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Louis Fournier, FLQ. Histoire d’un mouvement clandestin, Montréal, VLB Éditeur, 2020, 369 p.[Record]

  • Luc Gosselin

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  • Luc Gosselin
    Historien, Montréal

Le FLQ ou Front de libération du Québec, dont le sigle ou l’acronyme se calque sur celui du Front national de libération (FNL) algérien prit naissance au début des années 1960 dans l’espoir de transformer la province de Québec, une simple entité au sein du Canada, en un pays à part entière. La propagande armée devenant pour ce mouvement subversif le moyen privilégié pour gagner une population à majorité francophone, entraînée alors dans une ère de réformes baptisée Révolution tranquille, à se mobiliser pour accomplir une revanche sur l’histoire. Cette portion de l’Amérique du Nord ayant été vaincue militairement au milieu du XVIIIe siècle dans le cadre de la guerre de Sept Ans par l’armée britannique. Un sort qu’avait déjà subi l’Irlande par la même puissance impérialiste. C’est à l’analyse de ce mouvement terroriste, en activité de 1962 à 1972, que s’est attelé avec brio le journaliste et historien Louis Fournier. Il se publie annuellement des milliers de bouquins qui obéissent à l’impérative nécessité d’alimenter la vaste industrie du livre. Ce n’est pourtant qu’un nombre infime de ces écrits qui se démarqueront pour atteindre la pérennité dans notre univers culturel. Tel est l’avenir hautement prévisible du livre de Louis Fournier qui est déjà un classique portant le titre « FLQ – Histoire d’un mouvement clandestin » publié en 2020. Étude qui en est à sa troisième écriture en l’espace de quarante ans et précision importante, largement revue et augmentée par rapport aux deux éditions précédentes. Le grand mérite de cette analyse totalisant 369 pages que l’on pourrait qualifier d’unique et d’exceptionnelle, est de brosser l’histoire exhaustive d’un mouvement terroriste québécois ayant bouleversé de manière radicale le paysage politique canadien. Ceci laissa une empreinte profonde dans l’évolution sociale du pays. Un peu comme on l’observera à la suite du célèbre dossier d’espionnage soviétique au Canada connu comme étant l’Affaire Gouzenko qui lança comme on le sait la Guerre froide dans les années quarante. Cette histoire remplie « de bruit et de fureur », pour paraphraser le cinéaste français Jean-Claude Brisseau, que fut la saga du FLQ fut loin d’être banale. On y recensa près de 300 attentats à la bombe, l’arrestation et la condamnation de plus de 200 militants dont deux à la peine capitale, des morts et des dégâts importants, l’enlèvement d’un diplomate, James Richard Cross et le kidnapping et l’assassinat du ministre Pierre Laporte. Sans oublier, côté répression, la déclaration de guerre du gouvernement canadien contre sa propre population par une loi datant de la Grande Guerre de 1914 qui supprimait l’ensemble des droits non pas uniquement au Québec, province au centre des désordres observés et appréhendés, mais également dans l’ensemble du Canada. Une première mondiale dans l’histoire des pays démocratiques en Occident que cette décision invraisemblable de l’un des plus anciens parlements au monde. Ce qui surprend dans cette saga du FLQ c’est qu’une douzaine de vagues d’attentats se succédèrent sans discontinuer et allant crescendo au fil des ans. Entraînant dans son sillage près de deux cent cinquante militants dans un cycle infernal alignant des attentats, des arrestations et des condamnations. Militants issus pour la plupart des milieux ouvriers et étudiants auxquels se joindront quelques intellectuels comme Pierre Vallières, Charles Gagnon et Robert Comeau. Une qualité majeure du livre de Louis Fournier est de ne pas se limiter à l’énumération habituelle des actions illégales et violentes dont on a l’habitude pour ce type de récit. En effet, l’auteur relie les actions criminelles allant de l’attentat à la bombe aux meurtres – sans oublier les vols à main armée et deux kidnappings tragiques – au contexte politique …

Appendices