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Claude La Charité, L’invention de la littérature québécoise au XIXe siècle, Montréal, Septentrion, coll. « Aujourd’hui l’histoire », 2021, 159 p.[Record]

  • Louis-Serge Gill

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  • Louis-Serge Gill
    Collège Laflèche, Trois-Rivières

Éditée depuis 2019 chez Septentrion, la collection « Aujourd’hui l’histoire » réunit certaines chroniques radiophoniques d’intervenants de l’émission éponyme sur les ondes d’ICI Première. Le mandat de la collection ne saurait donc être plus clair : rendre accessible une somme de connaissances sur des sujets parfois pointus et sur lesquels l’essentiel des informations demeure dans des ouvrages savants réservés aux étudiants et aux chercheurs. En ce sens, il faut saluer l’initiative de recueillir sous le titre L’invention de la littérature québécoise au XIXe siècle quelques-unes des chroniques radiophoniques tenues ces dernières années autour de cette thématique par Claude La Charité. Le professeur à l’Université du Québec à Rimouski, spécialiste de l’humanisme de la Renaissance et de la littérature québécoise du XIXe siècle, en plus d’être nouvelliste et romancier, propose une « introduction à la période qui marque l’émergence d’une nouvelle littérature nationale, avec ce que semblable invention suppose d’effervescence, de débats, de divergences de vues, de propositions audacieuses ou conventionnelles, vouées à un long avenir ou sans lendemain » (p. 7). Ainsi, sans que l’auteur prétende à l’exhaustivité, la présentation de « personnages hauts en couleur, entre originaux et détraqués » (ibid.), référence au titre du recueil de contes de Louis Fréchette paru en 1892, lui permet d’explorer cette « exceptionnelle diversité, sur le plan aussi bien politique qu’esthétique, à mille lieues de l’idée toute faite voulant que le XIXe siècle ait été uniformément conservateur, à l’image de sa littérature réduite aux contes et légendes ou au roman du terroir » (p. 8). L’ouvrage de vulgarisation se divise en quatre parties regroupant deux ou trois chapitres, chacun introduisant une oeuvre particulière ou une trajectoire d’écrivain, soit « Premiers essais romanesques » (L’influence d’un livre de Philippe Aubert de Gaspé fils et La terre paternelle de Patrice Lacombe), « L’École patriotique de Québec et les délicieuses histoires du peuple » (Joseph-Charles Taché, Henri Raymond Casgrain et Philippe Aubert de Gaspé père), « Premières reconnaissances internationales » (Louis Fréchette et Laure Conan) et « Avènement de la modernité à l’École littéraire de Montréal » (Émile Nelligan). Qu’un chapitre aborde un auteur ou une oeuvre, la méthode demeure sensiblement la même. L’auteur situe l’écrivain dans son parcours (origines et filiations), puis s’intéresse aux sources de l’oeuvre, c’est-à-dire à ce qui semble avoir influencé sa création, ainsi qu’à la réception de celle-ci, tout en synthétisant l’état actuel des connaissances sur lesdites oeuvres et lesdits écrivains. En adoptant une approche plutôt biographique et un découpage historiographique chronologique, La Charité nous invite dans un cabinet des curiosités où les hommes de lettres, et Laure Conan, celle que l’on considère généralement comme la première femme de lettres de la littérature québécoise, se révèlent au gré des témoignages de contemporains et d’anecdotes souvent savoureuses. De fait, comment rester insensible en imaginant un Philippe Aubert de Gaspé fils en poseur de bombes puantes ou la méprise de Victor Hugo sur Louis Fréchette, qu’il prend pour un mendiant, comme on l’apprend dans la relation autographe de cet événement par le premier lauréat canadien de l’Académie française. De manière générale, l’approche de l’auteur est documentée et fait entrer en dialogue diverses sources de l’époque, mais aussi des travaux plus récents. Préparé dans une visée pédagogique assumée, l’ouvrage de La Charité pique la curiosité et donnera certainement envie à un public élargi d’en apprendre davantage sur cette période surtout connue pour ses tribulations politiques et trop souvent assimilée aux élans nationalistes et régionalistes qui marqueront plutôt la littérature du début du siècle suivant (encore là, des nuances s’imposent). À l’instar du dynamisme des chroniques radiophoniques où …

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