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Guylaine Martel, Incarner la politique. La construction de l’image médiatique des femmes et des hommes politiques au Québec, Québec, Presses de l’Université Laval, 2018, 190 p.[Record]

  • Quentin Janel

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  • Quentin Janel
    Docteur en science politique (UQAM)

La diversification et la complexification croissante de l’univers médiatique imposent aux politiciens, qui sont dépendants de ces relais pour diffuser leurs messages, une agilité et une capacité d’adaptation toujours plus grande dans leur façon de paraître face aux citoyens. Dans son ouvrage Incarner la politique, Guylaine Martel se propose de brosser le portrait des stratégies mises en place par les acteurs et actrices politiques québécois.es pour tenter de naviguer au sein d’un paysage en transformation constante. Son approche principalement sociologique et interactionnelle, inspirée des travaux de Goffmann, lui permet d’éviter les écueils classiques des approches technologiques qui tendent à dominer le champ des études en communication politique. Ainsi, pour l’auteure, la communication publique se comprend comme une construction sociale au centre de laquelle trône l’éthos politicien. Celui-ci est une négociation entre l’individu et son auditoire qui va permettre d’établir la crédibilité du premier en tant que politicien. Il n’est donc pas surprenant de retrouver, au coeur de l’analyse de Martel, le concept de personnalisation. Loin de se limiter à une vision superficielle du phénomène, elle explore de façon exhaustive les multiples dimensions de ce concept polysémique, rendant compte fidèlement de la diversité des approches communicationnelles des politicien.ne.s québécois.es face aux exigences de la personnalisation. De fait, l’un des premiers constats du livre, qui sera confirmé par les nombreuses analyses de matériau audiovisuel, est qu’il n’y a pas de stratégie universelle quant à l’incarnation de la politique. Ce qui marche pour une élue ne fonctionnera pas pour un autre candidat, car l’imposition du sens ne se fait pas de façon verticale : celui-ci est coconstruit par un échange constant de messages et d’interprétations entre le politicien et son public. Dans le premier chapitre, Guylaine Martel revient sur les évolutions contemporaines du système médiatique québécois. S’inscrivant dans la lignée des analyses de Strombäck, elle avance que le contexte de médiatisation de la politique joue un rôle actif dans la prise d’importance du phénomène de personnalisation. Elle montre ensuite comment ce contexte favorise l’établissement d’une quasi-interaction interpersonnelle avec le public. Si la nécessité d’atteindre le plus grand nombre interdit de ne se reposer que sur les interactions interpersonnelles pour le politicien, ce dernier possède à sa disposition tout une gamme d’outils et d’astuces pour recréer un contexte similaire lors de son passage dans les médias. Elle revient ensuite sur l’importance de l’éthos de politicien, en rappelant le poids de la « matière première » de l’individu. Pour être crédible, l’image construite doit se reposer sur un fond préexistant : une personnalité qui irait totalement à l’encontre de ce que le public sait déjà de lui créerait des réactions très négatives. Cette perspective permet d’affiner la compréhension des effets des médias et de la persuasion des électeurs. En effet, par son approche interactionnelle de la communication politique, Martel rappelle que le public n’est pas une masse passive qui accepte sans broncher les messages venus d’en haut : la réception est un acte d’interprétation qui permet une distance critique et qui oblige le messager à une certaine cohérence. Dans le deuxième chapitre, Martel passe en revue les différents rôles et modèles de politiciens, qu’elle classe sur un continuum allant du stéréotype au marginal. Le rôle de politicien est acquis, pas inné, et c’est un processus de négociation constante pour l’individu concerné. Elle montre notamment comment les stéréotypes mobilisés et les techniques pour se démarquer peuvent varier en fonction des contextes, notamment régionaux ou administratifs. Une large partie de ce chapitre est consacrée aux politiciennes, dont l’absence de modèle stable historique complique la tâche. L’auteur détaille comment les politiciennes québécoises se positionnent face à cette …