Avec Robert Nelson dit le Diable, François Labonté poursuit son récit des faits et gestes des principaux acteurs des Rébellions patriotes de 1837-1838 et de leurs suites. C’est en effet dans un premier tome (AliasAnthony St-John, PUL, 2004), avec force érudition, que le cinéaste entreprenait ce projet de trilogie. Ce faisant, Labonté est l’un des rares auteurs à s’être attelé à l’écriture de l’histoire un tant soit peu complète de l’organisation des patriotes exilés aux États-Unis à la fin des années 1830. Mais tout cela se fait, on le sait, sans succès. La division mine les exilés. Les « diableries » du révolutionnaire Nelson, c’est-à-dire sa critique vulgaire des chefs de 1837, son « caractère intempestif », sa propension à « souffle [r] le chaud et le froid », à faire de fausses promesses aux combattants, son entêtement en faveur d’une invasion militaire en toutes circonstances, son intolérance face à la contradiction ainsi que son apparente couardise lors des affrontements armés semblent avoir été des moteurs significatifs de cette division. Toutefois, l’histoire qui nous est racontée montre que de multiples facteurs contribuent à stopper les efforts des patriotes. Le fait que le gouvernement du président démocrate Van Buren n’appuie pas les exilés et maintienne avec zèle une politique de neutralité sur la frontière est ici capital. Le récit se termine au printemps 1839, à un moment « d’effritement » avancé du groupe patriote, alors que Wolfred Nelson – héros militaire de la bataille de Saint-Denis, en novembre 1837, et frère de Robert – rejette l’invitation de certains à reprendre les devants de la scène, et juste après que Papineau eut quitté le pays pour la France en mission diplomatique. En plus de quelques sympathisants américains, il faut également mentionner que les autorités britanniques et américaines ne sont pas en reste, car Labonté traite longuement des cas de Lord Durham, Charles Grey, etc. Après tout, il s’agit bien d’un « face-à-face » dont l’auteur veut raconter l’histoire. Exprimons maintenant quelques réserves. D’abord, cet ouvrage n’est pas une étude proposant une interprétation critique des sources. En effet, il s’agit essentiellement d’une description non problématisée. Ainsi, Robert Nelson est bien davantage un « livre qui raconte une histoire » qu’« un livre d’Histoire », pour reprendre les mots de Labonté. Ce dernier ne souhaite donc pas formuler « de grandes théories historiques », mais écrire un « récit qui se construit en suivant l’évolution de ceux qui ont retenu [son] attention ». Sur cela, il faut reconnaître que les intentions de l’auteur sont limpides. Nous avons ensuite été déçu de constater que ce qui est évoqué en introduction, notamment le fait que l’auteur se dise « fasciné » par la pensée des « personnages » de son livre, ne se reflète pas dans les pages qui suivent. Nous avons espéré, en vain, une analyse de la « pensée patriote » sur laquelle les idées de Nelson auraient laissé une marque, comme il est mentionné dans l’épilogue. En toute justice, ne doutons pas de l’importance des idées du « Diable », notamment de sa Déclaration d’indépendance ; mais il aurait été pour le moins intéressant d’en faire une démonstration soutenue. Avouons également que la conclusion est maigre : « Nous devons conclure que les Britanniques sont les grands vainqueurs du face-à-face qui les a opposés aux forces rebelles réfugiées aux États-Unis ». Qui en doutait ? Sur le plan historiographique, le silence est la règle : aucune référence n’est faite à l’historiographie canadienne-anglaise et américaine malgré un sujet qui invite aux recoupements. …
François Labonté, Robert Nelson dit Le Diable. Face-à-face entre les Britanniques et les forces rebelles réfugiées aux États-Unis (1838-1839), Québec, Presses de l’Université Laval, 2017, 364 p.[Record]
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Olivier Guimond
Université d’Ottawa