FR:
Comme juge de la Cour suprême du Canada de 1918 à 1929, Pierre-Basile Mignault a participé à 50 décisions constitutionnelles. C'est de cette jurisprudence que l'auteur dégage la pensée constitutionnelle de ce célèbre civiliste.
La première partie de l'article expose la « manière » du juge Mignault. Cela permet d'éviter de tirer des conclusions trop ambitieuses à partir du corpus examiné. En effet, la jurisprudence constitutionnelle de Mignault se caractérise par la retenue judiciaire et par une grande fidélité au Conseil privé. Par contre, ses décisions ne se situent pas exclusivement sur un plan technique. Elles permettent souvent de déceler les valeurs qui l'animent ainsi que son souci de réalisme et d'équité.
Sur le fond, trois caractéristiques de la pensée constitutionnelle de Mignault sont exposées dans la seconde partie. D'abord, Mignault se distingue par le respect qu'il accorde aux pouvoirs politiques et, en particulier, aux choix du législateur. Ensuite, il ressort de la jurisprudence de la Cour suprême de l'époque que Mignault était particulièrement généreux à l'égard du pouvoir central. Toutefois, sa conception du partage des compétences n'en était pas nécessairement déséquilibrée : il rejetait clairement toute définition statique et toute répartition étanche des pouvoirs, au profit d'une approche où la concurrence dynamique des deux ordres de gouvernement devait maintenir l'équilibre entre eux.
En conclusion, l'auteur suggère qu'il ne suffit pas de se référer aux modèles anglo-américains de comportement judiciaire pour évaluer la contribution de Mignault. En effet, celui-ci a vraisemblablement été influencé, même en matière constitutionnelle, par la tradition judiciaire française, où le juge n'occupe pas la place centrale qui lui est dévolue dans les systèmes de common law.
EN:
Pierre-Basile Mignault was on the bench of the Supreme Court of Canada, from 1918 to 1929, for 50 constitutional cases. The resulting jurisprudence is used in this article to illustrate the constitutional thinking of that famed civil law jurist.
The first part is devoted to judge Mignault's « manner ». It indicates that the conclusions reached from his jurisprudence should not be overgrown. This is because Mignault's constitutional jurisprudence is characterized by judicial restraint and by a special loyalty toward the Privy Council. His decisions, however, go beyond legal technicalities. They often reveal the values he cherished and his striving for realism and equity.
The second part deals with the substance of Mignault's constitutional thinking and underlines three of its characteristics. First, Mignault is conspicuous for his deference towards the political branches of the State and, in particular, towards legislative policies. Second, Mignault proved to be one of the juges of the Supreme Court who most strongly favoured the federal government. However, his conception of the distribution of powers remained generally balanced: this is because he clearly rejected static definitions in the matter and watertight compartments and because he believed balance could be gained through a dynamic competition between the federal government and the provinces.
In conclusion, it is suggested that one should go beyond anglo-american models of judicial behaviour to appreciate Mignault's work at the Supreme Court. Even in constitutional matters, Mignault was likely prompted by the French judicial tradition, wherein judges do not stand on the same pinnacle as in common law systems.