Publié pour souligner le cinquantième anniversaire du dépôt du rapport de la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada (CRESFC ou Commission Bird) en 1970, cet ouvrage collectif entend examiner le chemin parcouru au cours de ces cinq décennies par le mouvement féministe canadien et évaluer l’héritage de la Commission sur les luttes passées et présentes. Envisagés dans une perspective intersectionnelle et anticoloniale, les textes, qui se penchent essentiellement sur les revendications adressées au gouvernement fédéral, jettent donc un regard passablement critique sur les avancées réalisées jusqu’ici et mettent autant l’accent sur ce qu’il reste à accomplir, que sur les changements obtenus de haute lutte. L’ouvrage comporte 13 chapitres divisés en cinq parties. Le premier chapitre signé par les directrices de la collection, qui fait office d’introduction, revient sur l’histoire de la Commission Bird, la perspective keynésienne, libérale et égalitaire qui animait les commissaires, ses principales recommandations et les reculs subits par le mouvement féministe avec la montée du néolibéralisme à compter des années 1980. Ce bilan fort utile pour se remémorer le contexte de la création de la CRESFC et mettre les autres chapitres en perspective est suivi d’une présentation de chacun des articles du livre. Le deuxième chapitre de cette première partie s’attarde pour sa part à la lutte des femmes autochtones pour faire modifier la Loi sur les Indiens, depuis les années 1960 jusqu’en 2022. Cette contribution de Shelagh Day et Pamela Palmater, de facture assez inhabituelle, est essentiellement composée d’une chronologie très détaillée des différentes étapes de cette lutte, suivie d’un extrait d’un texte déjà paru qui lie la non-reconnaissance des droits des femmes autochtones par le gouvernement fédéral au projet colonial canadien. La deuxième partie, qui s’attarde à la dimension économique des enjeux féministes depuis la Commission Bird, comprend trois textes. Celui de Barbara Cameron, qui ouvre cette section, s’intéresse aux positions libérales des commissaires sur le travail salarié féminin et à la manière dont leur appui à l’entrée des femmes (mariées) sur le marché du travail a servi le néolibéralisme le moment venu, les ménages à doubles revenus permettant de laisser les salaires masculins stagner. Au chapitre suivant, Meg Luxton constate que ce même cadre d’analyse libéral a empêché la Commission d’établir des liens entre le travail ménager non payé effectué par les femmes et l’accumulation capitaliste, tout en soutenant que seule une approche socialiste permettrait de proposer des politiques susceptibles de réconcilier cette forme de travail gratuit avec le travail salarié. Enfin, Amber J. Fletcher s’intéresse au travail des femmes sur la ferme, prenant essentiellement pour exemple les exploitations agricoles des Prairies. Après avoir constaté le peu d’intérêt accordé par la CRESFC au sort des fermières, Fletcher montre que la montée du néolibéralisme depuis les années 1980 a surtout eu pour effets d’accroître l’insécurité économique et la charge de travail de ces femmes obligées, aujourd’hui comme hier, de s’adapter aux conditions dans lesquelles les exploitations agricoles doivent naviguer. La troisième partie, intitulée « Reimagining policy », comporte quatre textes qui se penchent sur l’évolution de politiques publiques touchant aux violences sexuelles, notamment le viol (Lise Gatoll, chapitre 6), à la reproduction (contraception et avortement ; Alana Cattapan, chapitre 7), à l’immigration (Christina Gabriel, chapitre 8) et à la sécurité du revenu (Ann Porter, chapitre 9) entre les années 1970 et 2020. En essence, ces quatre chapitres, au-delà de leurs thématiques distinctes, soutiennent, à l’instar de Cameron, que le féminisme libéral de la commission Bird, par son insistance sur l’autonomie, l’individualité et l’égalité des femmes avec les hommes, a très souvent négligé de considérer la situation particulière des premières …
Barbara Cameron et Meg Luxton (dir.), Feminism’s Fight. Challenging Politics and Policies in Canada since 1970, Vancouver, UBC Press, 2023, 378 p.
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Denyse Baillargeon
Université de Montréal
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