Dans la foulée de plusieurs colloques dédiés à l’étude des revues au Québec, le présent ouvrage collectif offre un condensé des avenues de recherche prometteuses entourant cet objet aux contours flous qu’est la revue. Regroupant principalement des chercheurs et chercheuses en études littéraires, un tel livre est donc le bienvenu et fait écho au renouvellement qui touche l’histoire des imprimés, de part et d’autre de l’Atlantique. Les analyses présentées dans Relire les revues québécoises profitent des nouvelles perspectives ouvertes par l’histoire littéraire et culturelle de la presse, ainsi que par les periodical studies, pour « interroger le statut des revues dans l’espace public, les phases de leur histoire, leur rôle dans la constitution ou la traversée des frontières […], leur implication dans le développement ou la reconfiguration des discours, idéologies et poétiques » (p. 32). Vaste chantier, on le comprend, auquel les 14 contributions réunies (une introduction et treize chapitres) apportent plusieurs éléments de réponse qui sauront être bénéfiques pour la suite de l’histoire des revues. Le sous-titre de l’ouvrage, « Histoire, formes et pratiques », peut sembler trompeur, dans la mesure où il oblitère un élément qui constitue pourtant la focale de la majorité des contributions : le discours. En effet, il est surtout question ici du discours des revues, bien plus que de ses pratiques, et davantage encore que de ses formes. L’histoire, enfin, se construit en pointillé, notamment à partir des contributions de Lucie Robert et de Michel Lacroix présentées dans le premier quart de l’ouvrage, pour être ensuite mise de côté au profit d’analyses majoritairement thématiques consacrées à un, voire deux titres. Cela n’est pas forcément mauvais, mais on comprend bien que, en dépit de ce que semble annoncer le texte introductif, l’approche discursive demeure la plus évidente pour mieux comprendre le fonctionnement médiatique, social et politique des revues, parmi lesquelles on retrouve les incontournables Parti pris, Cité libre et Mainmise, ainsi que d’autres objets moins connus comme La Conspiration dépressionniste, Croc et la Revue Le Quartanier. Notons au passage les contributions de Marie-Andrée Bergeron et de Nicholas Giguère qui réaffirment, preuve à l’appui, combien l’imprimé de type « revuiste » fut nécessaire pour les communautés féministes et gaies en quête d’une visibilité et d’une légitimité sur la place publique. Qu’est-ce qu’une revue ? Le lecteur ou la lectrice n’obtiendra pas de réponse à ce sujet, les directrices de l’ouvrage ayant choisi de livrer, dans leur introduction, un bilan historiographique des études consacrées aux revues plutôt qu’une définition claire de l’objet en tant que tel – ce qui peut à la fois représenter un choix prudent et, en même temps, dissiper les effets d’unité de l’ouvrage. On peut néanmoins dégager quelques traits caractéristiques, comme le font Élyse Guay et Rachel Nadon : la « spatialité » de la revue, soit sa capacité à s’ériger en lieu (matériel et métaphorique) et, parfois, en institution ; ses inclinations vers l’accueil et le recueil de signatures et de contributions réunies autour d’un projet collectif (revue savante, d’idées, de littérature) ; ou encore, sa « fonction-intellectuel », notion empruntée au Dictionnaire des intellectuel·les au Québec paru en 2017 (ouvrage dont trois des quatre directeurs et directrice figurent au sommaire de Relire les revues québécoises). S’abstenant de s’aventurer sur le terrain d’une taxinomie des objets étudiés, le texte introductif s’attache à rappeler et à mettre en réseau les différentes approches et traditions de lecture de la revue au Québec. On pourra reprocher à cette introduction d’aplanir la perspective au détriment des rapports qu’entretient la revue avec les autres objets foisonnants de la culture …
Élyse Guay et Rachel Nadon (dir.), Relire les revues québécoises. Histoire, formes et pratiques (xxe-xxie siècle), Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. « Nouvelles études québécoises », 2021, 328 p.[Record]
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Adrien Rannaud
Département d’études françaises et Département d’études langagières, Université de Toronto
Cette recension a malencontreusement été publiée avec des erreurs d'édition. Merci de plutôt consulter le texte révisé, publié dans le numéro suivant du BHP et accessible ici.