court interpretations of the Act have only served to reinforce its underlying principles while favouring victim compensation, thanks to a broad and liberal interpretation of the concept of « an accident caused by an automobile ».
The requestioning of the basic principles underpinning the no-fault plan with regard to bodily injury caused by automobile accidents does not seem to draw much support either from the judiciary or in the Legislature. Punishment for drivers guilty of criminal acts through the imposition of punitive measures appears to be the preferred trend. As for the integral compensation of bodily injury, this issue remains subject to the political, social and economic choices of the community which in the end will pay the price that comes with the plan.
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L'indemnisation des victimes d'accident du travail : une histoire de contre-courants
Marie-Claude Prémont and Maurice Tancelin
pp. 233–260
AbstractFR:
La thèse soutenue est celle d'une régression législative de la protection sociale des victimes d'accident du travail et de maladie professionnelle. La loi de 1985 édicte des présomptions légales qui ramènent le travailleur sur le terrain du contentieux. La logique de l'indemnisation automatique se trouve ainsi écartée, alors qu'elle constituait le point fort du compromis historique élaboré au Québec à partir de 1909, dans la foulée des pays industrialisés d'Europe occidentale. La Cour d'appel révèle en 1992 dans six arrêts rendus le même jour l'ampleur des limitations apportées par la loi de 1985 à la protection juridique des travailleurs. Le silence gardé par la doctrine sur ces arrêts de principe contraste avec la vigueur des critiques qui ont accueilli en 1996 une décision de la Cour suprême refusant, à juste titre, d'utiliser les chartes à l’encontre d'une protection sociale acquise au cours de l'histoire. Ces textes constitutionnels devraient être utilisés à meilleur escient, comme l'établissement de ponts entre le droit civil de la responsabilité individuelle et le droit social de l'indemnisation collective.
EN:
This article maintains that the legal underpinnings of workers ' compensation in Quebec are being undermined. Workers have once again been compelled to litigate, as a result of legal presumptions enacted in the 1985 Quebec statute. The system of automatic compensation of work-related injuries, which was the cornerstone of the historic compromise worked out in Quebec from 1909 on, in step with other European industrial democracies, has been set aside. The new limits of the protection afforded to workers was pointed out in 1992 by the Quebec Court of Appeal, in six judgments rendered on the same day ! The dearth of legal commentary on these six major rulings contrasts with the vociferous critiques which greeted the Supreme Court's refusal in 1996 to use charters of rights to weaken an historically-grounded regime of social protection. These constitutional texts should be put to better use, as a bridge between the civil (private) law of individual responsibility and the social (public) law of collective compensation.
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Comportement criminel et régimes étatiques d'indemnisation
Robert Tétrault
pp. 261–286
AbstractFR:
Le régime québécois d'assurance automobile indemnise toutes les victimes de préjudice corporel sans égard à la responsabilité de quiconque, et ce, même lorsqu 'il s'agit de comportement criminel au volant. La victime « innocente » et le conducteur fautif ont un même droit aux indemnités prévues et sont tous deux à l'abri des recours de droit commun. D'aucuns estiment qu'il y a là une injustice qui doit être corrigée en traitant ces accidents non plus comme des cas relevant de la Loi sur l'assurance automobile, mais plutôt comme des cas relevant de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Au-delà du débat quant au bien-fondé de telles critiques, l'auteur analyse l'incidence d'un comportement criminel sur l'application des principaux régimes québécois d'indemnisation des victimes d'un préjudice corporel et fait état des difficultés que poserait le rattachement des cas de comportement criminel au volant à la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels.
EN:
The Quebec Automobile Insurance Act provides no-fault bodily injury compensation for automobile accident victims. The Act makes no exception for drivers who have been injured as a consequence of their own criminal behaviour ; as such, they are entitled to compensation and are immune from tort action like any other victim. This feature of the public compensation plan has drawn some criticism. Representatives of « innocent » victims request that accidents involving criminal driving be treated as criminal injury compensation cases. Beyond the current debate, this paper explores the incidence of criminal behaviour on the application of Quebec's three main bodily injury public compensation plans : workmen's compensation, automobile insurance, and criminal injury compensation. It also highlights the difficulties arising from an eventual application of the Quebec Crime Victims Compensation Act to automobile accidents caused by criminal driving.
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L'avenir des régimes d'indemnisation sans égard à la responsabilité
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Quebec's Comprehensive Auto No-Fault Scheme and the Failure of Any of the United States to Follow
Stephen D. Sugarman
pp. 303–333
AbstractEN:
Although Quebec's no-fault auto insurance scheme has served for 20 years as an exemplary model to follow, so far not one of the United States has adopted anything even close to it. This article examines the reasons for that failure, both in California and throughout the country. Emphasis is given to several factors that stand in the way of U.S. reform and that may distinguish states in the U.S. from Canadian provinces generally and Quebec in particular: 1. State politics — the power of the lawyers who represent victims, the position of the insurers, and the structure of state government. 2. Public perceptions — negative attitudes towards government, the insurance industry, and the prospects of saving money on auto insurance premiums. 3. Traditions—the ideological strength of individualism and ideological weakness of collective responsibility. 4. Tradeoffs — doing away with the tort system means giving up more in the U.S. than elsewhere. 5. Policy concerns — fears about safety, costs, and the « slippery slope ». Finally, the possibility that one or more U.S. states might in the future evolve towards the Quebec solution is explored.
FR:
Même si le régime québécois d'assurance automobile constitue un modèle à suivre depuis 20 ans, aucun État américain n'a encore adopté un système d'indemnisation qui s'en approche. Le présent texte expose les raisons qui expliquent cet échec, tant en Californie qu'ailleurs aux États-Unis. Il fait ressortir les facteurs propres à ce dernier pays, qui permettent de distinguer la situation américaine de celle des provinces canadiennes, en particulier le Québec ; 1) Facteurs politiques — le pouvoir des avocats qui représentent les victimes, la situation dans laquelle se retrouvent les assureurs et le mode d'organisation des gouvernements ; 2) Les perceptions du public — méfiance à l'égard du gouvernement, des compagnies d'assurance et de la promesse d'une réduction des primes d'assurance automobile ; 3) Les traditions — l'individualisme américain et le faible degré de pénétration d'une idée de responsabilité collective ; 4) Compromis—abandonner le système américain de responsabilité civile implique la renonciation à plus de choses qu'ailleurs dans le monde ; 5) Considérations d'ordre général — craintes au niveau de la sécurité routière, des coûts et de l’« effet d'entraînement ». Enfin, l'auteur examine la possibilité qu'un ou plusieurs États américains puissent, à l'avenir, élaborer un système inspiré du modèle québécois.
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No-Fault Automobile Insurance in Manitoba : An Overview
Jeffrey Schnoor
pp. 335–370
AbstractEN:
In 1993, Manitoba followed Quebec's lead and became the second jurisdiction in North America to abolish the traditional tort system and adopt a pure no-fault compensation plan for victims of automobile accidents; the plan has been in operation since 1994. This paper begins with an examination of some of the events which led to this reform. It then reviews the scope of the plan (including consideration of a judgment of the Manitoba Court of Appeal on the subject) and gives an overview of the plan's operation, including the compensation provided by it and the provisions for review and appeal of decisions. At the end of the paper, an addendum summarizes (and briefly comments on) a review of the no-fault plan which was released following the completion of the paper.
FR:
En 1993, le Manitoba a suivi l'exemple du Québec et est devenu le deuxième endroit en Amérique du nord à remplacer le régime de droit commun de la responsabilité civile en matière d'accidents d'automobiles par un système intégral d'indemnisation sans égard à la responsabilité ; le régime est en vigueur depuis 1994. Le présent texte rappelle certains des événements qui ont mené à cette réforme. L'auteur traite ensuite de l'étendue du régime en évoquant une décision de la Cour d'appel du Manitoba sur le sujet et décrit son fonctionnement (indemnités prévues, procédures de révision et d'appel). Dans un addendum, il résume et commente brièvement le contenu d'un rapport ayant pour objet l'examen du nouveau régime d'indemnisation et dont les résultats sont devenus disponibles après la réalisation du présent texte.
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Compensation for Motor Vehicle Injuries in New Zealand
John Michael Miller
pp. 371–394
AbstractEN:
Compensation for Motor Vehicle injuries in New Zealand is included as part of the overall no fault accident compensation scheme in the Accident Rehabilitation and Compensation Insurance Act 1992. This Act replaced the Accident Compensation Act 1982 and abolished lump sum compensation for injuries and excluded mental trauma injury claims which were available under the previous Act.
This led to considerable public dissatisfaction with the 1992 Act and brought lawyers back into the compensation process with damages claims for mental trauma injuries. The renewed interest of lawyers in litigation also led to an increase in exemplary/punitive damages claims.
Despite this return to litigation the motor vehicle part of the no fault scheme presents few problems. It is well funded and is well accepted apart from the recurrent question of compensating drunken drivers for their injuries.
FR:
En Nouvelle-Zélande, l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile n'est qu'une des composantes du régime général d'assurance sans égard à la responsabilité, prévu par la Accident Rehabilitation and Compensation Insurance Act de 1992. Cette loi remplace la Accident Compensation Act de 1982 en abolissant des droits auparavant reconnus aux victimes : indemnisation du préjudice moral sous forme de paiement forfaitaire et exclusion des réclamations pour les conséquences d'un traumatisme psychique.
La loi de 1992 s'est avérée largement impopulaire et a ramené les avocats dans le processus d'indemnisation pour les blessures de nature psychique. Ce retour en force des avocats a aussi entraîné une augmentation des réclamations pour dommages exemplaires ou punitifs.
Malgré cela, l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile pose peu de problèmes. Le financement du régime est adéquat et il est bien accepté par la population, si ce n'est de la remise en question des indemnités versées aux conducteurs ivres.
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Indemnisation sans égard à la responsabilité et interprétation de la loi du 5 juillet 1985 : la longue marche
Hubert Groutel
pp. 395–427
AbstractFR:
À beaucoup d'égards, la loi française du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation restera, dans l'histoire du droit français, comme une curiosité sans doute unique en son genre. Le législateur, persuadé qu'il était de procéder à une simple réforme du régime de responsabilité existant, ne s'est pas aperçu qu'il instituait un régime d'indemnisation sans égard à la responsabilité. La Cour de cassation, de son côté, a vu, dès l'origine, que le nouveau régime n'était plus celui de la responsabilité, mais ensuite il lui a fallu une dizaine d'années pour enfin découvrir ce qu'il était. Si bien qu'au cours de cette période, nous avons eu une jurisprudence erratique, oscillant entre les deux régimes.
C'est cette longue marche que se propose de narrer l'auteur du texte qui suit.
EN:
In many ways the French Statute of July 5,1985 respecting an improvement in the situation of victims of road accidents will go down in the history of French law as a curiosity uniquely one of its kind. The Legislator, convinced that he was undertaking a simple reform of existing liability, did not realize that he was actually in the process of implementing a no-fault indemnification system. The Cour de Cassation realized from the outset that the new system was no longer one of liability, but that same court then took ten years to discover exactly what the system had become. As a result, we experienced an indecisive period where case law ricocheted from one system to the other and back again.
It is this drawn out settling of case law that the reporter proposes to narrate.
Dommages-intérêts / assurance
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Comparer l'incomparable : les indemnités pour préjudice corporel en droit commun et dans la Loi sur l'assurance automobile
Daniel Gardner
pp. 429–472
AbstractFR:
Le système de droit commun de la responsabilité civile s'intéresse aux victimes qui peuvent identifier le responsable de leur préjudice et prévoit l'octroi de dommages-intérêts sous forme forfaitaire. De son côté, la Loi sur l'assurance automobile indemnise toutes les victimes de la route en utilisant principalement la rente et en adaptant la compensation à l'évolution de la condition physique de la victime. Les montants en jeu constituent la trame de fond du présent texte, qui vise à comparer les niveaux d'indemnités accordées en vertu de chacun de ces systèmes.
Dans la première partie, l'auteur expose les avantages incontestables qui découlent de l'application d'un régime d'indemnisation sans égard à la responsabilité (délais, frais, etc.). Par la suite, et nonobstant ces avantages, il démontre que le régime québécois d'assurance automobile indemnise mieux les victimes gravement blessées que ne le fait le système de droit commun. Les victimes de préjudices limités bénéficient également du régime étatique d'indemnisation, quoique de façon moins marquée par rapport au droit commun. En revanche, en ce qui concerne les victimes par ricochet, le régime instauré par la Loi sur l'assurance automobile montre ici ses limites, principalement parce qu'il s'est écarté des règles de calcul initialement prévues en 1978, lors de l'entrée en vigueur de la loi.
EN:
On the issue of civil liability, the provisions of the general law focus on victims who are able to identify the person liable for their harm, then grant them damages in the form of a lump-sum payment. The Québec Automobile Insurance Act compensates all highway accident victims mainly through an annuity whose payments are adjusted as the victim's physical conditions evolves. The amounts at stake constitute the main thrust of this paper, which seeks to compare the levels of indemnities granted under each of these systems.
The author opens this presentation by illustrating the undeniable advantages arising from the no-fault indemnification plan (timely processing, expenses, etc.). Then despite these advantages, he demonstrates how the Québec automobile insurance plan offers better compensation to seriously injured victims than do the provisions under the general law. Victims of limited harm also benefit under the State-run indemnification system, although somewhat less markedly when contrasted with the general law. On the reverse side of the coin, third-party victims illustrate the limits of the plan instituted under the Québec Automobile Insurance Act, mainly because the plan has strayed away from the calculation rules initially laid down in 1978 when the Act came into force.
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Have the Politics of Rate Regulation Produced a Better No-Fault Regime for Ontario ?
Bruce Feldthusen
pp. 473–489
AbstractEN:
Ontario has changed its no-fault legislation substantially three times in the past decade. These changes have reflected the interest group lobbying of the insurance industry and the practising bar. However, the main and explicit motivation, especially for the latest revision, has been the government's desire to regulate rates. With the Automobile Insurance Rate Stability Act the government appears to have struck a very successful compromise. The lawyers have been allowed an increased, albeit limited, right to sue in tort. The insurers have achieved more certainty, with stricter time and monetary limits on benefits for non-catastrophic injury. Rates have been reduced in part through lower benefit levels, but primarily by throwing the cost of automobile accidents on to other collateral sources. There is, therefore, some subsidization of driving inherent in the legislation. There are also compensation gaps, especially in long term health care, that affect mainly the most vulnerable members of society. Both these shortcomings could and should be easily corrected. So far, it would appear that the politics of rate regulation have generated an improved no-fault automobile accident compensation scheme for Ontario.
FR:
Au cours des dix dernières années, l'Ontario a modifié trois fois et de façon substantielle son régime d'assurance automobile sans égard à la responsabilité. Ces réformes sont le reflet des pressions exercées par les assureurs et les avocats. Cependant, le principal motif avancé était, surtout pour la dernière révision, la volonté du gouvernement de réglementer le taux des primes d'assurance. Un heureux compromis semble avoir été trouvé avec la Automobile Insurance Rate Stability Act. Les avocats ont vu les possibilités de poursuites accrues, quoique de façon limitée. Les assureurs ont obtenu plus de certitude dans leurs prévisions, en raison de délais restreints et du plafonnement des indemnités dans le cas de blessures moins importantes. Les primes d'assurance ont été en partie réduites à cause d'une diminution des indemnités, mais surtout par un transfert des coûts générés par les accidents d'automobile vers d'autres sources d'indemnisation. La loi entraîne ainsi une forme de subvention de la conduite automobile. Il y a également des lacunes au niveau de l'indemnisation, surtout en ce qui concerne l'assistance médicale à long terme, qui touche principalement les membres les plus vulnérables de la société. Ces insuffisances pourraient et devraient être facilement corrigées. Jusqu'à maintenant, le contrôle exercé sur les primes a semblé donner à l'Ontario un meilleur régime d'assurance automobile sans égard à la responsabilité.
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Compensation for Loss of an Economic Nature : An Australian Perspective
Harold Luntz
pp. 491–522
AbstractEN:
This paper first describes briefly the scope of the no-fault motor accident schemes which operate in Australia. It then sets out and evaluates the benefits payable under each for losses of an economic nature. These are benefits for hospital, medical, nursing, rehabilitation and like needs created by injuries in a motor accident ; for informal nursing services and assistance in the home, the need for which is similarly created ; for loss of earning capacity resulting from such accidents ; and for death so resulting. It does not deal with benefits for loss of a non-economic nature, such as pain and suffering (for which, as such, compensation is not generally payable under the schemes) and impairment. It nevertheless concludes that most benefits for loss of an economic nature should be integrated with the Australian social security system and that the true role of a no-fault scheme is to compensate for permanent impairment, since there is no general disability benefit payable under the social security system.
FR:
Le présent texte présente d'abord brièvement le champ d'application des divers régimes australiens d'assurance automobile sans égard à la responsabilité. Il expose ensuite les indemnités prévues par ces divers régimes pour pallier les pertes de nature économique. Cela comprend le remboursement des frais d'hospitalisation, des soins médicaux et infirmiers, de réadaptation et les autres besoins découlant des blessures subies dans un accident d'automobile ; la valeur des soins et services rendus à domicile ; la perte de revenus qui en résulte ainsi que les indemnités de décès. Les indemnités pour préjudice moral (habituellement non prévues par ces régimes) ne seront pas analysées. L'auteur conclut en proposant que la plupart des indemnités pour pertes de nature économique soient coordonnées avec le système australien de sécurité sociale, et que le rôle véritable d'un régime d'indemnisation sans égard à la responsabilité soit de compenser la détérioration permanente de l'état de santé de la victime, puisque aucune indemnité n'est payable à ce titre par le régime de sécurité sociale.
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L'indemnisation des victimes en fonction des pertes non économiques résultant de blessures ou de décès : régime d'État ou de droit commun?
René Letarte
pp. 523–536
AbstractFR:
Deux grands régimes juridiques disposent des pertes non pécuniaires : le régime de droit commun et la Loi sur l'assurance automobile. La présente étude vise à brosser un tableau des deux régimes pour en faire ressortir les différences fondamentales, les avantages ainsi que les inconvénients.
Le droit commun emprunte la voie traditionnelle de la responsabilité civile : « toute personne est responsable du dommage causé par sa faute ». Le droit civil recherche une indemnisation intégrale de la victime, mais nécessite, la plupart du temps, l'intervention du système judiciaire.
Établie selon une philosophie complètement différente, la Loi sur l'assurance automobile abandonne la notion de responsabilité, indemnise la victime sans égard à la faute et ne recherche pas la compensation intégrale. Les dommages non pécuniaires sont établis à partir de grilles d'évaluation strictes beaucoup moins souples que les méthodes de calcul du quantum issues du droit civil.
EN:
Two eminent legal systems have provisions for non-monetary losses : The general law and the Automobile Insurance Act. This paper seeks to provide an overview of the two systems in order to contrast their fundamental differences, advantages and disadvantages.
The general law takes the traditional path of civil liability : « Every person is responsible for the damage caused by his fault. » Under civil law, integral compensation is sought for the victim; however, this usually requires a recourse to the judiciary system.
Founded upon a totally different philosophy, the Automobile Insurance Act abandons the concept of liability, indemnifies on a no-fault basis and does not seek integral compensation. Non-monetary losses are determined on the grounds of a strict assessment grill far less flexible than the quantum calculation methods derived from the civil law.
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L'indemnisation des victimes de préjudices non économiques
Yvonne Lambert-Faivre
pp. 537–569
AbstractFR:
La loi Badinter du 5 juillet 1985 a réformé le droit de la responsabilité applicable aux accidents de la circulation, mais elle n'a pas modifié le droit de la réparation des dommages corporels qui relève du droit commun. L'indemnisation des victimes de préjudices non économiques, comme en matière de préjudices économiques, doit obéir aux trois principes fondamentaux de la réparation intégrale, du principe indemnitaire et de l'évaluation in concreto.
Les préjudices non économiques de la victime directe peuvent être classés en six chefs de préjudices : les souffrances endurées sont analysées sous les critères de temporalité, de globalité, d'intensité et d'évaluation monétaire ; le préjudice d'agrément a évolué d'une conception restrictive aujourd'hui archaïque à une conception moderne rattachée au déficit fonctionnel séquellaire (DFS) de la victime et à son handicap situationnel ; le préjudice esthétique ; le préjudice sexuel aujourd'hui indemnisé de manière autonome par la Cour de cassation ; le préjudice juvénile mal circonscrit ; et le préjudice spécifique de contamination par le virus du sida qui peut être la conséquence d'un accident de la circulation ayant entraîné une transfusion sanguine.
Les préjudices non économiques de la victime par ricochet s'énoncent en préjudice d'affection lorsque la victime directe est décédée ou en préjudice d'accompagnement lorsqu'elle survit gravement handicapée.
Le régime juridique de l'indemnisation des victimes de préjudices non économiques répond à trois problèmes: l'indemnisation de la victime en état végétatif chronique, la dévolution sucessorale du droit à indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux de la victime et le régime du recours subrogatoire des tiers payeurs.
EN:
The Badinter Act effective July 5, 1985 reformed liability law as it applies to road accidents, but it did not affect legislation governing remedies for bodily injuries that come under the jurisdiction of general law. Compensation for non-economic losses—as in the case of bodily injury— must abide by the three basic principles of total remediation, the indemnification principle and in concreto appraisal.
Non-economic losses suffered by a first-line victim may be classified under six headings of injuries : (1) the suffering sustained is subject to an analysis according to criteria including time, globality, intensity and monetary assessment ; (2) recognized injury has evolved from a formerly restrictive concept to a more modern one based upon the victim's consequential functional disability and his circumstantial handicap ; (3) esthetic injury ; (4) sexual injury now indemnified on an autonomous basis by the Cour de cassation ; (5) the poorly defined juvenile injury ; (6) and injury specifically brought on by the Aids virus that may result from a road accident where a blood transfusion is required.
The victim's non-economic losses are in turn expressed in terms of socio-affective injury when the first-line victim is deceased, or as accompanying injury where the victim survives but remains seriously handicapped.
The legal system of compensating non-economic losses addresses three problems : the indemnification of victims left in a chronically vegetative state, the successoral devolution of the right to compensation of extra-patrimonial injuries and the system of subrogatory recourse by third-party payers.
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Compensation for Non-Economic Loss, the Tort-Liability Insurance System, and the 21st Century
Roger C. Henderson
pp. 571–598
AbstractEN:
Tort awards for non-economic loss have grown in an almost geometric progression in the United States since first recognized nearly 150 years ago. Not only have courts constantly expanded the areas in which claimants are permitted to recover pain and suffering awards, but at the same time they have liberalized the definition of pain and suffering itself This may be traced in part from the way the judicial system was designed after the American Revolution, the role of lawyers in the system, and the affluence of the country. Consequently, awards for non-economic loss have taken on ever increasing importance, an importance that does not bode well for the prospects for future adoptions of no-fault auto insurance plans that would curtail such recoveries.
This article sketches historical influences on the tort-liability insurance system and summarizes modern developments in the law of damages for non-economic loss in the United States. It then raises questions regarding the prospects for adoption of the federal Choice No-Fault Auto Reform Act now pending in the U.S. Congress, a plan that would offer auto accident victims the choice of being compensated on a no-fault basis, while waiving their right to recover for pain and suffering. It concludes by offering a possible scenario of how future efforts to reform the tort-liability system in the United States may occur as we move into the 21st century.
FR:
Les indemnités pour préjudice moral ont connu une hausse exponentielle aux États-Unis depuis la reconnaissance de ce préjudice il y a environ 150 ans. Les tribunaux ont non seulement étendu les cas où de tels montants peuvent être réclamés, mais ils ont également élargi la définition des notions de « souffrances et douleurs ». Cette évolution s'explique en partie par l'organisation du système judiciaire après la Révolution américaine, par le rôle joué en ce domaine par les avocats et par le niveau de richesse du pays. En conséquence, les indemnités pour préjudice moral ont pris une place de plus en plus importante en droit américain, place qui n'augure rien de bon quant aux chances de voir adopter des régimes d'assurance automobile sans égard à la responsabilité qui réduiraient ces indemnités.
Le présent texte donne un aperçu des facteurs qui ont historiquement influé sur le droit de l'assurance responsabilité aux États-Unis et résume les développements plus récents en matière de compensation du préjudice moral. L'auteur s'interroge ensuite sur les possibilités d'adoption d'une loi fédérale présentement à l'étude devant le Congrès américain, loi qui accorde aux victimes de la route le droit d'être indemnisées sans égard à la responsabilité, en échange d'une renonciation préalable au droit de réclamer une indemnité pour préjudice moral. Finalement, l'auteur met de l'avant des propositions de réforme envisageables en matière de responsabilité civile aux États-Unis, à l'aube du 21e siècle.
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The effect of allowing motorists to opt out of tort law in the United States
Jeffrey O’Connell, Stephen Carroll, Alan Abrahamse, Michael Horowitz and Alexander Karan
pp. 599–612
AbstractEN:
As applied to U.S. traffic accidents, both tort law and no-fault law are often attacked. A proposed solution would allow motorists to choose an option bypassing the inadequacies of both tort law and current U.S. no-fault laws. Actuarial estimates indicate large savings available to motorists so choosing. But as time goes on, the savings are diminished as low required limits of coverage in the U.S. meet inflation, leading not only to admittedly lessened savings but also to the anomaly of more and more motorists in non no-fault states pursuing tort rights for only economic losses.
FR:
Dans le domaine des accidents d'automobile, le droit commun et les législations spéciales font souvent l'objet de critiques aux États-Unis. Une proposition présentement à l'étude permettrait aux automobilistes d'obvier à ces critiques en choisissant le système d'indemnisation qui leur serait applicable. Des projections actuarielles font état d'économies substantielles pour les automobilistes. Ces économies sont cependant en diminution depuis quelques années puisque les montants minimaux obligatoires d'assurance automobile n'ont pas suivi le taux d'inflation. Il en résulte que de plus en plus d'automobilistes, sous le droit commun, se contentent d'une réclamation pour leurs pertes de nature économique.
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L'assurance des dommages matériels au Québec et l'indemnisation directe : un régime efficace mais encore mal compris
Claude Belleau
pp. 613–654
AbstractFR:
Depuis vingt ans, la réparation des dommages causés aux automobiles s'effectue suivant le principe de l'indemnisation directe basée sur la faute chaque fois que deux ou plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident. Cette innovation majeure présente de nombreux avantages par rapport au système antérieur, mais certains de ses aspects sont encore mal compris par le public.
L'auteur relate d'abord les circonstances qui ont amené le législateur à adopter ce système en 1978. Il expose ensuite les modifications apportées par la Loi sur l'assurance automobile aux règles générales du Code civil du Québec relatives au contrat d'assurance pour répondre aux exigences de la mise en oeuvre de l'assurance obligatoire et de l'indemnisation directe. Puis, l'auteur discute les conséquences de l'indemnisation directe en ce qui concerne la disparition, dans la police d'assurance automobile, de l'exclusion relative à la conduite en état d'ébriété et en ce qui a trait à la tarification du risque et à la création en 1989 du Fichier central des sinistres automobiles. Il aborde enfin le problème de l'utilisation de l'âge, du sexe et de l'état civil comme facteur de tarification au regard des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne.
EN:
For twenty years now, remedies for damages caused to automobiles have been implemented by following the direct indemnification principle based on fault each time two or more vehicles are involved in an accident. The major innovation presents many advantages when compared to the former system, however some of its aspects are still poorly understood by the general public.
The author first reviews the circumstances that led the legislator to adopt this system in 1978. He goes on to explain the amendments made by the Automobile Insurance Act to the general rules of the Quebec Civil Code pertaining to the insurance contract to meet the requirements for implementing mandatory insurance and direct compensation. In the second part, the author discusses the consequences arising from direct compensation first as regards the disappearance from the automobile insurance policy of the relative exclusion pertaining to driving with impaired faculties, second as pertains to rating perils and finally to the creation in 1989 of the Fichier central des sinistres automobiles (automobile claims tracking centre). Lastly, he delves into the problems that arise when age, gender and marital status are used as rate setting factors in the light of the Charter of human rights and freedoms.
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Assurance no-fault dans le cadre des règles de la responsabilité civile
Bill W. Dufwa
pp. 655–676
AbstractFR:
La notion de no-fault qu'on a commencé à utiliser pour l'assurance automobile aux États-Unis dans les années soixante, est devenue courante dans les discussions portant sur les accidents de la circulation en Europe dans les années soixante-dix. Le sens de l'expression « assurance pour responsabilité sans faute » restait cependant à être clarifié. Une qualification qui paraissait admise voulait qu'une véritable assurance sans faute signifie l'abandon de la responsabilité civile individuelle. Lorsqu'une nouvelle loi sur les dommages résultant des accidents de la circulation a été adoptée en Suède en 1975, la responsabilité civile du conducteur n'a pas été abolie. Néanmoins, une lecture de la loi a permis d'y découvrir un régime de no-fault. En bref, la loi a pour objet de faire glisser l'assurance automobile obligatoire vers un régime de responsabilité stricte pour l'assureur, pendant que la responsabilité civile du conducteur envers les tiers est maintenue. Mais comme la responsabilité civile du conducteur n'est jamais recherchée, en pratique, le poids de l'indemnisation est dirigé du côté de l'assurance.
Avec ce système, un conducteur qui a, par exemple, percuté un arbre peut recevoir une réparation intégrale du préjudice qui en résulte. Sa propre faute ne le prive pas du droit à la réparation. A titre exceptionnel, une faute grave ou intentionnelle ou encore une conduite en état d'ébriété peut avoir pour effet de modifier le niveau d'indemnisation.
Les règles de la responsabilité civile ont également été appliquées en ce qui concerne l'évaluation des indemnités. Les liens avec le droit de la responsabilité civile entraînent des problèmes mais, dans l'ensemble, le système suédois d'indemnisation fonctionne bien dans ce domaine.
EN:
The term « no-fault » that began to be used in the context of car insurance in the USA during the 1960s became increasingly common in the European discussions on road injuries during the 1970s. There was no clarity, however, as regards the question of what exactly was meant by « no-fault insurance ». One requirement that was assumed to have to be satisfied in order to talk about « genuine » no-fault insurance was that the personal liability for damages had been done away with. When the new Motor Traffic Damages Act was passed in 1975, the driver's personal liability for damages had not been abolished. All the same, the Act is constructed in such a way that one can speak of no-fault insurance. In a simplified what this means is that the obligatory traffic insurance carries strict liability for damages, whereas the driver's liability for negligence (culpa) against a third party has been preserved. Due to the fact that the driver's personal liability is never applied in practice, in reality, and without the legislator's aid, channelling towards traffic insurance has occurred.
In this system a driver who is injured by driving into a tree, for example, can receive full compensation. His own negligence does not deprive him of the right to compensation. In exceptional cases intentional or seriously negligent acts or drunken driving may make that compensation will be readjusted.
Rules from the sphere of the law of damages have been used not only for establishing prerequisites for liability, but are even applied when compensation is to be calculated or readjusted. The connection with the law of damages has certainly meant certain complications, but on the whole, the Swedish system of compensation in this field has worked well.