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Jean-Charles Panneton est politologue et historien de formation. Il s’intéresse à l’histoire intellectuelle et politique du Québec d’après 1945, et plus particulièrement aux hommes politiques progressistes de la Révolution tranquille. Il est l’auteur de Pierre Laporte, publié en 2011 aux éditions du Septentrion ainsi que de l’ouvrage George-Émile Lapalme : précurseur de la Révolution tranquille, publié chez VLB éditeur en 2000. Il a également collaboré aux ouvrages collectifs Duplessis, son milieu, son époque et Le Devoir, un siècle québécois, tous deux publiés en 2010.
Dans le présent ouvrage, Panneton porte son attention sur le parcours et les idées politiques de René Lévesque entre 1960 et 1976. Divisé en trois parties principales et composé de douze chapitres, Le gouvernement Lévesque aborde en détail les voies politiques qu’a empruntées René Lévesque, le conduisant du cabinet du gouvernement libéral de Jean Lesage à la tête du premier parti indépendantiste de masse de l’histoire du Québec, le Parti québécois (PQ). Basé sur un corpus diversifié (fonds d’archives, revues et journaux, mémoires, entrevues, études spécialisées, etc.), l’ouvrage de Panneton offre un regard synthétique sur la période étudiée, ce qui lui a d’ailleurs permis de recevoir une nomination pour l’édition 2017 du Prix du livre politique de l’Assemblée nationale du Québec.
Malgré le fait que le PQ constitue l’un des partis les plus influents de l’histoire politique québécoise et canadienne, force est d’admettre que l’historiographie relative à son histoire « globale » demeure fondamentalement lacunaire. L’histoire des partis politiques demeurant le parent pauvre de l’historiographie québécoise, surtout pour la période postérieure à 1960, l’ouvrage de Panneton vient ainsi combler un certain vide en proposant une relecture de l’oeuvre politique de René Lévesque. Homme charismatique, social-démocrate convaincu et politicien prêchant le réalisme politique, la figure de Lévesque est intimement liée à l’histoire du PQ. C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques qui ressort de l’ouvrage de Panneton et qui est aussi confirmée par l’historiographie récente, qui tend à démontrer que Lévesque opérait tel un autocrate dans son propre parti.
Globalement, Jean-Charles Panneton offre un récit stimulant du parcours politique de René Lévesque. Il aborde en détail les années qui précèdent la fondation du PQ, notamment à travers l’évolution idéologique de Lévesque, mais aussi à partir de l’évolution du mouvement indépendantiste, qui sort progressivement de la marginalité grâce, entre autres, à l’action militante du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) et du Ralliement national durant la décennie 1960. Il éclaire également l’épisode de la fusion des forces souverainistes (MSA-RN), entreprise qui permit à Lévesque de rassembler autour de lui de nouveaux militants issus des cercles conservateurs et nationalistes. De plus, Panneton montre bien que la fatigue politique affectait déjà René Lévesque à la suite du double échec électoral de 1970 et de 1973. Celui-ci est d’ailleurs passé bien près de quitter le parti afin de retourner à une carrière de journaliste, puisque La Presse lui offrit notamment un contrat chiffré à 100 000 $ par année au début des années 1970 ! Malgré l’évidente tentation de Lévesque, ce dernier demeurera chef du PQ et mènera son parti au pouvoir aux élections de 1976. La gouvernance péquiste sera d’ailleurs au coeur d’un deuxième tome, sur lequel planche actuellement Panneton et qui permettra d’en savoir davantage sur les rouages du pouvoir au sein des hautes sphères décisionnelles du PQ.
Malgré la qualité générale de l’ouvrage et la plume élégante de son auteur, certaines lacunes méthodologiques nous ont malheureusement amenés à poser un regard plutôt critique à l’égard du livre de Panneton. On notera d’abord l’absence d’un appareil référentiel approprié, qui se traduit notamment par la rareté des références bibliographiques (notes de bas de page) et l’absence totale d’une bibliographie détaillée à la fin de l’ouvrage. C’est là un détail qui décevra les lecteurs plus exigeants. Cela est d’autant plus regrettable dans la mesure où l’auteur présente les nombreuses sources qu’il a mises à sa disposition dès les premières pages de l’introduction. Notons aussi que l’auteur (ou la maison d’édition) n’a pas cru bon d’inclure de bilan historiographique relatif à l’histoire du mouvement indépendantiste ou à René Lévesque, un élément décevant considérant le fait que le nombre d’études portant sur ces deux thèmes s’est considérablement accru depuis les vingt dernières années.
De ce fait, on peut se demander si ce livre ne s’adresse pas finalement davantage au grand public plutôt qu’à un lectorat académique. Cette hypothèse est notamment renforcée par le style journalistique utilisé par l’auteur dans la présentation de ses résultats de recherche. Multipliant les sous-titres et privilégiant une approche rigoureusement chronologique, l’auteur nous propose une chronique des grands faits d’armes de René Lévesque. En fait, et sans vouloir retirer de crédit à l’entreprise de Panneton, le lecteur averti trouvera finalement assez peu de connaissances inédites dans les 352 pages qui composent cet ouvrage, surtout après avoir lu les mémoires de René Lévesque, la biographie monumentale que lui a consacré Pierre Godin ou les chroniques politiques qu’ont récemment compilés les historiens Xavier Gélinas et Éric Bédard. Dans cette perspective, il aurait été intéressant de donner une plus grande place aux députés péquistes et aux militant(e)s de l’ombre, qui ont maintenu à flot le PQ lors de la première moitié de la décennie 1970, au moment où Lévesque caressait l’idée d’abandonner complètement la vie politique.
Enfin, il est regrettable que l’ouvrage ne comporte pas de matériel iconographique, surtout lorsque l’on considère le fait que René Lévesque fut sans contredit une personnalité fortement médiatisée qui tira profit des nouvelles formes de publicité politique dans les années 1960 et 1970.
En conclusion, l’ouvrage de Panneton demeure tout de même une addition intéressante à l’historiographie et saura plaira à un lectorat curieux d’en apprendre davantage sur l’histoire politique du mouvement indépendantiste et sur la carrière de René Lévesque. Espérons que le deuxième tome permettra à Panneton de mettre en lumière des aspects inédits de l’histoire du PQ, notamment en lien avec son mode de gouvernance. Espérons aussi que Panneton donnera une voie aux députés, ministres et militant(e)s péquistes qui ont contribué à faire du PQ une véritable institution parlementaire, car faut-il le rappeler, un parti politique n’est jamais l’oeuvre d’un seul homme.