Le premier chapitre est consacré à la montée des partis et organisations de gauche au Canada de 1919 à 1935. L’auteur y aborde la grève générale de Winnipeg en 1919, la fondation du Parti communiste du Canada et les premières lois anticommunistes. Quelques pages présentent les réactions au Québec, principalement celles des politiciens Louis-Alexandre Taschereau et Maurice Duplessis. On comprend néanmoins que sur le plan politique, l’anticommunisme est encore une préoccupation principalement fédérale. L’auteur démontre bien que l’opposition au communisme n’est ni exclusive au Québec, ni la chasse gardée de l’Église catholique et de l’Union nationale. Le deuxième chapitre, nettement plus volumineux, s’intéresse à ce que l’auteur appelle « l’anticommunisme religieux », puisque c’est principalement du clergé que vient l’opposition au communisme dans les années 1930. Aux premières loges se trouvent Mgr Georges Gauthier, archevêque de Montréal, et le cardinal Jean-Marie-Rodrigue Villeneuve, archevêque de Québec. Théorêt présente la plupart des manifestations de l’anticommunisme encouragées par le haut clergé ainsi que par certaines organisations telles que l’École sociale populaire du père Joseph-Papin Archambault. Le troisième chapitre est consacré à la tristement célèbre loi du cadenas de l’Union nationale, aux circonstances ayant mené à son adoption, aux critiques qui lui sont adressées et aux abus auxquelles elle a conduit. Le quatrième chapitre nous présente les nombreux écrits anticommunistes publiés au Québec dans les années 1930-1940, notamment les articles de la revue L’Action nationale et les brochures de l’École sociale populaire. Le cinquième chapitre s’intéresse à des événements moins strictement québécois, soit l’élection de Fred Rose, l’unique député de l’histoire du Parti communiste du Canada, élu en 1943 dans Montréal-Cartier, et l’affaire Gouzenko, révélation d’un réseau d’espionnage communiste au Canada. Finalement, le sixième chapitre présente les manifestations de l’anticommunisme dans l’après-guerre. L’auteur abandonne ici la division thématique des premiers chapitres et présente conjointement l’anticommunisme religieux, politique et littéraire. Théorêt nous explique que les motivations de l’anticommunisme québécois sont principalement religieuses. On pourrait difficilement affirmer le contraire. C’est naturellement la religion qui a guidé les interventions de l’Église et c’est en tant que chrétiens que les politiciens se sont opposés au communisme. Malheureusement, l’analyse s’en tient toujours à la surface. L’auteur décrit les principales manifestations de l’anticommunisme au Québec, mais ne se risque pas à les expliquer. Quelles étaient les motivations de Louis-Alexandre Taschereau et de Maurice Duplessis à lutter contre le communisme ? Pourquoi une si grande partie de l’opinion publique canadienne-française a-t-elle appuyé la loi du cadenas ? L’explication « ils étaient catholiques » ne nous semble pas suffisante. Comment expliquer que le Québec commence à se désintéresser de la lutte contre le communisme alors que la peur rouge est toujours bien présente chez les gouvernements canadien et américain, où la sécularisation a également été vécue après la Seconde Guerre mondiale ? Théorêt s’aventure rarement à donner son interprétation. Au lecteur de se faire une opinion en lisant les nombreuses citations. L’auteur a consulté des monographies européennes afin de mettre en contexte l’anticommunisme canadien. L’impression demeure pourtant que le Québec est étudié ici en vase clos. En introduction, l’auteur demande pourquoi l’opposition au communisme a mobilisé davantage l’opinion publique que l’opposition au fascisme. La question est pertinente, mais le Québec et le Canada ne font pas figure d’exceptions sur ce plan. Qu’en est-il des États-Unis ? De la Grande-Bretagne ? De façon générale, comment se positionne le Québec dans sa lutte au communisme par rapport à d’autres démocraties catholiques telles que la Belgique et l’Italie post-Mussolini ? J’ai apprécié Les chemises bleues principalement parce que son auteur s’est attaqué à un sujet sensationnel avec mesure et nuance. Je m’étonne donc de …
Hugues Théorêt, La peur rouge : histoire de l’anticommunisme au Québec (1917-1960), Québec, Septentrion, 2020, 215 p.[Record]
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Alexandre Dumas
Université du Québec à Trois-Rivières