Hors-dossierNotes de lecture

Éric Bédard, Survivance. Histoire et mémoire du XIXe siècle canadien-français, Montréal, Boréal, 2017, 238 p.[Record]

  • Martin Lavallée

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  • Martin Lavallée
    Historien

Éric Bédard est un historien très présent médiatiquement et qui contribue de façon significative à la diffusion de notre histoire sur la place publique. À cet égard, son souci et son travail pour « sortir » l’histoire de son confinement à l’université et la rendre accessible au plus grand nombre méritent d’être salués. C’est ce souci de rendre l’histoire accessible et compréhensible au public profane qui l’amène à chercher des interprétations fortes de notre passé, des interprétations globalisantes qui donnent un sens et qui aident à la compréhension d’une période historique donnée. Le titre choisi pour son dernier ouvrage, Survivance, est à ce titre évocateur et ce mot englobe à lui seul toute une partie de notre histoire étudiée dans le livre et qui commence à partir de l’Acte d’Union (1840) jusqu’à l’aurore du XXe siècle. Il s’agit en fait d’un recueil de onze essais, dont deux inédits, publiés dans diverses revues et ouvrages collectifs entre 2002 et 2016. Certains des essais ont été remaniés par l’auteur alors que d’autres sont restés tels que publiés à l’origine. La plupart des essais forment un tout intéressant qui questionne (comme le font plusieurs essais de Bédard) notre rapport à la mémoire et au passé, dans ce cas-ci la deuxième moitié du XIXe siècle canadien-français. À cet égard, ce livre se veut autant un portrait de certains aspects de la période, que Bédard synthétise par le concept de la « survivance », qu’une riche réflexion sur le rôle de l’histoire et de l’historien dans la société. Les quatre premiers essais du livre analysent les idées et les actions politiques de la génération réformiste au lendemain de l’Acte d’Union et l’interprétation qu’en ont donnée les historiens et sociologues qui se sont attardés sur la période. Par la suite, Bédard, on le sait, accorde de l’importance aux « grands hommes » et à la volonté humaine dans l’explication historique. C’est en ce sens que quatre chapitres sont consacrés à des personnages marquants de la période étudiée. Louis-Hippolyte LaFontaine et Joseph-Edouard Cauchon incarnent des politiciens clés de cette période alors que Philippe Aubert de Gaspé et Octave Crémazie incarnent une survivance culturelle qui, par la mise de l’avant d’une littérature canadienne-française, visait à faire mentir lord Durham, pour qui le peuple canadien était un peuple « sans histoire et sans littérature. » Deux autres chapitres s’interrogent sur certains aspects de l’historiographie du XIXe siècle. Le chapitre 7 traite des milieux d’affaires montréalais et remet en question la thèse de Fernande Roy, qui a étudié les hommes d’affaires canadiens-français du tournant du XXe siècle. Dans sa démonstration, Roy faisait primer le libéralisme de ces hommes d’affaires sur toute forme de nationalisme, le collectif ne devant pas venir entraver l’éthique individualiste libérale et l’atteinte du « progrès » matériel de l’ensemble de la société qui devait lui être corollaire. Sceptique, Bédard, sans toutefois infirmer la thèse de Roy, cherche dans les sources qu’elle a étudiées une certaine éthique nationaliste qui aurait pu habiter ces hommes d’affaires, pour qui le succès et la richesse matérielle auraient pu être convoités au nom de la nation canadienne-française plutôt qu’au nom du strict intérêt individuel. Quant au chapitre 10, il analyse le retour d’une histoire politique du XIXe siècle incarné par les ouvrages de Marcel Bellavance, Jean-Marie Fecteau et Louis-Georges Harvey, qui tous les trois proposent une interprétation politique globale de ce XIXe siècle québécois. Enfin, l’ouvrage se clôt par un épilogue au sein duquel Bédard conceptualise et définit ce que représente la survivance dans notre histoire. À l’instar de Lionel Groulx, …

Appendices