Abstracts
Résumé
Cet article porte sur l’expérience politique vécue à Montréal par des militants de la gauche chilienne appartenant à deux générations, entre 1974 et 2023. Il montre comment, après une première étape dans laquelle ils cherchaient essentiellement à trouver des appuis pour contribuer à l’opposition à la dictature au Chili, ces militants se sont progressivement intéressés à la vie politique au Québec et au Canada. L’article cherche à déterminer les raisons de cette évolution et identifier les apports réciproques survenus dans la relation entre les Québécois.es et les Chilien.nes, à travers le temps.
Mots-clés :
- Exil,
- immigration,
- politique transnationale,
- coup d’État,
- dictature,
- démocratie,
- militantisme
Article body
Tout au long de l’histoire, il y a eu de nombreux cas d’exilés politiques qui, une fois arrivés dans d’autres pays, ont influencé la politique locale par leurs contributions conceptuelles ou leurs pratiques politiques[1]. On connaît moins les influences de l’environnement local sur les nouveaux venus. Ce processus s’est déployé à l’occasion du départ massif de militants chiliens de gauche vers différentes parties du monde à la suite du coup d’État de septembre 1973. Une fois installées dans leurs nouveaux pays de résidence, ces personnes, en entrant en contact avec les organisations sociales et politiques locales, ont commencé à participer à la vie politique. Outre le cas du Québec, qui fait l’objet de cet article, on peut également mentionner la Suède où plusieurs Chiliens ont été actifs dans des partis politiques locaux, devenant candidats à des fonctions électives et étant à l’occasion élus députés, comme Rosana Dinamarca (pour un parti socialiste et féministe, entre 2002 et 2018) et Mauricio Rojas[2]. D’autres cas notoires de militantisme, tant social que politique, peuvent être mentionnés, comme celui de Víctor Toro à New York et plus récemment de Raquel Garrido, Rodrigo Arenas et Sergio Coronado, élus députés récemment en France, la première en 2022 pour une formation de gauche et les deux autres pour des formations écologistes, respectivement en 2012 et en 2022.
Cette étude tente d’analyser, sur le plan politique, la nature des interactions entre les Chiliens qui sont arrivés au Canada et au Québec – pour des raisons politiques – et leur milieu d’accueil. Elle cherche à répondre aux questions suivantes : quel type de relation s’est établie entre les politiciens locaux et les Chiliens ? s’agit-il d’une relation dirigée uniquement vers le Chili ou vers le Canada ? Compte tenu du fait que la vie politique au Canada est très différente de celle du Chili, en particulier dans le cas de la province de Québec, comment se sont développées les relations entre les exilés et leurs nouveaux interlocuteurs ? Quand et pour quel motif l’intérêt pour l’adhésion aux partis politiques locaux s’est-il manifesté ? Au niveau conceptuel et sur le plan des pratiques politiques, quelle a été la portée de l’influence – réciproque ou non – entre les Chiliens et leurs hôtes ?
Le matériau pour répondre à ces questions est basé sur des entretiens avec onze militants chiliens, établis à Montréal, dont les portraits sont esquissés plus loin. Ils ont été choisis en fonction de divers critères. L’un d’eux est l’appartenance à divers partis politiques de la gauche chilienne, caractérisée par sa diversité. Un deuxième est le fait d’avoir non seulement milité dans les partis chiliens, mais aussi dans ceux du Québec. La préférence a été donnée à celles et ceux ayant participé – parfois avec succès – à des élections, que ce soit au niveau fédéral, provincial ou municipal. Enfin, il est apparu important d’avoir non seulement des témoignages de personnes arrivées en âge adulte, mais aussi des plus jeunes, qui forment la deuxième génération, afin d’analyser le processus sur une longue période et d’identifier les possibles changements à travers le temps. L’échantillon obtenu obéit à ces critères et semble assez représentatif de l’expérience chilienne au Québec. Ces entretiens sont complétés par d’autres témoignages provenant d’une recherche antérieure, consacrée à l’histoire des Chiliens dans la province de Québec[3].
Au niveau conceptuel, cet article prend comme référence ce que certains auteurs appellent la « politique transnationale », dans laquelle les réfugiés-immigrants mènent diverses activités dans leur nouveau pays. Le concept a été défini comme « un processus par lequel des migrants construisent des réseaux sociaux qui unissent leur pays d’origine et celui où ils se sont établis[4] ». Toutes les situations impliquant l’immigration ne constituent pas une expérience transnationale. Parfois, les nouveaux venus ont comme seul objectif d’améliorer leur propre situation. D’autres situations peuvent aussi relever d’une expérience diasporique, dans laquelle l’accent est mis sur la coordination des activités par rapport au pays d’origine. Une troisième forme d’expérience peut être celle d’une recherche d’amélioration de leur statut à travers une implication dans la politique du pays d’accueil[5]. Dans le cas qui nous intéresse, on peut identifier la deuxième et la troisième situations, et l’article cherche à expliquer les raisons de cette transition.
D’autres auteurs ont cherché à préciser davantage le concept de politique transnationale en le soumettant à trois conditions cumulatives : que le processus implique une proportion significative de personnes, que les activités ne soient pas un fait exceptionnel, mais plutôt stable et récurrent (« stability and resiliance ») et, enfin, qu’elles ne soient pas la continuité d’activités préexistantes[6]. Notre enquête nous met en présence d’une situation qui correspond en grande partie à cette dernière définition. Il est vrai que l’on ne peut pas parler d’une participation politique massive des Chiliens, mais il y a assez d’éléments pour démontrer qu’au sein de cette nouvelle communauté d’immigrants il y a eu un processus continu (« résilient », ou durable) de participation politique, qui s’étire durant deux générations. Ceci constitue un fait tout à fait nouveau dans l’histoire de l’immigration chilienne – et latino-américaine. En effet, avant les années 1980-1990, il n’y avait jamais eu de candidats originaires du Chili dans des fonctions électives au Québec ou au Canada. Le renversement observé à ce chapitre constitue l’élément déterminant pour parler d’une expérience transnationale aboutie.
Le contexte général de l’exil chilien
Après le coup d’État de septembre 1973, de nombreux militants des différents partis et organisations de la gauche chilienne ont été contraints de quitter leur pays. Leurs destinations étaient très variées, dépendant en grande partie du type de militantisme des individus concernés. En général, les hauts dirigeants de l’Unité populaire (UP)[7], dont d’anciens députés, sénateurs et ministres, sont partis pour le Mexique et certains pays européens, notamment l’Union soviétique et l’Allemagne de l’Est. La direction du Parti communiste (PC) à l’extérieur était basée à Moscou, ainsi que plusieurs cadres dirigeants d’autres partis de l’UP. Berlin-Est était un autre centre de résidence pour certains des dirigeants les plus connus de l’ancienne Unité populaire. Des pays comme la Tchécoslovaquie, la Roumanie, la Bulgarie et la Hongrie ont également accueilli des militants de différents partis. Il y avait également des militants exilés en Europe occidentale, et certains hauts dirigeants, après avoir résidé dans le bloc de l’Est, se sont déplacés vers l’Ouest, parfois pour des considérations stratégiques. Après la mort de Franco, le groupe de rédacteurs de la revue d’inspiration communiste Araucaria, devenue l’un des organes d’expression les plus connus du parti au niveau international, s’est installé en Espagne. Un certain nombre d’artistes et d’intellectuels, dont des historiens, des militants communistes, socialistes et du MIR[8], sont allés vivre en France et en Angleterre. C’est à Paris qu’était établie la direction de la Central Única de Trabajadores (Centrale unique des travailleurs), alors que les cadres supérieurs du MAPU O-C[9] (Obrero-Campesino, des travailleurs et des paysans) étaient concentrés à Rome. La Suède est un cas particulier, car bien qu’elle ne soit pas un pays ayant des liens politiques antérieurs avec la gauche chilienne, elle a accueilli plusieurs milliers d’exilés. Bon nombre d’entre eux étaient des émigrants à la recherche d’une vie meilleure plutôt que des exilés politiques[10].
Dans chacun des pays où ils sont arrivés, les militants ont cherché à tisser des liens avec des partis et des mouvements susceptibles de les aider dans leurs luttes politiques, qui ont longtemps consisté à obtenir de l’aide pour dénoncer et pour combattre la dictature au pouvoir au Chili dans l’hypothèse d’un éventuel retour. Les communistes ont logiquement trouvé ce soutien dans les partis « frères », qui étaient également au pouvoir en Europe de l’Est et très influents dans des pays comme l’Italie et la France. Le Parti socialiste (PS), qui n’avait jamais envisagé de rejoindre l’internationale sociale-démocrate, a néanmoins trouvé un soutien dans certains partis sociaux-démocrates d’Europe occidentale ou d’Amérique latine. Les militants du MIR (les miristas) ont d’abord essayé de créer des liens organiques avec des groupes et des partis qui voyaient comment leurs pairs du Cône Sud, engagés dans la lutte armée, tels que l’ERP (Armée révolutionnaire du peuple) argentin, l’ELN (Armée de libération nationale) bolivien et les Tupamaros[11] uruguayens, s’efforçaient de créer une internationale armée dans la région, un projet qui n’a pas duré longtemps. Le principal soutien du MIR est venu de Cuba, où un certain nombre de ses militants ont été formés sur l’île pour une lutte armée contre la dictature. Plusieurs d’entre eux ont ensuite participé à la guérilla sandiniste au Nicaragua et certains sont rentrés clandestinement au Chili pour mener des actions armées contre la dictature à partir de 1978[12].
Les exilés chiliens ont fait de grands efforts en vue de financer les activités de résistance à la dictature, que ce soit à l’intérieur du pays ou à l’extérieur. Ces activités se faisaient au moyen de soirées artistiques, manifestations ou conférences de presse. L’argent récolté était acheminé à des ONGs qui sont apparues au Chili et vers les Églises. Un montant était destiné à financer les partis politiques de la gauche, qui essayaient tant bien que mal de survivre sous la dictature[13]. Pour ce qui est des relations avec les partis politiques – et parfois, avec les gouvernements – des pays qui recevaient les exilés, les dirigeants chiliens cherchaient à dénoncer les agissements de la dictature chilienne, faisant connaître l’ampleur de la répression et réclamaient leur appui afin de rétablir la démocratie[14]. L’insistance sur cette idée a amené divers partis de gauche à mettre sur pied un bureau de coordination de la solidarité internationale à Rome, sous l’appellation de Chili démocratique. C’est dans ce contexte que la gauche en exil a obtenu la mise sur pied d’organismes comme le Tribunal Russell II à Rome, et la Commission d’enquête sur les crimes de la Junte militaire chilienne, à Helsinki, en 1975[15]. Ultimement, cette campagne visait à isoler internationalement la dictature, tant au niveau diplomatique qu’économique, dans l’espoir de l’affaiblir et de forcer un éventuel retour à la démocratie. Tels étaient les grands principes qui étaient relayés aux partis et organisations auxquels prenaient part les exilés chiliens à travers le monde, et qui allaient à leur tour animer les militants chiliens partis dans divers pays, y compris au Québec.
Portrait des militants
Les militants chiliens arrivés au Québec étaient, pour la plupart, des militants de la base, ou qui occupaient des postes secondaires dans les partis de gauche pendant l’Unité populaire[16]. Les hauts dirigeants ne voyaient pas d’avantage pour leurs partis à aller au Canada. Les intellectuels connus ne sont pas non plus venus au Canada, préférant se rendre dans des pays comme la France ou le Mexique. Ce dernier aspect est, à mon avis, d’une certaine pertinence, puisque le milieu de l’exil chilien à Montréal ou dans le reste du Canada n’offrait pas un contexte propice à des débats théoriques sur la démocratie ou le socialisme pouvant mener à une remise en question et à une réorientation des pratiques politiques des militants.
Le concept de militantisme est défini par un dictionnaire de science politique comme « la participation active et volontaire à un parti ou à une organisation sociale, par opposition à la simple adhésion, qui est une attitude purement passive, et au travail rémunéré au niveau professionnel[17] ». Les motivations pour s’engager dans un parti sont variées : s’identifier à une cause importante, partager une expérience humaine enrichissante, ou dans certains cas, commencer une carrière politique. Dans les cas étudiés ci-dessous, il est à noter que la plupart des témoins ont été motivés par les deux premiers objectifs. Dans seulement deux cas, l’on pourrait parler de la poursuite d’une carrière politique. En effet, il n’y a que deux témoins qui ont été réélus comme députés, alors que dans tous les autres cas, les personnes ont eu un seul mandat ou bien n’ont jamais été élues.
Les témoins ont été sélectionnés sur la base de l’étendue de leur participation politique. Ceux et celles arrivés en âge adulte militaient dans des partis politiques au Chili avant de partir et ont continué à le faire après leur arrivée, tandis que les mineurs venaient tous de familles impliquées politiquement. Huit d’entre eux sont arrivés dans les premières années qui ont suivi le coup d’État, entre 1974 et 1980[18], deux l’ont fait à la fin de la dictature et un dernier est arrivé en 1995. Sept des personnes interviewées sont arrivées en tant qu’adultes, une était adolescente et trois autres étaient des enfants. L’inclusion de ces derniers témoins, en tant que représentants de la deuxième génération, se justifie pleinement (même si ce n’est que pour une analyse indicative en raison du petit nombre de cas), en ce que l’expérience migratoire chilienne au Canada s’inscrit dans une perspective à long terme, ne se limitant pas à la génération partie immédiatement après le coup d’État de 1973.
L’avocat Osvaldo Núñez[19], qui était à l’époque un militant du MAPU, a décidé de quitter le Chili comme touriste en janvier 1974, après s’être senti menacé pour avoir défendu des prisonniers politiques. À son arrivée, il a demandé et obtenu son admission en tant que résident. De tous les témoins, il est le seul à avoir occupé un poste de responsabilité pendant le gouvernement Allende, celui de secrétaire général de la surintendance des banques[20]. Ester, psychologue et militante communiste, et Jaime Llambías, sociologue et militant du MAPU, sont également arrivés à Montréal en 1974, dans des circonstances semblables. Elías Cabrera[21], militant du PS, qui avait été torturé et incarcéré au Chili, a passé une année en Italie avant d’arriver au Québec, en 1976. Carlos Torres, du MIR, a vécu en Ontario au cours des premières années, avant de s’installer à Montréal. Claudia Valdivia, Soraya Martínez et Matías, les trois témoins arrivés avec leurs parents entre 1975 et 1980 alors qu’ils étaient des enfants, tous membres de familles identifiées avec la gauche. Deux des derniers arrivés à Montréal, Paloma, militante communiste, et Andrés Fontecilla, à l’époque jeune étudiant de quatorze ans, opposant à la dictature sans être membre d’un parti, ont quitté le Chili en 1988, après que les membres de leurs familles respectives ont subi l’épreuve de la prison et de la torture. Enfin, Paulina Ayala, professeure d’histoire au secondaire, a quitté le Chili en 1995. Elle avait participé à divers groupes de défense des droits de l’homme pendant la dictature, mais après le début de la période démocratique, elle a préféré quitter le pays, désillusionnée par les réalisations du gouvernement de la Concertación[22]. Elle était plus une militante sociale qu’une activiste politique, n’ayant fait qu’un bref passage au PPD (Partido por la democracia), un parti d’opposition à la dictature créé en 1987.
La trajectoire suivie par les Chiliens à Montréal et dans le reste du Canada peut être analysée en deux étapes. Pendant longtemps, le principal intérêt des militants était d’oeuvrer en faveur de leur pays d’origine. En cela, les Chiliens ont procédé de la même manière que les autres exilés latino-américains, en France ou ailleurs[23]. Cependant, au fil du temps, en établissant des liens organiques ou des amitiés avec les militants locaux, les Chiliens ont également développé un certain intérêt pour l’activité politique du pays qui les avait accueillis.
Les premiers contacts avec le milieu politique québécois et la recherche de soutien à l’activité en faveur du Chili
Avant 1973, les contacts de la gauche chilienne avec le pays de l’Amérique du Nord étaient très limités, ce qui peut s’expliquer par le fait que, contrairement à l’Europe, le Canada n’a jamais eu de parti marxiste important. Pendant les trois années du gouvernement de l’UP, il y a eu certains liens entre les groupes de gauche canadiens et les partis qui s’intéressaient au cas chilien. Une mission de dirigeants syndicaux de Montréal s’était par exemple rendue au Chili en 1972 pour rencontrer le président Allende, alors qu’un groupe de chrétiens de gauche du Québec avait participé à une importante rencontre des Chrétiens pour le socialisme à Santiago, aussi en 1972[24]. Les partisans de l’indépendance du Québec, nourris idéologiquement par les mouvements décoloniaux de libération nationale, ont également porté un certain intérêt à l’expérience d’Allende, en raison de sa perspective anti-impérialiste. Du côté chilien, en revanche, on ne connaît aucun groupe qui se soit rendu au Canada pour s’informer des expériences politiques de la gauche dans ce pays avant 1973.
Arrivés au Canada, les militants chiliens ont rencontré une réalité politique très différente de celle qu’ils avaient connue dans leur pays d’origine. Ils devaient apprendre à identifier les partis politiques, qui pouvaient être provinciaux ou fédéraux. Bien que les Chiliens n’aient pas trouvé de partis de gauche semblables à ceux qu’ils avaient dans leur propre pays, plusieurs organisations sociales suivaient avec intérêt le processus chilien et ont bien accueilli les exilés. Ainsi en est-il d’un mouvement syndical assez fort, qui avait à l’époque certaines orientations de gauche. On peut compter également des groupes de catholiques, notamment ceux formés par des missionnaires québécois qui avaient séjourné au Chili et en étaient revenus avec une attitude très engagée envers les victimes de la dictature. Le PQ enfin s’était intéressé à l’expérience de la gauche chilienne, qui avait inspiré certains des membres du parti à ajouter une option sociale à la quête d’indépendance, son principal objectif[25].
À partir de 1973-74, et jusqu’à une bonne partie des années 1980, l’objectif principal des militants chiliens était d’obtenir le soutien des Québécois pour des actions de solidarité avec la cause du retour de la démocratie au Chili et la dénonciation de la dictature. Dans ce processus, l’attitude des Chiliens a été fondamentalement pragmatique, mettant en avant les intérêts de leur cause, se concentrant presque exclusivement sur leurs intérêts immédiats et prêtant très peu d’attention à l’environnement local. Une militante socialiste de l’Association des Chiliens de Montréal a analysé cette situation en disant : « Nous avons travaillé avec l’aide des Québécois, mais nous ne faisions pas grand cas de ce qui se passait au Québec, c’est eux qui s’intéressaient à nous… nous avions l’impression d’être le nombril du monde, nous étions très chauvins, nous manquions de modestie[26]. » La mauvaise maîtrise du français a été un autre facteur négatif lors des premières années, ce qui a créé une barrière persistante pendant plusieurs années, nécessitant l’intervention d’interprètes, rendant les réunions excessivement longues.
Dans la poursuite de leurs objectifs durant cette première étape, un outil important a été la mise sur pied d’organisations qui essayaient de regrouper les anciens partis de l’UP. L’Association des Chiliens de Montréal, qui a existé entre 1974 et 1980, fut à ce titre très active et attirait un bon nombre de militants et de sympathisants, tant chiliens que québécois. Tout en dénonçant la dictature, l’Association se consacrait à maintenir la « culture chilienne » à Montréal, au moyen d’une école pour les enfants, et venait en aide aux Chiliens qui continuaient d’arriver à Montréal. Elle a disposé de différents locaux, dont le principal était situé au coin des rues Napoléon et Saint-Laurent. L’organisme a été dissous en 1980, à cause des dissensions entre ses membres et de l’épuisement de ses dirigeants[27]. L’Association organisait des soirées et des manifestations, particulièrement au mois de septembre, pour la commémoration du coup d’État. Ses membres publiaient des lettres dans les journaux pour dénoncer les actions de la dictature. L’Association organisait aussi des conférences, profitant du passage à Montréal d’anciennes personnalités de l’UP, telles que les anciens ministres Clodomiro Almeida et Orlando Letelier, ainsi que la veuve d’Allende, Hortensia Bussi.
Pour les miristas, en revanche, la solidarité devait servir principalement à soutenir les actions de résistance à la dictature. Les militants du MIR étaient relativement nombreux : 40 à 50 dans la province de Québec et quelque 200 à 300 à travers le Canada, selon Carlos Torres. Ils ont obtenu l’aide des centrales syndicales québécoises, CSN, FTQ et CEQ, qui avaient mis sur pied le Comité Québec-Chili, actif tout au long des années 1970. En avril 1975, le Comité a invité à Montréal Carmen Castillo, la conjointe de Miguel Enríquez, le leader du MIR, mort lors d’une confrontation avec les militaires en octobre 1974. Cette attitude des syndicats correspond à la mentalité de l’époque, alors que les centrales faisaient preuve d’une grande combativité, qui avait valu à ses dirigeants l’emprisonnement en 1972. Les miristas avaient également des « relations très étroites » avec le groupe maoïste En lutte !, très actif dans les années 1970 et 1980. Mais selon Carlos Torres, « nous n’avons jamais voulu nous marier avec un groupe, afin de ne pas réduire notre soutien ». Nous trouvons ici, à mon avis, un aspect clé du comportement des militants chiliens : parce que leur attention était centrée autour Chili, ils n’ont pas fait de grands efforts pour s’impliquer politiquement dans le milieu local, une attitude ayant prévalu pendant longtemps.
Les communistes chiliens, qui étaient environ 200 à travers le Canada, dont 50 à Montréal et 10 ou 15 à Québec, selon l’un de leurs dirigeants à Montréal, étaient initialement confrontés à deux limitations : le Parti communiste du Québec (PCQ) était minuscule, peu présent dans les syndicats, et il avait très peu de ressources à offrir aux Chiliens. En outre, les dirigeants chiliens avaient ordonné à leurs militants de ne pas révéler leur appartenance à un parti en public, préférant agir par l’intermédiaire de l’Association des Chiliens de Montréal. Les communistes sont parvenus à obtenir le soutien des différentes centrales syndicales, même si l’une des plus importantes, la Confédération des syndicats nationaux (CSN), tendait à soutenir le MIR plus que les partis de l’Association. L’essentiel de l’action communiste se concentrait sur la recherche d’un maximum de ressources économiques par le biais des peñas[28] et de diverses actions basées sur la solidarité, pour lesquelles ils bénéficient du soutien des syndicats. Ester souligne que les communistes ont obtenu l’appui individuel de Raymond Boyer, professeur de chimie à Université McGill. Disposant d’une fortune personnelle, il a fait des contributions économiques importantes, participant au paiement du loyer du local de l’Association des Chiliens. Boyer a aussi financé la publication d’un livre de témoignages sur l’époque de l’Unité populaire[29]. Grâce à d’autres contacts individuels, les communistes ont aussi eu accès à des organisations comme la Ligue des droits et libertés et la Fédération des femmes du Québec.
Les socialistes de Montréal, selon Elías Cabrera, constituaient un parti formé avec des militants idéologiquement « très hétérogènes », dont plusieurs n’avaient rejoint le parti que récemment. Il estimait également qu’il n’y avait pas de figure forte à Montréal[30]. Les divisions qui ont affecté le PS, tiraillé entre ceux qui acceptaient un rapprochement avec le Parti démocrate-chrétien pour affronter la dictature et ceux qui voulaient rester fidèles à l’alliance avec le PC, ont été un autre facteur négatif. Le PS, en plus de participer à l’Association, a établi des liens avec divers petits groupes et partis. Selon Elías Cabrera, le dialogue le plus fructueux a été celui avec le Parti des travailleurs du Québec (PTQ), un petit parti qui leur a néanmoins fourni des infrastructures pour leurs activités partisanes et a collaboré financièrement pour faire venir des invités d’autres pays à certaines réunions. Les membres des deux organisations participaient aux congrès de l’autre, « nous étions des partis frères ». Mais ce soutien leur a fait perdre le contact avec le PCQ et a conditionné leur relation à la rupture avec le PTQ. D’ailleurs, à la fin des années 1970, le PTQ a fini par disparaître. Cabrera se consacre aujourd’hui au militantisme social, notamment aux activités de la CSN, profitant de son statut de délégué syndical sur son lieu de travail, dans un hôpital de Montréal. L’une de ses principales réalisations a été de convaincre la CSN de contribuer à la formation de dirigeants syndicaux chiliens pour reconstituer la Central Única de Trabajadores (CUT) au Chili dans les années 1980.
L’arrivée des Chiliens a coïncidé avec la montée du PQ et son élection au pouvoir. Les contacts avec le parti indépendantiste ont été analysés de différentes manières par les témoins interrogés. Plusieurs dirigeants du PQ, dont son chef et premier ministre de 1976 à 1985, René Lévesque, ont fait des déclarations publiques très favorables à Salvador Allende et ont rencontré les dirigeants chiliens. Cependant, selon le socialiste Elías Cabrera, le PQ ne s’est jamais « engagé » auprès des Chiliens, limitant son soutien à la dénonciation de la dictature. D’autre part, le mirista Carlos Torres estime que le soutien du PQ a été précieux, parce qu’il leur a fourni des locaux pour les conférences de presse et que ses membres ont aidé à attirer le public, ce qui a donné à ces activités beaucoup plus de résonance.
L’appui du PQ aux Chiliens aurait probablement été plus résolu s’ils avaient été plus favorables au projet d’indépendance. Mais bien qu’un certain nombre de Chiliens aient soutenu cette idée, ni le MIR ni l’Association des Chiliens n’ont voulu s’exprimer sur le sujet, de peur de diviser leurs membres. À l’occasion du référendum qui devait décider si le Québec devait entamer un processus d’accession à la souveraineté (-association), en 1980, un groupe de militants de divers partis, notamment du MAPU-OC, a signé, au titre personnel des signataires, une lettre en faveur du « oui » envoyée aux principaux journaux montréalais[31].
Les facteurs qui ont favorisé la phase de militantisme dans les partis politiques locaux
Le passage du militantisme des partis politiques chiliens aux partis politiques locaux a été motivé par plusieurs raisons. Le plus important est probablement le degré d’intégration atteint par les Chiliens au Québec : si le sujet ne peut pas être analysé en profondeur ici, on peut hasarder l’hypothèse que les Chiliens, bien qu’avec des hauts et des bas, se sont intégrés sur les plans professionnel, civique et social. Cela a été possible grâce à des facteurs tels que la possibilité d’obtenir la citoyenneté canadienne après seulement trois ans de résidence. La relative ouverture du marché du travail pour l’exercice de nombreuses professions a favorisé plusieurs des personnes interrogées, issues de la classe moyenne professionnelle chilienne. L’accessibilité aux études universitaires, grâce aux bourses et au faible coût des études, et l’accueil très cordial que leur a réservé, en général, la société québécoise ont également participé de leur épanouissement. Deux des militants arrivés à Montréal en âge adulte ont épousé une conjointe québécoise francophone, tout comme deux témoins de la deuxième génération. Tout cela signifie que les militants chiliens, consciemment ou inconsciemment, ont de plus en plus orienté leur vie dans la perspective d’un séjour permanent dans leur nouveau pays.
Un autre aspect à prendre en compte est le facteur temporel : la longue durée de la dictature a fait qu’au fil des années, l’idée du retour au Chili, très présente dans les premières années après l’exil, s’est estompée ou a disparu. En cela, il y a une différence importante avec l’exil des Argentins ou des Uruguayens, pour lesquels la période d’exil a été plus courte, laissant moins de temps aux militants pour vivre le même cheminement d’intégration que celui vécu par les Chiliens.
Un autre facteur qui me semble tout à fait décisif est le fait que ces personnes ont baigné dans une culture politique proche, voire similaire à celle du pays où elles sont arrivées, basée sur des pratiques institutionnelles, où l’existence de partis et la réalisation d’activités électorales étaient une partie essentielle de leurs expériences. Jusqu’en 1973, le Chili était, en effet, l’un des rares pays d’Amérique latine où la vie démocratique avait un sens concret. Ainsi, malgré le fait que pendant les années de l’UP, de nombreux militants avaient tendance à dénigrer la démocratie chilienne en la qualifiant de « bourgeoise », les partis de gauche avaient participé pendant plusieurs décennies à ce système, ayant créé toute une culture électorale et institutionnelle.
Il faut tenir compte aussi du poids de l’évolution de la gauche chilienne. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, il y a eu un changement majeur dans l’orientation des partis politiques qui avaient formé l’UP, puisque l’alliance entre les communistes et les socialistes a disparu et a été remplacée par le rapprochement de ces derniers avec leurs anciens ennemis, les chrétiens-démocrates[32]. Bon nombre de militants exilés en Europe avaient développé une attitude critique envers l’URSS et les pays de l’Europe de l’Est. Le PS entama une discussion sur la « rénovation » idéologique du parti, qui devait le conduire à l’abandon du marxisme-léninisme au profit d’une approche semblable à celle de la social-démocratie[33] – revendiquée notamment par le Parti québécois. Ces développements n’ont pas manqué d’avoir des répercussions parmi les militants chiliens au Canada, notamment parmi les socialistes et les membres du MAPU (mapucistas), les rendant plus ouverts au dialogue avec des partis auparavant considérés comme « bourgeois », une position non acceptée par les communistes.
Un texte publié en 1980 par le sociologue Jaime Llambías, qui deviendra plus tard le premier Chilien à se présenter comme candidat au poste de député lors d’une élection, analysait la transition que pouvaient vivre les Chiliens arrivés en tant qu’exilés, s’identifiant progressivement à leur nouvelle vie. Remerciant les Québécois pour la solidarité dont ils avaient fait preuve, les derniers paragraphes du texte invitaient les Chiliens à « sortir de la condition d’exil, en évitant la passivité et l’apitoiement », à reconnaître que « nous avons aussi participé, dans une certaine mesure, à la construction de cette société », insistant sur le fait qu’ils doivent réaliser « qu’il fait bon vivre au Québec »[34]. Ces mots annonçaient le processus qui allait prendre son essor à partir des années 1980. Les Chiliens seront alors nombreux à figurer comme candidats à des fonctions de députés lors des élections fédérales, provinciales ou encore municipales.
Au Québec, trois alternatives politiques étaient offertes aux Chiliens : la plus évidente était la cause de l’indépendance du Québec, à travers ses deux partis, le PQ et, à partir des années 1990, le Bloc québécois (BQ). Une deuxième option était de rejoindre le Parti communiste du Québec, qui n’attirait que ceux qui étaient communistes au Chili. Enfin, la troisième, apparue plus récemment, consistait à rejoindre la nouvelle gauche québécoise, qui s’exprima d’abord dans un parti appelé l’Union des forces progressistes (UFP), créé en 2004, puis dans Québec solidaire (QS), fondé en 2006. Enfin, au niveau fédéral, certains ont choisi le Nouveau Parti démocratique (NPD). Ce sont ces options, de gauche et/ou nationalistes, qui vont attirer pendant longtemps les Chiliens devenus militants dans des partis d’ici. Une étude que j’ai faite sur la participation des Latino-Américains en politique au Québec, couvrant les années 1984-2006, faisait état de 50 candidatures. De ce total, j’ai pu identifier l’origine de 35 personnes, dont 19 provenaient du Chili, réparties de la façon suivante : sept pour le NPD, cinq pour le BQ, trois pour le Parti communiste du Québec, un pour l’Union des forces progressistes (futur QS) et trois pour divers partis municipaux[35].
L’option nationaliste québécoise
Plusieurs Chiliens, notamment des militants du MAPU et quelques socialistes, sont devenus des militants du PQ et du BQ. Ce qui les attirait, c’était le discours sur le thème de la libération nationale, dans lequel ils voyaient un lien avec les idéaux anti-impérialistes d’Allende. Pendant le premier gouvernement péquiste, de 1976 à 1981, le ministre provincial de l’Immigration, Jacques Couture, avait déclaré lors d’un événement organisé par l’Association des Chiliens en 1979 qu’il existait un parallèle entre l’oppression subie par le peuple chilien sous la dictature et celle exercée contre la nation québécoise au Canada, soulignant l’oeuvre « libératrice » d’Allende[36]. La nationalisation du minerai d’amiante par le premier gouvernement de René Lévesque a été considérée par un certain nombre de Chiliens comme un processus comparable à la nationalisation du cuivre au Chili en 1971. Le cas le plus marquant de ces Chiliens attirés par cette tendance est celui d’Osvaldo Núñez, qui est devenu membre du PQ en 1975 et a été élu député du BQ en 1992, pour le comté de Bourassa, dans le nord de Montréal. C’était un fait marquant, car pour la première fois un Latino-Américain d’origine était élu au Parlement. Núñez a expliqué sa décision en déclarant qu’il voyait plusieurs points communs entre le PS chilien et le PQ, comme le soutien aux peuples qui tentent la voie de la libération nationale en Afrique et en Asie, à la révolution cubaine et, en général, à l’anti-impérialisme et au combat contre la domination du Québec par les Anglo-Saxons. Il voyait également une certaine tendance à la social-démocratie dans les deux partis. Il a expliqué que son expérience comme député à Ottawa avait « contribué à changer l’image que les Canadiens avaient des réfugiés, perçus souvent comme fauteurs de troubles », soulignant son travail en faveur des réfugiés, notamment dans le cas d’un Salvadorien qui s’était mis à l’abri d’une église à Calgary pour ne pas être déporté et a fini par obtenir le statut de réfugié[37].
Un autre cas bien connu est celui de Carmen Sabaj, qui s’est identifiée à la cause québécoise au point de donner un cours sur l’histoire de la province à l’UQAM et de défendre la nécessité de protéger la langue française en s’opposant à la politique multiculturaliste du gouvernement fédéral. En 1992, elle a été proclamée « patriote de l’année » par la Société Saint-Jean-Baptiste, une institution nationaliste. Lors du premier référendum sur la souveraineté du Québec en 1980, les organisations chiliennes ne s’étaient pas prononcées sur l’attitude à adopter, de peur de diviser leurs membres. En 1995, lors du second référendum, un nombre relativement important (on parlait de 350 à 400) de Chiliens et d’autres Latino-Américains ont ouvertement milité au sein des comités pour le « Oui », afin de dissiper « la peur, la méfiance et la confusion » et aider les Latinos à faire un « choix éclairé[38] ». On peut penser que cette évolution s’explique parce qu’en 1995 la dictature de Pinochet avait cédé le pouvoir aux civils et les Chiliens au Québec pouvaient concentrer leurs énergies dans une autre cause, à laquelle ils s’identifiaient, d’autant plus que leur séjour dans la Belle province s’étirait et tout indiquait que pour plusieurs, celle-ci serait leur lieu de résidence permanent. Dans les années suivantes, quatre Chiliens ont été candidats au poste de député représentant le BQ. Cette attitude s’est poursuivie chez les Chiliens de la deuxième génération, comme ce fut le cas de Claudia Valdivia, dont le témoignage est éloquent :
Je crois que mon intérêt envers la politique d’ici a commencé vers 1980 [elle est née en 1965], alors que je prenais conscience du fait que le Québec est une enclave francophone, entourée d’anglophones, qui, des fois, regardent les Québécois de haut, avec mépris… Et il y a aussi pour moi l’amour envers la culture québécoise, le fait que tous mes amis sont des Québécois. Enfin, je crois qu’il y a un parallèle entre le Chili et le Québec : dans mon pays de naissance, il y avait l’élection d’Allende suivie du coup d’État, alors qu’ici il y avait la crise d’Octobre, qui selon moi a été aussi un coup d’État, puis l’élection de René Lévesque. Je pense que dans les deux pays il y avait un désir de liberté.
Elle a été deux fois candidate, en 2019 pour le BQ dans le comté de Chateauguay-Lacolle, qu’elle a failli gagner, et plus tard lors de l’élection provinciale de 2022, pour le PQ, dans le comté de Verdun. Sa soeur Marcela a été aussi deux fois candidate pour le BQ, à Westmount en 2000 et à Outremont en 2008.
La nouvelle gauche au Québec : le parti Québec solidaire
Ce n’est pas un hasard si ce parti récemment apparu a attiré deux Chiliens de la deuxième génération. L’identité des jeunes Chiliens est beaucoup plus complexe et variée que celle des adultes, ne se limitant pas à « être Chilien », mais incluant la dimension latino-américaine, immigrante et montréalaise. L’idéologie multiple et ouverte de QS, qui comporte des éléments nationalistes à côté d’une perspective socialiste, répond à la mentalité de ce groupe d’âge. Andrés Fontecilla n’avait pas d’antécédents familiaux de militantisme de gauche : ses parents n’avaient pas soutenu le gouvernement Allende, et son penchant pour cette tendance provenait plutôt de son opposition à la dictature pendant son adolescence au Chili. Lorsqu’il est arrivé à Montréal en 1988, il a rejoint le MIR. Il qualifie cette attitude d’ « émotionnelle », car cette formation lui semblait avoir une « mystique » et lui donnait l’impression d’être la plus apte à combattre la dictature. Il pensait que c’était aussi une façon d’affirmer son « identité chilienne » à cette époque. Après quelque temps, avec le changement politique au Chili et le déclin du MIR, il a commencé à travailler dans le milieu étudiant à Montréal, se faisant remarquer par les dirigeants de l’Union des Forces progressistes (UFP)[39], qui lui ont proposé de devenir candidat de ce nouveau parti de gauche lors d’une élection partielle. Il devient ensuite un militant de QS, participant à sa première organisation. Il a été candidat à deux élections provinciales, jusqu’à ce qu’il soit élu député en 2018, puis réélu en 2022.
Matías, le plus jeune, présente une trajectoire quelque peu différente. Contrairement à Andrés, il a été influencé par la politique de gauche de sa famille, accompagnant ses parents dans les peñas et diverses activités contre la dictature depuis son enfance. Mais s’il se tenait informé de l’actualité chilienne et se rendait parfois dans son pays d’origine, il n’avait jamais milité dans un parti politique chilien. Son militantisme au Québec s’est développé principalement dans le milieu étudiant, où il participa à l’organisation de grèves pour protester contre la hausse des frais de scolarité. Par la suite, son expérience a pris une dimension internationale, puisqu’il a assisté à divers congrès altermondialistes à Porto Alegre et dans d’autres villes d’Amérique latine. L’une de ses principales activités a été de participer aux protestations contre la création de la zone de libre-échange des Amériques lors de la réunion des chefs de gouvernement des Amériques à Québec en 2001. Comme Andrés, il a été militant d’abord à l’UFP, puis à QS. Il se définit principalement comme un « militant internationaliste », motivé par la recherche de la justice sociale.
Le Parti communiste du Québec : peu d’adhérents
De tous les témoins interviewés, un seul d’entre eux, Paloma, était membre du PCQ. Cela s’explique peut-être par le fait qu’elle est arrivée à une époque différente, à la fin de la dictature : elle s’est retrouvée dans un environnement où l’organisation des communistes chiliens avait sensiblement diminué, elle n’a donc pas rejoint les communistes chiliens, mais ceux du Québec. Elle a rejoint le PCQ en 2000, « parce que c’est ici que se trouvent ma vie et mes enfants », parce qu’elle ne veut pas vivre « en fonction du Chili » et parce que, malgré les changements dans le monde, les idéaux communistes sont toujours valables, selon elle. Ce cas représente manifestement une situation exceptionnelle, dans laquelle des facteurs personnels ont pu jouer un rôle qui dépasse le cadre de cet article[40].
Le Nouveau parti démocratique : entre le Québec et le Canada
L’adhésion au NPD dans la province de Québec a une dimension différente de celle aux partis nationalistes. Comme indiqué au début, ce parti a longtemps été peu présent dans la province francophone, de sorte que le fait d’être militant et parfois candidat au parlement n’était qu’une volonté de faire connaître une cause, les chances réelles de victoire étant faibles ou inexistantes.
À partir de la fin des années 1980, plusieurs Chiliens se sont lancés dans l’aventure, en tentant de se faire élire comme députés du NPD dans la région de Montréal. Le premier d’entre eux fut Jaime Llambías, candidat en 1988 dans le comté de Saint-Denis et qui, bien que loin du vainqueur, atteignit une honorable troisième place. Interviewé dans un mensuel hispanophone, il déclarait que sa candidature était motivée par le désir de représenter les immigrants, affirmant qu’il était important qu’ils soient « incorporés dans la vie publique » afin d’« éviter la tendance à la marginalisation »[41]. Par la suite, cinq Chiliens ont tenté d’être élus députés pour le NPD, mais leurs résultats ont été maigres, terminant chaque fois en quatrième ou cinquième position, à une distance considérable des vainqueurs, avec des pourcentages inférieurs à 10 % des suffrages exprimés. Cette situation a changé de manière radicale lors des élections fédérales de mai 2011, lorsque le NPD a remporté une victoire aussi massive qu’inattendue dans la province de Québec. Cela a permis l’élection de nombreux candidats inconnus du public, dont Paulina Ayala, devenue député dans le comté d’Honoré Mercier, à Montréal. Elle était arrivée au Canada après la fin de la dictature, s’était principalement consacrée à fonder une famille (elle a épousé un Québécois francophone peu après son arrivée et a eu trois enfants) et n’a adhéré au NPD qu’en 2008. Ce qui l’a attirée dans ce parti, c’est son concept de « bien commun » et l’objectif d’utiliser les impôts au profit de la majorité de la population. Mais lors de l’élection suivante, en 2015, le NPD a été loin de confirmer ses succès électoraux, et Paulina Ayala n’a pas été réélue.
Le PLC, une option rare
Comme nous l’avons vu, la très grande majorité des Chiliens qui se sont intéressés à la politique locale ont milité dans des partis de gauche ou nationalistes, que ce soit au niveau fédéral ou provincial. Une exception a été le cas de Soraya Martínez. Issue d’une famille aux idées socialistes, son grand-père maternel, René Ferrada, était connu dans le milieu des Chiliens de Montréal, comme éditeur du mensuel Comentarios, qui a circulé pendant les années 1980 et dont le contenu était centré sur la dénonciation de la dictature au Chili et la diffusion des idées de gauche.
La démarche de Soraya Martínez est très particulière, car en 2009 elle se décrivait comme une personne « conciliatrice, je ne me sens ni de gauche ni de droite[42] ». Le fait d’avoir voté en faveur du « oui » lors du référendum de 1995 et d’avoir beaucoup d’amis dans le camp des indépendantistes ne l’a pas empêché de nouer des contacts avec d’autres options. Elle s’était intéressée depuis sa jeunesse à la politique, parvenant à se faire élire conseillère municipale dans la ville de Montréal, en novembre 2005, ce qui était une première pour un membre de la communauté chilienne. Par la suite, elle a travaillé à Ottawa dans l’équipe de la députée fédérale Mélanie Joly, du Parti libéral, comme chef de cabinet, pendant trois ans. En 2019, Soraya a été élue députée fédérale dans la circonscription d’Hochelaga-Maisonneuve, et réélue en 2021, ce qu’aucun autre candidat d’origine chilienne n’avait réussi à faire. Pour elle, il n’y a pas de contradiction entre les idéaux défendus par sa famille et son adhésion au PLC. Selon son opinion, le programme libéral est plus à gauche que celui du NPD, tant au niveau de la santé que de la culture, et le PLC était le seul parti pouvant empêcher la victoire des conservateurs. Elle souligne beaucoup l’attitude de son chef, le premier ministre Justin Trudeau, dans la défense des droits des communautés LGBT et des droits des femmes, ce qui a été mis en évidence lors de la formation paritaire de son premier cabinet. Son cas, qui paraît atypique, peut s’expliquer par les différences à travers le temps : au XXIe siècle, le soi-disant « monde socialiste » n’existe plus, l’attrait des expériences comme celle de la révolution cubaine a diminué de façon notoire, les différences entre la gauche et la droite sont moins évidentes que par le passé, et au Québec la tendance souverainiste traverse un creux.
Bilan : qui a appris de qui ?
Les militants chiliens ont trouvé au Québec des espaces et des interlocuteurs qui leur ont permis d’aller probablement au-delà de leurs espérances lorsqu’ils sont arrivés à destination. Malgré les différences de contextes politiques, les Chiliens ont obtenu un soutien pour atteindre l’un de leurs principaux objectifs, à savoir une aide économique aux forces s’opposant à la dictature et la dénonciation du régime militaire sur toutes les tribunes, contribuant ainsi à le discréditer. Avec le temps, tout en gardant leur intérêt pour leur pays d’origine, les Chiliens ont commencé à s’impliquer de plus en plus dans la politique locale, phénomène manifeste chez les militants de la deuxième génération.
Dans ce processus, sur le plan pratique, Osvaldo Núñez estime avoir tiré des enseignements précieux de son expérience au Québec et au Canada : « J’ai appris à ne pas être démagogue ou populiste, à ne pas proposer des utopies comme au Chili. J’ai aussi appris à ne pas disqualifier l’adversaire, à être tolérant : ici il y a le respect des autres parties, j’ai aimé ça, personne ne croit détenir la vérité ». Elías Cabrera a surtout souligné la grande démocratie qui règne dans l’élection des dirigeants syndicaux, contrairement au Chili, « où les dirigeants élisent les autres dirigeants ». Ce point de vue a été repris par un autre témoin, qui a été pendant de nombreuses années conseiller syndical au sein de la CSN.
De manière quasi unanime, les Chiliens disent avoir appris des Canadiens et des Québécois sur le plan de l’organisation et du respect des objectifs. Elías Cabrera a souligné que les Chiliens devraient faire preuve de plus de responsabilité. Il rappelle que le CSN a décidé de cesser d’envoyer de l’argent au Chili parce que les agences recevant l’aide au Chili ne faisaient pas de rapports clairs sur l’utilisation des ressources et n’utilisaient pas l’argent pour les objectifs déterminés au préalable. Plusieurs ont reconnu qu’au niveau organisationnel, les Québécois tenaient des réunions relativement courtes et bien organisées, où des conclusions claires étaient tirées à la fin, un style de travail bien plus productif que des réunions « interminables » entre Chiliens.
Les Chiliens ont-ils apporté une contribution à leur nouveau pays ? Pour le comité Québec-Chili, le simple fait d’avoir la présence vivante des Chiliens sur le sol québécois représentait une contribution, car ceux-ci se souvenaient de la tragédie vécue au Chili à cause du coup d’État, laquelle constituait un avertissement pour rappeler aux travailleurs de la prendre en compte dans leurs luttes sociales et politiques. De plus, pour d’autres Québécois qui ont collaboré activement avec les militants chiliens, comme André Marcoux de la CEQ,
Les Chiliens ont apporté beaucoup à notre cause, notamment en ce qui concerne l’ouverture d’esprit des Québécois envers les personnes d’autres cultures. Ils nous ont amenés à être plus solidaires, à accepter l’autre, une attitude qui n’était pas courante à l’époque (années 1970). De plus, malgré leur désordre apparent, les Chiliens ont su s’organiser pour canaliser l’aide qu’ils recevaient des Québécois, ce que n’ont pas fait les autres réfugiés latino-américains[43].
Carlos Torres est du même avis, soulignant la contribution chilienne au développement par les Canadiens d’une attitude beaucoup plus large vis-à-vis du reste du monde, et ajoutant que le MIR a contribué à créer une mentalité combative, qui a appris « à ne pas se laisser écraser par les défaites passagères qu’ils pouvaient subir ». Paloma a une impression similaire, affirmant que les Chiliens du PCQ ont le mérite de rappeler que « la révolution est toujours importante, ils la voient juste avec moins d’urgence ». En fin de compte, pour Osvaldo Núñez, les Chiliens ont fait prendre conscience aux Canadiens d’une autre réalité, leur ont fait voir que les travailleurs d’autres pays n’avaient pas le même niveau de vie qu’eux, les sensibilisant à la nécessité de chercher des mesures pour transformer cette situation.
Aujourd’hui, la plupart des témoins arrivés à l’âge adulte, à l’exception de deux, continuent d’être actifs dans les partis politiques chiliens. Seuls deux d’entre eux sont rentrés au Chili, tandis que les autres sont demeurés au Canada, vivant parfois dans les deux pays une partie de l’année. Les jeunes militent dans les partis locaux, sans toutefois oublier le Chili, participant à des événements tels que la commémoration du coup d’État et s’inscrivant pour exercer le droit de vote lors des élections chiliennes. Ce dernier acquis constitue un élément important de la politique transnationale. Il fut le fruit d’une campagne internationale pour le droit de vote à l’étranger, pendant plusieurs années, par des Chiliens habitant dans divers pays, mais il n’aurait pas pu se concrétiser sans l’appui de gouvernement de la présidente Michelle Bachelet et de parlementaires de divers partis de centre et de gauche au Congrès chilien, qui ont voté en faveur de ce droit qui n’avait jamais existé[44].
D’autres militants au Québec ont pris fait et cause pour la défense des droits de l’ethnie des Mapuches ou la critique du projet minier Pascua Lama, dans le nord du Chili, qui menaçait l’environnement[45]. Ils jouent également un rôle important dans la politique locale, notamment dans la défense des programmes sociaux canadiens et québécois, la politique d’immigration, et dans les actions visant à influencer la politique internationale du Canada, notamment en la distanciant de la politique américaine. De la sorte, on peut affirmer que les militants chiliens au Québec continuent, à divers degrés, à s’intéresser à la politique de leur pays d’origine ainsi qu’à celle de leur pays d’adoption, en intégrant des éléments des deux mondes.
Appendices
Notes
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[*]
Cet article scientifique a été évalué par deux experts anonymes externes, que le Comité de rédaction tient à remercier.
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[1]
Ce texte est une version modifiée et mise à jour d’un article publié en espagnol dans Nuevos mundos-Nouveaux Mondes en mars 2012. Je suis reconnaissant à la revue de m’avoir autorisé à l’utiliser. Voir l’original sur http://nuevomundo.revues.org/63013.
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[2]
Ce cas est assez exceptionnel, car Rojas a subi une transformation idéologique totale en Suède : ancien partisan du MIR dans sa jeunesse, son expérience de vie dans ce pays l’a conduit à rejeter l’option de gauche, à militer dans le parti populaire libéral suédois et à devenir un très proche collaborateur du président Sebastián Piñera au Chili depuis 2013, occupant brièvement le poste de ministre de la Culture en 2018.
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[3]
José Del Pozo, Les Chiliens au Québec. Réfugiés et immigrants, de 1955 à nos jours, Montréal, Boréal, 2009.
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[4]
Miriam Tedeschi, Ekaterina Vorobeva et Jussi Jauhiainen, « Transnationalism : Current Debates and New Perspectives », Geojournal, vol. 87, no 4, avril 2022, p. 3 (notre traduction).
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[5]
Eva Ostergaard-Nielsen, « The Politics of Migrant´s Transnational Practices », International Migration Review, vol. 37, no 3, 2003, p. 665-690.
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[6]
Alejandro Portes, Luis Guarnizo et Patricia Landolt, « The Study of Transnationalism : Pitfalls and Promise of an Emergent Research Field », Ethnic and racial Studies, vol. 22, no 2, March 1999, p. 217-237.
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[7]
L’Unité populaire était l’alliance de partis qui soutenait le président Salvador Allende entre 1970 et 1973. Formée vers la fin de 1969, elle regroupait les partis socialiste (PS), communiste (PC), radical (PR), chrétiens de gauche (MAPU = Mouvement d’action populaire unitaire), et deux autres formations beaucoup plus petites, la sociale-démocratie (SD) et l’Action populaire indépendante (API).
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[8]
MIR : Mouvement de la gauche révolutionnaire, mis sur pied en 1965 par divers militants de la gauche, en particulier des dissidents du Parti socialiste (PS) et des trotskystes, déçus de la stratégie électorale de la gauche en vue de gagner le pouvoir. Le MIR n’a pas fait partie de l’Unité populaire, lui offrant plutôt un « soutien critique ».
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[9]
Le MAPU, créé en 1969 par d’anciens militants démocrates-chrétiens, s’était scindé en 1972 en deux ailes. Le groupe qui a gardé l’appellation MAPU, dirigé par Oscar Guillermo Garretón, s’aligna sur le PS et l’aile la plus radicale de l’UP, tandis que le MAPU-OC, dirigé par Jaime Gazmuri, se rapprocha du PC.
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[10]
Quelques titres de la bibliographie sur l’exil chilien en Europe : Diana Kay, Chileans in Exile : Private Struggles, Public Lives, Wolfeboro, Longwood Academic, 1987 (sur les Chiliens en Angleterre) ; Anne-Marie Gaillard, Exils et retours. Itinéraires chiliens, Paris, L’Harmattan, 1997 ; Nicolas Prognon, La diaspora chilienne en France : l’exil et le retour, Thèse de doctorat (histoire), Université de Toulouse-Le Mirail, 2002 ; Claudio Bolzman, Sociologie de l’exil : une approche dynamique. L’exemple des réfugiés chiliens en Suisse, Zurich, Seismo, 1996 ; Fernando Camacho Padilla et Anna-Karin Gauding, Una vida para Chile : la solidaridad y la comunidad chilena en Suecia, 1970-2010, Stockholm : Instituto de estudios latinoamericanos, 2010 (en suédois et en espagnol). Le témoignage de Carlos Orellana (Penúltimo informe. Memoria de un exilio, Santiago, Sudamericana, 2002) est riche en détail sur les activités intellectuelles des exilés, notamment ceux de la mouvance communiste.
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[11]
Groupe armé, nommé ainsi en hommage à Tupac Amaru, chef d’une grande révolte indigène au Pérou au XVIIIe siècle.
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[12]
Voir notamment l’article de Pedro Valdés Navarro, « Memoria de internacionalistas chilenos. Entramado conceptual y recuperación histórica. Apuntes para el debate », Izquierdas, no 38, febrero 2018 et l’étude de Javiera Olivares, Guerrilla. Combatientes chilenos en Colombia, El Salvador y Nicaragua, Santiago, Ceibo, 2017.
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[13]
Détails sur ce sujet dans El sol y la bruma (Santiago, Ediciones B, 2000), livre-entrevue à Jaime Gazmuri, secrétaire général du MAPU-OC, qui est resté clandestinement au Chili. Dans un autre livre de mémoires, Feeding on Dreams : Confessions of an Unrepentant Exile (New York, Hartcourt, 2011), l’écrivain Ariel Dorfman, aussi militant du MAPU-OC, donne certains détails sur les activités de solidarité aux Pays-Bas, destinées à financer la « résistance culturelle » contre la dictature.
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[14]
Ce point est crucial, car les partis de l’ancienne Unité populaire ne cherchaient nullement à redonner vie au processus socialiste au Chili, mais plutôt à recréer les conditions qui avaient permis à la gauche de se développer et constituer une alternative au pouvoir.
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[15]
Voir l’étude de Jorge Arrate et Eduardo Rojas, Memoria de la izquierda chilena, tome II, Santiago, Ediciones B, 2003, p. 258 et suivantes.
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[16]
Silvia Araya, qui avait été députée pendant l’UP, élue en représentation d’un tout petit parti, l’API (voir note 7) est arrivée à Québec en 1974. Dès le début, cependant, elle se consacra à la peinture, son activité professionnelle, devenant une artiste reconnue. Son activité politique étant extrêmement limitée, elle n’a pas été prise en compte dans cette étude. Elle est décédée à Marieville en août 2021.
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[17]
Guy Hermet et coll. (dir.), Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Paris, Armand Colin, 2010, entrée « Militantismes », p.186-187.
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[18]
Un très petit nombre de réfugiés, dont certains militants non inclus dans cette étude, sont arrivés entre octobre et décembre 1973.
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[19]
Voir son témoignage et celui de sa femme dans le présent dossier.
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[20]
Il convient de rappeler que la quasi-totalité des banques avait été nationalisée par le gouvernement Allende, par la voie d’achat des actions.
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[21]
Voir son témoignage dans le présent dossier.
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[22]
Nom de la coalition qui gouverna le Chili pendant vingt ans après la fin de la dictature, entre 1990 et 2010, formée entre autres par les partis démocrates-chrétiens, le PS et le PPD.
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[23]
Sur les Argentins, voir l’étude de Marina Franco, El exilio. Argentinos en Francia durante la dictadura, Buenos Aires, Siglo XXI, 2008. Sur les Uruguayens, voir Silvia Dutrénit (dir.), El Uruguay del exilio, Montevideo, Trilce, 2006. L’exil brésilien a été étudié par Denise Rollemberg, dans son livre Exílio entre raízes e radares, Rio de Janeiro-Sao Paulo, Editora Record, 1999. Tous ces ouvrages comportent des chapitres sur l’activité politique en exil, mais aucun n’inclut l’activité politique dans le milieu local ; toutes les activités étaient orientées en fonction de leurs pays d’origine.
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[24]
Sur les relations entre les chrétiens de gauche du Chili et du Québec, voir les articles de Foisy-Lefrançois et de Demers dans le présent dossier.
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[25]
Voir là-dessus l’article de Nikolas Barry-Shaw dans le présent dossier.
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[26]
José Del Pozo, op. cit., p. 213.
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[27]
Par la suite, divers autres organismes semblables ont été mis sur pied, dans les années 1990 et au XXIe siècle, sans toutefois avoir le même impact. À Québec, une organisation semblable a été mise sur pied en 1974, le Centre Pablo Neruda. Détails dans José Del Pozo, op. cit., et dans Roberto Hervas, Les organisations de solidarité avec le Chili à Montréal, Mémoire de maîtrise (histoire), Université du Québec à Montréal, 1996.
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[28]
Au Chili, ce terme désigne une activité festive, pouvant servir à récolter des fonds au service d’une cause.
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[29]
Le Chili d’Allende. Témoignages de la vie quotidienne, Montréal, Éditions coopératives Albert St-Martin, 1978.
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[30]
Cette observation est confirmée par le fait mentionné au début de cet article, soit que les dirigeants chiliens de haut niveau ont préféré passer leurs années d’exil en Europe ou au Mexique.
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[31]
« Les Chiliens pour le Oui », Le Devoir, 5 mai 1980, p.10, lettre signée par cinq personnes.
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[32]
Ce rapprochement, auquel ont participé d’autres partis, a abouti à la formation de la Concertación, alliance qui a gagné la première élection après la dictature, en décembre 1989, et a exercé le pouvoir jusqu’en 2010.
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[33]
Jorge Arrate et Eduardo Rojas, op. cit., p. 286 et suivantes. Le PC chilien se maintint cependant fidèle à l’URSS jusqu’à la fin du régime. Parallèlement, le PC adopta la stratégie de la lutte armée contre la dictature.
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[34]
Jaime Llambías-Wolff, « Après sept ans d’exil, être Chilien au Québec », Le Devoir, 23 septembre 1980.
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[35]
José Del Pozo, « La participación política de los latinoamericanos en la provincia de Quebec : el caso de los chilenos », dans Jorge Ginieniewicz et Daniel Schugurensky (éd.), Ruptures, continuities and Re-learning. The political participation of Latin Americans in Canada, Toronto, Institute for Studies in Education, 2006, p. 55.
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[36]
« Le Chili parviendra au socialisme, dit Couture », La Presse, 12 septembre 1979.
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[37]
José Del Pozo, op. cit., p. 192.
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[38]
Clément Trudel, « Des centaines de Latino-Américains bataillent pour le OUI », Le Devoir, 21 et 22 octobre 1995, p. A-7. Parmi les principaux porte-parole de cette mouvance figuraient deux Chiliens, Juan José Fernández et Inés Monreal.
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[39]
On peut rappeler que ce rassemblement de groupes politiques s’est fusionné plus tard avec le parti Option citoyenne de Françoise David, donnant lieu à la création de Québec solidaire, en 2006.
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[40]
Le témoin n’a pas précisé ses raisons. On ne peut que spéculer : peut-être un traumatisme vécu au Chili, qui la poussait à oublier son pays d’origine ?
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[41]
HMU, « Jaime Llambías, candidato del NPD por St-Denis, conversa con EL CORREO », El Correo, no 50, octobre 1988, p. 9.
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[42]
Déclaration faite en entrevue, dans José Del Pozo, op. cit., p.192-193.
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[43]
José Del Pozo, op. cit., p. 213.
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[44]
Le droit de vote à l’étranger a été accordé aux Chiliens de l’extérieur en 2017. Ce droit est tout de même restreint, car applicable seulement aux élections présidentielles et aux référendums. Il ne s’applique pas aux élections parlementaires, et aucun député ne représente les Chiliens de l’extérieur.
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[45]
Ce projet était mené par l’entreprise canadienne Barrick Gold, de Toronto. Après de longues années de discussion avec les autorités chiliennes et des groupes écologistes , il a été abandonné en 2022.