Hors-dossierRecensions

Maxime Dagenais et Julien Mauduit (dir.), Revolutions Across Borders. Jacksonian America and the Canadian Rebellion, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2019, 300 p.[Record]

  • Olivier Guimond

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  • Olivier Guimond
    Département d’histoire, Université d’Ottawa

Il faut saluer l’originalité de Revolutions Accross Borders qui, par une approche méthodologique peu employée auparavant, amène ailleurs l’étude des Rébellions de 1837-1838. Ce collectif sous la direction de Maxime Dagenais et Julien Mauduit vise, en effet, « to move laterally », pour reprendre l’expression employée par ce dernier, par rapport à l’historiographie dite « nationaliste ». Le résultat, disons-le d’emblée, est stimulant. L’ouvrage rassemblant des chercheur.e.s canadien.ne.s et américain.e.s marquera un jalon de l’historiographie et suscitera sans doute de nouveaux questionnements. Le lectorat aura donc compris que notre opinion envers ce livre est globalement favorable, même si quelques critiques subsistent dans notre esprit. Passons d’abord sur quelques menues considérations. L’introduction rédigée par Dagenais constitue, d’abord, un exposé utile des développements de l’historiographie des Rébellions et résume efficacement le contenu du recueil. Notons aussi que l’ouvrage, dans son ensemble, est une mine de références négligées par la grande majorité des études portant sur les Rébellions. Déplorons toutefois un élément de forme : l’absence de bibliographie. En effet, une occasion exceptionnelle de publier une première liste des travaux « transnationaux » sur ce sujet a été manquée. Dommage. On se consolera quelque peu avec l’index en fin de volume. Venons-en au contenu. Pour les directeurs du collectif, il est question avant tout d’envisager la Rébellion canadienne – notons le singulier – en fonction de son insertion dans le contexte socio-économique, politique et intellectuel de l’Amérique jacksonienne. L’accent est donc mis sur les similarités plutôt que sur les distinctions entre les événements se produisant dans les Canadas et à la frontière américaine en 1837-1838, voire avant et après, de sorte que la Rébellion devient un seul événement transnational et continental. Le terme pluriel Revolutions signifie, quant à lui, que sont traités conjointement, au-delà des frontières, des moments révolutionnaires connectés. Il s’agit, en premier lieu, de la Market Revolution (ou l’essor du capitalisme), déjà bien documentée aux États-Unis, et mise à l’avant-plan aussi pour les Canadas dans ce volume. Il s’agit également de ce que des acteurs mêmes de l’époque, Canadiens et Américains, percevaient comme une (seconde) révolution républicaine dont la Rébellion canadienne ne serait qu’une manifestation éloquente. Cette seconde révolution, de nature intellectuelle, aurait été le fruit d’une désillusion face à la Market Revolution dont les pires penchants furent souvent perçus comme l’abandon de valeurs et modèles fondamentaux des États-Unis (la morale civique, la masculinité, l’industrie et la frugalité du yeoman-farmer). Des républicains, Américains comme Canadiens, pointaient alors du doigt l’immoralité de la moneyedaristocracy, fille de l’aristocratie britannique du temps de la Révolution américaine, vue comme responsable de crises économiques et financières en 1819 et 1837. Ainsi, plusieurs verront la Rébellion canadienne comme une occasion de compléter la poussée anticoloniale américaine des années 1770-1780 qui visait à chasser les Britanniques hors de l’Amérique, et les Canadas comme un lieu potentiel de régénérescence de l’expérience républicaine continentale. L’essor de la perspective transnationale des Rébellions se fait conjointement à celui d’une approche économique. Revolutions Across Borders veut ainsi démontrer que les contextes socio-économique (Opal et Richards), politique et intellectuel (Bonthius et Richards Jr) convergent et provoquent les mêmes ressentiments envers la montée du capitalisme financier, tout comme ils expliquent pourquoi le gouvernement américain, menotté par l’économie de l’esclavage et ses liens commerciaux avec la Grande-Bretagne, n’est pas disposé à intervenir en faveur des patriotes. Aussi, d’un point de vue de l’histoire intellectuelle, on fait voir que les républicains, qu’ils aient été Canadiens ou Américains, avaient des idées semblables en matière d’économie politique. Il en ressort toute une pensée sur le republican ou free banking (ou joint stock democracy) comme …