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Marie Lavigne et Michèle Stanton-Jean, Idola Saint-Jean. L’insoumise, Montréal, Boréal, 2017, 382 p.[Record]

  • Camille Robert

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  • Camille Robert
    Candidate au doctorat en histoire, UQAM

Plus de 35 ans après la parution de L’histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, Marie Lavigne et Michèle Stanton-Jean, qui ont toutes deux été membres du collectif Clio, livrent une biographie remarquable d’Idola Saint-Jean. Cette dernière demeure une figure relativement méconnue de l’histoire québécoise, alors que plusieurs pionnières du mouvement féministe, dont Marie Gérin-Lajoie, Thérèse Casgrain et Éva Circé-Côté, ont déjà été l’objet de biographies. Hormis quelques articles qui lui ont été consacrés, Idola Saint-Jean est longtemps restée dans l’ombre et ce, malgré l’importance de ses actions aux yeux de ses contemporains. Si on peut d’abord être tenté d’expliquer cette absence par un manque d’archives – Idola n’ayant pas eu de descendance –, l’ampleur de son engagement public et les traces laissées permettent néanmoins d’écarter cette thèse bien rapidement. Selon Lavigne et Stanton-Jean, ce serait surtout la singularité de son parcours qui permettrait d’élucider le « mystère Idola Saint-Jean ». Contrairement à la plupart des femmes de sa génération, elle n’a choisi ni le mariage ni la religion. Son militantisme était beaucoup plus radical que celui d’autres personnalités emblématiques du mouvement des femmes à la même époque. L’ouvrage se décline en quatre parties qui couvrent chacune les grandes périodes de la vie d’Idola Saint-Jean. À travers 34 courts chapitres thématiques, les autrices présentent les multiples aspects de ses parcours personnel, professionnel et militant. La première partie est consacrée à sa jeunesse et au début de sa carrière. Étant issue d’un milieu bourgeois, Idola a connu une enfance et une adolescence marquées par une certaine aisance et par une bonne éducation. Souhaitant devenir actrice, elle a bénéficié de leçons auprès de professeurs particuliers avant d’offrir elle-même, à partir de 1898, des cours de diction et d’élocution au Monument-National. Le décès soudain de son père, en 1900, est toutefois venu plonger la famille dans une situation financière précaire. Alors âgée de 20 ans, Idola Saint-Jean a dû se forger une carrière professionnelle pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Enseignant d’abord la diction et l’élocution dans des couvents catholiques, elle a été embauchée en 1906 à l’Université McGill pour enseigner la diction française à titre de chargée de cours, avant d’y être nommée professeure en 1922. Après plusieurs années d’enseignement, et à la suite de la publication de deux anthologies consacrées à la diction, sa renommée était bien établie. Elle était d’ailleurs fréquemment sollicitée pour donner des conférences. C’est dans la deuxième partie de l’ouvrage que nous faisons la rencontre d’Idola Saint-Jean « l’insoumise ». Son militantisme s’est développé à la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, où elle a fondé l’Association artistique des dames canadiennes en 1908. Durant la Première Guerre mondiale, elle a prononcé plusieurs conférences sur la santé publique et a coordonné une équipe de bénévoles et de professionnel-le-s de la santé pour soigner les malades atteint-e-s de la grippe espagnole. Fait assez inusité pour l’époque, on apprend qu’elle a été, durant quelques années, mère adoptive d’une fillette noire dont les parents avaient été victimes de l’épidémie. Elle s’est ensuite engagée dans le Comité provincial pour le suffrage féminin (CPSF), aux côtés de Marie Gérin-Lajoie et de Thérèse Casgrain. Leur collaboration a parfois été source de tensions : alors que les deux autres féministes défendaient des moyens plus modérés, Idola préconisait une stratégie de front pour inciter les candidats aux élections à se prononcer publiquement sur le suffrage et n’hésitait pas à solliciter l’appui des syndicats. Elle a également été très active dans les médias, prenant régulièrement la parole sur les ondes de CKAC et tenant une chronique bilingue au Montreal Herald. Elle a …