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« Ça ne prend pas la tête à Papineau ». Histoire d’une expression populaire[Record]

  • Christian Blais

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  • Christian Blais
    Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec

Louis-Joseph Papineau (1786-1871) est un personnage politique qui a marqué l’imaginaire collectif des Québécoises et des Québécois. Son intelligence est devenue mythique ; à un point tel que l’expression « ça ne prend pas la tête à Papineau » est aujourd’hui familière à toutes et à tous. Cette locution est par exemple employée par Jacques Godbout, en 1981, pour intituler son sixième roman, Les têtes à Papineau. Le groupe Les Cowboys fringants chante aussi ce refrain depuis 2010 : En 2012, la fromagerie Montebello crée le fromage Tête à Papineau, une pâte demi-ferme qui, explique-t-on, « s’associe à l’orateur très intelligent et de grand talent, Louis-Joseph Papineau ». Les têtes à Papineau a également été choisi comme titre d’un jeu questionnaire présenté sur la page Facebook de l’Assemblée nationale, la veille de la Fête nationale du Québec, le 23 juin 2020, et avant le congé des Fêtes, le 16 décembre 2020. Il existe de multiples usages du même genre. En 1977, dans l’épisode « La tête à Papineau » de l’émission Aux yeux du présent de Radio-Québec, les comédiens Gilles Pelletier et Jean-Pierre Bergeron incarnent respectivement Louis-Joseph Papineau et son neveu Louis-Antoine Dessaulles. Cette mise en scène télévisuelle est réalisée par Pierre Gauvreau, d’après un scénario de Jean-Pierre Morin en collaboration avec l’historien Jacques Lacoursière. Tout le monde s’entend aujourd’hui sur la signification de cette expression. Celle-ci se trouve d’ailleurs dans le dictionnaire Le Robert à l’entrée du mot « tête » : « cervelle. Loc. (Canada) Ne pas être la tête à Papineau : ne pas être intelligent (cf. Ne pas avoir inventé l’eau chaude, le fil à couper le beurre). » Dans le Dictionnaire des canadianismes, il est écrit : « Papineau. n. pr. Ne pas être, ne pas avoir la tête à Papineau. Ne pas être futé, être d’une intelligence très moyenne. » Dans le Dictionnaire des onomastismes québécois, on peut lire : Sinon, une recherche sur Internet permet de constater que… ça ne prend pas la tête à Papineau pour savoir ce que ça veut dire : Même si la tête à Papineau est une expression connue comme… Barabbas dans la Passion, on ignorait presque tout de son origine ; on ne savait pas quand ni comment celle-ci a fini par être adoptée dans le langage familier ; on ne connaissait pas non plus à quel moment elle a été employée couramment dans la presse écrite. Seul le site Internet Biblilivre offre un repère chronologique, soit qu’elle « remonte au XIXe siècle au Bas-Canada », mais cette vague information ne s’appuie sur aucun document d’archives. Louis-Joseph Papineau est à la tête du mouvement patriote. Après l’assemblée de Saint-Charles du 23 octobre 1837, il quitte le Bas-Canada pour trouver refuge aux États-Unis. Sa tête est mise à prix le 1er décembre. Par proclamation, le gouverneur Archibald Acheson, comte de Gosford, offre une récompense de 1000 livres (4000 piastres) à qui parviendra à « découvrir, prendre et appréhender » Papineau, accusé du crime de haute trahison. Cette somme (qui est, ni plus ni moins, son salaire annuel comme orateur de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada) est considérée, par la population en général, comme étant d’une très grande importance. C’est dire à quel point le gouvernement colonial tient à lui mettre la main au collet. La formule « la tête de Papineau » est recensée une première fois dans le journal La Quotidienne, le 6 septembre 1838. Dans l’article intitulé « Lord Peters et la tête de …

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