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Claude Trudel, Une histoire du ministère de la Culture (1961-2021), Montréal, Boréal, 2021, 319 p.[Record]

  • Lucia Ferretti

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  • Lucia Ferretti
    Département des sciences humaines, Université du Québec à Trois-Rivières

Claude Trudel livre, dans un style vivant, une chronologie commentée des 60 ans d’existence du ministère de la Culture du Québec. En politique active depuis tout ce temps avec les libéraux, il fut à divers moments associé de près à ce ministère comme haut fonctionnaire ou comme député, si bien qu’il a connu personnellement presque tous les titulaires du portefeuille depuis 1961. Il l’admet lui-même : en dépit du titre, son livre n’est pas une histoire du ministère des Affaires culturelles puis de la Culture. Pour ce faire, il lui aurait fallu aborder des sujets qu’il a choisi de laisser de côté : télécommunications, langue française, presse, relations fédérales-provinciales en culture (p. 17). Il lui aurait fallu aussi, il en est conscient, traiter du volet administratif, mais cette dimension l’intéressait moins (p. 13). Il a plutôt voulu mettre l’accent sur le rôle personnel de chaque ministre. Outre ses souvenirs personnels, l’auteur a eu recours à la série télévisée Mémoires de député, au Journal des débats, aux textes des lois et des politiques marquantes ainsi qu’aux rares mémoires ou biographies des ministres. À chacun.e ou presque des 27 titulaires, il réserve un chapitre avec un aperçu biographique puis un panorama des principales réalisations. La première partie couvre la période 1961-1976, de la pénible mise en place du ministère pour lequel Georges-Émile Lapalme avait de grandes ambitions jusqu’à la rédaction du Livre vert sur la culture par Jean-Paul L’Allier. On retiendra les rêves avortés, notamment celui d’un Bureau d’urbanisme qui aurait peut-être pu éviter la destruction de tant de joyaux patrimoniaux, et les mille difficultés d’un ministère privé de ressources humaines et financières, et soumis aux contrôles tatillons des fonctionnaires du Trésor. En revanche, la Place des Arts, la Bibliothèque nationale, le Grand Théâtre de Québec et la Délégation générale du Québec à Paris sont des réalisations durables nées dès les débuts. L’auteur me semble injuste pour le seul ministre non libéral de cette période : Jean-Noël Tremblay. Cet unioniste a réussi à infléchir le penchant nettement élitiste et très « grand centre » de ses prédécesseurs et premiers successeurs en favorisant l’ouverture de maisons de la culture et de conservatoires dans les régions. L’époque est aussi celle des premières lois sur le cinéma et sur le livre et l’édition, et de la révision de la Loi sur les monuments historiques. Ces lois et d’autres reviendront de loin en loin au programme pour des cures de jouvence et pour y réaffirmer ou y affaiblir le rôle de l’État, selon l’idéologie du parti au pouvoir. Signe que le Ministère manque de moyens, c’est seulement en 1976 qu’un Livre vert, en chantier périodique depuis le premier jour, est enfin proposé par le ministre L’Allier, qui l’a rédigé lui-même. Il le fait accepter par le premier ministre Robert Bourassa grâce à un argument imparable : « Un Livre vert ne coûte rien tant que ce n’est pas un Livre blanc » (p. 103). Je n’ai pas compris pourquoi Claude Trudel a refusé à ce document d’envergure le titre de première politique culturelle. L’accession du Parti québécois aux affaires, en 1976, ouvre la deuxième période, jusqu’en 1994. Même si Camille Laurin ne fut pas ministre des Affaires culturelles, un chapitre lui est consacré à cause du document maître que fut la Politique de développement culturel, dont il fut l’instigateur à titre de ministre d’État dans le premier gouvernement de René Lévesque. L’auteur se montre très désagréable envers Laurin ; en outre, il refuse le titre de politique culturelle à son document même s’il reconnaît …