Hors-dossierRecensions

Jean Dubé, Jean Mercier et Emiliano Scanu, Comment survivre aux controverses sur le transport à Québec ?, Québec, Septentrion, 2021, 222 p.[Record]

  • Étienne Faugier

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  • Étienne Faugier
    Maître de conférences, Université Lumière Lyon II

Il ne faut pas moins de trois chercheurs issus de l’économie, de la science politique et de la sociologie pour démêler et analyser les controverses relatives aux transports dans la région métropolitaine de Québec. Depuis plus de 10 ans, les politiques, les médias, les acteurs économiques et les habitants sont plongés dans les enjeux environnementaux futurs de la région de la capitale québécoise vis-à-vis du choix cornélien entre l’automobile ou les transports en commun et modes doux. Dans ce synthétique et pédagogique opuscule, les auteurs se donnent pour mission de cartographier l’évolution des projets de mobilité dans la région de Québec entre 2009 et 2021, de présenter l’ensemble des acteurs et d’expliciter leur position pour finalement mettre en mouvement les controverses qui l’agitent. Comme ils l’évoquent au chapitre 1, Québec et sa région semblent être à un tournant de leur histoire. Depuis 1948, la ville a privilégié le tout automobile en abandonnant le tramway au profit de l’autobus. Suivant cette dépendance au sentier (path dependency), Québec s’inscrit typiquement dans le schéma d’une ville nord-américaine — une ville étalée et peu dense (contrairement à Montréal, ce qui a permis le développement des transports en commun). Dans cette lignée, il est, dans un premier temps, question de choisir entre deux projets : l’un poursuivant sur la lancée du « tout automobile » avec la création d’un axe reliant les rives nord et sud (le troisième lien) et l’autre donnant davantage de poids aux transports en commun (Réseau structurant de transport en commun, RSTC). L’opposition entre motorisation et transport en commun cristallise le débat autour des enjeux de liberté de déplacement versus la réduction des gaz à effet de serre aboutissant à un choix de société quant à son devenir mobilitaire. Dans un second temps, ces deux projets ont été rassemblés en un seul (le Réseau Express de la Capitale, ou REC) dès 2021 par le gouvernement en place — la Coalition avenir Québec (CAQ). Il n’en demeure pas moins que les polémiques vont bon train au sujet de chacun des projets, qui ne font pas l’unanimité. Malgré l’alliance des deux projets, les controverses se développent autour de l’étalement urbain et de la périurbanisation, du développement durable et du dynamisme économique de la région. Le chapitre 2 explicite l’évolution des projets de transport et présente la cartographie fine du positionnement des acteurs face à ces controverses. À l’origine, le plan de mobilité durable (2009-2011) entend accroître la part des transports en commun (création d’un tramway) et des modes doux (véloboulevard reliant le centre-ville au campus de l’Université Laval) et diminuer les gaz à effet de serre. Celui-ci divise entre les promoteurs du développement économique et ceux qui privilégient le transfert modal — bien que les deux ne s’opposent pas nécessairement. Entre 2011 et 2017, les circuits envisagés pour les lignes de tramway sont modifiés à de multiples reprises et l’enveloppe budgétaire dédiée au transport fluctue fortement, ce qui entraîne le possible remplacement du tramway par le Service Rapide par Bus (SRB) — abandonné en 2021. Il est aussi question d’un réseau structurant de transport en commun (RSTC) (2017-2021). Entre 2014 et 2021 intervient le projet de troisième lien (tunnel Québec-Lévis), qui trouve ses racines dans les années 1950. Sa localisation est elle aussi sujette à changement et cette proposition semble moins avancée que les précédentes. Ces divers projets fédèrent plusieurs acteurs politiques, économiques, culturels et sociaux qui peuvent parfois changer de camp (chapitre 4). La coalition A est favorable au transport en commun et la coalition B est favorable à l’automobile. Au sein de ces deux camps, on retrouve des membres …

Appendices