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Je suis né en 1946, à Santiago. Mon père, un simple travailleur avec peu d’éducation, est mort quand j’avais seulement 17 ans. Il avait été témoin de plusieurs répressions contre la classe ouvrière dans les salitreras[2] du nord du Chili. J’ai commencé à militer au Parti socialiste (PS) en 1964, d’abord à titre de dirigeant de la Jeunesse socialiste et, plus tard, du parti. J’ai aussi participé aux campagnes électorales de Salvador Allende : celle de 1964, qu’il a perdue, et celle de 1970, l’élection de la victoire.
Au moment de l’élection, je travaillais comme préposé et assistant technique à l’Hôpital clinique de l’Université Catholique. J’occupais aussi un poste de dirigeant syndical. J’ai participé à la grande réunion connue comme le claustro universitaire, qui marquait le début de la réforme universitaire[3], présidée par le cardinal Raúl Silva Henríquez, rassemblant notamment des représentants étudiants et des travailleurs. Jaime Guzmán, le futur idéologue de Pinochet, s’opposait à ma présence, affirmant que les gens de gauche comme moi n’avaient pas leur place à l’université, mais le cardinal n’a pas donné suite à sa demande[4]. Néanmoins, les secteurs les plus à droite de l’université ont réussi plus tard à m’éloigner de l’hôpital. En 1971, j’ai renoncé à mon poste et j’ai commencé à travailler à la Distribution nationale d’aliments (DINAC, selon l’acronyme chilien). Dans mon nouveau milieu, j’ai été élu membre du Conseil d’administration. En plus, j’agissais comme responsable du PS dans l’entreprise. Cela a constitué une belle expérience, puisque c’était l’époque où les problèmes de distribution d’aliments ont commencé à s’aggraver et que nous devions faire notre possible pour assurer le ravitaillement des produits essentiels pour la population dans le Grand Santiago, ainsi que dans tout le pays, afin de contrer le marché noir créé par l’opposition. Dans mon travail, j’ai fait la connaissance du général Alberto Bachelet (le père de Michelle, la future présidente du Chili), qui occupait le poste de secrétaire de la DINAC. Après le coup, nous avons fait de la prison ensemble, où il est mort des suites de la torture.
Le coup d’État du 11 septembre 1973
Le 11 septembre me semblait au départ un jour comme tous les autres : agité, intense, et beaucoup de boulot à faire sur tous les fronts. À 7 h 30, je m’apprêtais à partir vers mon lieu de travail lorsque j’ai reçu un appel téléphonique d’Eric Merino, me demandant si je savais ce qui se passait. Je lui ai répondu que selon Radio Cooperativa, qui appartenait à notre parti, des navires de la marine de guerre avaient quitté le port de Valparaiso, vers la haute mer, mais qu’il ne fallait pas s’en inquiéter, que c’était une action normale[5].
En chemin vers l’entreprise avec ma moto, j’ai traversé l’Alameda (principale avenue de Santiago) et j’ai alors vu des avions Hawker Hunter qui volaient presque au ras du sol. J’ai compris qu’on était foutus. Le parti nous a informés qu’il s’agissait de la manoeuvre annonçant que le coup, le vrai, et non pas juste la tentative d’un groupe[6], avait commencé.
À mon arrivée à la DINAC, située en plein centre-ville, au coin des rues Huérfanos et Teatinos, vers 10 heures du matin, la confusion la plus totale régnait. On a improvisé une réunion, lors de laquelle on a commencé par demander aux camarades de rester calmes, car nous n’étions pas exactement au courant de l’ampleur des faits. Je suis allé au Comité central du Parti, situé au centre-ville, afin d’obtenir de plus amples informations et pour savoir ce que l’on devait faire des camions remplis d’aliments devant être distribués. J’y ai retrouvé seulement le camarade Valenzuela, chargé de surveiller le local. Il m’a informé que le Parti devait passer dans la clandestinité. Les autres camarades étaient partis. Tous les meubles et les bibliothèques avaient été vidés. Je suis allé vers un autre local du Parti, mais je n’ai rencontré que quelques camarades que je connaissais peu. L’un d’eux m’a dit de rester calme, car le président Allende pouvait contrôler la situation, ce qui m’a beaucoup fâché, étant donné que je savais que le palais présidentiel subissait l’attaque des militaires.
De retour dans l’entreprise, nous avons décidé, suivant les directives préétablies, que nous devions faire les livraisons afin d’apporter les aliments aux camarades des Cordones[7] du sud de Santiago qui, en principe, devaient être en train de faire face à l’ennemi, ou encore de les distribuer dans les poblaciones[8]. Nous avons vite constaté que les camions avaient disparu : d’autres camarades les avaient pris. En même temps, un groupe de camarades uruguayens qui travaillaient dans l’entreprise se sont présentés, cherchant conseil. Nous leur avons suggéré de se chercher un lieu sûr en dehors de l’entreprise ; c’est tout ce qu’on pouvait leur dire[9].
J’ai donné l’ordre de quitter les lieux. Mais lorsque nous avons voulu sortir, nous nous sommes retrouvés face aux militaires lourdement armés, qui encerclaient l’édifice. Forcés de revenir sur nos pas, nous avons décidé d’aller dans les bureaux et de vérifier s’il y avait encore des papiers compromettants, tâche qui m’incombait personnellement, car j’avais le rôle de coordonnateur du Parti pour l’ensemble du pays.
Les militaires ont commencé à tirer sur les édifices, nous obligeant à nous coucher par terre. Nous avons entendu, grâce à un appareil radio, un appel de la Centrale unique des travailleurs (CUT) nous disant de ne pas quitter nos lieux de travail et de nous préparer à résister sur place. Plus tard, nous avons considéré que cet appel avait été une grave erreur, car nous n’avions pas les moyens de nous défendre.
Nous avions tous peur, car les militaires tiraient sur nous par rafales. J’ai proposé aux camarades de sortir de là par le sous-sol qui reliait l’entreprise à un cinéma adjacent, le Toesca. Quelques-uns ont accepté de me suivre. Mais en arrivant à la porte de sortie, plusieurs avaient peur de s’aventurer dans la rue. Seulement deux camarades m’ont suivi : une jeune femme de 20 ans, Edith, et el chico (le petit) Toledo. Nous nous sommes dirigés vers l’endroit où j’avais laissé ma moto, au coin des rues Compañía et Huérfanos, mais il était impossible de s’en approcher, car des militaires s’y trouvaient et tiraient contre le siège du Parti communiste (PC) situé précisément à cet endroit.
Nous n’avons eu d’autre choix que de marcher le long de la rue Santa Rosa, afin de nous éloigner du centre-ville et d’atteindre les entrepôts, situés à une bonne distance dans le sud de la ville. Le parcours fut dangereux, long et ardu, car nous devions esquiver les groupes de militaires qui circulaient partout. J’ai perdu de vue le camarade Toledo et j’ai appris plus tard qu’il avait été assassiné chez lui. Nous sommes enfin parvenus à l’entrepôt Bodega Manchester, situé entre les rues San Joaquín et Santa Rosa. Il était environ 14 heures. Edith a pu regagner son domicile. Quelques mois plus tard, elle a réussi à se réfugier à l’ambassade italienne.
Je me suis dirigé vers un autre entrepôt, Bodega Santa Rosa, dans lequel étaient emmagasinés tous les aliments qui devaient être acheminés vers les provinces du pays. Il y avait beaucoup de travailleurs, en majorité des femmes. Personne ne savait quoi faire. J’ai dit aux femmes de rentrer à la maison, et j’ai fait de même avec le restant du personnel, à l’exception des gardiens de sécurité. Nous avons entendu que les militaires allaient établir le couvre-feu[10], mais il n’était pas clair à partir de quelle heure : certains prétendaient qu’il commencerait à 15 heures, mais nous avons appris par la suite que ce serait plutôt à 18 heures. Certains camarades ont proposé de tout brûler, aliments et camions, mais grâce à mon intervention, cette idée insensée n’a pas été mise à exécution.
Un camarade avait localisé un endroit pour garder les camions, ce que nous avons fait le plus rapidement possible. Nous nous sommes ensuite séparés. Accompagné du camarade Javier Nilo, je suis parti dans une ambulance stationnée dans une rue voisine. Nous nous sommes procuré des vêtements appropriés : je me suis habillé en médecin et une camarade enfila un uniforme d’infirmière. Nous voulions rejoindre quelqu’un de la direction du Parti. Nous avons été interceptés deux fois par des militaires, une patrouille de la Force aérienne et une autre des carabineros[11], mais ils nous ont tous laissés passer. J’ai seulement pu communiquer avec un camarade socialiste, Félix Mora, qui m’a informé que finalement, tous les travailleurs avaient pu quitter l’entreprise grâce à l’intervention du colonel Juan Daischler, qui y travaillait depuis le mois de février. Je suis enfin rentré chez moi, afin de vérifier mes papiers et d’éliminer tout ce qui pouvait être compromettant. Ce soir-là, un hélicoptère a d’ailleurs mitraillé ma maison. C’est ainsi que la journée du 11 septembre s’est déroulée.
L’après-coup : mon arrestation
Le lendemain du coup, le 12 septembre, le camarade Eric Merino est venu chez moi. Il m’a raconté avoir combattu, avec d’autres camarades, à l’entreprise Indumet, prise d’assaut par les militaires. Ce fut l’un des rares endroits où les travailleurs avaient offert une résistance armée.
Les jours suivants furent agités. Nous avons été forcés de rendre aux militaires les marchandises encore entreposées par la DINAC. Avant cela, nous en avions distribué une partie aux habitants du secteur sud, pour venir en aide aux camarades qui étaient dans le besoin. Ayant appris que le sénateur Carlos Altamirano et d’autres dirigeants étaient en mauvaise posture, j’ai proposé de vendre certains outils et matériaux qui restaient cachés, entre autres des pneus neufs, estimant que cela nous permettrait d’obtenir une somme d’argent intéressante pour les aider. Mais lorsque nous sommes allés chercher ces produits, nous avons appris que tout avait été volé par ceux qui étaient chargés de les garder.
Le 13 ou le 14 septembre, le couvre-feu avait été levé pour quelques heures. J’ai appris avoir eu l’honneur (assez douteux) d’avoir été nommé dirigeant du Parti pour toute la région sud de Santiago. En plus, on m’a annoncé que mon domicile était désormais considéré comme un lieu sûr (casa de seguridad) et, de fait, une réunion du Parti fut organisée chez moi. Juan Ferrada, un dirigeant du PS, y est d’ailleurs resté plusieurs jours avec moi.
Le 27 septembre, je suis allé à l’entreprise afin de récupérer mes papiers, puisque l’on m’avait congédié, tout comme des centaines d’autres camarades. Dès mon arrivée, on m’a cependant détenu et amené au quartier général de la police (Investigaciones), sans aucune explication. J’y ai été bien traité. On m’a dit qu’il s’agissait seulement d’un avertissement, qu’on me demandait de me tenir tranquille et de ne pas me réunir avec mes camarades à l’intérieur de l’entreprise. Je fus ensuite libéré. J’ai reçu par la suite des avertissements de la part des camarades du Parti, me suggérant de quitter le pays, ce que je n’étais pas disposé à faire. J’ai ensuite réussi à me réunir avec des camarades du Parti et de l’entreprise sur un terrain de soccer, dans l’espoir de réorganiser le Parti.
Le 13 octobre, tout cela s’est écroulé. Ce jour-là, Juan Ferrada est venu chez moi. Félix Mora était censé nous rejoindre, mais il ne se présenta pas à l’heure convenue. Soudainement, des hommes en civil du Service d’intelligence des carabineros, portant des armes, ont encerclé la maison. J’ai suggéré à Ferrada de prendre la fuite en sautant par-dessus le mur qui communiquait avec la maison d’en arrière. Il jouait un rôle plus important que moi dans l’organisation du Parti et il fallait éviter son arrestation. Les hommes sont entrés, me pointant avec des mitrailleuses. Ils m’ont ensuite amené à un camion stationné près de chez moi. À l’intérieur, j’ai aperçu Félix Mora. Il m’a dit qu’il avait été forcé d’accompagner les militaires à la recherche des camarades et des armes qui étaient, disait-on, en la possession de la DINAC.
Nous avons été amenés au poste de police de la 3e Comisaría de Santiago, rue San Pablo. Mora et moi étions menottés. On nous a fait la lecture de diverses accusations, presque toutes portant sur les postes que nous occupions au sein du Parti et du syndicat. J’ai reconnu certains des faits qui nous étaient reprochés, d’autres non. Après cela, Mora a été conduit dans une autre pièce et j’ai eu droit à la première séance de torture : des coups de pied dans les reins et dans le dos, qui m’étaient assenés pendant que j’étais par terre. Cela a duré environ une heure et demie. Par la suite, j’ai été amené dans un cachot, où se trouvaient Mora et deux autres camarades, Sergio Fuentes et Patricio Ferrada. Ils étaient terrorisés et craignaient la tombée de la nuit, car on leur avait dit qu’ils seraient alors tués.
Vers 20 heures, on nous a fait sortir du cachot pour nous conduire, nous a-t-on dit, au Stade national. Mais pendant que nous attendions le véhicule qui nous y conduirait, un officier des carabineros a donné l’ordre de me ramener au cachot. Vers minuit, j’ai été de nouveau torturé pendant deux heures, cette fois-ci à l’électricité. L’électricité avait un effet paralysant et j’ai perdu connaissance à deux reprises avant qu’un médecin me réanime avec des massages cardiaques. On me posait la même question à répétition : où sont les armes ? Où se cachent Carlos Altamirano[12] et Arnoldo Camus ? Après cela, j’ai été conduit dans une cour, où l’on m’a soumis, les yeux bandés, à un simulacre d’exécution.
Le lendemain, vu la condition physique précaire dans laquelle je me trouvais, on ne m’a pas torturé de nouveau. J’ai été conduit au Cuartel general de Investigaciones, où j’ai dû signer un document dans lequel je déclarais avoir été bien traité, et ce, même si je devais m’appuyer sur deux carabineros pour pouvoir me lever et marcher.
Mon nouveau lieu de détention était un sous-sol où j’ai retrouvé plusieurs connaissances. Il fallait dormir sur le sol. Au milieu, il y avait un petit meuble en bois sur lequel on installait les camarades qui étaient les plus mal en point. Nous n’avons rien reçu ni à manger ni à boire, même pas un peu d’eau.
J’ai ensuite subi une autre séance d’interrogatoire. Elle a été heureusement moins dure que la précédente : seulement des coups à la tête. L’enquêteur qui me posait des questions semblait drogué, hurlait et me criait des conneries, m’accusant d’être de ceux qui voulaient assassiner les familles des policiers. Comme je n’avais rien à avouer qui pourrait compromettre des camarades, j’ai décidé de lui décrire l’organisation interne du Parti. Cette information avait déjà été rendue publique dans la presse quelques jours avant le coup d’État, mais j’ai pensé qu’il était possible qu’il ignorât cette information. Mon coup de dés a fonctionné et il a rempli quatre feuilles contenant ma « collaboration ». En guise de remerciement, il m’a donné quelques coups à la tête et m’a ramené au sous-sol.
Pendant toutes ces séances de tortures, je me rappelle avoir eu une pensée qui me hantait : qui va informer ma mère au sujet de ma mort ? Et lorsque j’ai subi le simulacre d’exécution, je pensais crier, au dernier moment « Vous êtes des traîtres ! Vive le PS ! » Je n’ai heureusement rien dit, car ils n’ont pas tiré sur moi. Mais ils ont continué à me frapper jusqu’à me faire perdre connaissance.
Au Stade national[13]
Le jeudi 18 octobre, j’ai été transféré au Stade national avec mon ami et camarade Manuel Riquelme. Pendant le trajet, ceux qui nous conduisaient nous ont souhaité bonne chance et nous ont dit de rester tranquilles, car d’après leurs informations, nous serions nourris. Et ils ont ajouté que les séances de torture étaient peu fréquentes. Dès notre arrivée, nous avons constaté que ces prédictions étaient en grande partie vraies. Ceux qui, comme moi, avaient déjà été torturés, n’ont pas eu à vivre la même expérience, contrairement aux nouveaux détenus, qui ont été malmenés dès leur arrivée. On nous a donné du lait et du pain, et j’ai reçu une couverture dans la pièce qui me servait de prison, qui était en réalité l’un des vestiaires utilisés en temps normal par les sportifs. Des étrangers qui étaient détenus nous ont expliqué que ceci avait été rendu possible grâce à l’intervention de l’Église catholique et de la Croix rouge internationale.
Durant mon séjour au Stade, qui s’est prolongé durant un mois, j’ai rencontré toute sorte de personnes. Il y avait des personnalités connues, telles que le journaliste Manuel Cabieses, le chansonnier Ángel Parra, Luis Alberto Corvalán, fils du secrétaire général du Parti communiste (PC), ainsi que des dirigeants de divers syndicats. Et j’ai eu la joie de retrouver mon ami Patricio Ferrada, ce qui m’a beaucoup ému. Il m’avait cru mort. Ensemble, nous avons partagé beaucoup de moments de notre existence quotidienne au Stade, dont le triste spectacle de voir des camarades partir pour être torturés, et de les voir revenir en piteux état.
Les journées étaient ennuyeuses, interrompues par les appels pour signaler ceux qui devaient se rendre à des séances d’interrogatoires. Nous nous amusions à faire des prédictions sur le nombre de personnes qui pouvaient être libérées : aujourd’hui 200, non, seulement 100, ou 500. Pendant le jour, nous pouvions nous promener dans les tribunes du stade. À une occasion, Patricio et moi avons aperçu Félix Mora en train de recevoir un colis envoyé par la Croix rouge. Nous avons parlé avec lui et nous lui avons demandé de nous expliquer ce qu’il avait dit sur nous durant les interrogatoires. Il a affirmé n’avoir nommé personne et s’est éloigné rapidement. Nous n’en avons pas cru un mot, car c’était vraisemblablement lui qui avait guidé les militaires jusque chez moi, et qui avait fait la même chose avec le camarade Riquelme.
Un soir, vers 22 heures, deux militaires sont entrés dans le vestiaire où se trouvaient environ 70 hommes, hurlant qu’ils avaient besoin de trois volontaires. J’ai été l’un des élus. Je n’avais pas le choix et je les ai suivis, mais j’avais très peur. Nous ne pouvions pas savoir ce qui nous arriverait ; parfois, un détenu sortait et ne revenait jamais. Finalement, ils attendaient de nous (nous étions environ une vingtaine) que nous passions tout simplement le balai dans une section du Stade. Le sous-officier qui nous dirigeait, un homme d’une cinquantaine d’années, nous a bien traités. J’ai même entamé une conversation avec lui, car j’ai eu l’impression qu’il avait envie de parler. Il m’a expliqué qu’il habitait à Arica (très loin de Santiago, sur la frontière avec le Pérou) et qu’il était sans nouvelles de ses trois enfants et de sa femme depuis qu’il avait eu l’ordre de se rendre à la capitale. Il m’a dit que, dans un sens, sa situation était pire que la nôtre : au moins, a-t-il affirmé, nos familles savaient que nous étions ici, alors que ce n’était pas son cas. Ceci m’a ému et m’a fait penser que les militaires n’étaient pas tous des assassins et des tortionnaires.
Lorsque je regarde en arrière, la description de cet épisode n’est pas facile : le Chili sous la domination des militaires, la préoccupation, jour après jour, de savoir si ton nom apparaîtrait ou non sur les listes de ceux qui étaient libérés, voir les camarades plus âgés réconforter ceux qui étaient malades ou torturés, et ressentir certaines choses si difficiles à avouer, comme la satisfaction de constater que je n’étais pas parmi ceux qui avaient été frappés le plus durement. Malgré nos souffrances, très peu de détenus ont été brisés. Nous gardions espoir que cette situation serait passagère et que nous serions en mesure de reconstruire le Parti, de faire face à la dictature et de récupérer les libertés perdues. Nous discutions de nos erreurs politiques, notamment celle de ne pas avoir compris ce que représentaient vraiment la droite politique et les militaires.
Avec Patricio, nous causions de tout. Pendant toute la journée, nous nous racontions notre vie, ce que nous avions fait dans l’entreprise, et la manière dont les militaires nous avaient trompés. Entre nous s’est forgé plus qu’une amitié : nous étions devenus des frères. Nous apprenions des histoires sur nos tragédies familiales. J’ai essayé de ne pas penser à mes deux enfants, Javier, âgé de 6 ans, et Alejandro, d’à peine 6 mois. J’essayais de ne pas me briser, mais ce fut une période qui a laissé des traces durables en moi. Ma famille savait que j’étais détenu au Stade, mais je n’ai jamais été autorisé à recevoir des visites.
Un soir du mois de novembre, nous avons reçu l’ordre de ramasser toutes nos choses, vêtements et couvertures, et de nous rendre sur la pelouse. Là, nous avons attendu, assis devant l’inconnu. Des officiers se sont pointés et, à l’aide d’un mégaphone, nous ont annoncé que des groupes de 50 hommes seraient dirigés vers d’autres destinations. Nous avons essayé de deviner laquelle : l’île Dawson[14] ? Serions-nous expulsés du pays ? Les premiers nommés, des dirigeants connus, ont appris qu’ils seraient envoyés vers le nord du Chili, à Chacabuco[15], et un autre groupe fut destiné à la prison de Santiago. Lorsque mon nom a été annoncé, à ma surprise, on m’a renvoyé au vestiaire. Personne n’a pu dormir ce soir-là, devant l’angoisse d’un futur incertain. Le lendemain, vers midi, on m’a annoncé que je serais transféré à la Penitenciaría[16] de Santiago, en tant que prisonnier de guerre.
L’année 1974 et mes trois prisons
C’était le début d’une nouvelle étape dans mon périple de détenu, qui allait durer un an, jusqu’à la fin de l’année 1974. J’ai d’abord été à la Penitenciaría durant deux mois, jusqu’en janvier 1974. Je fus ensuite envoyé à la prison de Santiago, où je fus interrogé par le juge militaire Fernando Torres[17], qui allait devenir l’un des dirigeants les plus connus de la répression. Il m’a interrogé plusieurs fois, toujours en voulant savoir quelle position j’occupais dans le parti et si j’avais des informations sur les hautes instances de l’organisation. J’ai toujours affirmé que j’étais un militant récent, que j’avais adhéré au Parti afin de trouver un emploi et que mon action s’était limitée au syndicat. Il m’a fait garder incommunicado[18] pendant dix jours, ce qui a été une étape très dure. Je fus ensuite transféré vers une section destinée à garder les « prisonniers de guerre ». On nous gardait par groupes de 7 ou 8, entassés dans des cellules de 4 mètres par 6, de 17 heures le soir à 7 heures le matin suivant, privés d’eau et de services hygiéniques.
En juin 1974, j’ai finalement été transféré à Capuchinos[19]. Les conditions de détention y étaient bien meilleures. Nous n’étions pas entassés, il y avait même des chambres pour deux personnes, ce qui était un luxe ! Il y avait une cour où l’on pouvait jouer au basketball, des tables de ping-pong et un salon avec une télévision. De plus, il y avait des ateliers pour la pratique de divers métiers. J’y ai appris à fabriquer des sacs et des sandales pour femmes, qui étaient par la suite vendus par des membres de ma famille, ce qui leur procurait un certain revenu. Nous pouvions recevoir des visites, non seulement de ma famille, mais aussi de personnes en lien avec le PS, comme Laura Allende, la soeur du président, qui est venue plusieurs fois nous donner des nouvelles du Parti. Nous avions aussi droit à la visite des avocats du Comité Pro Paz[20] qui essayaient de nous défendre. Nous savions que depuis un certain temps la liste de tous les détenus circulait à l’international, et que des organisations liées aux Nations unies étaient informées sur notre sort. Tout cela nous réconfortait, car nous nous sentions protégés, du moins jusqu’à un certain point.
En décembre 1974, je fus de nouveau interrogé par le juge Torres, qui me posait toujours les mêmes questions, convaincu que j’étais quelqu’un d’important dans le Parti. Comme je persistais à le nier, il m’a enfin autorisé à rentrer chez moi, mais sans pouvoir sortir de mon domicile (arresto domiciliario). Il m’a dit qu’il savait que je ne lui disais pas la vérité, et que je pouvais être détenu de nouveau et interrogé à n’importe quel moment. Mon Parti a commencé à insister pour que je quitte le pays. Au début, je ne voulais rien savoir de cette idée, mais je commençais à craindre qu’une nouvelle arrestation puisse se terminer par ma disparition, comme les autres détenus-disparus dont nous commencions à parler. J’ai alors décidé, en janvier 1975, de demander la protection de l’ambassade italienne. Pour y accéder, il a fallu que je saute le mur qui l’entourait, choisissant un moment où les carabineros qui gardaient l’édifice, en plein été austral, étaient à moitié endormis par la forte chaleur du mois de janvier. Quand je me suis exécuté, on m’attendait de l’autre côté et des amis m’ont saisi dans le haut du mur pour m’aider à compléter mon exploit. Une fois à l’intérieur, j’ai dû attendre trois mois avant d’obtenir de la dictature le sauf-conduit permettant de me rendre à l’aéroport pour quitter le pays. Sans le mandat de mon Parti et du conseil de ma mère, qui m’a dit « je préfère te voir loin et vivant plutôt que proche et mort », jamais je n’aurais quitté mon pays.
De l’Italie au Canada
L’Italie devait être un lieu de transit vers la Roumanie, ma destination finale. Mais à cause de la bureaucratie, le visa roumain ne me fut jamais accordé, et je suis resté un an en Italie. On m’a logé dans un hôtel pendant les premiers mois et j’ai consacré la plupart de mon temps à reprendre les activités du Parti, à parcourir le pays, participant à des réunions lors desquelles nous demandions aux Italiens la solidarité avec le Chili. Au bout de six mois, par des contacts politiques, j’ai obtenu un emploi dans une petite ville située dans la province de Caserta, près de Naples. On m’a embauché comme infirmier dans l’hôpital local, grâce au fait que j’avais suivi un cours dans cette spécialité au Chili, en 1968. Mon salaire était assez maigre, mais je recevais de l’aide des camarades du Parti et des gens de la région, qui me faisaient cadeau de bouteilles de vin. Un professeur d’université qui sympathisait avec les réfugiés chiliens m’a loué un appartement assez spacieux, et meublé. Grâce à cela, j’ai pu faire venir mon épouse et mes deux fils.
Mais le gouvernement italien ne voulait pas nous garder indéfiniment et les Nations unies m’ont finalement aidé à être accepté au Canada (on m’avait aussi offert la possibilité d’aller en Norvège ou en Australie). Comme je ne voulais pas quitter l’Italie, je suis allé à reculons à l’ambassade canadienne. Lors de l’entrevue, je n’ai montré que peu d’intérêt pour cette opportunité qui m’était offerte. Les fonctionnaires voulaient me destiner à Calgary, me disant que je pourrais gagner beaucoup d’argent là-bas. J’ai répondu que l’argent ne m’intéressait pas et que si j’allais au Canada, je préférais le Québec comme destination. Si j’ai mentionné cette idée, ce n’était pas parce que je souhaitais vivre en français, mais plutôt pour leur faire sentir que leurs arguments ne m’intéressaient pas (« por dar la contra »). Je ne connaissais à peu près rien du Canada et de ses différences internes. Malgré tout, les fonctionnaires de l’ambassade m’ont accepté et j’ai pu partir avec ma famille vers Montréal, en mai 1976. J’ai voyagé avec des documents d’identité de l’ACNUR (acronyme en espagnol du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés), car je n’avais toujours pas de documents chiliens. Lorsque, plus tard, j’ai reçu un passeport chilien, il était marqué avec la lettre « L », ce qui m’empêchait de rentrer dans mon pays d’origine[21]. C’est seulement en 1990 que j’ai pu retourner au Chili et obtenir un passeport régulier, lorsque finalement mon nom est apparu dans les listes de ceux qui pouvaient rentrer. J’ai été l’un des derniers à recevoir cette autorisation, grâce aux appuis venus de l’extérieur, notamment du Pape.
Réflexion finale
Je pense que les trois années de l’Unité populaire ont constitué une belle expérience : en voyant autant de gens heureux et confiants d’un avenir meilleur, nous avions l’impression de faire partie d’un projet grandiose. Mais je me suis rendu compte, petit à petit, que nous n’étions pas prêts à suivre la voie que notre président nous ouvrait. Nous n’avons pas réalisé vraiment ce qui était en train d’arriver, nous ne saisissions pas la signification des mots comme réaction, impérialisme, lutte armée… Il y a eu beaucoup d’erreurs aussi, comme les occupations d’usines de façon indiscriminée, même lorsqu’il s’agissait de petits établissements sans importance pour l’économie. Nous n’avons pas cru que les militaires étaient capables de faire un coup d’État comme dans les autres pays de l’Amérique latine. Nos forces armées avaient une bonne image dans l’imaginaire populaire ; quelle erreur payée chèrement… Personne n’était préparé pour ce qui est arrivé le 11 septembre. Nous savions que quelque chose de grave se tramait, nous voyions qu’il y avait des préparatifs en ce sens, mais dans la gauche, il y avait une sorte d’aveuglement collectif. Le slogan d’Allende décrivant l’expérience de l’Unité populaire comme « la révolution avec du vin rouge et des empanadas » était une belle phrase ; mais le 9 septembre, le discours du sénateur socialiste Carlos Altamirano, disant que s’il y avait un coup d’État nous riposterions « en mettant le Chili à feu », m’a semblé ne pas coller à la réalité. Avec quels moyens allions-nous riposter ?
Aujourd’hui, je ne crois pas que l’expérience d’Allende puisse se répéter. Le projet capitaliste-néolibéral s’est imposé partout, autant au Chili qu’ailleurs. Les partis de gauche n’ont pas su comment affronter les nouvelles réalités. Mais tout n’est pas perdu, j’ai espoir que les nouvelles générations pourront être en mesure de faire les changements qui nous mèneront vers une société plus juste et démocratique. Il y a des principes du temps de l’Unité populaire qui demeurent justes et valables, comme l’idée de récupérer nos principales richesses et de bâtir une économie sociale.
Je n’oublierai jamais la torture, la prison, l’exil, la privation de ma nationalité, mon absence du Chili au moment du décès de ma mère, et l’assassinat de l’un de mes neveux. J’espère qu’un jour il y aura justice et reconnaissance pour tous ceux et celles qui ont subi la répression.
C’est la première et dernière fois que j’écris sur mon expérience personnelle. Cela n’a pas été facile ; personne ayant subi la torture ne peut en parler ouvertement, sauf si on se trouve parmi d’autres ayant vécu la même situation. Les blessures de la dictature ne disparaîtront jamais, mais je ne cherche pas la vengeance. J’espère seulement avoir un jour la justice, la vérité et, pourquoi pas, la réparation.
Appendices
Notes
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[1]
Militant socialiste, Elías Cabrera nous offre un récit poignant sur son vécu le jour du coup d’État et de ses longs séjours en prison, avant de sortir du Chili et d’aboutir au Québec, sans avoir cherché cette destination.
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[2]
On appelait ainsi les mines de nitrate, le principal produit d’exportation du Chili entre la fin du 19e siècle et le premier tiers du XXe siècle. Les grèves des ouvriers étaient souvent réprimées dans le sang.
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[3]
Processus de transformation des universités chiliennes, entamé en 1967, alors que pour la première fois de leur histoire les étudiants, les employés et les professeurs ont obtenu le droit de vote pour l’élection des autorités des institutions académiques.
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[4]
Professeur de droit à l’Université Catholique et membre du Conseil supérieur, Jaime Guzmàn bénéficiait donc d’un certain pouvoir institutionnel.
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[5]
En fait, ce n’était pas normal : il s’agissait du commencement du coup d’État, planifié par un groupe d’officiers de la Marine de guerre, dont l’amiral José Toribio Medina, futur membre de la Junte militaire, qui, selon ce que l’on a appris par la suite, avait pris dès le départ l’initiative de cette action.
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[6]
Cabrera fait ici référence au Tanquetazo, cette tentative de putsch réalisé le 29 juin 1973 par quelques officiers de rang moyen qui commandaient des blindés. Cette action, qui a coûté la vie d’une vingtaine de personnes, a échoué à la suite de l’intervention de l’Armée, car les généraux, à ce moment-là, y compris Pinochet, étaient encore fidèles au président, ou bien sentaient que le moment pour intervenir massivement n’était pas encore venu.
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[7]
Les cordones, ou cordons industriels, font référence à des organisations ouvrières de base, dont l’objectif était de coordonner les actions des travailleurs des industries situées dans certains quartiers de Santiago et dans d’autres villes chiliennes. Véritable symbole du pouvoir populaire sous la présidence d’Allende, les cordons industriels rassemblaient souvent les travailleurs de diverses industries qui se trouvaient à proximité l’une de l’autre. Dans l’ensemble, les cordons industriels encourageaient la prise de contrôle des manufactures par les ouvriers qui y travaillaient.
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[8]
Nom donné aux quartiers habités par des gens peu fortunés, situés généralement dans la périphérie des villes. Ces quartiers populaires naissaient très souvent à la suite d’occupations illégales de terrains par des groupes et des communautés de sans-logis et de paysans sans terre.
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[9]
Les ressortissants étrangers ont fait l’objet d’une intense répression, particulièrement les Uruguayens et les Brésiliens, car plusieurs d’entre eux avaient participé aux actions de la guérilla dans leurs pays d’origine.
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Toque de queda en espagnol. État d’exception qui pouvait être décrété par le gouvernement lors de situations pouvant menacer l’ordre public, comme les tremblements de terre et les émeutes graves. Il limitait les déplacements des personnes sur la voie publique, surtout la nuit, et pouvait aussi limiter d’autres libertés. Cette disposition légale existait depuis 1932.
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[11]
Nom donné aux policiers au Chili. Cette institution relève directement du gouvernement. Elle fut fondée en 1927 à la suite de la fusion de plusieurs corps policiers déjà existants, et a à sa charge la garde du président de la République. Le nom de carabineros vient du fait que les premiers membres portaient des carabines.
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[12]
Carlos Altamirano, sénateur et secrétaire général du PS, était très recherché par la police et les militaires, étant considéré comme l’un des dix hommes les plus dangereux pour le régime. Il avait souvent critiqué la confiance d’Allende envers la voie institutionnelle, déclarant qu’il fallait se préparer à la confrontation armée. Il a réussi à rester dans la clandestinité et à quitter le Chili, avec l’aide des services d’intelligence de l’Allemagne de l’Est.
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Le Stade national, principale enceinte sportive du Chili pouvant accueillir 60 000 spectateurs, a été transformé en une vaste prison pendant deux mois, entre la mi-septembre et la mi-novembre. On calcule qu’environ 7 000 personnes (dont un millier de femmes) ont été détenues pendant ce laps de temps. La grande majorité d’entre elles ont été torturées et au moins 47 ont été exécutées, sans procès. La plupart ont été relâchées après quelques jours ou semaines. Les derniers détenus ont été envoyés dans d’autres prisons, soit à Santiago ou dans des endroits éloignés du pays.
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[14]
Cette île est située à l’extrémité sud du Chili, dans une région au climat froid, humide et venteux. Sous Pinochet, on y a gardé des douzaines de hauts dirigeants de l’Unité populaire et d’anciens ministres d’Allende, les contraignant aux travaux forcés. Les détenus ont été expulsés du pays après environ un an, sans aucune accusation contre eux.
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[15]
Ancienne mine de salpêtre (nitrate), située en plein désert, transformée en camp de détention entre 1973-1975.
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C’est le nom de la plus ancienne prison de Santiago, construite en 1842. Dans la pratique, elle n’est pas différente des autres prisons de constructions plus récentes.
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[17]
Fernando Torres joua un rôle clé dans l’organisation des Conseils de guerre, entre 1973 et 1975, étant responsable de la condamnation (parfois à mort) d’un grand nombre de prisonniers, qui disposaient de moyens dérisoires pour leur défense. Plus tard, il dirigea la répression contre les organisateurs de l’attentat contre Pinochet, en 1986. Après la dictature, il fut responsable de diverses opérations illicites pour cacher la vérité sur les crimes commis sous Pinochet. Il fut jugé et condamné à 10 ans de prison en 2015. Il est décédé en 2021.
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[18]
Au secret, sans possibilité de communiquer avec l’extérieur.
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Nom d’un établissement carcéral aménagé dans un ancien couvent de l’ordre des Capucins, traditionnellement utilisé pour garder les détenus ayant commis des délits non violents, généralement de nature économique.
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Organisation mise sur pied peu après le coup d’État par des représentants des Églises catholique, luthérienne et juive, pour venir en aide aux détenus et aux autres victimes de la dictature. À la fin 1975, il fut remplacé par la Vicaría de la Solidaridad, qui dépendait directement de l’archevêque de Santiago, le cardinal Raúl Silva Henríquez.
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[21]
On ne connaît pas le nombre exact de personnes frappées de cette interdiction, qui s’appliquait à celles considérées dangereuses par la dictature. Selon certaines estimations, il peut y avoir eu 3 000 cas, parsemés autour du monde. Parfois, le « L » était ajouté à un passeport durant la dictature, à la suite d’une recommandation d’un consul ou d’un ambassadeur qui collectait des informations sur les agissements des exilés et en informait les autorités chiliennes. La dictature a annoncé la fin de l’exil en 1987. Des centaines de personnes ont pourtant dû attendre deux ou trois ans avant de pouvoir rentrer au pays.