Abstracts
Résumé
La fiducie du Code civil a toujours suscité un grand intérêt dans la communauté juridique québécoise. Autant les tribunaux que les auteurs eurent l'occasion de s'interroger sur son origine et sa nature ainsi que sur le régime juridique qui lui était applicable. Le but de cette étude est d'établir les lignes directrices des opinions véhiculées par les juristes qui ont abordé le sujet et de révéler la trame de leur discours. L'analyse du corpus documentaire a permis de regrouper en trois grandes classes les intervenants, à savoir : les pragmatiques, les protectionnistes et les novateurs.
Les pragmatiques considéraient la fiducie comme étant d'origine anglaise. Aussi estimaient-ils qu'il y avait lieu de faire en sorte que l'institution, même « civilisée », permette de parvenir aux mêmes fins que le trust anglais. Ils faisaient donc de la fiducie une institution hybride. La démarche des pragmatiques était avant tout empirique. Ils ne présentaient donc pas une vision englobante de la fiducie, mais se contentaient plutôt de proposer des solutions ou d'émettre des commentaires au fur et à mesure que les problèmes surgissaient. Leur objectif premier était d'adapter l'institution aux usages et aux vues de la pratique. Les protectionnistes s'opposaient fermement à cette façon de voir. Ardents défenseurs de l'orthodoxie, ils considéraient généralement la fiducie comme étant d'origine française et s'appliquaient à souligner son assujettissement au droit civil. Ils cherchaient donc à contrecarrer les thèses des pragmatiques qu'ils voyaient comme des errements, sinon des hérésies. Les novateurs, à l'instar des protectionnistes, s'en prenaient également aux pragmatiques. Ils empruntaient cependant un ton beaucoup moins fougueux. Leur but premier était de proposer, en droit civil, l'introduction de nouveaux concepts qu'ils estimaient mieux convenir à la fiducie.
Les trois groupes inscrivaient leur démarche dans un discours cohérent ; les uns désirant imposer leurs idées aux autres. À ce jeu, tous ne pouvaient être gagnants. Les pragmatiques, fortement représentés dans l'appareil judiciaire, ont fait prévaloir leur point de vue. Les protectionnistes furent les grands perdants. Leur discours de réaction n'eut aucune influence sur les pragmatiques et les laissa même totalement indifférents. En revanche, les novateurs ont réussi à faire prévaloir leurs idées, non pas en convainquant les pragmatiques, mais en influençant le législateur.
Abstract
The Quebec legal community has always been attracted by the trust in the Civil code. Courts and authors have taken the opportunity to question its origins and nature as well as the legal regime applicable to it. The purpose of this paper is to highlight the main thrust of opinions expressed by jurists and elucidate their reasoning. An analysis of the literature made possible a classification into three major groups of protagonists : the pragmatists, the protectionists and the innovators.
The pragmatists saw the trust as being of English origin. Their feeling was that even in Civil law, the institution should be used in such manner as to reach the same ends as in common law. For them, the trust was a hybrid institution and their approach to it was empirical in nature. Hence, there was no global view of the trust, but rather a succession of solutions and comments adapted to problems as they arose — since their objective was to adapt the institution to current uses and practices.
The protectionists were resolutely against the pragmatists' way of seeing things. As ardent defenders of orthodoxy, they generally considered the trust as being of French origin and went about underscoring its submission to Civil law. They were therefore seeking to counter the pragmatists' theses that they saw as erroneous and even heretical.
Just as the protectionists, the innovators also took a dim view of the pragmatists, but their tone was milder. Their first objective was to propose in Civil law the introduction of concepts that they felt better adapted to the trust.
In all, the three groups went about advancing their premises in a coherent context — each one seeking to outdo the others. But not everyone could win in this game. Since the pragmatists were heavily represented in the legal community, their view came to prevail. The protectionists were the big losers since their reasoning made no inroads into the pragmatists' thinking and in fact, left them totally indifferent. The innovators, however, managed to get their ideas across, not by convincing the pragmatists but by influencing the legislators.
Download the article in PDF to read it.
Download