Abstracts
Résumé
Cet article analyse les débats qui ont conduit à l’inclusion de l’article 48 sur l’exploitation des personnes âgées dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne de 1975. Il documente les campagnes médiatiques qui, de 1971 à 1974, ont mis au jour les situations d’exploitation et les conditions de vie déplorables dans les établissements de soins et d’hébergement pour personnes aînées. Il met en lumière le rôle crucial joué par la Ligue des droits de l’homme qui, à compter de 1972, sensibilise la population, mobilise les personnes âgées et fait pression auprès du gouvernement pour réclamer la protection de leurs droits, qu’elle énonce dans sa Charte des droits des personnes âgées de 1973. À partir d’un examen des archives parlementaires, nous montrons que l’article sur la protection des personnes âgées n’a été introduit que de manière tardive et inattendue dans la Charte québécoise, n’ayant fait l’objet d’aucun débat parlementaire public. Portant une réflexion plus large sur les limites du transfert de ce problème social dans le domaine du droit, nous démontrons que les dispositions sur l’exploitation et le droit à la protection de la famille prévues à l’article 48 laissent dans l’ombre plusieurs aspects fondamentaux des conditions de vie des personnes aînées au Québec.
Mots-clés :
- Droits de la personne,
- Charte québécoise des droits et libertés de la personne,
- Ligue des droits de l’homme,
- droits des personnes aînées,
- Santé et services sociaux,
- Centres d’hébergement et de soin,
- Québec
Article body
Le 26 juin 1975, jour précédant l’adoption en troisième lecture de la Charte des droits et libertés de la personne (désormais Charte) par l’Assemblée nationale du Québec, le débat de la commission permanente de la Justice sur l’article 46 du projet de loi est laconique : « Le président (M. Kennedy) : appelle l’article 46. M. Morin (opposition) : L’article 46 a notre accord. Le président : Adopté[1]. » C’est la teneur du débat parlementaire public sur cet article qui deviendra, le lendemain, l’article 48 de la Charte :
Toute personne âgée ou toute personne atteinte d’une infirmité ou souffrant d’une déficience ou d’une maladie mentale a droit d’être protégée contre toute forme d’exploitation.
Telle personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent leur apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu[2].
L’énoncé de ce nouveau droit est apparu quelques jours plus tôt, le 20 juin, lorsque l’Assemblée nationale a révoqué la première version du projet de loi 50 (Loi sur les droits et libertés de la personne) et que Jérôme Choquette, ministre de la Justice, en a déposé la seconde version[3] intitulée cette fois-ci Charte des droits et libertés de la personne[4].
Les juristes et les intervenants sociaux qui s’intéressent à la protection des personnes âgées contre l’exploitation ou la maltraitance considèrent que l’article 48 de la Charte exprime et promeut des valeurs sociales fondamentales. Les juristes qui en exposent la genèse, la plupart du temps à la recherche des « intentions du législateur », remontent aux débats de l’Assemblée nationale sur le projet de loi 50[5], mais elles y trouvent un acteur silencieux. Les chercheurs du domaine de l’intervention sociale qui abordent la maltraitance envers les personnes âgées prennent pour point de départ les études, le premier au Québec étant le Rapport Bélanger (1979) sur des situations de violence envers les résidents âgés rapportées par le personnel de centres d’accueil d’hébergement, ou les rapports et les politiques gouvernementales[6]. L’article 48 est maintenant considéré comme un des dispositifs législatifs permettant de contrer notamment la maltraitance matérielle ou financière envers les personnes âgées. Le rôle de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) dans l’élaboration de la Charte a été étudié par Lucie Laurin[7] et Dominique Clément[8] dans le cadre d’études plus vastes sur l’émergence et la contribution des organisations de promotion et de défense des droits humains. Ces auteurs décrivent et analysent les activités de la Ligue des droits de l’Homme en matière de promotion des droits sociaux, et plus spécifiquement de ceux des personnes âgées.
L’objectif de cet article est de décrire et d’analyser la genèse de l’article 48 de la Charte concernant l’exploitation des personnes âgées. L’article 48 ne vise pas uniquement les personnes âgées, mais notre analyse se limite à ce groupe d’âge. Notre recherche documentaire est partie de l’idée exprimée par Clément, en conclusion de son livre sur l’extension des droits dans la culture canadienne, voulant que les droits soient historiquement contingents et qu’ils dérivent non pas de principes abstraits, mais de la société[9]. Nous exposons cette genèse en trois périodes successives, entre 1971 et 1975, au cours desquelles des acteurs réalisent des activités publiques qui entraînent la présentation inattendue et tardive de cet article en juin 1975.
1971-1974 : Montrer des foyers pour vieillards
Entre janvier 1971 et mars 1974, le quotidien La Presse publie sept séries de reportages concernant des établissements privés offrant de l’hébergement et des soins de longue durée ainsi que des foyers pour vieillards (maisons de pension) situés dans la région de Montréal[10]. Ces dossiers ont une visibilité importante dans ce média écrit : la trentaine d’articles rédigés par trois journalistes sont tous publiés dans le premier cahier du quotidien et 60 % d’entre eux occupent la première page (A1). Les articles de certains dossiers sont surmontés d’un surtitre en lettres majuscules : « St-Charles-Borromée. Un petit monde de cauchemar et de peur » (janvier 1971), « Enquête sur les foyers pour vieillards » (juillet 1973), « Vieillir chez soi ou en institution » (juillet 1973) et « Résidence Dorchester. Un ghetto de la vieillesse » (mars 1974).
Dans ces reportages, les établissements de grande taille[11] ont comme caractéristique commune d’héberger à long terme des clientèles mixtes comme de jeunes adultes ayant des problèmes de santé chronique ou des problèmes de santé mentale, des personnes âgées dont le niveau d’autonomie est variable ainsi que des personnes âgées atteintes de problèmes cognitifs. En 1971, à la suite des résidents de Saint-Charles-Borromée, Claire Dutrisac dénonce les comportements d’une partie du personnel salarié (brimades, négligence, mauvais traitements, vol d’effets personnels ou demande de rémunération pour des services, cruauté et mauvaise qualité des soins prodigués envers les résidents), dont le syndicat tolère les agissements et face auxquels la direction de l’établissement est impuissante et pratique un aveuglement volontaire, prêchant « le respect de la hiérarchie plutôt que le respect des patients[12] ». En 1973, les journalistes s’appuient plutôt sur les dénonciations des syndicats concernant l’entassement des malades, le manque de personnel, le manque d’équipements, la pauvre qualité des soins, l’absence de procédures sécuritaires en cas d’incendie et l’absence d’unités distinctes pour les patients à l’Hôpital Préville : les « malades de Préville sont des cas à long terme ou des cas de maladies mentales dont les hôpitaux publics ne veulent pas. Tout le monde est mélangé : les schizophrènes avec les paralytiques, les paranoïaques avec les culs-de-jatte, les épileptiques avec les diabétiques, etc.[13] ». En 1974, une situation semblable est dénoncée à la Résidence Dorchester :
Des malades mal nourris, mal soignés, humiliés, bafoués, brusqués et parfois maltraités vivent dans la crainte et la désespérance. Et ce, en dépit des efforts d’une Direction trop souvent timide ou intimidée, et de ceux de certains membres du personnel. À la Résidence, on trouve : cruauté, indifférences à l’égard du malade, saleté, accidents fréquents, etc. Des intérêts mesquins, cette vermine sociale qui s’ajoute aux coquerelles et aux mouches dans cette institution, grouillent tout autour de ces problèmes[14].
En 1972, Jeanne Desrochers s’appuie cette fois-ci sur les dénonciations des résidents et des syndiqués concernant le Centre Le Cardinal, un centre d’hébergement « à mi-chemin entre le foyer et l’hôpital pour malades chroniques[15] » : elle relève le peu de formation d’une partie du personnel, le roulement du personnel infirmier, la faible qualité des soins et des repas, la saleté des lieux et l’absence d’activités de loisir pour les résidents.
Les foyers pour vieillards sont plutôt des résidences privées ou des immeubles qui hébergent entre huit, vingt et parfois quarante personnes sans faire appel à un financement public. En mars 1973, La Presse consacre deux articles aux cinq « maisons de pension pour adultes » opérées par une même propriétaire à Laval, et en juillet, elle publie six articles sur des résidences de ce type à Montréal et dans ses environs (Brossard, Saint-Hubert, Saint-Sulpice). Les situations dénoncées sont parfois communes aux établissements de grande taille : l’absence de protection en cas d’incendie, des locaux inappropriés, la malpropreté des lieux et des équipements, la nourriture infecte, la cohabitation de « personnes séniles » ou de « cas psychiatriques » avec des personnes lucides, le personnel peu qualifié, insuffisant et mal payé ainsi que les visites médicales au mieux épisodiques, au pire inexistantes.
Comparativement aux établissements de grande taille, la clientèle est plus homogène : il s’agit de vieillards, souvent malades, qui proviennent notamment d’hôpitaux publics. La plupart des foyers pour vieillards qui font l’objet de ces dossiers opèrent sans permis du ministère des Affaires sociales malgré l’obligation qui est faite à tout établissement d’obtenir un permis, en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (1971, ch. 48, article 94) ; ce sont des « foyers clandestins ». De plus, les propriétaires sont souvent des infirmières ou l’allèguent, de façon à prétendre offrir des soins aux personnes hébergées. Elles reçoivent ainsi des personnes référées par des hôpitaux publics : « Certains foyers d’hébergement clandestins pour vieillards sont de véritables dépotoirs à moribonds de grands hôpitaux généraux. Au foyer de Mme Alain Rivest, à Saint-Sulpice, l’hébergement frise la séquestration[16]. » Ces foyers sont connus des intervenants du réseau public et souvent du ministère des Affaires sociales qui les recense[17]. Par ailleurs, les personnes y demeurent faute d’un meilleur endroit pour résider et sans espoir d’en sortir : « Des vieillards séniles séquestrés dans un sous-sol infect [sic], de grands malades qui ne reçoivent pas les soins requis par leur état, des personnes âgées très conscientes de la situation qui leur est faite, mais qui “endurent” faute de pouvoir y échapper, et une propriétaire qui fait allègrement le commerce des vieillards, voilà le bilan d’un état de choses trop fréquent dans la province[18]. » Enfin, on y observe souvent un coût excessif des services et parfois, de la part des propriétaires, des vols et des fraudes, par exemple aux foyers de Mme Leclerc :
Combien paient les pensionnaires de Mme Leclerc pour cette « charité » ?
Selon leurs moyens et selon la chambre qu’ils occupent, le prix varie de 150 $ la pension de vieillesse et le supplément de revenu garanti) à 250 $ ! Le chèque du gouvernement y passe en entier et son bénéficiaire n’en voit pas la couleur. Aucune partie de ce chèque n’est rendue, comme c’est le cas dans les institutions publiques.
Quant aux cas privés qui versent un bon prix, ces personnes doivent défrayer elles-mêmes leurs menues dépenses supplémentaires[19].
Ou encore, aux foyers de Mme Rivest :
Le coût de la pension, aux dires de la nièce, s’élève à $150 dollars par mois. Le prix des médicaments s’ajoute en surplus et « on administre ce qui reste de la pension de vieillesse pour les besoins personnels ».
En fait, Mme Rivest soutire la totalité des pensions de vieillesse et quelquefois plus des pensionnaires moins lucides. « On les oblige à endosser leur chèque de pension de vieillesse et à les remettre en ne leur laissant qu’un paquet de cigarettes et aucun argent pour les petites dépenses », précise le rapport du Bureau d’assistance judiciaire.
D’après ce même rapport, on a pratiquement délesté un vieillard de son compte de banque : « En l’espace de deux mois, un vieillard plus ou moins lucide a retiré plus de $5 000 dollars de son compte en banque pour les donner à M. et Mme Rivest. »[20]
Une autre caractéristique spécifique à certains foyers pour vieillards est l’usage des médicaments. Dans les établissements de grande taille, on a parfois relevé le peu de contrôle des médicaments, en particulier des narcotiques. Mais dans les foyers pour vieillards, les journalistes relèvent que les médicaments sont parfois utilisés afin de contrôler les résidents :
Mme Leclerc se prétend infirmière. Elle ne l’est pas. Ainsi, elle affirme qu’elle donne des « phonos » (« pheno » est l’abréviation généralement utilisée pour phénobarbital) à ses pensionnaires ! […]
On est tout particulièrement généreux en ce qui a trait aux calmants et somnifères. Quand les malades dorment, ils ne mangent pas. De plus, on peut les laisser cuire dans leur urine ou baigner dans… le reste. Économie d’argent et de travail[21].
Elles relèvent la même situation dans les foyers de Mme Morissette :
[L]’absence d’équipement pour contrer les effets fatidiques d’un surdosage de médicaments !
Garde Morissette bourre ses pensionnaires de librium 25 mg., de phénobarbital ½ grain, de Noxinan, de Seconal, de Largactif, de Nodular, etc. Le Vademecum international (spécialités pharmaceutiques et biologiques) les décrit comme de puissants antipsychotiques, tranquillisants, barbituriques ou hypnotiques. Des assommoirs pour avoir la paix[22] !
À l’été 1973, l’équipe de journalistes rédige une série d’articles qui font la synthèse de leurs enquêtes sur les foyers pour vieillards et fait appel, pour la première fois, à la notion d’exploitation :
Au Québec, avec ou sans permis, on peut maltraiter des vieillards et des malades, les priver de nourriture, de soins, exercer sur eux des sévices physiques et moraux, les spolier de leurs biens, on peut faire tout cela en toute impunité. […] On sévit contre la fraude en toutes sortes de domaines. Mais lorsqu’il s’agit de gens sans défense aucune, dont le plus grand tort, le seul ! Est d’être âgés et malades, rien ! Pourquoi[23] ?
Mais comment comprendre qu’une femme qui a exploité des personnes âgées à Saint-Sulpice puisse se convertir en une administratrice acceptable pour un foyer qui comportera un plus grand nombre de pensionnaires ? […] Au cours des diverses enquêtes effectuées par La Presse, les reporters ont pu se rendre compte que les voisins, assez souvent, avaient vent de la situation et savaient bien les mauvais traitements que l’on fait subir aux malades et pensionnaires : saleté, encombrement des chambres, abus de médicaments (quand « ils » dorment, ils ne demandent pas à être changés, lavés, ne demandent pas à boire, n’exigent aucun soin, etc.)[24].
[L]e manque de places d’hébergement prête à des abus de tout genre. Des vieillards sont exploités dans des maisons de chambre[25].
Les appels aux acteurs politiques visent essentiellement à faire appliquer de diverses façons la Loi sur les services de santé et les services sociaux, adoptée en 1971 : faire intervenir des inspecteurs, mettre en tutelle des administrations dans les établissements de grande taille ou fermer des foyers pour vieillards qui ne répondent pas à certaines normes. Ces appels s’adressent au ministre des Affaires sociales, dont ils diffusent par la suite les réactions, mais aussi à de hauts fonctionnaires du ministère, dont ils exposent les contraintes (la difficulté de reloger les résidents, le manque de places d’hébergement) et les orientations (création du Centre d’hébergement, un nouveau type d’établissement offrant aussi des services à la population environnante). Plus rarement, ces appels concernent les administrations municipales (protection contre les incendies, insalubrité).
Ce discours médiatique concerne le domaine des affaires sociales (incluant la santé) dans une période (1971-1974) et un contexte où les décisions politiques majeures (financement, organisation du réseau d’établissements, organisation interne des établissements) ont été prises et où la fonction publique tente d’implanter la réforme de la santé et des services sociaux[26]. Certains services d’hébergement résidentiel, et parfois de soins de longue durée pour des personnes qui perdent leur autonomie physique ou leurs capacités cognitives, sont offerts par des foyers privés pour vieillards. Si les établissements privés (religieux, à but non lucratif ou à but lucratif) sont tous antérieurs à la réforme, des foyers pour vieillards — qui n’ont pas un statut d’établissement et qui tiennent souvent lieu de famille — continuent d’être créés au cours de cette période. Il ne s’agit pas d’une privatisation, comme on l’observera plus tard[27]. Leur persistance, sinon leur développement, parallèle aux centres d’accueil et d’hébergement (CAH) publics destinés aux personnes âgées autonomes, créent un réseau mixte que l’État tente de réguler (permis, inspection, classification des ressources selon la taille et les services offerts, insertion dans une gamme de services).
1973-1974 : Mobiliser des personnes âgées
S’il faut des chiens de garde, pourquoi pas les personnes âgées elles-mêmes[28] ?
Dans son manifeste publié en septembre 1972, la Ligue des droits de l’Homme (désormais LDH) identifie les vieillards et les personnes handicapées parmi les « minorités sociales dont les droits étaient constamment bafoués[29] » et elle se propose de créer un Office permanent pour les droits des personnes âgées. Dans cette perspective, elle organise six mois plus tard le « Dimanche des droits des personnes âgées ». Un article du quotidien Le Devoir en rend compte le lendemain :
Les personnes âgées de plus de 65 ans ont un besoin criant de services à domicile, de logements et d’information. Quant à leurs ressources financières, elles sont aussi limitées dans l’ensemble que les services et les logements à loyer modique.
Les 300 personnes qui ont répondu, hier, à l’appel de la Ligue des droits de l’homme, ont dressé un bilan négatif du troisième âge qui s’accompagne de solitude, d’ennui, de mauvaises conditions de logement, d’absence totale de services à domicile, et dans la majorité des cas, de pauvreté.
L’absence totale de services à domicile […] oblige la majorité des personnes âgées à délaisser leur maison pour habiter dans les centres d’hébergement privés ou publics. […] Même les HLM municipaux, construits spécialement pour les personnes âgées, sont dépourvus de tels services, a-t-on dit. La pénurie de logements pour les personnes âgées est connue de tous, en particulier, pour les malades chroniques[30].
Cette activité d’animation sociale des personnes âgées vise à les faire participer à la formulation de leurs demandes et de leurs droits ; elle fait appel à une autre figure de la vieillesse que celles présentées dans les dossiers de La Presse. Il s’agit de citoyens qui sont en mesure de contribuer à la prise de décisions qui les concernent. La LDH y ajoute aussi un autre rôle, celui de représenter leurs revendications aux autorités gouvernementales, d’être un groupe de pression :
Les multiples suggestions faites par les personnes présentes ont été référées à la Ligue des droits de l’Homme qui les fera parvenir au gouvernement et organismes concernés, par l’intermédiaire de son Office des droits des Québécois du troisième âge. On a également souhaité que l’assemblée mandate des représentants pour former un groupe de pression des personnes âgées[31].
Trois semaines plus tard, le 24 mai 1973, la LDH publie et diffuse à grande échelle un projet de Charte et Commission québécoise des droits de l’homme dans lequel elle introduit un article (13) qui énonce des droits spécifiques aux personnes âgées :
Les personnes âgées, en raison même de leur âge et de leur expérience, ont droit à une considération particulière des pouvoirs publics, de la collectivité et de leur famille.
L’État doit leur apporter l’assistance dont ils [sic] peuvent avoir besoin et faire appel à eux [sic] dans l’organisation de la société, et, plus particulièrement, ils [sic] doivent être partie à toute décision qui les concerne[32].
En juin, la LDH réunit une seconde fois des personnes âgées « dans le but d’élire le premier conseil d’administration de l’Office et adopter un programme en quatre points : logement, éducation permanente, services à domicile, bottin d’information[33] ».
L’Office pour les droits des personnes âgées de la LDH effectue ensuite sa seule activité publique destinée aux acteurs politiques le 17 octobre 1973, dans le cadre de la campagne électorale provinciale[34], en publiant un texte dans Le Devoir. Celui-ci, d’une part, proteste contre « l’exploitation » politique des électeurs âgés et, d’autre part, propose cette fois-ci une Charte des droits des personnes âgées :
En diverses circonstances, depuis le début de la campagne électorale, des politiciens ont tenté d’exploiter les personnes âgées de diverses façons : promesses fallacieuses, lettres de menaces sur la diminution possible de pension, maraudage de partis, etc. Comme à l’habitude on tentera également de faire utiliser par d’autres le vote de personnes âgées impotentes ou dont on sait qu’elles ne pourront pas se déplacer pour aller voter. Le jour du vote, le chantage atteindra son point culminant alors que des partis se feront la lutte pour offrir le transport aux personnes âgées aux bureaux de votation[35].
La LDH propose que les partis politiques s’abstiennent de promesses électorales ponctuelles, mais qu’ils envisagent plutôt « une politique globale de services aux personnes âgées » dont elle exprime les éléments principaux dans une Charte comprenant 12 articles[36] :
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Droit des personnes âgées et de leur famille à choisir le logement qui leur convient.
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Droit au respect de l’intégrité physique.
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Droit d’obtenir des services à domicile.
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Droit à la distribution de services par du personnel spécialement formé.
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Droit à une retraite dépassant le minimum vital et donnant la possibilité de participer à la vie sociale et culturelle de leur milieu.
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Droit d’être mis en situation pour faire des travaux productifs et utiles à la société aussi bien qu’à leur développement personnel et d’être rémunérés en conséquence.
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Droit à une organisation sociale qui favorise les relations entre les personnes âgées et les citoyens de tous les âges et les préserve de l’isolement social.
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Droit à des services spéciaux dans l’information et les communications publiques, adaptés aux besoins particuliers des personnes âgées.
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Droit aux services d’éducation permanente, adaptés aux besoins et aux capacités des personnes âgées et distribués dans les lieux où elles sont regroupées.
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Droit à des tarifs réduits dans les transports publics et dans les loisirs et activités culturelles.
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Droit pour les personnes âgées impotentes physiquement ou mentalement, à des services spéciaux de protection juridique, médicale et économique, sous la responsabilité de l’État.
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Droit à une sauvegarde et une protection spéciale en temps de paix comme en temps de guerre et spécialement en cas de catastrophes sociales ou naturelles.
Deux mois plus tard, le président de la LDH reprendra cette argumentation de façon succincte :
Le sort fait aux personnes âgées au Québec est une honte pour notre société, en particulier dans la violation des droits suivants : droit à choisir un logement convenable et salubre, droit au respect de l’intégrité physique (à ne pas être drogué), droit d’obtenir des services à domicile, droit de faire des travaux productifs et utiles pour la société et d’être rémunérés en conséquence, droit à une retraite dépassant le minimum vital, droit d’obtenir des tarifs réduits dans les transports publics, dans les activités culturelles et les loisirs, droit à l’éducation permanente, etc.
Le Québec et le Canada n’ont pas de politique de la personne âgée ni de la retraite. On se limite à faire de l’électoralisme à partir des pensions[37].
Parmi l’ensemble des mesures et des droits spécifiques que la LDH propose dans cette Charte, que reprend-elle des situations résidentielles et des situations d’exploitation dénoncées dans les dossiers d’enquête de La Presse et comment les reformule-t-elle ? Sur le plan du logement, la LDH considère que les personnes âgées sont forcées de résider dans des lieux comme les foyers ou des maisons de chambres insalubres ou qui mettent en péril leur sécurité physique ou morale, alors qu’elles devraient, avec leur famille, pouvoir choisir un logement convenable parmi divers types d’habitation : des pièces additionnelles — subventionnées par l’État dans le cas des personnes à faible revenu ; des foyers tenus et surveillés par l’État ; des logements particuliers dans des habitations publiques, comme les HLM. En ce qui concerne les foyers pour personnes âgées, la LDH reprend le constat selon lequel dans certains foyers, des personnes âgées qui ne sont pas malades reçoivent quotidiennement une quantité excessive de médicaments, voire sont droguées, et elle propose le contrôle des soins et des médicaments qui leur sont administrés (droit au respect de l’intégrité physique). Finalement, la LDH avance que les personnes âgées impotentes physiquement ou mentalement peuvent être « la proie de toutes sortes d’exploiteurs au sein même des membres de leur famille » et, en conséquence, revendique le droit pour celles-ci « à des services spéciaux de protection juridique, médicale et économique, sous la responsabilité de l’État » (droit 11).
Lors de la campagne électorale de l’automne 1973, les programmes électoraux du Parti libéral et de l’Union nationale mentionnent l’adoption d’une Charte des droits[38]. Par ailleurs, les mesures sociales envers les personnes âgées ne constituent pas une priorité dans les engagements politiques du Parti libéral, de l’Union nationale ou du Parti Québécois[39]. Les activités de la LDH qui visent la mobilisation des personnes âgées se terminent avec le scrutin du 29 octobre 1973, au terme duquel le Parti libéral fait élire 102 des 110 députés qui composent l’Assemblée nationale, alors que le Parti québécois devient l’opposition officielle avec six députés. Pour sa part, après ces élections, la LDH poursuit ses activités de représentation politique visant l’adoption d’une Charte des droits et libertés ainsi que l’adoption de droits particuliers pour des groupes socialement minoritaires.
1974-1975 : Convaincre des acteurs politiques
Le projet d’adoption d’une Charte des droits de l’homme est annoncé dans le discours du trône du 14 mars 1974 et le dépôt, en première lecture, de la première version du projet de loi 50 intitulé « Loi concernant les droits et libertés de la personne » a lieu le 29 octobre suivant[40].
Le processus d’adoption de la Charte des droits et libertés de la personne sera laborieux au plan de la procédure. Son adoption s’étend sur la deuxième (14 mars au 28 décembre 1974) et la troisième (18 mars au 19 décembre 1975) session parlementaire de la 30e législature. Lors de la deuxième lecture qui est amorcée les 12 et 13 novembre 1974, un vif débat oppose le ministre de la Justice, qui propose que le projet de loi soit étudié « maintenant », et le chef de l’opposition officielle, qui propose de « permettre l’audition des personnes et des organismes intéressés à se faire entendre par la commission parlementaire[41] » et d’en reporter l’étude en deuxième lecture de trois mois. Les parlementaires s’entendent sur une résolution qui ne fixe aucun délai. Mais au début de décembre, le ministre de la Justice sollicite par lettre des organismes afin qu’ils exposent leurs points de vue à la commission parlementaire de la Justice[42] qui se tiendra dans l’intersession parlementaire, du 21 au 23 janvier 1975. Puis, au début de la troisième session parlementaire, les députés adoptent une motion « à l’effet qu’il [le projet de loi 50] soit réinscrit au feuilleton à la même étape où il était lors de la prorogation de la dernière session[43] », ce qui pour eux signifie « qu’il y a eu une deuxième lecture en Chambre[44] ». Finalement, la seconde version (dite « réimprimée ») du projet de loi 50, intitulée cette fois « Charte des droits et libertés de la personne », est déposée par le ministre de la Justice pour première et deuxième lectures le 20 juin 1975[45], puis déférée pour une seconde fois à la commission permanente de la Justice qui l’examinera article par article les 25 et 26 juin[46], avant son adoption en troisième lecture le 27 juin 1975.
Dans ce processus parlementaire, l’article sur la protection des personnes âgées contre l’exploitation apparaît très tardivement, le 20 juin 1975, et il ne donne lieu à aucun débat parlementaire public. Néanmoins, on peut retracer, dans les 29 mémoires déposés à la commission permanente de la Justice et dans les débats de cette dernière, des arguments et des propositions qui vont conduire à la formulation de l’article 48[47].
Si on fait abstraction du débat sur l’âge comme motif de discrimination[48], seulement deux organismes abordent des situations propres aux personnes âgées. Ainsi, la Chambre des notaires du Québec n’aborde la question résidentielle que sous l’angle de la salubrité :
Nous croyons en effet qu’actuellement, lorsqu’il s’agit d’habitat salubre, il y a peut-être certaines personnes âgées qui, malheureusement, n’ont pas cette possibilité de vivre dans un habitat salubre, et nous croyons que les droits des personnes âgées sont aussi valables que les droits des citoyens ordinaires. C’est la raison pour laquelle on pourrait consacrer encore, dans cette charte ou dans cette loi-cadre, le droit à un habitat salubre, qui est un droit fondamental, surtout dans notre État[49].
Dans son mémoire, la LDH propose l’ajout d’un article qui reprend partiellement celui de l’article 13 de son projet précédent de Charte (mai 1973) : « Les personnes âgées ont droit à des mesures de considération particulière de la part des pouvoirs publics et de la collectivité, qui sont facilitées et prévues par la loi[50]. »
Et surtout, elle propose d’ajouter le droit à l’intégrité physique au premier article de la Charte, ce qu’elle justifie de la façon suivante :
Nous faisons référence à une situation malheureuse qui se situe dans le domaine de l’intégrité physique, au Québec, où un très grand nombre de personnes âgées sont systématiquement droguées, sans contrôle de la part de l’État, de la société, pour qu’on évite de s’en occuper comme il le faudrait. C’est un cas grave et c’est d’ailleurs un problème mondial. Il y a des sociétés qui ont découvert par cela qu’on éliminait systématiquement des personnes âgées. C’est une situation particulièrement grave au Québec[51].
Ces propositions demeurent sous-tendues par l’idée, énoncée dès septembre 1972, que divers groupes sociaux (au moment du projet de loi 50, il s’agit des femmes, des enfants, des personnes handicapées, des personnes âgées, des familles d’assistés sociaux, des familles monoparentales, des détenus et ex-détenus et des travailleurs non syndiqués) « sont dans une situation de minorité vis-à-vis de l’exercice de droits fondamentaux[52] ».
La notion de protection contre l’exploitation n’est pas mentionnée dans les interventions publiques de la LDH dans le cadre de l’étude du projet de loi 50. Cependant, l’expression apparaît dans le mémoire de la Commission des écoles catholiques de Montréal, qui propose l’ajout d’un article selon lequel « [l]’enfant doit bénéficier des mesures de prévoyance et de sécurité sociale, et doit être protégé contre toute exploitation avant et au moment de quitter l’école[53] », et la représentante de l’organisme est invitée en commission parlementaire à énumérer diverses formes d’exploitation visant les jeunes (notamment la publicité, le travail, l’abandon des études). Cette notion est aussi exprimée dans le mémoire du Conseil du Québec de l’enfance exceptionnelle.
En ce qui concerne le droit à la protection et à la sécurité apportée par la famille, l’article 36 du projet de loi 50 prévoit que « [t]out enfant a droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu ». L’Association du Québec pour les déficients mentaux (AQDM) n’aborde pas de situations vécues par des personnes âgées, mais elle propose de remplacer l’expression « tout enfant » par « toute personne » dans cet article. Cet élargissement est justifié de la façon suivante : « car dans bien des cas et spécialement en déficience mentale, une condition de “minorité prolongée” doit être considérée. Cet état de minorité permanente exige donc une protection dépassant les normes régulières prévues par la loi, majorité à 18 ans[54]. »
Ces éléments (protection contre l’exploitation de certains groupes potentiellement victimes et droit au soutien familial) seront réunis, dans le cadre de débats politiques qui ne sont pas publics, dans l’article 46 présenté en juin 1975. Rien n’indique que ce nouvel article suscite, à ce moment, suffisamment d’intérêt ou d’enjeux pour être débattu publiquement par les parlementaires.
Sommaire
Au cours de la période 1971-1974, l’activité médiatique de La Presse relève d’abord une quinzaine de situations problématiques dans les établissements privés où demeurent des personnes âgées qui requièrent des soins et services de longue durée. Cette activité diffuse sur une large échelle des situations dénoncées par des acteurs internes des établissements (malades, comité des malades, employés, syndicats, administrateurs). Ensuite, les journalistes investiguent sur des foyers pour vieillards, détenus et opérés par des personnes, dans lesquels elles recensent une quinzaine de problèmes qui recoupent partiellement ceux des établissements. Dans ce discours médiatique, la plupart des acteurs sont personnalisés, y compris les hauts fonctionnaires et le personnel politique. Ces dénonciations sont accompagnées de demandes d’action publique qui s’inscrivent dans les nouvelles normes établies par la Loi sur les services de santé et de services sociaux ; ce sont des initiatives, des activités, des décisions, des sanctions.
En 1973 et 1974, la LDH réalise des activités de mobilisation des personnes âgées ainsi que de promotion de droits fondamentaux et sociaux. La médiatisation de ses activités résulte d’une stratégie de communication publique. Elle recense aussi une quinzaine de problèmes que vivent les personnes âgées. Dans ce discours, la plupart des acteurs sont des groupes sociaux (les personnes âgées, les minorités sociales), des institutions (la famille) ou même l’ensemble de la société. Les demandes d’action publique s’inscrivent dans une démarche de promotion d’une Charte des droits de l’Homme et d’une Charte des droits des personnes âgées. Certains des problèmes soulevés par les journalistes de La Presse sont repris par la LDH et exprimés sous la forme de droits sociaux, comme les services à domicile, la sécurité et la salubrité des habitations ainsi que le choix entre des formules d’habitation variées et financièrement accessibles. Dans cette catégorie, on retrouve aussi deux problèmes pour lesquels la LDH propose une solution juridique : l’utilisation abusive des médicaments, que la LDH exprime sous l’expression dramatique « certaines personnes âgées sont droguées » et pour laquelle elle propose l’ajout du droit à l’intégrité physique ; les situations de maltraitance, soins inappropriés ou absents, vol, fraude et exploitation la conduisent en outre à demander une « protection juridique, médicale et économique ». Finalement, elle propose d’elle-même que les personnes âgées aient droit à une considération particulière de la part des institutions publiques.
Ces trois derniers problèmes et leurs solutions juridiques sont repris par la LDH dans le débat parlementaire sur la Charte des droits et libertés (1974-1975). Dans cette arène publique, les députés et des personnes qui représentent des organismes constituent une partie des acteurs. On est aussi dans une logique d’alliances entre les groupes. D’autres groupes d’intérêt ont également fait des représentations afin que certains groupes sociaux, juridiquement minorisés, soient protégés de l’exploitation et bénéficient d’un droit à la protection et à la sécurité provenant de la famille. Entre février et juin 1975 a probablement eu lieu un débat silencieux[55] de sorte que l’article 46 recueille, malgré son apparition très tardive, un assentiment général sans débat parlementaire public.
Conclusion
On peut retracer l’émergence sociale et politique de l’article 48 de la Charte en dehors de l’institution parlementaire entre 1971 et 1974. Cependant, rien ne nous indique qu’il reflète, au moment de son adoption, des valeurs sociales fondamentales à l’égard des situations d’exploitation des personnes âgées et de la façon dont ces situations doivent être abordées, traitées ou résolues par les institutions publiques. L’émergence de ce « problème social » est d’abord attribuable à l’initiative médiatique. Elle est antérieure à la première étude réalisée au Québec en 1979, faisant état de mauvais traitements ou de violence à l’égard de personnes âgées dans des centres d’accueil et d’hébergement (rapport Bélanger)[56]. La solution envisagée est de faire appel à la réorganisation des établissements et des services de santé et sociaux, qui est en cours, et de recourir à l’autorité ministérielle, voire gouvernementale. Par la suite, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) a été une médiatrice pour l’insertion de droits sociaux dans une Charte des droits et libertés dont elle faisait la promotion depuis 1972. En ce qui concerne les personnes âgées, la liste de leurs nouveaux droits s’est allongée dans une courte période, de telle sorte qu’on a l’impression d’un tâtonnement dans la recherche des « problèmes sociaux ». Mais la LDH avait déjà une solution, celle de la création de nouveaux droits. La période des débats législatifs fait apparaître des alliances avec un organisme de défense des droits des personnes handicapées et un organisme favorable à la préservation des rôles de la famille. L’émergence du « problème social » de l’exploitation, son transfert dans le domaine du droit, puis le cheminement législatif éclairent un peu la caractéristique composite de l’article 48, soit l’énumération de trois groupes de personnes distinctes dont on ne sait pas explicitement les caractéristiques communes et l’attribution à ces personnes d’un droit, justifié dans les cas de la minorité juridique (certaines personnes handicapées, certaines personnes atteintes de problèmes de santé mentale), à la sécurité et à la protection de la famille. On voit aussi que certains aspects des conditions de vie des personnes âgées, en particulier les revenus, les conditions d’habitation et l’accès à des services et des soins de longue durée (à domicile, en ménage collectif ou en hébergement), n’ont pas été repris dans ce discours juridique.
Appendices
Notes
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[*]
Le décès de l’auteur étant survenu pendant le processus d’édition, cet article scientifique a été évalué à l’interne.
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[1]
Québec, Assemblée nationale, Commission permanente de la justice. Journal des débats. 30e Législature, 3e session, 26 juin 1975, p. B-5129.
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[2]
Lois du Québec 1975, Chapitre 6. Charte des droits et libertés de la personne (Sanctionnée le 27 juin 1975).
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[3]
Dite, pour être conforme au règlement de l’Assemblée nationale, « même projet de loi réimprimé ». Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 30e Législature, 3e session, 26 mars 1975, p. 221-222.
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[4]
Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 30e Législature, 3e session, 20 juin 1975, p. 1431-1433.
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[5]
Christine Morin, Frédéric Lévesque et Louis-Turgeon-Dorion, « L’article 48 de la Charte québécoise et le Code civil du Québec pour contrer l’exploitation de la personne âgée : pour une lecture harmonieuse », Revue générale de droit, vol. 46, hors série, 2016, p. 51-97.
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[6]
Marie Beaulieu, Nicolas Berg et Marie-Ève Bédard, « Politiques publiques de lutte contre la maltraitance envers les aînés : une réflexion critique illustrée à partir des dispositifs en Wallonie et au Québec », dans Jean-Philippe Viriot-Durandal, Émilie Raymond, Thibauld Moulaert et Michèle Charpentier (dir.), Droit de vieillir et citoyenneté, des aînés : pour une perspective internationale, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2015, p. 57-70. Voir aussi Michael K. MacLean (dir.), Mauvais traitements auprès des personnes âgées : Stratégies de changement, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1995.
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[7]
Lucie Laurin, Des luttes et des droits : antécédents et histoire de la Ligue des Droits de l’Homme de 1936 à 1975, Montréal, Méridien, 1985, 167 p.
-
[8]
Dominique Clément, Canada’s Right Revolution : Social Movements and Social Change, 1937-82, Toronto, UBC Press, 2008 ; Dominique Clément, Human Rights in Canada, A History, Waterloo, Wilfrid Laurier University Press, 2016.
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[9]
Dominique Clément, Human Rights…, op. cit.
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[10]
En janvier 1971, un dossier composé de cinq articles concerne l’hôpital Saint-Charles-Borromée à Montréal. En novembre 1972, trois articles portent sur le Centre Le Cardinal situé à Pointe-aux-Trembles. En mars 1973, quatre articles exposent la situation de l’hôpital Préville de Brossard. En mars 1973, deux articles portent sur un foyer pour vieillards de Laval, puis en juillet, six articles résultent d’une enquête sur quatre autres foyers pour vieillards. En juillet, un dossier composé de six articles expose les orientations du ministère des Affaires sociales dans le domaine des soins à domicile, des établissements de soins chroniques et d’hébergement ainsi que des foyers privés pour vieillards. Finalement, en mars 1974, quatre articles sont consacrés à la Résidence Dorchester située à Montréal. Ces dossiers sont l’oeuvre des journalistes Claire Dutrisac, Jeanne Desrochers et Nicole Perreault. Outre ces 30 articles, La Presse publie cinq autres articles, rédigés par trois journalistes masculins, faisant état des réactions du ministre des Affaires sociales, de hauts fonctionnaires de ce ministère et de la Ville de Laval.
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[11]
Il s’agit des quatre établissements suivants : Saint-Charles-Borromée est un hôpital pour soins à long terme qui compte 400 lits destinés surtout à des adultes atteints de maladies chroniques et dont 92 lits sont destinés à l’hébergement de vieillards ; la Résidence Dorchester est un foyer d’hébergement de 350 lits pour des adultes ayant des maladies chroniques et des personnes âgées peu autonomes ; l’Hôpital Préville accueille 254 malades pour des soins à long terme et le Centre Le Cardinal est un foyer d’hébergement né d’un regroupement de petites institutions s’occupant de vieillards offrant surtout des soins à long terme et, en principe, des soins de convalescence post-hospitalière. À cette période, Saint-Charles-Borromée, le Centre Le Cardinal et la Résidence Dorchester sont à but non lucratif alors que l’Hôpital Préville est à but lucratif.
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[12]
Claire Dutrisac, « L’hôpital Saint-Charles-Borromée. Les malades bafoués, maltraités et volés… », La Presse, 16 janvier 1971, p. A 1. Pour ces reportages, Claire Dutrisac se verra décerner le prix du journalisme du Club de presse de Toronto en avril 1972. Jules Béliveau, « Claire Dutrisac lauréate du “National News Awards” », La Presse, 1er avril 1972, p. A 1.
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[13]
Claire Dutrisac, « Patients enchaînés et morts-vivants à l’hôpital Préville », La Presse, 6 mars 1973, p. A 1.
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[14]
Claire Dutrisac, « Des patients mal traités », La Presse, 25 mars 1974, p. A 1.
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[15]
Jeanne Desrochers, « Des vieillards sont mal nourris ; faut-il en faire un drame ? », La Presse, 7 novembre 1972, p. A 5. En ce qui concerne le financement de cet établissement, l’article précise : « Depuis 1963, le gouvernement n’accorde plus de permis pour l’exploitation de centres d’hébergement à des institutions privées à but lucratif. Les nouveaux foyers sont régis par des corporations sans buts lucratifs. Le Centre Le Cardinal n’étant pas une nouvelle fondation, mais un regroupement, Québec a encouragé cette expérience, qu’elle subventionne généreusement puisqu’elle paye la pension des malades. »
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[16]
Nicole Perreault et Claire Dutrisac, « Un foyer pour des morts en sursis », La Presse, 5 juillet 1973, p. A1.
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[17]
« Le plus curieux, c’est que le ministère connaît une large partie de ce que nous apprennent les lecteurs de La Presse. Selon les affirmations d’un haut fonctionnaire du MAS, il y aurait présentement plus de 400 foyers clandestins… connus ! » Claire Dutrisac, « Le ministère a fermé de nombreuses maisons, mais il en surgit d’autres : cupidité des propriétaires et tolérance des gouvernements », La Presse, 7 juillet 1973, p. A 7.
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[18]
Claire Dutrisac, « Des vieillards enfermés dans des foyers-masures à Laval », La Presse, 23 mars 1973, p. A 1.
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[19]
Claire Dutrisac, « Mme Leclerc devra fermer ses foyers », La Presse, 24 mars 1973, p. A 2.
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[20]
Nicole Perreault et Claire Dutrisac, loc. cit., p. A6. Elles rapportent aussi des fraudes commises par une autre propriétaire dans Claire Dutrisac et Nicole Perreault, « Enquête sur les foyers pour vieillards. Comment subtiliser $ 183,000 au trésor sans être inquiété », La Presse, 7 juillet 1973, p. A1-A2.
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[21]
Claire Dutrisac, « Mme Leclerc… », loc. cit., p. A2.
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[22]
Nicole Perreault, « Ma vie dans les foyers de Mme Morissette : un cauchemar », La Presse, 4 juillet 1973, p. A 6.
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[23]
Claire Dutrisac, « Au Québec, on peut maltraiter vieillards et malades sans risque d’être inquiété… », La Presse, 7 juillet 1973, p. A 7.
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[24]
Claire Dutrisac, « Le ministère a fermé de nombreuses maisons… », loc. cit., p. A7.
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[25]
Jeanne Desrochers, « Vieillir chez soi ou en institution. En attendant le paradis, c’est la pagaille », La Presse, 14 juillet 1973, p. A 3.
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[26]
Benoît Gaumer, Le système de santé et des services sociaux du Québec, Québec, Presses de l’Université Laval, 2008, p. 180-183. Pierre Bergeron et France Gagnon, « La prise en charge étatique de la santé au Québec : émergence et transformations », dans Vincent Lemieux, Pierre Bergeron, Clermont Bégin et Gérard Bélanger (dir.), Le système de santé au Québec. Organisation, acteurs et enjeux, Québec. Presses de l’Université Laval, 2003 (2e éd.), p. 7-33.
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[27]
Michèle Charpentier, Priver ou privatiser la vieillesse ? Entre le domicile à tout prix et le placement à aucun prix, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2002 ; Lorraine Brisette, « Le phénomène de l’hébergement privé pour personnes âgées : peut-on éviter ou devrait-on l’aménager ? », Service social, vol. 41, no 1, 1992, p. 67-83.
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[28]
Sous la photographie de personnes âgées lors d’une activité de la Ligue des Droits de l’Homme du photographe Jean Goupil qui accompagne l’article de Jeanne Desrochers, « Vieillir chez soi ou en institution. En attendant… », loc. cit. Cette expression était reprise du texte de Jeanne Desrochers, « Vieillir chez soi ou en institution. Il n’y a plus d’hospices. Vivre les centres d’accueil ! », La Presse, 9 juillet 1973, p. A3.
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[29]
Lucie Laurin, op. cit., p. 96. Voir aussi Gérald LeBlanc, « Un manifeste de 39 pages. Les droits de l’homme sont aussi mal connus que peu respectés… », Le Devoir, 29 septembre 1972, p. 2. À ce moment, les autres minorités sociales identifiées par la LDH sont les handicapés, les travailleurs non syndiqués, les détenus et ex-détenus, les immigrants, les femmes, les jeunes, les personnes de couleur (noire ou jaune).
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[30]
Solange Chalvin, « Un besoin criant. C’est l’absence de services à domicile qui chasse les vieillards de leur foyer », Le Devoir, 7 mai 1973, p. 3.
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[31]
Ibid., p. 2.
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[32]
Cahier inséré dans les quotidiens Le Devoir et Le Soleil le 25 mai 1973. Dans l’article qui rend compte de ce projet, le journaliste rapporte : « Le rapport annuel fait état d’une trentaine de cas soumis à la ligue, chaque semaine, dans les domaines suivants : […] maisons pour vieillards mal entretenues […] ». Clément Trudel, « La Ligue publie son projet de Charte », Le Devoir, 25 mai 1973, p. 6.
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[33]
Lucie Laurin, op. cit., p. 136.
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[34]
Ibid., p. 136. Laurin indique que cet Office des Droits des personnes âgées n’a été actif que de mai à octobre 1973. Le texte publié est le suivant : Ligue des Droits de l’Homme, « Au lieu d’intimider les personnes âgées », Le Devoir, 17 octobre 1973, p. 5. Par contre, Lucie Laurin indique plutôt que ce projet de Charte contient 14 articles.
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[35]
Ibid.
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[36]
Ibid.
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[37]
Maurice Champagne, « Pourquoi lutter pour les droits de l’homme au Québec », Le Devoir, 11 décembre 1973, p. 5.
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[38]
Parti libéral du Québec, Un nouveau programme d’action, 1973, qui propose l’adoption d’une Charte centrée sur la défense des libertés individuelles (p. 49). Union nationale, Le programme électoral de l’Union nationale : « Un instant ! … pour l’avenir d’un Québec fort ! », 1973, qui propose une Charte garantissant les libertés civiles individuelles, mais aussi les droits de la famille et de l’enfant ainsi que les droits linguistiques (p. 140).
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[39]
Parti libéral du Québec, op. cit., se résume à « développer les soins à domicile pour les personnes âgées et ceux qui en ont besoin » (p. 44). Aucune mention dans le programme de l’Union nationale (p. 133-171) ni dans celui du Parti Québécois, Un gouvernement du Parti Québécois s’engage… Programme officiel, 1973, p. 73-100. Voir aussi Věra Murray, Le Parti québécois : de la fondation à la prise du pouvoir, Montréal, Hurtubise, 1976, p. 87-103.
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[40]
Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 30e législature, 2e session, 29 octobre 1974, p. 2395-2396.
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[41]
Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 30e législature, 2e session, 12 novembre 1974, p. 2757.
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[42]
Association de Paralysie cérébrale du Québec, Mémoire, janvier 1975, annexe.
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[43]
Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 30e législature, 3e session, 26 mars 1975, p. 221-222. À ce moment, il n’y a aucun débat sur le contenu du projet de loi 50. D’ailleurs, le ministre de la Justice est absent lors de cette discussion, qui ne concerne qu’un point de procédure.
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[44]
Ibid., p. 221-222.
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[45]
Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 30e législature, 3e session, 20 juin 1975, p. 1431.
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[46]
Québec, Assemblée nationale, Commission permanente de la justice, Journal des débats, 30e législature, 3e session, 25 juin 1975, p. B-4999.
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[47]
Vingt-neuf mémoires (La « liste maîtresse » des mémoires les numérote de 1 à 30, mais celui annoncé par la Confédération des syndicats nationaux n’a pas été déposé) sont déposés à la commission parlementaire de la Justice qui se tient en janvier 1975. De ceux-ci, deux sont rédigés par des individus, trois sont préparés par des regroupements de trois organismes et 24 autres sont soumis par un seul organisme. En tout, deux personnes à titre individuel et 33 organismes ont participé par écrit à cette consultation. Ces 29 mémoires sont présentés par des groupes de femmes (5), du milieu scolaire (3), patronal (3), syndical (3), des groupes homosexuels (3), des groupes de personnes handicapées (3), des organismes juridiques (2), civiques (2), des groupes professionnels (2), à titre individuel (2) et par la Ligue des droits de l’homme (1). Parmi ces groupes et ces individus, 19 sont venus présenter leur mémoire et en discuter en commission parlementaire. Aucun groupe ne représentait des résidents de centres d’hébergement et de soins prolongés, ni des personnes âgées ou retraitées.
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[48]
Cet enjeu sera abordé dans plusieurs mémoires et interventions en commission parlementaire, en général favorables à l’ajout de l’âge comme motif illicite de discrimination. L’Association canadienne des compagnies d’assurance-vie s’opposait fermement, dans son mémoire et en commission parlementaire, à l’inscription de l’âge comme motif illicite de discrimination. L’âge sera ajouté à l’article 10 de la Charte en 1983, lors de l’adoption du projet de loi 86 (32e législature, 3e session).
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[49]
Québec, Assemblée nationale, Commission permanente de la justice, Journal des débats, 30e législature, 3e session, 21 janvier 1975, p. B-211.
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[50]
Ligue des droits de l’Homme, Mémoire, janvier 1975, p. 38.
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[51]
Québec, Assemblée nationale, Commission permanente de la justice, Journal des débats, 30e législature, 3e session, 21 janvier 1975, p. B-188. Dans le mémoire de la Ligue des Droits de l’Homme, cet argument et le droit proposé sont mentionnés aux pages 24 et 32-33.
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[52]
Québec, Assemblée nationale, Commission permanente de la justice, Journal des débats, 30e législature, 3e session, 21 janvier 1975, p. B-174. Dans le mémoire de la Ligue des droits de l’Homme, cet argument est mentionné à la p. 12.
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[53]
Commission des écoles catholiques de Montréal, Mémoire, janvier 1975, p. 7. L’intervention en commission parlementaire : Québec, Assemblée nationale, Commission permanente de la justice, Journal des débats, 30e législature, 3e session, 21 janvier 1975, p. B-199.
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[54]
Québec, Assemblée nationale, Commission permanente de la justice, Journal des débats, 30e législature, 3e session, 22 janvier 1975, p. B-437. Par ailleurs, il est intéressant de noter que cet organisme remercie la Ligue des droits de l’Homme pour sa collaboration à la préparation des mémoires, qu’il indique que certaines modifications proposées ont été inspirées par la Ligue et que d’autres sont reprises du mémoire de la Ligue. Cette alliance entre la Ligue et l’AQDM est aussi mentionnée dans le mémoire de cette dernière (p. 6).
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[55]
Dominique Clément, Canada’s Right Revolution…, op. cit., p. 122.
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[56]
Marie Beaulieu et Lise Bélanger, « Intervention dans les institutions de soins de longue durée concernant les mauvais traitements à l’endroit des personnes âgées », dans Michael K. MacLean (dir.), op. cit., p. 49-62.