Hors-dossierTémoignage

Le jour où j’ai rencontré le pasteur Ntumi. Récit d’un voyage au coeur de la rébellion congolaise du Pool[Record]

  • Serge Loungou

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  • Serge Loungou
    Maître de conférences en géographie politique, Centre d’études et de recherches en géosciences politiques, Université Omar Bongo de Libreville

La République du Congo, communément appelée Congo-Brazzaville en référence à sa capitale politique et administrative, est une ancienne colonie française d’Afrique centrale devenue indépendante le 15 août 1960. Située à cheval sur l’équateur en s’étirant sur 1200 km du nord au sud, elle possède une superficie de 342000 km² et abrite un peu plus de 5 millions d’âmes (dont plus de la moitié est concentrée dans ses deux plus grandes villes, Brazzaville et Pointe-Noire), ce qui en fait un territoire sous-peuplé (14 habitants/km²). Le pays dispose sur l’océan Atlantique d’une façade longue de 170 km et partage ses frontières avec cinq États : le Cameroun et la République centrafricaine au nord, la République démocratique du Congo (ou Congo-Kinshasa, ex-Zaïre) à l’est, l’enclave angolaise de Cabinda au sud et le Gabon à l’ouest. À l’instar de ses voisins, le Congo-Brazzaville présente le profil d’un État rentier dont l’économie dépend largement de la production des matières premières, principalement le pétrole qui représente près des deux tiers du PIB, 90 % des exportations et 75 % des recettes budgétaires. Le Congo-Brazzaville appartient à l’aire culturelle bantoue dont les limites vont grosso modo des confins du Nigéria et du Cameroun, au nord, à l’Afrique australe, au sud. Il se caractérise par une forte marqueterie ethnolinguistique ; on y dénombrerait, en effet, pas moins de quatre-vingts ethnies réparties entre huit et douze grands groupes. Une ligne de démarcation imaginaire, calquée approximativement sur la limite des aires d’influence des parlers lingala et kongo-kituba, permet cependant de distinguer localement les « nordistes » et les « sudistes ». Ce clivage ethnorégional tenace est à l’origine des convulsions politiques auxquelles le pays est en proie de manière cyclique depuis les premières heures de son indépendance : coups d’État militaires, règlements de comptes politiques sanglants, pogroms, conflits armés. Un des épisodes les plus marquants de ce cycle infernal est la guerre civile de 1997-2002, qui voit émerger à la tête de la rébellion des « ninjas nsilulu », établie dans la région méridionale du Pool, le personnage de Frédéric Bintsamou, dit « pasteur Ntumi ». Le pasteur Ntumi et sa milice des « ninjas nsilulu » se sont révélés au monde au cours de la guerre civile qui a ensanglanté le Congo-Brazzaville de 1997 à 2002. Après une période de relatif effacement consécutif à son entrée au gouvernement en 2009, ce personnage aussi imprévisible que controversé s’est à nouveau illustré en réactivant les poches de sédition dans son fief de la région du Pool à la suite de la réélection contestée du président Denis Sassou Nguesso en 2016. Je suis originaire du Gabon voisin, et ce récit dévoile les circonstances de la mission de médiation qui m’a conduit à une rencontre inédite avec le « seigneur de guerre » congolais. Le département du Pool est l’une des dix régions administratives qui composent la République du Congo. Sa superficie est de 33955 km² pour une population estimée en 2020 à près de 530000 habitants. Le Pool présente une contiguïté territoriale avec le district autonome de Brazzaville, ce qui lui confère une position stratégique en tant qu’arrière-pays nourricier de la capitale et point nodal de son système de ravitaillement par voie terrestre (chemin de fer, route), mais l’expose aux effets dévastateurs des conflagrations qui éclatent fréquemment dans cette ville depuis les débuts de la décennie 1990. Région-foyer et bastion politique de la communauté Kongo-Lari, le Pool est ainsi devenu le sanctuaire des miliciens « ninjas nsilulus » dont la création remonte à la Première Guerre civile qui ensanglante …

Appendices